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11/12/2000 | LUXEMBOURG | N°11217

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2000, 11217


N° 11217 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Madame … KNEPPERT, épouse …, … contre une décision du collège échevinal de … en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11217 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 1999 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KNEPPERT, épouse …, employée communale, demeuran...

N° 11217 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Madame … KNEPPERT, épouse …, … contre une décision du collège échevinal de … en matière d’employé communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11217 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 1999 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KNEPPERT, épouse …, employée communale, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de rejet pour silence observé par la commune de … pendant plus de trois mois suite à sa demande en reconnaissance d’un contrat de travail à durée indéterminée formulée par courrier de son mandataire du 20 novembre 1998 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant é Diekirch, du 31 mars 1999 portant signification de ce recours à l’administration communale de … ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 1999 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 15 décembre 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … KNEPPERT ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2000 par Maître Romain ADAM, au nom de Madame … KNEPPERT ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Nicolas DECKER ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Romain ADAM et Emanuelle VION-HAYO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2000 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 février 2000 par Maître Nicolas DECKER, au nom de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2000 par Maître Romain ADAM, au nom de Madame … KNEPPERT ;

Vu le second mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 septembre 2000 par Maître Romain ADAM, au nom de Madame … KNEPPERT ;

Vu le second mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 octobre 2000 par Maître Nicolas DECKER, au nom de l’administration communale de … ;

Vu les actes d’avocat à avocat respectifs portant notification des mémoires complémentaires précités ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Romain ADAM et Emanuelle VION-HAYO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 novembre 2000.

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Considérant que Madame … KNEPPERT, épouse …, demeurant à L-…, expose être au service de la commune de … sans interruption depuis 1993 en tant que chargée de cours de l’enseignement primaire, après avoir préalablement travaillé dans la même fonction auprès de cette même commune, ainsi qu’auprès d’autres communes depuis 1975 ;

Qu’elle indique que pour la période allant de 1975 jusqu’à 1996 aucun contrat de travail écrit n’a été signé entre parties ;

Que le premier document contractuel écrit versé en cause est celui daté du 15 septembre 1997 et portant engagement de Madame … KNEPPERT en qualité de surnuméraire pour une durée déterminée allant du 15 septembre 1997 au 13 septembre 1998 ;

Que les contrats signés pour les périodes subséquentes ont tous été stipulés être à durée déterminée ;

Qu’estimant bénéficier depuis longtemps d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la commune en ce que les engagements antérieurement effectués ne correspondraient pas aux dispositions légales applicables, Madame KNEPPERT a saisi par courrier de son mandataire du 20 novembre 1998 le collège échevinal de la commune de … en vue de l’obtention de la confirmation de son statut d’employée communale engagée sous contrat à durée indéterminée à partir de son entrée en fonctions, sinon à partir du 15 septembre 1989 voire de toute autre date postérieure conformément aux dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail prise plus particulièrement en ses articles 4 et 6, sinon encore 8, 9 et 10 ;

2 Considérant que devant l’absence de réponse du collège échevinal valant silence perdurant au-delà de trois mois, Madame … KNEPPERT a saisi le tribunal administratif d’une requête déposée en date du 26 mars 1999 tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de refus s’en dégageant, concernant la reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée dans son chef ;

Quant à la compétence du tribunal Considérant qu’en premier lieu le tribunal est amené à vérifier sa propre compétence au vu des contestations soulevées par les parties ;

Considérant que la commune fait valoir que Madame KNEPPERT aurait été engagée sous la qualité d’employée privée en se référant aux différentes délibérations du conseil communal de …, portant, pour les années concernées, nomination dans son chef aux différents postes de l’enseignement primaire et préscolaire successivement revêtus par elle ;

Que la demanderesse affirme de son côté devoir bénéficier du statut d’employée communale depuis 1993, année à partir de laquelle elle se trouve de façon ininterrompue au service de la commune de … ;

Considérant qu’aucune des parties ne conclut à voir attribuer à Madame KNEPPERT le statut d’employée de l’Etat, toutes les deux estimant que l’employeur est en l’espèce la commune de …, du moins pour la période pour laquelle un engagement à durée indéterminée peut entrer en ligne de compte, compte tenu des services prestés de façon ininterrompue dans l’intérêt de cette commune, à savoir au plus tôt à partir de l’année scolaire 1993/1994 ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier que pour l’année scolaire 1990/1991, Madame KNEPPERT a été nommée remplaçante permanente à l’école gardienne d’… ainsi désignée, tandis que la prochaine nomination en date versée en cause résulte de la délibération du conseil communal de … du 21 juillet 1993, suivant laquelle elle est nommée chargée de cours pratiques dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire de la commune de … pour une tâche de douze heures par semaine ;

Que ces deux délibérations ont été approuvées par le ministre de l’Intérieur respectivement en dates des 17 décembre 1990 et 5 août 1993 ;

Que par délibération du conseil communal de … du 9 décembre 1993 la tâche de Madame KNEPPERT a été augmentée à quinze heures par semaine pour ladite année scolaire 1993/1994, sa rémunération ayant été fixée suivant un classement au grade E1, échelon 7 (225 points) ;

Que cette délibération a été approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 7 février 1994 ;

Que par délibération du conseil communal de … du 30 juillet 1994 elle s’est vue proposer au ministre de l’Education nationale pour la nomination au poste surnuméraire de l’enseignement primaire de la commune de … pour l’année 1994/1995 suivant une rémunération fixée d’après un classement au grade E1, échelon 8 (236 points), délibération approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 6 septembre 1994 ;

3 Que suivant délibération du 14 juillet 1995, Madame KNEPPERT a été proposée à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle pour la nomination au poste surnuméraire de l’enseignement primaire pour l’année scolaire 1995/1996 suivant une rémunération identique à celle de l’année scolaire précédente, décision approuvée par ladite ministre en date du 23 novembre 1995 ;

Que suivant délibération du conseil communal de … du 12 juillet 1996, Madame KNEPPERT a été proposée à la nomination au poste de surnuméraire de l’enseignement primaire de l’année scolaire 1996/1997 suivant une rémunération fixée au regard d’un classement au grade E1, échelon 9 (247 points), décision approuvée par la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en date du 22 août 1996 ;

Que suivant délibération du conseil communal de … du 26 juillet 1997, Madame KNEPPERT a été proposée à la nomination du poste de surnuméraire de l’enseignement primaire de l’année scolaire 1997/1998 suivant les mêmes modalités de rémunération que pour l’année scolaire précédente, décision approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 10 octobre 1997 ;

Que suivant délibération du 10 juillet 1998, le conseil communal de … a proposé Madame KNEPPERT au poste de surnuméraire de l’enseignement primaire de la commune pour l’année scolaire 1998/1999, suivant une rémunération fixée d’après un classement au grade E1, échelon 9 (258 points) ;

Que suivant délibération du 9 juillet 1999, le conseil communal de … a engagé Madame KNEPPERT au poste de surnuméraire de l’enseignement primaire pour l’année scolaire 1999/2000 suivant les mêmes modalités de rémunération que celles arrêtées pour l’année scolaire antérieure ;

Considérant que d’après l’article 11.1 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat, prise en application de l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, les contestations résultant d’un contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires des employés communaux sont de la compétence du tribunal administratif, siégeant comme juge du fond ;

Considérant que même si l’article 13 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 ne comporte plus la base légale pour l’assimilation des employés des communes au régime des employés de l’Etat, depuis sa modification intervenue à travers la loi du 9 juin 1995 modifiant la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, il n’en reste pas moins qu’en vertu du principe de la pérennité des lois, en attendant la promulgation du règlement grand-ducal prévu par l’article 1.5 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 précitée, le règlement grand-ducal valablement pris à l’époque, en date du 26 mai 1975, doit continuer à sortir ses effets dans la mesure où ses dispositions ne se trouvent pas en contradiction avec celles, hiérarchiquement supérieures ou égales, ultérieurement promulguées (trib. adm. 5 juillet 1999, Klein, n° 10761 du rôle, appel déclaré irrecevable par Cour adm. 17 février 2000, n° 11465C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 134, p. 166 ; trib. adm. 8 mars 2000, Geisler, n° 11214 du rôle ; trib. adm. 8 mars 2000, Wintersdorf, n° 11216 du rôle ; trib.

adm. 8 mars 2000, Serres, n° 11218 du rôle, non encore publiés);

4 Considérant que l’attribution de compétence en faveur du tribunal administratif siégeant comme juge du fond résultant de l’article 11.1 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité n’a été contredite par aucune disposition ultérieure ;

Considérant que l’attribution d’une tâche partielle, consistante mais non complète, pour le surplus augmentée par décision subséquente concernant la même année scolaire, ne constitue pas un obstacle légal rendant une chargée de cours inéligible pour l’accès à la qualité d’employée communale (cf. trib. adm. 18 novembre 1999, Lecoq-Vandermeesbrugge, n° 11003 du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 121, p. 164 ; trib. adm. 8 mars 2000, jugements Geisler, Wintersdorf et Serres précités) ;

Considérant que la loi du 9 juin 1995 précitée dispose en son article IV intitulé “ mesure transitoire ” que “ les agents du secteur communal visés par la présente loi à l’article I sous A) et B) en service au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, auront le statut de l’employé privé, à moins que le statut d’employé communal leur a été conféré par une décision formelle de l’autorité investie du pouvoir d’engagement ou qu’ils ne bénéficient à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi du régime de pension de fonctionnaire communal ” ;

Considérant que ladite loi du 9 mai 1995 a été publiée au Mémorial en date du 30 juin 1995, de sorte à entrer en vigueur quatre jours plus tard, faute d’autre date d’entrée en vigueur spécifique y émargée, et abstraction faite de celle spécialement prévue pour la disposition de l’article I sous E), d’après l’article V de la même loi concernant la question de l’attribution d’un congé sans traitement, non pertinente en l’espèce ;

Considérant que début juillet 1995, Madame KNEPPERT était liée à la commune de … par l’engagement découlant de la délibération précitée de son conseil communal du 30 juillet 1994 au poste de surnuméraire de l’enseignement primaire valant pour l’année scolaire 1994/1995, abstraction faite de la question de la durée indéterminée ou non des relations contractuelles entre parties ;

Considérant qu’à partir de la délibération du conseil communal de … du 14 juillet 1994, portant sur la création d’un poste de surnuméraire dans l’enseignement primaire de la commune pour l’année scolaire concernée 1994/1995, ensemble la désignation de Madame KNEPPERT au poste de surnuméraire ainsi créé suivant délibération précitée du 30 juillet 1994 dans le cadre d’une séance publique d’urgence ainsi désignée, le tribunal est amené à constater l’existence d’une décision formelle tendant à la reconnaissance du statut d’employée communale dans le chef de Madame KNEPPERT au sens de l’article IV de la loi du 9 juin 1995 prérelaté, même si ces termes n’ont pas été employés tels quels à l’époque ;

Considérant que dans la mesure où la demande en reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée s’analyse en une contestation résultant du contrat d’emploi d’une employée communale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation ;

Quant à la recevabilité 5 Considérant que le recours subsidiaire en annulation est en toute occurrence irrecevable d’après des développements qui précèdent ;

Considérant que la commune se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation en la pure forme ;

Considérant que dans la mesure où le recours a été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable en tant que dirigé contre la décision implicite de refus déférée cristallisée conformément aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;

Quant au fond Considérant qu’il convient à titre liminaire de dégager les éléments de la discussion d’ores et déjà fixés à travers les développements qui précèdent face à la demande de Madame KNEPPERT de pouvoir bénéficier d’un engagement à durée indéterminée auprès de la commune de … dès sa première prestation de service, sinon à partir du 15 septembre 1989, voire à partir de toute autre date postérieure à fixer par le tribunal, ainsi que cette prétention relève à sa base de sa réclamation précitée du 20 novembre 1998 ;

Considérant qu’il vient d’être relevé ci-avant qu’avant le début de l’année scolaire 1993/1994 les relations de travail entre Madame KNEPPERT et la commune de … se trouvaient être interrompues, de sorte qu’en toute occurrence il n’y a pas lieu de tenir compte de la période antérieure au 15 septembre 1993 pour l’analyse de l’existence éventuelle d’une relation de travail à durée indéterminée entre parties, de sorte qu’un engagement à durée indéterminée peut dès lors tout au plus avoir existé entre la demanderesse et la commune à partir du début de l’année scolaire 1993/1994 ;

Considérant que la partie demanderesse fait valoir que les dispositions par elle visées à la base de ses prétentions telles que résultant de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée et plus particulièrement de ses articles 4 et 6, sinon encore 8, 9 et 10, seraient d’ordre public et s’imposeraient tant en l’absence de stipulation contractuelle contraire afférente qu’en présence de clauses allant à leur encontre ;

Considérant que la commune fait valoir que l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée n’empêche pas la conclusion ultérieure d’un contrat de travail à durée déterminée pour le même travail entre lesdites parties, à condition qu’une résiliation préalable d’un commun accord intervienne pour le premier contrat, tout en s’emparant à cet égard d’un arrêt de la Cour d’appel du 25 septembre 1997 (n° 20064 du rôle) ;

Qu’il résulterait de l’agencement des différents contrats conclus entre parties qu’à chaque fois elles ont renoncé d’un commun accord au contrat précédent lors de la conclusion de celui subséquent ;

Que par ailleurs le contrat conclu entre parties du 14 mai 1998 prévoirait expressis verbis – malgré une réserve manuscrite de la demanderesse – que le contrat peut être renouvelé plus de deux fois conformément aux dispositions de la loi du 5 juillet 1991 portant notamment dérogation à ladite loi modifiée du 24 mai 1989 à travers son article 17 ;

6 Que dès lors le contrat de travail conclu entre parties, même en cas de renouvellement ne serait pas devenu pour autant un contrat à durée indéterminée ;

Considérant que d’après l’article 4 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité, l’engagement de l’employée communale est effectué par le conseil communal, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, dans les formes et suivant les modalités prévues par les dispositions portant règlement légal du louage de service des employés privés, sous réserve de la fixation de l’indemnité ;

Considérant qu’il est constant que le renvoi aux dispositions portant règlement légal du louage de service des employés privés vise celles de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ;

Considérant que l’article 6 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989, figurant sous la section 2 - forme du contrat à durée déterminée, - est libellé comme suit: “ à défaut d’écrit ou d’écrit spécifiant que le contrat de travail est conclu pour une durée déterminée, celui-ci est présumé conclu pour une durée indéterminée; la preuve contraire n’est pas admissible ”;

Que l’article 6 (1) dispose que sans préjudice des dispositions de l’article 4, le contrat de travail conclu pour une durée déterminée doit comporter, outre la définition de son objet, cinq séries d’indications y libellées plus précisément;

Que suivant l’article 4 (1) le contrat de travail, soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée, doit être constaté par écrit pour chaque salarié individuellement au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié;

Que faisant ainsi le lien avec les dispositions de l’article 4, l’article 6 cristallise l’exigence de l’écrit au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles 4 (1) et 6 pris en ses alinéas 1 et 2 que l’existence d’un écrit documentant le contrat à durée déterminée est exigée au moment de l’entrée en service du salarié concerné suivant une tâche prédéterminée pour la période en question ;

Considérant qu’il appert des pièces versées au dossier qu’après une interruption prolongée, Madame KNEPPERT a repris service auprès de l’administration communale de … avec le commencement de l’année scolaire 1993/1994, soit avec effet au 15 septembre 1993, date à partir de laquelle elle se trouve depuis lors être au service de ladite commune sans interruption ;

Considérant que Madame KNEPPERT bénéficiait de sa nomination résultant de la délibération du conseil communal de … du 21 juillet 1993 précitée en tant que chargée de cours pratiques dans l’éducation préscolaire et dans l’enseignement primaire de la commune de … suivant l’indemnité y arrêtée, abstraction faite de l’extension de sa tâche intervenue suivant délibération subséquente du 9 décembre 1993 ;

Considérant que force est de constater qu’au moment de sa rentrée en service le 15 septembre 1993 aucun écrit documentant le contrat à durée déterminée résultant de la nomination précitée du 21 juillet 1993, approuvée par décision tutélaire du ministre de l’Intérieur du 5 août subséquent, établi conformément aux dispositions de l’article 4 (1) et 6 7 pris en ses alinéas 1 et 2 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, ne se trouvait être confectionné ;

Considérant qu’au regard de la qualification du contrat relativement à sa durée, abstraction faite de toute considération quant à son contenu, peu importe la signature ultérieure d’un contrat couvrant la période du 15 septembre 1997 au 13 septembre 1998, premier contrat écrit – instrumentum – versé en cause, les conséquences claires et précises inscrites à l’alinéa 2 de l’article 6 ci-avant citées s’imposant à défaut d’écrit au 15 septembre 1994, le contrat de travail pour surnuméraire de l’enseignement primaire à tâche complète liant la partie demanderesse à la commune de … est présumé conclu pour une durée indéterminée, la preuve contraire n’étant pas admissible au vœu même de la loi ;

Considérant qu’en apportant à la présomption contenue en l’article 6 (2) un caractère irréfragable, en ce que la preuve contraire n’est pas admissible, le législateur, par les termes non ambigus employés, a expressément écarté toutes exceptions pouvant être soulevées par l’employeur (cf. trib. adm. 23.12.97, Maillet-Heisbourg, n° 9938 du rôle, confirmé par Cour administrative 14 juillet 1998, n° 10528C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 128, p. 165 et autres décisions y citées);

Considérant que le règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant application des dispositions de l’article 5, 8, 34 et 41 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ne saurait ébranler cette conclusion, étant donné que même à admettre que la possibilité relativement aux postes de l’enseignement préscolaire concernés d’avoir recours à des contrats à durée déterminée en raison de l’usage constant y relatif et du caractère par nature temporaire de ces emplois, il n’en resterait pas moins que les contrats à durée déterminée conclus en l’espèce, théoriquement admissibles dans cette hypothèse, n’ont pas respecté par ailleurs les dispositions obligatoires des articles 4 et 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989, avec les conséquences légales ci-avant dégagées ;

Considérant que la même conclusion s’impose concernant les dispositions de la loi du 5 juillet 1991 portant entre autres dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail à travers son article 17 libellé comme suit : “ par dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, les contrats à durée déterminée conclus entre l’Etat ou la commune, d’une part, et le chargé de direction d’une classe de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, le chargé de cours de l’enseignement post-primaire et l’agent socio-éducatif d’une administration ou service dépendant du département de l’éducation nationale, d’autre part, peuvent être renouvelés plus de deux fois, même pour une durée totale excédant 24 mois ” ;

Considérant que s’il est vrai que le texte en question s’applique tant pour les chargés de direction d’une classe de l’enseignement primaire, que pour ceux d’une classe de l’éducation préscolaire, il n’en reste pas moins que les exceptions par lui portées aux dispositions d’ordre public de la loi modifiée du 24 mai 1989 sont d’interprétation stricte (cf. trib. adm. 23 décembre 1997 et Cour adm. 14 juillet 1998 précités) ;

Considérant qu’il résulte du libellé même de l’article 17 en question que seuls le nombre des renouvellements des contrats à durée déterminée, pouvant aller au-delà de deux, ainsi que la durée totale d’iceux, pouvant excéder 24 mois, sont visés par cette novelle et portent ainsi une dérogation légale par rapport aux dispositions afférentes des articles 8 et 9 de la loi modifiée du 24 mai 1989 ;

8 Que restent dès lors applicables au statut de l’employée communale en question les articles 4 et 6 de la même loi avec les conséquences légales ci-avant dégagées ;

Considérant qu’il se dégage des développements qui précèdent que Madame KNEPPERT a bénéficié d’un engagement à durée indéterminée auprès de la commune de … dès les 15 septembre 1993 pour les postes de surnuméraire successivement revêtus dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire de ladite commune, d’après les nominations effectuées et rémunérations fixées par le conseil communal sous l’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur, même en l’absence d’un contrat de travail écrit – instrumentum -, le tout conformément aux dispositions des articles 4 et 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ;

Considérant qu’en prenant référence au contrat écrit et signé entre parties pour l’année scolaire 1998/1999, la commune fait plaider qu’il y aurait eu mutuus consensus pour résilier la situation d’engagement à durée indéterminée antérieure en vue de la remplacer à partir de ladite année scolaire par un engagement à durée déterminée, tel que résultant dudit contrat, ensemble son agencement avec ceux conclus subséquemment ;

Considérant que dans la mesure où il s’effectue conformément aux dispositions légales applicables dont celles résultant de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, le remplacement d’un engagement à durée indéterminée par un nouvel engagement à durée déterminée est en principe possible, s’il intervient d’un commun accord des parties en respectant par ailleurs les conditions légales fixées ;

Considérant que s’il a toujours été admis que les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 étaient d’ordre public, le législateur à travers l’article IV de la loi modifiée du 31 juillet 1995 relative à l’emploi et la formation professionnelle est venu consacrer cet élément fondamental en retenant que “ constituent des dispositions de police relevant de l’ordre public national, conformément aux dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, approuvée par la loi du 27 mars 1986, et sont comme telles applicables à tous les salariés ayant un statut de droit privé travaillant au Grand-Duché de Luxembourg, y compris ceux qui font l’objet d’un détachement temporaire, quelle que soit sa durée, toutes les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles ayant trait – au contrat de travail … ” ;

Considérant que dans la mesure où les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sont d’ordre public, il n’est pas permis aux parties d’y déroger, fût-ce dans le cadre d’un contrat de travail conclu d’un commun accord ;

Considérant qu’il convient de relever à partir des pièces versées et notamment des contrats signés les 14 septembre 1998 et 15 septembre 1999, que ces derniers ne contiennent aucune mention expresse pouvant valoir résiliation d’un éventuel engagement antérieur à durée indéterminée, tout comme aucun consentement implicite y relativement ne saurait être dégagé, vu par ailleurs les mentions manuscrites apposées par l’employée en question se réservant tous droits relativement à la question de la durée indéterminée de son engagement auprès de la commune ;

9 Considérant qu’il se dégage encore des développements qui précèdent qu’en fait les parties n’ont pas retenu d’un commun accord de faire table rase aux rentrées scolaires respectives 1998 et 1999, tout comme les dispositions d’ordre public applicables ne leur ont pas permis de passer outre le caractère indéterminé de l’engagement acquis depuis le 15 septembre 1993, tel que se dégageant en l’espèce d’après les développements qui précèdent ;

Considérant que par voie de conséquence le recours est fondé dans la mesure où Madame KNEPPERT bénéficie d’un engagement à durée indéterminée auprès de la commune de … à partir du 15 septembre 1993 ;

Considérant que la partie demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 60.000.- francs ;

Considérant qu’au vu des éléments spécifiques du dossier, tenant notamment à la détermination de son statut d’employée communale sinon d’employée privée, ainsi qu’en l’absence d’écrit dans un premier stade jusqu’au contrat signé pour l’année scolaire 1997/1998, question non encore analysée dans cette combinaison jusque lors par décision définitive des juridictions de l’ordre administratif, le caractère d’iniquité conditionnant la liquidation de pareille indemnité ne se trouve pas être rempli en l’espèce ;

Que la demande en allocation d’une indemnité de procédure est dès lors à écarter ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare partiellement justifié ;

par voie de réformation dit que les relations contractuelles de la partie demanderesse avec la commune de … s’analysent en un contrat à durée indéterminée à partir du 15 septembre 1993 ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la commune de … aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 décembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

10 s. Schmit s. Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11217
Date de la décision : 11/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-11;11217 ?

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