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13/12/2000 | LUXEMBOURG | N°11812

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2000, 11812


N° 11812 du rôle Inscrit le 2 février 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par l’administration communale de Beckerich contre deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11812 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2000 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Beckerich, éta...

N° 11812 du rôle Inscrit le 2 février 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par l’administration communale de Beckerich contre deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11812 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2000 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Beckerich, établi au siège de la commune de Beckerich, dûment autorisé à cet effet par délibération du conseil communal du 24 janvier 2000, tendant à l’annulation, d’une part, d’une décision du ministre de l’Intérieur du 26 octobre 1999, par laquelle celui-ci a refusé d’approuver, sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la délibération du conseil communal de Beckerich du 15 mars 1999 portant adoption définitive d’un projet de modification du plan d’aménagement général et d’aménagement particulier concernant des fonds situés à Beckerich, au lieu-dit “ Auf der Leng ”, tel que présenté par la société anonyme MILLICOM LUXEMBOURG S.A., et, pour autant que de besoin, d’une décision confirmative du même ministre du 22 décembre 1999, et, d’autre part, de la décision du ministre de l’Intérieur du 29 novembre 1999 déclarant irrecevable le recours gracieux introduit par l’administration communale de Beckerich à l’encontre de la décision précitée du 26 octobre 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 29 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER au nom de l’administration communale de Beckerich ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2000 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Marc ELVINGER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 22 juillet 1998, l’administration communale de Beckerich a été saisie, pour compte de la société anonyme MILLICOM LUXEMBOURG S.A., établie et ayant son siège social à L-8077 Bertrange, 177, route de Luxembourg, d’une demande tendant au “ reclassement d’une station antenne TV en station mixte TV et téléphonie mobile ” et à la “ construction d’une station-relais GSM constituée d’antennes placées sur un nouveau pylône, qui remplacera un pylône existant et d’un local technique aménagé au sein du local technique existant ”, avec la spécification que “ les antennes radio existantes seront déplacées sur le nouveau pylône une fois celui-ci installé ”, sur un fonds situé sur le territoire de la commune de Beckerich portant le numéro cadastral 1707/1038, classé en zone verte (zone rurale) au moment de l’introduction de la prédite demande.

Le conseil communal de Beckerich, dénommé ci-après le “ conseil communal ”, décida, dans sa séance du 22 décembre 1998, d’approuver provisoirement un projet de modification du plan d’aménagement général de la commune de Beckerich, dénommé ci-

après le “ PAG ”, et concernant plus particulièrement le fonds précité, situé à Beckerich, afin que le terrain, actuellement situé en zone rurale, soit reclassé en fonds réservé à l’équipement public (besoin communal pour l’installation de dispositifs de télécommunications ), nonobstant l’avis négatif émis le 19 octobre 1998 par la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur, basé sur le fait qu’il y aurait “ absolument lieu d’éviter de créer des îlots de zones constructibles en plein milieu des zones vertes régies par la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ”.

Aucune objection n’a été formulée à l’encontre de l’approbation provisoire précitée du 22 décembre 1998.

En date du 15 mars 1999, le conseil communal approuva définitivement la modification précitée du PAG.

Par un transmis lui adressé de la part du commissaire de district en date du 4 novembre 1999, l’administration communale de Beckerich a été informée de la décision prise par le ministre de l’Intérieur en date du 26 octobre 1999 suivant laquelle celui-ci n’était pas “ en mesure d’approuver sur la base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la délibération du 15 mars 1999 du conseil communal portant adoption définitive du projet de modification du Projet d’Aménagement Général et d’aménagement particulier concernant des fonds sis à Beckerich au lieu-dit “ Auf der Leng ”, présenté par la société MILLICOM LUXEMBOURG, alors qu’il importe d’éviter d’inclure dans le périmètre d’agglomération des fonds situés en rase campagne et de créer ainsi des îlots destinés à la construction ”.

Le mandataire de la commune de Beckerich introduisit, au nom de celle-ci, un recours gracieux en date du 10 novembre 1999 auprès du ministre de l’Intérieur, à l’encontre de la décision précitée du 26 octobre 1999, par lequel il le pria de revenir sur sa décision du 26 octobre 1999 en question et d’approuver en conséquence la délibération du 15 mars 1999 du conseil communal.

2 En réponse à la lettre précitée du 10 novembre 1999, le ministre de l’Intérieur informa le prédit mandataire, par courrier du 29 novembre 1999, qu’il regrettait de devoir l’informer “ qu’un recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature réglementaire, la Constitution et la loi ayant mis en place, pour le cas de l’espèce, le recours en annulation d’un acte à caractère réglementaire devant le Tribunal administratif ” et qu’il déclarait en conséquence le recours gracieux précité irrecevable.

A la suite d’une nouvelle lettre adressée par le mandataire de la commune de Beckerich en date du 14 décembre 1999 au ministre de l’Intérieur, par laquelle le prédit mandataire exprima son désaccord quant à la question de savoir si un recours gracieux pouvait se concevoir à l’égard d’actes administratifs à caractère réglementaire, et par laquelle il le pria, une nouvelle fois, de revoir sa décision initiale du 26 octobre 1999 en vue d’accorder son approbation tutélaire au vote définitif du conseil communal, tel que résultant de la délibération de celui-ci du 15 mars 1999, le ministre de l’Intérieur répondit au mandataire de la commune de Beckerich, par courrier du 22 décembre 1999, qu’il n’avait pas “ l’intention de modifier de [son] propre gré [sa] décision du 26 octobre 1999 ”, en confirmant par ailleurs sa décision précitée du 29 novembre 1999 suivant laquelle il était d’avis “ qu’un recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature réglementaire ”.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2000, l’administration communale de Beckerich a fait introduire un recours en annulation contre les décisions précitées du ministre de l’Intérieur des 26 octobre, 29 novembre et 22 décembre 1999.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai légaux.

Au vœu de l’article 13, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives “ (…) le recours au tribunal n’est plus recevable après 3 mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ”.

En l’espèce, la décision attaquée du 26 octobre 1999 a été notifiée à l’administration communale de Beckerich en date du 4 novembre 1999, et, en l’absence d’indications afférentes, les décisions attaquées des 29 novembre et 22 décembre 1999 ont été notifiées au mandataire de la commune au plus tôt le lendemain de la date à laquelle lesdites décisions ont été prises par le ministre de l’Intérieur.

Il suit de ce qui précède que le recours contentieux, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2000 a été introduit dans le délai de trois mois, tel que prévu à l’article 13, paragraphe (1) de la loi précitée du 21 juin 1999, dans la mesure où ce délai a couru au moins jusqu’au 4 février 2000. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

Il échet de relever tout d’abord que sur question posée par le tribunal au cours des plaidoiries, les représentants des parties ont été d’accord pour dire que nonobstant la terminologie utilisée par non seulement les décisions ministérielles précitées des 26 octobre et 29 novembre 1999 mais également par les décisions du conseil communal des 3 22 décembre 1998 et 15 mars 1999, portant respectivement approbation provisoire et définitive d’un “ projet de modification du plan d’aménagement général et d’aménagement particulier de fonds, situés à Beckerich, au lieu-dit “ Auf der Leng ”, les décisions en question ont exclusivement porté sur une modification à apporter au PAG et que c’est par erreur que les autorités en question se sont référées également à un projet d’aménagement particulier. Partant, seules les dispositions légales et réglementaires applicables aux plans d’aménagement généraux trouvent application en l’espèce.

A l’appui de son recours, la demanderesse estime tout d’abord que ce serait à tort que, dans sa décision précitée du 29 novembre 1999, le ministre de l’Intérieur a déclaré irrecevable le recours gracieux introduit par elle en date du 10 novembre 1999 contre la décision également attaquée du 26 octobre 1999.

Elle estime plus particulièrement que le ministre de l’Intérieur a commis une violation de la loi en retenant “ qu’un recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature réglementaire ”, en soutenant que la décision à prendre par le ministre de l’Intérieur dans le cadre des réclamations dirigées contre les dispositions des parties écrite ou graphique d’un plan d’aménagement général ne saurait être rangée dans la catégorie des “ textes normatifs de nature législative ou réglementaire ” ou dans la catégorie des textes normatifs “ d’essence politique ” et que ce ne serait pas en raison du fait que la Constitution et la loi ont mis en place un recours en annulation propre aux actes administratifs à caractère réglementaire qu’un recours gracieux à leur encontre ne pourrait pas être envisagé. Pareille situation existerait en effet également en matière de décisions administratives individuelles, sans que pour autant le recours gracieux ne serait pour autant exclu de ce domaine. Elle se réfère encore à un arrêt de la Cour administrative du 25 novembre 1997 (Commune de Berdorf, n° 9477C du rôle), en ce que celui-ci a déclaré recevable un recours gracieux émanant de l’autorité communale, de nature à interrompre le cours du délai de recours contentieux. Elle demande partant au tribunal administratif de statuer conformément à cette jurisprudence. Enfin, la demanderesse se réfère à l’article 15 de la loi précitée du 21 juin 1999, dans la mesure où celui-ci rend applicables les articles 1er à 14 de ladite loi et plus particulièrement son article 13 qui prévoit expressément l’existence de la possibilité d’introduire un recours gracieux. Ainsi, et en l’absence d’une disposition légale contraire, ledit article 13, dans la mesure où il règlemente plus particulièrement l’introduction de recours gracieux contre des décisions administratives, s’appliquerait également aux actes administratifs à caractère réglementaire.

Le délégué du gouvernement estime au contraire que les lois précitées des 7 novembre 1996 et 21 juin 1999, en ce qu’elles traitent de la possibilité d’introduire un recours contentieux contre des actes administratifs à caractère réglementaire, auraient seulement eu pour objet de désigner l’autorité juridictionnelle compétente pour traiter des recours en annulation à diriger contre de tels actes, sans apporter aucune modification quant à la nature du recours, qui resterait un recours en annulation. Il en résulterait qu’un recours gracieux ne se concevrait pas à l’égard d’un refus d‘approbation d’une délibération à caractère réglementaire d’un conseil communal.

L’introduction d’un recours gracieux auprès de l’autorité compétente, sur base de l’article 13, paragraphes (2) à (4) de la loi précitée du 21 juin 1999, avant l’expiration du délai de recours contentieux, a essentiellement pour effet de suspendre ledit délai et de faire courir un nouveau délai contentieux à partir de la notification de la nouvelle décision 4 qui intervient à la suite dudit recours gracieux ou à partir de l’expiration d’un délai de trois mois qui s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux, sans qu’il soit intervenu une nouvelle décision.

Il n’existe donc un intérêt à analyser la question de savoir si un recours gracieux a pu être introduit qu’au cas où le délai du recours contentieux susceptible d’être dirigé contre la décision contre laquelle un recours gracieux a été introduit, a en principe expiré.

Or, en l’espèce, le recours contentieux déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2000 a été introduit dans le délai de trois mois courant à partir de la notification, en date du 4 novembre 1999, de la décision déférée du 26 octobre 1999, comme il a été retenu ci-avant.

Il s’ensuit que la demanderesse n’a intérêt à attaquer ni la décision du 29 novembre 1999 ni la décision ministérielle également déférée du 22 décembre 1999, en ce qu’elle confirme la décision précitée du 29 novembre 1999, en stipulant qu’“ un recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature réglementaire ” et le recours est partant à déclarer irrecevable en tant que dirigé contre ces décisions ministérielles ainsi qualifiées.

La demanderesse soutient encore, dans son mémoire en réplique, que ce serait à tort que le ministre de l’Intérieur a émis la décision tutélaire déférée, en date du 26 octobre 1999, au sujet de l’approbation définitive par le conseil communal de la modification à apporter au PAG, étant donné que dans la mesure où aucune réclamation n’a été dirigée contre l’approbation provisoire, décidée par le conseil communal en date du 22 décembre 1998, une approbation tutélaire par le ministre de l’Intérieur n’était pas requise.

Dans ce contexte, la demanderesse fait plus particulièrement valoir que l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 n’accorderait aucun pouvoir général d’approbation au ministre de l’Intérieur en matière de plans d’aménagement communaux et que par ailleurs l’article 106 de la loi communale du 13 décembre 1988 n’énumérerait pas, parmi les actes soumis à l’approbation du ministre de l’Intérieur, les plans d’aménagement généraux, tels qu’approuvés par les conseils communaux.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement rétorque que l’interprétation ainsi donnée à l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 par la partie demanderesse ne serait pas conforme “ aux intentions du législateur ”, au motif que l’exposé des motifs du projet de loi n° 4486 concernant l’aménagement des communes (sic !), prévoit qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption des projets d’aménagement général ou particulier, il y aurait dorénavant lieu de renoncer au second vote du conseil communal lorsqu’aucune réclamation n’est présentée à la suite du premier vote dudit conseil, et que tout projet non contesté pourrait donc être soumis à l’approbation du ministre de l’Intérieur à l’expiration du délai de publication qui suit ladite décision du conseil communal. Le représentant étatique entend tirer de ce constat que “ dans l’intention du législateur ” tant le second vote du conseil communal que l’approbation ministérielle seraient requises dans le cadre de la loi précitée du 12 juin 1937.

Les décisions déférées du ministre de l’Intérieur des 26 octobre et 22 décembre 1999 sont intervenues dans le cadre de l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937. Il est 5 constant que suite à la délibération du conseil communal du 22 décembre 1998 portant approbation provisoire de la demande de modification du PAG, telle que présentée au nom de la société anonyme MILLICOM LUXEMBOURG S.A., aucune réclamation n’a été présentée dans les délais légaux, ainsi qu’il résulte des considérants à la base de la décision d’approbation définitive du 15 mars 1999.

Nonobstant le fait que l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 est sujet à interprétation, notamment au regard de l’article 107 de la Constitution et du principe de l’autonomie communale en découlant, il n’en demeure pas moins qu’en vertu de la disposition légale en question, les décisions à prendre par un conseil communal en matière d’approbation d’un plan d’aménagement général ont le caractère d’un acte administratif à caractère réglementaire, préparatoire et intérimaire nécessitant en toute hypothèse l’approbation de l’autorité de tutelle (Cour adm. 16 novembre 2000, Kremer, n° 11878C du rôle, non encore publié). Cette interprétation de l’article 9 est par ailleurs conforme aux exigences de l’article 8 de la charte européenne de l’autonomie locale, signée à Strasbourg, le 15 octobre 1985 et approuvée par la loi du 18 mars 1987 (cf. ibidem). Le moyen afférent est partant à rejeter.

Quant aux décisions ministérielles des 26 octobre et 22 décembre 1999, - cette dernière étant analysée dans la mesure où elle constitue une décision confirmative de celle du 26 octobre 1999 -, la demanderesse estime que celles-ci seraient à annuler, en ce que le ministre de l’Intérieur ne se serait appuyé, pour refuser son approbation, sur aucun motif touchant à la légalité de la délibération du conseil communal ou à la régularité de la procédure afférente, que les seuls motifs invoqués à l’appui de ses décisions déférées relèveraient en réalité de la compétence du ministre de l’Environnement sur base de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, qu’il aurait commis une erreur de droit dans la mesure où il aurait estimé à tort qu’en zone verte seule l’autorisation du ministre de l’Environnement, sur base de la loi précitée du 11 août 1982, était requise en vue de l’érection d’une station de base GSM et qu’un reclassement des fonds devant accueillir ladite station en “ fonds réservés à l’équipement public ” ne serait dès lors pas nécessaire, et qu’il aurait commis un détournement de pouvoir en invoquant “ des motifs qui, en réalité, sont … totalement étrangers aux faits de l’espèce et en sacrifiant ainsi l’intérêt communal à de pures considérations de rapports de pouvoir ”. Il conclut encore que la motivation ainsi retenue par le ministre de l’Intérieur serait entachée d’une erreur de fait ou procéderait respectivement d’une appréciation manifestement erronée des faits et du contexte, étant donné que, d’une part, conformément à l’article 15 du règlement grand-ducal du 25 avril 1997 fixant les conditions minimales du cahier des charges pour l’établissement et l’exploitation de réseaux de service, les exploitants de réseaux GSM sont obligés de profiter, dans la mesure du possible, d’infrastructures d’ores et déjà existantes, ce qui serait possible en l’espèce, en ce qu’il existe sur les fonds litigieux déjà une antenne collective de la commune de Beckerich et qu’il y aurait partant “ un intérêt évident à créer les conditions légales pour que la société MILLICOM puisse installer sa station de base GSM à l’endroit actuellement envisagé ”, et, d’autre part, et contrairement aux craintes exprimées par le ministre de l’Intérieur, la commune de Beckerich n’entendrait pas classer les fonds litigieux dans le périmètre d’agglomération, alors que ceux-ci continueraient à être situés en dehors dudit périmètre, en étant exclusivement destinés à recueillir des équipements publics.

6 Le délégué du gouvernement rétorque que les décisions des 26 octobre et 22 décembre 1999 auraient été adoptées en conformité des dispositions légales et réglementaires en vigueur et ne sauraient par conséquent encourir le reproche de la violation de la loi. Ainsi, les motifs qui auraient amené le ministre de l’Intérieur à prendre les décisions contestées relèveraient de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, de sorte qu’il n’aurait pas dépassé le cadre des attributions lui confiées par la loi précitée du 12 juin 1937. Le représentant étatique estime plus particulièrement que par le reclassement projeté par le conseil communal de Beckerich, le terrain litigieux aurait pu être affecté à toutes constructions nécessaires à des besoins de télécommunications, sans égard aux dimensions et aspect des installations, étant donné qu’aucune partie écrite n’était jointe au projet pour réglementer ce genre d’équipement. Cette façon de procéder aurait ouvert des possibilités dépassant largement la simple installation d’une station GSM et elle aurait contribué au développement désordonné de la localité de Beckerich par la création, en plein milieu naturel, d’un îlot de zone constructible non réglementée par ladite prescription d’urbanisme. Contrairement aux allégations de la partie demanderesse, le ministre de l’Intérieur n’aurait pas eu pour objectif de conserver un site naturel en se basant sur des considérations relevant de la protection de la nature, mais de garantir un urbanisme conforme aux règles de l’art.

Il soutient encore qu’il appartiendrait au ministre de l’Intérieur d’apprécier non seulement la légalité des actes qui lui sont soumis pour approbation, mais de les juger encore quant à leur opportunité, en vue de garantir que les décisions des autorités communales ne violent aucune règle de droit et garantissent l’intérêt général.

Il estime par ailleurs que le conseil communal, au lieu de créer, en zone verte, un îlot classé en “ terrains réservés à l’équipement public, besoin communal pour l’installation d’équipements de télécommunications ”, sans assortir ledit classement de règles d’urbanisme, aurait dû maintenir le classement dudit terrain en zone rurale, et compléter la partie écrite du PAG en élargissant les dispositions régissant actuellement ladite zone rurale de manière à permettre l’installation de stations GSM dans la zone en question, en prévoyant des règles d’urbanisme, de sécurité et de salubrité dans ce contexte.

Le représentant étatique soutient par ailleurs que ce serait à tort que les autorités communales prétendent que les fonds concernés continueraient à être situés en dehors du périmètre d’agglomération, étant donné que le reclassement initié par elles aurait nécessairement eu pour conséquence de “ sortir ” le fonds concerné de la zone rurale qui serait en réalité la zone verte au sens de la loi précitée du 11 août 1982, en vue de le reclasser dans une zone réservée se situant nécessairement à l’intérieur du périmètre d’agglomération, conformément au “ règlement des bâtisses ” de la commune de Beckerich.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste que le ministre de l’Intérieur dispose du pouvoir de juger en opportunité les décisions communales prises en matière d’aménagement du territoire, en insistant sur le fait qu’il appartiendrait seulement au ministre de l’Intérieur de vérifier la légalité ainsi que la régularité juridique de l’acte litigieux, en ce qu’il exercerait un simple contrôle tutélaire, le contrôle de l’opportunité n’appartenant au contraire qu’au pouvoir hiérarchique dont ne disposerait pas le ministre de l’Intérieur dans le cadre de son contrôle de tutelle. D’après la demanderesse, il y aurait 7 lieu d’éviter qu’en autorisant le ministre de l’Intérieur à exercer un contrôle en opportunité des décisions communales afférentes, celui-ci puisse arbitrairement “ ou du moins sur base de choix tout à fait subjectifs ”, refuser l’approbation requise.

La demanderesse relève que c’est pour la première fois dans le cadre du mémoire en réponse du délégué du gouvernement qu’a été invoquée l’absence de partie écrite relative à la modification à apporter au PAG, alors que même la commission d’aménagement n’a pas, dans son avis du 19 octobre 1998, fait état de cette prétendue absence pour motiver son avis défavorable quant à la modification envisagée par les autorités communales de Beckerich. Elle s’oppose encore à l’argumentation proposée tant par la prédite commission d’aménagement que par le délégué du gouvernement, dans la mesure où ceux-ci ont exprimé l’avis qu’il appartiendrait à la commune de Beckerich de procéder à une modification de la partie écrite du PAG, de manière à autoriser, d’une manière générale, la construction, en zone verte, de constructions du type de celles qui sont en cause en l’espèce, de sorte à entraîner la “ prolifération irraisonnée ” des antennes GSM sur le territoire communal, contrairement à la destination naturelle et rurale de la zone verte.

En ce qui concerne plus particulièrement la prétendue absence de partie écrite comme corollaire indispensable de la modification à apporter au PAG, la demanderesse soutient que ce motif ne serait pas entièrement correct dans la mesure où les règles générales contenues dans le règlement des bâtisses de la commune de Beckerich s’appliqueraient à toutes les constructions à ériger dans la commune, quelle que soit la zone dans laquelle elles sont projetées. Par ailleurs, cette objection ne serait pas pertinente, dans la mesure où la situation ne différerait aucunement de celle existant - et antérieurement approuvée par le ministre de l’Intérieur - pour les autres “ terrains réservés ”, qu’il s’agisse de ceux “ réservés aux installations sportives ”, de ceux “ réservés à l’agrandissement d’écoles ” ou encore de ceux “ réservés à l’agrandissement des cimetières ”. Il n’y aurait donc eu aucune nécessité de prévoir une partie écrite spécifique à la zone actuellement envisagée par le conseil communal de Beckerich.

Dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, le tribunal administratif a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés (Cour adm. 16 novembre 2000, précité).

Un bourgmestre n’est en droit d’émettre une autorisation en vue de l’installation d’une station de base pour la couverture d’un réseau de téléphonie mobile sur un terrain donné, qu’à condition que le terrain devant accueillir la station de base en question se situe dans une zone dans laquelle, d’après le plan d’aménagement général de la commune concernée, ce projet de construction répond à une des catégories de constructions pouvant être autorisées dans une telle zone (trib. adm. 24 juin 1998, n° 10381 du rôle, Entreprise des P&T contre l’administration communale de Beckerich, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 11 février 1999, n° 10818C du rôle).

8 Il s’ensuit que le bourgmestre de la commune de Beckerich ne peut autoriser l’installation de stations de base GSM que dans les zones, telles que décrites dans le plan d’aménagement général de sa commune, qui permettent expressément la construction de telles installations. Au cas où le bourgmestre souhaite autoriser l’installation d’une telle station de base dans une zone dans laquelle une telle construction est interdite d’après les dispositions en vigueur à ce moment sur base du PAG, il devra d’abord faire autoriser, suivant les règles et procédures applicables en la matière, une modification à apporter au PAG avant de pouvoir le cas échéant autoriser la construction projetée.

Comme les autorités communales de Beckerich souhaitaient autoriser l’installation d’une telle station de base dans une zone, à savoir, en l’espèce, la zone rurale, dans laquelle suivant les dispositions en vigueur du PAG, une telle construction n’était pas admissible, elles ont à bon droit entamé la procédure telle que prévue par la loi précitée du 12 juin 1937 en vue d’apporter une modification au PAG et de classer le fond devant accueillir ladite installation dans une zone qui, d’après les prescriptions à figurer dans le PAG, rend possible de telles installations de télécommunications.

Le ministre de l’Intérieur a partant commis une erreur d’appréciation non seulement des faits mais également de la situation juridique, en estimant qu’il ne serait pas nécessaire de procéder à une modification du PAG en vue d’autoriser la construction de la station de base GSM et il a, à tort, estimé que la modification à apporter au PAG avait pour but d’étendre le périmètre d’agglomération de la commune de Beckerich et de permettre ainsi des constructions en “ rase compagne ”. Il a partant commis une erreur manifeste d’appréciation devant conduire à l’annulation des décisions attaquées des 26 octobre et 22 décembre 1999, en ce que cette dernière matérialise “ l’intention [du ministre de l’Intérieur de ne pas] modifier de [son] propre gré [sa] décision du 26 octobre 1999 ”, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens développés par la partie demanderesse.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que le conseil communal n’a pas procédé à l’adoption d’une partie écrite à l’appui de la modification de la partie graphique du PAG, contenant les règles d’urbanisme à observer dans la zone nouvellement créée, étant donné qu’en l’espèce la description de la nouvelle zone, telle que décrite à la partie graphique du PAG ensemble le règlement des bâtisses ne rendent pas indispensable une modification afférente à apporter à la partie écrite du PAG.

La demanderesse a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 150.000.-

francs au titre de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, afin de la dédommager des prétendus frais “ non négligeables ” liés à l’exercice d’un recours contentieux. Il n’y a pas lieu de faire droit à ladite demande qui, même si elle se base erronément sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, est en réalité basé sur l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999 n’est pas justifiée, étant donné que les conditions afférentes ne sont pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

9 déclare le recours irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision ministérielle du 29 novembre 1999 ainsi que contre la décision ministérielle du 22 décembre 1999, en ce que celle-ci confirme la décision précitée du 29 novembre 1999;

reçoit le recours en annulation en la forme pour le surplus;

au fond le déclare justifié, partant annule les décisions ministérielles déférées des 26 octobre et 22 décembre 1999 en ce que celle-ci confirme la décision précitée du 26 octobre 1999;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 13 décembre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11812
Date de la décision : 13/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-13;11812 ?

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