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11/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12315

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2000, 12315


N° 12315 du rôle Inscrit le 8 septembre 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MURATOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12315 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2000 par Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURATOVIC, né le … à …(Monténégro), de ...

N° 12315 du rôle Inscrit le 8 septembre 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MURATOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12315 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2000 par Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURATOVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 juillet 2000, notifiée le 11 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Romain LUTGEN et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 décembre 2000.

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En date du 2 février 1999, Monsieur … MURATOVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur MURATOVIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 2 août 1999, Monsieur MURATOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 25 juillet 2000, notifiée le 11 août 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur MURATOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté la Yougoslavie le 29 janvier 1999.

Vous exposez que vous avez fait votre service militaire en 1993/1994 à Pristina. Vous auriez reçu deux convocations écrites pour la réserve en décembre 1998 et en janvier 1999, convocations que vous auriez refusé d’accepter.

Vous expliquez qu’en tant que musulman vous n’auriez pas voulu vous battre ensemble avec les Serbes contre d’autres musulmans.

Vous indiquez que vous risqueriez une peine d’emprisonnement pour votre refus de faire la réserve.

Vous déclarez ne pas avoir voulu faire la guerre au Kosovo.

Force est cependant de constater que la crainte d’une condamnation pénale pour le fait de ne pas avoir accompli ses obligations militaires n’est pas suffisante pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

De même l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable pour obtenir le statut de réfugié.

En plus, le conflit armé au Kosovo s’est t…é en mai 1999, de sorte que la crainte d’une guerre n’est plus justifiée.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. ” Par requête déposée en date du 8 septembre 2000, Monsieur MURATOVIC a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 25 juillet 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

2 Au fond, le demandeur fait exposer que son pays d’origine, le Monténégro, tout en faisant officiellement partie intégrante de la confédération yougoslave, se trouverait en “ conflit larvé ” avec la Serbie dont théoriquement il serait l’allié pour soutenir qu’en sa qualité de citoyen du Monténégro n’ayant pas accompli ses obligations militaires, il serait dans une situation spécifique, étant donné que le service militaire constituerait pour la grande majorité des monténégrins en fait l’enrôlement dans une armée qu’ils considéreraient comme étrangère et dont les violations des droits de l’homme auraient été nombreuses. Il estime que dans ces conditions, obliger un ressortissant du Monténégro qui n’a pas accompli ses obligations militaires à rentrer à l’heure actuelle dans son pays reviendrait à le mettre à la merci d’un régime politique mis au ban par la communauté internationale pour violation des droits de l’homme, de sorte que les craintes de persécution par lui alléguées seraient pour le moment encore pleinement justifiées.

Le délégué du Gouvernement rétorque que l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié et estime que ce serait vainement que le demandeur essaie de mettre en rapport son insoumission avec la situation générale dans laquelle se trouve le Monténégro, étant donné que pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique, le demandeur d’asile devrait prouver, sinon pour le moins dûment alléguer, une persécution individuelle dans son chef et non seulement se contenter de se référer la situation générale de son pays d’origine.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclaration faites par Monsieur MURATOVIC lors de son audition en date du 2 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés en cours de procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans son chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant le motif de l’insoumission, force est en effet de constater qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son 3 pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève.

En effet, au-delà du fait que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit avoir déserté l’armée fédérale yougoslave pour des raisons de conscience valables susceptibles de justifier, en application de la Convention de Genève, la reconnaissance du statut de réfugié politique, et que des traitements discriminatoires auraient pu lui être infligés dans le cadre de son service militaire, il reste encore en défaut d’établir, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission et de la loi d’amnistie votée par le parlement du Monténégro visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale serbe, qu’une condamnation pour insoumission le cas échéant encourue serait effectivement exécutée à son encontre.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

donne acte au demandeur de ce qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire ;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 décembre 2000 par:

M. Ravarani, président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12315
Date de la décision : 11/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-11;12315 ?

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