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11/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12288

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2000, 12288


N° 12288 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … AHMAGJEKAJ, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12288 et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AHMAGJEKAJ, né le

à … (Kosovo/Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement...

N° 12288 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … AHMAGJEKAJ, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12288 et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AHMAGJEKAJ, né le … à … (Kosovo/Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 mars 2000, notifiée le 25 avril 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 26 juillet 2000, notifiée au mandataire du demandeur le 31 juillet 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 10 février 1998, Monsieur … AHMAGJEKAJ, né le … à … Décane (Kosovo/Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur AHMAGJEKAJ fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur AHMAGJEKAJ fut en outre entendu les 26 août 1998 et 20 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Le 12 janvier 2000, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 9 mars 2000, notifiée le 25 avril 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur AHMAGJEKAJ de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ Me ralliant à l’avis émis le 12 janvier 2000 par la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie ”.

Par lettre datée du 24 mai 2000, entrée au ministère de la Justice le lendemain, Monsieur AHMAGJEKAJ introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 9 mars 2000.

Par décision du 26 juillet 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 31 août 2000, Monsieur AHMAGJEKAJ a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 9 mars et 26 juillet 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Kosovo et de religion musulmane, qu’il aurait quitté son pays en raison d’actes de violences commises par la police serbe à l’occasion d’une perquisition à son domicile quelques jours avant son départ et qu’il aurait été violemment frappé et gravement blessé.

Il conclut à la réformation des décisions ministérielles pour violation de la loi et pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Il reproche spécialement au ministre de ne pas avoir pris en considération le fait prérelaté de l’agression commise par la police serbe en raison de sa religion et il relève la gravité de ses séquelles. Sur ce, il estime qu’il ferait valoir des craintes justifiées de persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique.

2 Il ajoute que la situation actuelle au Kosovo, à savoir la présence des forces onusiennes ne serait pas de nature à le sécuriser “ en raison du caractère particulier de la persécution dont il s’estime victime ”. Il soutient qu’il serait dans l’impossibilité de retourner au Kosovo.

A titre subsidiaire, le demandeur sollicite un sursis à statuer, en attendant que le ministre de la Justice ait pris une décision en rapport avec un permis de séjour qu’il aurait sollicité suite à son mariage en date du 17 mai 2000 avec Madame E. D.M. “ laquelle est titulaire au Luxembourg d’une carte de séjour ”, au motif que les deux affaires seraient en étroite connexité.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur AHMAGJEKAJ et que son recours laisserait d’être fondé.

Il convient en premier lieu d’examiner la demande de sursis à statuer présentée par le demandeur. Ladite demande est à rejeter, étant donné que l’octroi ou le refus d’un permis de séjour au Luxembourg n’est pas de nature à influer la prise de décision relativement à la présente affaire ayant trait à la reconnaissance ou non du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur AHMAGJEKAJ lors de ses auditions respectives en date des 26 août 1998 et 20 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les trois comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

3 En effet, il convient de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. - Sur ce, c’est à bon droit que la commission consultative pour les réfugiés et le ministre de la Justice, - qui s’est rallié à l’avis de ladite commission -, ont relevé que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine de répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place, et qu’il convient d’en conclure que le demandeur ne peut plus faire état d’un risque actuel de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de sa crainte de subir de la part des autorités serbes des actes de persécution du fait de son appartenance ethnique et de sa religion musulmane.

En l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer que les forces onusiennes et l’administration civile actuellement en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo et il n’a pas fait état de persécutions vécues qui soient d’une gravité telle qu’il ne puisse pas se réclamer de la protection des autorités actuellement en place au Kosovo et qu’un retour au Kosovo lui soit impossible.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

rejette la demande en sursis à statuer présentée par le demandeur;

au fond déclare le recours non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 11 décembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12288
Date de la décision : 11/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-11;12288 ?

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