La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12130

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2000, 12130


N° 12130 du rôle Inscrit le 18 juillet 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

===============================

Recours formé par Monsieur … NTAMBALA, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

-------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 12130 du rôle et déposée en date du 18 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Sylvie KREICHER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur … NTAMBALA, de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L...

N° 12130 du rôle Inscrit le 18 juillet 2000 Audience publique du 11 décembre 2000

===============================

Recours formé par Monsieur … NTAMBALA, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

-------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 12130 du rôle et déposée en date du 18 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Sylvie KREICHER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NTAMBALA, de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l'annulation d'une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 avril 2000 refusant de lui accorder le permis de travail sollicité ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sylvie KREICHER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 novembre 2000.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Par arrêté du 16 janvier 1996, le ministre du Travail et de l’Emploi a refusé le permis de travail à Monsieur … NTAMBALA, né le …, de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-… “ - pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi ;

-

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste déclaré non vacant par l’employeur ;

-

des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place ”.

Il se dégage encore des pièces versées au dossier que depuis le 15 avril 1998 Monsieur NTAMBALA est au service du sieur … en tant que portier à la discothèque …, et qu’une demande en obtention du permis de travail pour ce poste fut rencontrée par décision ministérielle négative du 19 janvier 2000. Sur intervention du mandataire de Monsieur NTAMBALA du 23 mars 2000, le ministre du Travail et de l’Emploi, “ afin de couper court à toute discussion sur la façon dont ce dossier a été traité ”, a décidé de retirer ses lettres du 19 janvier 2000 à Monsieur NTAMBALA et à Monsieur … et, par courrier datant du 14 avril 2000, a demandé à ses services d’instruire le dossier à nouveau.

Par décision du 19 avril 2000, le ministre, après avoir relevé que Monsieur NTAMBALA exerce depuis le 15 avril 1998 la fonction de portier auprès du sieur … sans être en possession d’une autorisation de séjour et d’une autorisation de travail, informa Monsieur NTAMBALA de ce qui suit : “ (…) me référant à ma décision du 16 janvier 1996 de vous refuser l’autorisation de travail pour l’exercice d’une profession ne nécessitant aucune qualification particulière, je suis au regret de vous informer que je ne peux que confirmer cette décision d’autant plus que des demandeurs d’emploi pouvant exercer la fonction de portier étaient et sont toujours disponibles sur place ”.

Par requête déposée en date du 18 juillet 2000, Monsieur NTAMBALA a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 19 avril 2000.

Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité de ce recours en faisant valoir que la lettre ministérielle du 19 avril 2000 ne constituerait pas une décision nouvelle, susceptible de faire l’objet d’un recours, étant donné qu’elle ne serait que confirmative de la décision du 16 janvier 1996 ayant acquis l’autorité de la chose décidée et qu’aucun fait nouveau comportant une modification de la situation juridique de Monsieur NTAMBALA ne se serait produit depuis la dite décision du 16 janvier 1996. Il relève en outre qu’aucun argument nouveau n’aurait été présenté par le demandeur.

S’il est vrai qu’en principe une nouvelle décision prise sur base d’une demande réitérée, en dehors du délai de recours contre une décision antérieure n’est pas distincte de cette dernière et n’ouvre ainsi pas de nouveau délai de recours, dès lors que la nouvelle décision confirme purement et simplement la décision antérieure, il en est autrement si la décision confirmative est basée au moins partiellement sur des éléments nouveaux à l’égard desquels l’administration prend position, ou encore si l’administration elle-même procède au réexamen du dossier (cf. trib. adm. 7 mai 1997, n° 9322 du rôle, De Castro Freitas, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, n° 48 et autres références y citées).

En l’espèce il se dégage du courrier du ministre du 14 avril 2000 adressé au mandataire du demandeur qu’il a fait procéder à une nouvelle instruction du dossier, ceci “ afin de couper court à toute discussion sur la façon dont ce dossier a été traité ”, de sorte que la décision déférée, tout en étant purement confirmative du refus ministériel initial du 16 janvier 1996 d’accorder un permis de travail au demandeur, a ouvert dans le chef de celui-ci un nouveau délai de recours pour avoir été prise sur réexamen du dossier.

Le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’en présence de nouveaux éléments de fait et de droit, le renvoi pur et simple aux motifs de la décision du 16 janvier 1996 constituerait une erreur tant en fait qu’en droit, de sorte que la décision déférée 2 manquerait de justification et violerait la loi. Il s’empare ensuite des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que son “ expulsion indirecte par le refus du permis de travail ” constituerait manifestement une ingérence dans le droit fondamental au respect de sa vie familiale. Il invoque en outre l’article 18 de la Convention européenne des droits de l’homme pour faire valoir qu’au vu de l’implantation durable de sa cellule familiale et de son intégration sociale économique au Luxembourg, cette ingérence ne serait nullement justifiée par un besoin social impérieux, ni proportionnée au but poursuivi, pour autant qu’il soit légitime quod non.

Force est de constater que le seul changement depuis 1996 au niveau de sa situation juridique invoqué par le demandeur est le fait qu’il est employé suivant un contrat de travail à durée indéterminée daté du 15 avril 1998 en tant que portier de la discothèque …. Dans la mesure où la décision déférée, tel que l’admet le demandeur même, prend expressément position par rapport à cet élément nouveau, en relevant d’abord que la fonction en question est exercée sans autorisation de travail, ainsi qu’en retenant que des demandeurs d’emploi pouvant exercer la fonction de portier étaient et sont toujours disponibles sur place, la décision déférée n’a pas opéré un renvoi pur et simple aux motifs de la décision du 16 janvier 1996, mais a réévalué lesdits motifs, tout en confirmant ce refus antérieur par rapport à l’élément nouveau en cause.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (voir trav. parl. Projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, et de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

Il s’ensuit que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’E.E.E. se justifie en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité congolaise, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’accord sur l’E.E.E..

En l’espèce, il est constant à travers les pièces versées au dossier et non contestées par le demandeur que celui-ci a occupé le poste de portier auprès de Monsieur … depuis le 15 avril 1998. Il est encore contant que le demandeur ne conteste pas en fait que le poste de travail en cause n’avait pas été déclaré vacant par l’employeur.

Or, concernant le motif de refus “ - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ” expressément énoncé dans la décision du 16 janvier 1996 et repris par renvoi par la décision ministérielle déférée, force est de constater que l’article 10 (1) du 3 règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, dispose dans son deuxième alinéa que “ la non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’emploi, conformément à l’article 9, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ”.

Face au caractère clair et précis de cette disposition réglementaire, le ministre a partant valablement pu refuser le permis de travail sollicité au seul motif que le poste de travail ne fut pas déclaré vacant par l’employeur, de sorte que l’examen des autres motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré, ainsi que de ceux complémentaires fournis en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par le demandeur, devient surabondant.

Cette conclusion ne saurait être énervée ni par la situation familiale du demandeur au Luxembourg, ni encore par le risque d’une expulsion dans son chef et les textes invoqués à leur appui, ces considérations étant étrangères à la matière directement concernée pour avoir trait plus particulièrement au droit de séjour du demandeur et partant non susceptibles de mettre en cause une décision de refus de permis de travail par ailleurs légalement prise.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 décembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12130
Date de la décision : 11/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-11;12130 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award