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11/12/2000 | LUXEMBOURG | N°11215

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2000, 11215


N° 11215 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Madame … KEMP, épouse …, … contre une décision du collège échevinal de … en matière d’employée communale

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 1999 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KEMP, épouse …, employée communale, demeurant à L-...

N° 11215 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 11 décembre 2000

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Recours formé par Madame … KEMP, épouse …, … contre une décision du collège échevinal de … en matière d’employée communale

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 1999 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KEMP, épouse …, employée communale, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de rejet pour silence observé par la commune de … pendant plus de trois mois suite à sa demande en reconnaissance d’un contrat de travail à durée indéterminée formulée par courrier de son mandataire du 20 novembre 1998 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 30 mars 2000 portant signification de ce recours à l’administration communale de … ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2000 par Maître Romain ADAM au nom de Madame … KEMP ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2000 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 10 janvier 2000 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … KEMP ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2000 par Maître Romain ADAM au nom de Madame … KEMP, suite à la question posée par le tribunal, avant tout rapport, à l’audience publique du 21 février 2000 concernant la vérification de la qualité d’employée respectivement communale ou privée dans son chef ;

Vu le second mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 septembre 2000 par Maître Romain ADAM, au nom de Madame … KEMP ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 octobre 2000 par Maître Henri FRANK, au nom de l’administration communale de … ;

Vu les actes d’avocat à avocat portant notification des mémoires en réponse et mémoires complémentaires prévisés ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Romain ADAM et Henri FRANK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 novembre 2000.

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Considérant que Madame … KEMP, épouse …, demeurant à L-…, expose être au service de la Ville de … sans interruption depuis 1988 en tant que chargée de direction de cours d’éducation physique et sportive dans le cadre de l’enseignement primaire ;

Que pour la période allant de 1988 jusqu’à 1997 aucun contrat de travail écrit n’a été versé en cause, le premier document contractuel écrit ayant trait à la période du 15 septembre 1997 au 13 septembre 1998 ;

Que les contrats signés pour les périodes subséquentes ont tous été stipulés être à durée déterminée ;

Qu’estimant bénéficier depuis longtemps d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la commune en ce que les engagements antérieurement effectués ne correspondraient pas aux dispositions légales applicables, Madame KEMP a saisi par courrier de son mandataire du 20 novembre 1998 le collège échevinal de la Ville de … en vue de l’obtention de la confirmation de son statut d’employée communale engagée sous contrat à durée indéterminée à partir de son entrée en fonctions, sinon à partir du 15 septembre 1989 voire de toute autre date postérieure conformément aux dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail prise plus particulièrement en ses articles 4 et 6, sinon encore 8, 9 et 10 ;

Considérant que devant l’absence de réponse de la commune valant silence perdurant au-delà de trois mois, Madame … KEMP a saisi le tribunal administratif d’une requête déposée en date du 26 mars 1999 tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de refus s’en dégageant, concernant la reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée dans son chef ;

Quant à la compétence du tribunal Considérant qu’en premier lieu le tribunal est amené à vérifier sa propre compétence au vu des contestations soulevées par les parties ;

Considérant que la commune fait valoir que Madame KEMP aurait été engagée sous la qualité d’employée privée en se référant aux différentes délibérations du conseil communal de …, portant, pour les années concernées, nomination dans son chef aux différents postes de l’enseignement primaire successivement revêtus par elle ;

2 Qu’elle souligne qu’en vertu du principe de la non-rétroactivité des lois, la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ne saurait s’appliquer à son engagement initial datant de 1988 ;

Que la demanderesse affirme de son côté devoir bénéficier du statut d’employée communale depuis 1988, année à partir de laquelle elle se trouve de façon ininterrompue au service de la Ville de … ;

Considérant qu’aucune des parties ne conclut à voir attribuer à Madame KEMP le statut d’employée de l’Etat, toutes les deux estimant que l’employeur est en l’espèce la Ville de … ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier que pour l’année scolaire 1988/1989, Madame KEMP a été nommée remplaçante à raison de deux leçons hebdomadaires d’éducation physique dans une classe de l’enseignement primaire de la Ville de …, suivant délibération du conseil communal de … du 8 septembre 1988, approuvée par le ministre de l’Intérieur le 5 octobre suivant ;

Que par délibération du conseil communal de … du 6 septembre 1989 approuvée par le ministre de l’Intérieur le 3 octobre suivant, Madame KEMP a été nommée monitrice de l’éducation physique à mi-temps pour l’année scolaire 1989/1990 à l’école primaire de …, sa rémunération étant fixée conformément aux dispositions du règlement du Gouvernement en Conseil du 4 décembre 1987 ainsi désigné ;

Que par délibération du conseil communal de … du 10 septembre 1990 approuvée par le ministre de l’Intérieur le 4 octobre suivant, Madame KEMP est nommée monitrice de l’éducation physique à mi-temps pour l’année scolaire 1990/1991 dans l’enseignement primaire de la Ville de … suivant les mêmes modalités de rémunération ;

Qu’à partir de l’année scolaire 1991/1992 Madame KEMP est à chaque fois nommée au poste de surnuméraire déclaré successivement vacant pour l’éducation physique dans l’enseignement primaire de la Ville de … (délibérations du conseil communal de … des 28 juillet 1992, 30 juillet 1993, 25 juillet 1994, 14 juillet 1995, 12 juillet 1996, 28 juillet 1997, 15 juillet 1998 et 30 juillet 1999, toutes approuvées par décisions subséquentes respectives du ministre de l’Intérieur) ;

Considérant que d’après l’article 11.1 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat, pris en application de l’article 13 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, les contestations résultant d’un contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires des employés communaux sont de la compétence du tribunal administratif, siégeant comme juge du fond ;

Considérant que même si l’article 13 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 ne comporte plus la base légale pour l’assimilation des employés des communes au régime des employés de l’Etat, depuis sa modification intervenue à travers la loi du 9 juin 1995 modifiant la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, il n’en reste pas moins qu’en vertu du principe de la pérennité des lois, en attendant la promulgation du 3 règlement grand-ducal prévu par l’article 1.5 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 précitée, le règlement grand-ducal valablement pris à l’époque, en date du 26 mai 1975, doit continuer à sortir ses effets dans la mesure où ses dispositions ne se trouvent pas en contradiction avec celles, hiérarchiquement supérieures ou égales, ultérieurement promulguées (trib. adm. 5 juillet 1999, Klein, n° 10761 du rôle, appel déclaré irrecevable par Cour adm. 17 février 2000, n° 11465C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 134, p. 166 ; trib. adm. 8 mars 2000, Geisler, n° 11214 du rôle ; trib. adm. 8 mars 2000, Wintersdorf, n° 11216 du rôle ; trib.

adm. 8 mars 2000, Serres, n° 11218 du rôle, non encore publiés);

Considérant que l’attribution de compétence en faveur du tribunal administratif siégeant comme juge du fond résultant de l’article 11.1 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité n’a été contredite par aucune disposition ultérieure ;

Considérant que l’attribution d’une tâche partielle, consistante mais non complète, correspondant en l’espèce pour le moins à une demi-tâche, ne constitue pas un obstacle légal rendant inéligible pour une chargée de cours l’accès à la qualité d’employée communale (cf.

trib. adm. 18 novembre 1999, Lecoq-Vandermessbrugge, n° 11003 du rôle, Pas. adm.

01/2000, V° Fonction publique, n° 121, p. 164 ; trib. adm. 8 mars 2000, jugements Geisler, Wintersdorf et Serres précités) ;

Considérant que la loi du 9 juin 1995 précitée dispose en son article IV intitulé “ mesure transitoire ” que “ les agents du secteur communal visés par la présente loi à l’article I sous A) et B) en service au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, auront le statut de l’employé privé, à moins que le statut d’employé communal leur a été conféré par une décision formelle de l’autorité investie du pouvoir d’engagement ou qu’ils ne bénéficient à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi du régime de pension de fonctionnaire communal ” ;

Considérant que ladite loi du 9 mai 1995 a été publiée au Mémorial en date du 30 juin 1995, de sorte à entrer en vigueur quatre jours plus tard, faute d’autre date d’entrée en vigueur spécifique y émargée, et abstraction faite de celle spécialement prévue pour la disposition de l’article I sous E), d’après l’article V de la même loi concernant la question de l’attribution d’un congé sans traitement, non pertinente en l’espèce ;

Considérant que début juillet 1995, Madame KEMP était liée à la commune de … par l’engagement découlant de la délibération précitée de son conseil communal du 25 juillet 1994 au poste de surnuméraire de l’enseignement primaire valant pour l’année scolaire 1994/1995, abstraction faite de la question de la durée indéterminée ou non des relations contractuelles entre parties ;

Considérant qu’à partir des délibérations du conseil communal de … portant création d’un poste de surnuméraire d’éducation physique dans l’enseignement primaire de la Ville, ensemble celle déclarant ledit poste vacant pour l’année scolaire 1994/1995 et celle précitée du 25 juillet 1994 portant désignation de Madame KEMP audit poste surnuméraire, corroborée par les décisions antérieures concernant les années scolaires précédentes ayant un objet parallèle, le tribunal est amené à constater l’existence d’une décision formelle tendant à la reconnaissance du statut d’employée communale dans le chef de Madame KEMP au sens de l’article IV de la loi du 9 juin 1995 prérelaté, même si ces termes n’ont pas été employés tels quels à l’époque ;

4 Considérant que dans la mesure où les postes surnuméraires maintenus et déclarés vacants pour les années scolaires suivantes correspondent directement à celui déclaré vacant et occupé par la suite par Madame KEMP pour l’année scolaire 1994/1995, les désignations ponctuelles ultérieures en date émanant de l’employeur, la Ville de …, tendant à lui attacher la qualité d’employée privée restent sans incidence, compte tenu des données constantes en cause ci-avant relevées, à défaut d’aspects novateurs établis en l’absence de tout élément corroborateur afférent invoqué par la partie défenderesse ;

Considérant que dans la mesure où la demande en reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée s’analyse en une contestation résultant du contrat d’emploi d’une employée communale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation ;

Quant à la recevabilité Considérant que le recours subsidiaire en annulation est en toute occurrence irrecevable d’après des développements qui précèdent ;

Considérant que la commune se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation en la pure forme ;

Considérant que dans la mesure où le recours a été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable en tant que dirigé contre la décision implicite de refus déférée cristallisée conformément aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;

Quant au fond Considérant qu’en fait la partie demanderesse expose être au service de la Ville de … depuis 1988, d’abord en tant que remplaçante pour l’année scolaire 1988/1989 à raison de deux heures par semaine, puis suivant une demi-tâche à partir de l’année scolaire 1989/1990 en tant que chargée de direction pour l’éducation physique et sportive dans le cadre de l’enseignement primaire, le premier contrat – instrumentum – signé entre parties datant du 15 septembre 1997 ;

Que s’appuyant sur les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée et plus précisément sur ses articles 4 et 6, sinon encore 8, 9 et 10, elle estime bénéficier d’une relation de travail à durée indéterminée à partir de son premier engagement auprès de la Ville de …, sinon à partir du 15 septembre 1989, sinon encore à partir de toute autre date postérieure ;

Considérant que le mandataire de la Ville invoque le principe de la non-rétroactivité des lois tels que résultant notamment de l’article 2 du code civil pour conclure à l’inapplicabilité de la loi du 24 mai 1989 précitée à la situation antérieure à son entrée en vigueur ;

Que tout en admettant qu’aucun contrat n’a été signé entre parties pour la période allant de 1988 à 1997 il estime que l’article 4 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ne prévoirait pas de sanctions afférentes, sauf la possibilité pour le salarié, à défaut d’écrit, d’établir l’existence et le contenu du contrat de travail par tous moyens de preuve ;

5 Que la demanderesse ne parviendrait pas en l’espèce de rapporter la preuve d’une durée indéterminée de son engagement, étant donné que toutes les nominations subséquentes intervenues avaient trait à une tâche précise valant pour un temps énoncé d’avance, l’année scolaire en question, concernant un poste pour lequel elle avait déposé sa candidature en connaissance de cause et ce de façon répétée d’année en année ;

Que le premier contrat écrit ne ferait que confirmer cet état de fait et de droit ;

Que la loi du 15 février 1995 venue compléter celle précitée du 24 mai 1989 quant aux mentions du contrat de travail prévoirait en son article 2 que si le salarié en faisait la demande, l’employeur doit, dans les deux mois de la demande, lui remettre un contrat de travail avec les mentions exigées par la loi, pareille demande n’ayant jamais été faite par Madame KEMP ;

Que les contrats signés pour les années scolaires 1997/1998 et 1998/1999 répondraient aux conditions fixées par l’article 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989, pour avoir été signés avant l’entrée en service de Madame KEMP, de sorte qu’aucune requalification ne saurait être opérée en l’espèce ;

Que si pour la période antérieure au 15 septembre 1997 une relation de travail à durée indéterminée devait être retenue par le tribunal, il aurait été possible aux parties, par convention écrite, de prévoir pour la suite une relation de travail à durée déterminée, dans la mesure où elles l’auraient fait d’un commun accord comme en l’espèce ;

Que les deux contrats conclus respectivement les 15 septembre 1997 et 14 septembre 1998 feraient tous les deux référence aux disposions spécifiques de l’article 17 de la loi du 5 juillet 1991 y visée énonçant que le contrat pourra être renouvelé plus de deux fois, même pour une durée excédant vingt-quatre mois, sans qu’il ne se transforme en contrat à durée indéterminée ;

Considérant que pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 24 mai 1989, ni la loi du 20 avril 1962 ni celle du 12 novembre 1971 applicables par renvoi aux employés communaux, n’ont prévu comme telle la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, notamment au cas de multiples prorogations successives, les juridictions n’étant intervenues que rarement pour opérer pareille requalification ;

Qu’elles l’ont fait essentiellement post festum en cas de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée dans des affaires engagées sous l’optique d’un licenciement ;

Considérant que dans la mesure où la partie demanderesse n’établit pas avoir prétendu à un quelconque moment, lors de l’exécution des contrats successifs à durée déterminée l’ayant liée à la Ville de … avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 mai 1989, avoir droit à un contrat à durée indéterminée, il convient de retenir que pour cette période, qu’aucune requalification de l’engagement en contrat à durée indéterminée n’est à opérer en l’espèce sur base des pièces du dossier ;

Considérant qu’il est constant en vertu de l’article 57 (1) de la loi modifiée du 24 mai 1989 que les dispositions de celle-ci sont entrées en vigueur le 1er novembre 1989, à 6 l’exception de celles qui régissent le contrat à durée déterminée et le contrat comportant une clause d’essai, lesquelles sont entrées en vigueur le 1er jour du mois qui a suivi leur publication au Mémorial ;

Que cette publication ayant eu lieu le 5 juin 1989, les dispositions nouvelles régissant le contrat à durée déterminée ont pris effet en date du 1er juillet 1989 ;

Considérant que dans le chef de Madame … KEMP, c’est l’engagement à mi-temps pour l’année scolaire 1989/1990 à l’école primaire de …, tel que résultant de la nomination du conseil communal de … précitée du 6 septembre 1989 qui fonde la relation de travail première à tomber sous les dispositions de la loi du 24 mai 1989 telles qu’entrées en vigueur le 1er septembre 1989 ;

Considérant qu’il appert à partir des pièces versées au dossier que pour l’année scolaire 1989/1990, à l’instar de celles consécutives, y compris l’année scolaire 1996/1997 aucun contrat écrit - instrumentum - n’a été établi entre parties ;

Considérant que d’après l’article 4 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 précité, l’engagement de l’employée communale est effectué par le conseil communal, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, dans les formes et suivant les modalités prévues par les dispositions portant règlement légal du louage de service des employés privés, sous réserve de la fixation de l’indemnité ;

Considérant qu’il vient d’être dégagé que le renvoi aux dispositions portant règlement légal du louage de service des employés privés vise, à partir du 1er septembre 1989 celle de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ;

Considérant que l’article 6 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989, figurant sous la section 2 - forme du contrat à durée déterminée, - est libellé comme suit: “ à défaut d’écrit ou d’écrit spécifiant que le contrat de travail est conclu pour une durée déterminée, celui-ci est présumé conclu pour une durée indéterminée; la preuve contraire n’est pas admissible ”;

Que l’article 6 (1) dispose que sans préjudice des dispositions de l’article 4, le contrat de travail conclu pour une durée déterminée doit comporter, outre la définition de son objet, cinq séries d’indications y libellées plus précisément;

Que suivant l’article 4 (1) le contrat de travail, soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée, doit être constaté par écrit pour chaque salarié individuellement au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié;

Que faisant ainsi le lien avec les dispositions de l’article 4, l’article 6 cristallise l’exigence de l’écrit au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles 4 (1) et 6 pris en ses alinéas 1 et 2 que l’existence d’un écrit documentant le contrat à durée déterminée est exigée au moment de l’entrée en service du salarié concerné suivant une tâche prédéterminée pour la période en question ;

7 Considérant que le défaut d’écrit constaté concernant l’entrée en service en tant que chargée de cours de Madame … KEMP à la date du 15 septembre 1989 impose la conclusion que la relation de travail la liant à la Ville de … est à considérer comme ayant été à durée indéterminée depuis ladite date ;

Considérant qu’au regard de la qualification du contrat relativement à sa durée, abstraction faite de toute considération quant à son contenu, peu importe la signature ultérieure d’un contrat couvrant la période du 15 septembre 1997 au 13 septembre 1998, premier contrat écrit – instrumentum – versé en cause, les conséquences claires et précises inscrites à l’alinéa 2 de l’article 6 ci-avant citées s’imposant à défaut d’écrit au 15 septembre 1989 le contrat de travail conclu dans le cadre de l’enseignement primaire liant la demanderesse à la commune de … est présumé conclu pour une durée indéterminée, la preuve contraire n’étant pas admissible au vœu même de la loi ;

Considérant qu’en apportant à la présomption contenue en l’article 6 (2) un caractère irréfragable, en ce que la preuve contraire n’est pas admissible, le législateur, par les termes non ambigus employés, a expressément écarté toutes exceptions pouvant être soulevées par l’employeur (cf. trib. adm. 23.12.97, Maillet-Heisbourg, n° 9938 du rôle, confirmé par Cour administrative 14 juillet 1998, n° 10528C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 128, p. 165 et autres décisions y citées);

Considérant que le règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant application des dispositions de l’article 5, 8, 34 et 41 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ne saurait ébranler cette conclusion, étant donné que même à admettre que la possibilité relativement aux postes de l’enseignement préscolaire concernés d’avoir recours à des contrats à durée déterminée en raison de l’usage constant y relatif et du caractère par nature temporaire de ces emplois, il n’en resterait pas moins que les contrats à durée déterminée conclu en l’espèce, théoriquement admissibles dans cette hypothèse, n’ont pas respecté par ailleurs les dispositions obligatoires des articles 4 et 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989, avec les conséquences légales ci-avant dégagées ;

Considérant que la même conclusion s’impose concernant les dispositions de la loi du 5 juillet 1991 portant entre autre dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail à travers son article 17 libellé comme suit : “ par dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, les contrats à durée déterminée conclus entre l’Etat ou la commune, d’une part, et le chargé de direction d’une classe de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, le chargé de cours de l’enseignement post-primaire et l’agent socio-éducatif d’une administration ou service dépendant du département de l’éducation nationale, d’autre part, peuvent être renouvelés plus de deux fois, même pour une durée totale excédant 24 mois ” ;

Considérant qu’au-delà de la question de l’applicabilité de l’article 17 en question à côté des chargés de direction d’une classe de l’éducation primaire, également aux chargés de certains cours déterminés, telle l’éducation physique et sportive, les exceptions par lui portées aux dispositions d’ordre public de la loi modifiée du 24 mai 1989 sont d’interprétation stricte (cf. trib. adm. 23 décembre 1997 et Cour adm. 14 juillet 1998 précités) ;

Considérant qu’il résulte du libellé même de l’article 17 en question que seul le nombre des renouvellements des contrats à durée déterminée, pouvant aller au-delà de deux, ainsi que la durée totale d’iceux, pouvant excéder 24 mois, sont visés par cette novelle et porte ainsi une 8 dérogation légale par rapport aux dispositions afférentes des article 8 et 9 de la loi modifiée du 24 mai 1989 ;

Que restent dès lors applicables au statut de l’employée communale en question les articles 4 et 6 de la même loi avec les conséquences légales ci-avant dégagées ;

Considérant que dans la mesure où les dispositions de l’article 10 de la loi modifiée du 24 mai 1989 ne sont entrées en vigueur que le 1er novembre 1989 et que celles relatives à son article 9 ne sauraient se cristalliser au plus tôt dans le chef de la demanderesse à la date du 15 septembre 1990, celles-ci ne sont pas de nature à fonder plus en avant l’engagement à durée indéterminée de Madame … KEMP dès à partir le 15 septembre 1989 ci-avant dégagé ;

Considérant qu’en ordre subsidiaire la parte défenderesse entend limiter l’engagement à durée indéterminée ci-avant dégagé dans la mesure où à travers le contrat signé entre parties en date du 11 août 1998 valant pour l’année scolaire 1998/1999, soit pour la période du 14 septembre 1998 au 13 septembre 1999 il aurait été fait table rase de la situation antérieure pour instituer, du moins à partir dudit 14 septembre 1998, une relation de travail à durée déterminée ;

Considérant que dans la mesure où il s’effectue conformément aux dispositions légales applicables dont celles résultant de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, le remplacement d’un engagement à durée indéterminée par un nouvel engagement à durée déterminée est en principe possible, s’il intervient d’un commun accord des parties en respectant par ailleurs les conditions légales fixées;

Considérant que s’il a toujours été admis que les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 étaient d’ordre public, le législateur à travers l’article IV de la loi modifiée du 31 juillet 1995 relative à l’emploi et la formation professionnelle est venu consacrer cet élément fondamental en retenant que “ constituent des dispositions de police relevant de l’ordre public national, conformément aux dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, approuvée par la loi du 27 mars 1986, et sont comme telles applicables à tous les salariés ayant un statut de droit privé travaillant au Grand-Duché de Luxembourg, y compris ceux qui font l’objet d’un détachement temporaire, quelle que soit sa durée, toutes les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles ayant trait – au contrat de travail … ” ;

Considérant que dans la mesure où les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sont d’ordre public, il n’est pas permis aux parties d’y déroger, fût-ce dans le cadre d’un contrat de travail conclu d’un commun accord ;

Considérant que la stipulation contractuelle contenue en l’article 12, suivant laquelle “ le présent document constate de manière exhaustive l’intégralité des relations de travail entre parties ” à la suite de celle de l’article 11, alinéa 1er, d’après laquelle “ pour tout ce qui n’est pas prévu au présent contrat, les parties se réfèrent aux dispositions légales en vigueur ” ne saurait en aucune manière faire échec aux dispositions d’ordre public contenues dans la loi modifiée du 24 mai 1989, notamment concernant le caractère déterminé ou 9 indéterminé de l’engagement, tel que se dégageant à partir de la situation contractuelle antérieure ;

Que la clause en question peut tout au plus être entendue en ce sens que le document contractuel signé le 11 août 1998 contient toutes les stipulations des parties relativement à l’engagement y conclu, étant constant en cause que celui-ci est appelé à s’intégrer dans le cadre légal tracé et à s’y conformer ;

Considérant qu’il convient de relever à partir des pièces versées et notamment du contrat signé le 11 août 1998, que ce dernier ne contient aucune mention expresse pouvant valoir résiliation d’un éventuel engagement antérieur à durée indéterminée, tout comme aucun engagement implicite y relativement ne saurait être dégagé, vu la mention manuscrite apposée par l’employé en question se réservant tous droits y relativement, quelle que soit par ailleurs la valeur juridique de l’article 12 in fine du contrat, d’après lequel tout ajout manuscrit ou autre ne lierait que son auteur ;

Considérant qu’il se dégage des développements qui précèdent qu’en fait, les parties n’ont pas retenu d’un commun accord de faire table rase à la date de l’entrée en vigueur de l’engagement valant pour l’année scolaire 1998/1999, tout comme les dispositions d’ordre public applicables ne leur ont pas permis de passer outre le caractère indéterminé de l’engagement acquis depuis la situation légale antérieure, tel que se dégageant des stipulations contractuelles posées dans le cadre légal donné ;

Que les mêmes conclusions s’imposent relativement au contrat signé entre parties le 3 août 1999, dont les stipulations sont parallèles à celles ci-avant relatées concernant celui signé le 11 août 1998 y compris la réserve manuscrite de la demanderesse actuelle ;

Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est fondé, étant donné que c’est à tort que la Ville de … a refusé à la partie demanderesse la requalification de son engagement du contrat à durée indéterminée avec effet à partir du 15 septembre 1989, engagement poursuivi depuis lors sans interruption suivant une tâche étendue, devenue complète et maintenue telle quelle concernant la direction de cours d’éducation physique et sportive dans l’enseignement primaire de la Ville, au-delà de la terminologie variable dans le temps employée ;

Considérant que la partie demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 60.000.- francs ;

Considérant qu’au vu des éléments spécifiques du dossier, tenant notamment aux clauses incluses dans le contrat signé le 11 août 1998, ainsi qu’à la qualification d’employée communale résultant des éléments du dossier, telle que dégagée par le tribunal, question non encore analysées jusque lors par décision définitive des juridictions de l’ordre administratif, le caractère d’iniquité conditionnant la liquidation de pareille indemnité ne se trouve pas être rempli en l’espèce ;

Que la demande en allocation est dès lors à écarter ;

Par ces motifs, 10 le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

par voie de réformation dit que les relations contractuelles de la partie demanderesse avec la Ville de … s’analysent en un contrat à durée indéterminée à partir du 15 septembre 1989 ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la Ville de … aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 décembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11215
Date de la décision : 11/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-11;11215 ?

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