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06/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12222

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 2000, 12222


N° 12222 du rôle Inscrit le 9 août 2000 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC et par son épouse, Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12222 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2000 par Maître Mario DI STEFANO, avocat à la Cour, assisté de Maître Alban COLSON, avocat, tous les deux insc

rits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à …/...

N° 12222 du rôle Inscrit le 9 août 2000 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC et par son épouse, Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12222 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2000 par Maître Mario DI STEFANO, avocat à la Cour, assisté de Maître Alban COLSON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à …/Monténégro, et de son épouse, Madame …, née le … à …/Monténégro, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs … ADROVIC, né le … à …/Monténégro et … ADROVIC, née le … à …/Monténégro, tous les quatre de nationalité yougoslave, tous originaire du Kosovo, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 avril 2000, notifiée le 7 juin 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative, rendue sur recours gracieux, du 10 juillet 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs le 29 septembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Alban COLSON, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 septembre 1998, Monsieur … ADROVIC, né le … à …/Monténégro, et son épouse, Madame …, née le … à …/Monténégro, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs … ADROVIC, né le … à …/Monténégro et …ADROVIC, née le … à …/Monténégro, tous les quatre de nationalité yougoslave, originaires du Kosovo, demeurant actuellement ensemble à L-…, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur et Madame ADROVIC-… furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 5 octobre 1999, Monsieur ADROVIC et Madame … furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 11 avril 2000, notifiée le 7 juin 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur et Madame ADROVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté le Kosovo fin août 1998 pour aller au Monténégro, où vous vous êtes fait enregistrer le 3 septembre 1998 en tant que réfugiés et où vous avez d’ailleurs obtenu des cartes de réfugié. Le 17 ou le 18 septembre 1998, vous avez dû quitter le Monténégro, parce que la police essayait de chasser les gens et parce que malgré la présence de la Croix Rouge, vous ne pouviez pas manger à votre faim. Vous vous êtes alors rendus en bus à Sarajevo et de là, avec l’aide de passeurs, vous avez traversé la Croatie, la Slovénie et l’Italie pour arriver finalement au Luxembourg dans la nuit du 24 au 25 septembre 1998.

Monsieur ADROVIC, vous relevez avoir accompli votre service militaire en 1981/1982 en Croatie et avoir fait la réserve à plusieurs reprises jusqu’à 1989. Vous précisez ensuite qu’en septembre 1998 la police s’est présentée chez vous afin de vous emmener une nouvelle fois à la réserve. Cette fois-ci néanmoins, vous vous êtes caché, n’ayant plus envie de servir comme réserviste. D’après vos déclarations, ce refus provenait du fait que vous ne vouliez pas aller à la guerre et tuer des gens innocents, tels que des femmes et des enfants. Par la suite, vous avez quitté votre pays afin d’éviter la réserve. Vous précisez qu’en cas de retour dans votre pays vous craignez une peine d’emprisonnement, ainsi qu’une amende en raison de votre insoumission.

En outre, vous faites valoir que la situation dans votre pays n’est pas encore tout à fait calme et qu’en tant que musulman, n’ayant pas les mêmes droits qu’un orthodoxe, vous avez peur des autorités au pouvoir (M. Milosévic, M. Djukanovic etc.).

Vous relatez cependant ne pas avoir été maltraité ni avoir été membre d’un parti politique.

De votre côté, Madame ADROVIC, vous confirmez les déclarations de votre mari, en ce qui concerne les raisons de votre fuite, due à un appel à la réserve de votre conjoint. Vous affirmez de plus avoir peur de la guerre, peur d’ailleurs liée à votre confession musulmane.

Vous ajoutez que lors de votre séjour au Luxembourg vous avez été opérée gratuitement, opération n’ayant pas pu être réalisée dans votre pays faute de moyens financiers nécessaires.

En ce qui concerne d’éventuelles persécutions, vous relevez ne pas en avoir subies personnellement.

Par conséquent, vous avez tous les deux basé votre demande d’asile d’abord sur le fait que Monsieur ADROVIC a été appelé à la réserve et ensuite sur la peur de la situation générale régnant dans votre pays. A cet effet, vous, Monsieur ADROVIC, vous invoquez une peur des autorités actuellement au pouvoir dans votre pays, tandis que vous Madame 2 ADROVIC, vous précisez que vous avez peur de la guerre et que cette peur est liée à votre religion.

Concernant votre premier motif, à savoir la crainte d’une éventuelle sanction pénale en raison de l’insoumission, il est nécessaire de relever que l’insoumission n’est pas, en elle-

même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d‘asile une crainte justifiée.

Quant à votre peur des autorités momentanément au pouvoir ainsi qu’à celle de la guerre, force est de constater que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et des exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire. Une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place.

Par ailleurs, le fait pour vous deux, Monsieur et Madame ADROVIC, d’avoir invoqué une peur générale à l’encontre des autorités ainsi qu’une peur de la guerre, sans pour autant avoir invoqué des mauvais traitements personnels, n’est pas de nature à justifier une persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution pour une des raisons énumérées par la Convention de Genève.

Dans ces circonstances, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

(…) ”.

Par lettre datée du 5 juillet 2000, Monsieur et Madame ADROVIC-… firent introduire, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 11 avril 2000.

Par décision du 10 juillet 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 9 août 2000, Monsieur et Madame ADROVIC-… ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 11 avril et 10 juillet 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées.

3 Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils auraient quitté le Kosovo à la fin du mois d’août 1998 en vue de se rendre au Monténégro où ils seraient d’ailleurs tous nés, en vue de s’y faire enregistrer en tant que réfugiés et qu’ils y auraient obtenu des cartes de réfugié, que vers le 17/18 septembre 1998, ils auraient dû quitter le Monténégro, au motif que la police aurait essayé de faire partir les réfugiés présents sur ce territoire et que, malgré la présence de la Croix Rouge au Monténégro, ils n’auraient pas pu “ manger à leur faim ”. Ils exposent encore que Monsieur ADROVIC aurait accompli son service militaire en 1981/1982 en Croatie et qu’il aurait servi à plusieurs reprises dans la réserve jusqu’en 1989. Au mois de septembre 1998, la police se serait présentée à leur domicile afin d’emmener Monsieur ADROVIC une nouvelle fois pour servir dans l’armée fédérale yougoslave. Refusant “ catégoriquement d’avoir à tuer des gens innocents, des femmes et des enfants ”, Monsieur ADROVIC se serait alors caché et aurait dû, dans une deuxième phase, fuir son pays ensemble avec sa femme et ses deux enfants afin d’éviter de servir à nouveau dans l’armée fédérale yougoslave.

Ils soutiennent que le ministre de la Justice aurait commis une erreur d’appréciation des fait, en ce que , d’une part, Monsieur ADROVIC risquerait d’encourir d’importantes peines d’amende et d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, en raison de ses actes répétés d’insoumission et de désertion, et, d’autre part, non seulement sa vie mais également celle de sa femme et de ses deux enfants seraient menacées. Dans ce contexte, il souligne qu’au cours du mois de juin 2000, ses parents auraient reçu une convocation lui adressée, le citant devant un tribunal militaire.

Les demandeurs se basent encore sur la situation générale existant au Kosovo pour établir que leur vie y serait directement mise en péril. Dans ce contexte, ils font valoir qu’ils auraient été traumatisés par les années de guerre, d’atrocités et de terreur quotidienne vécues par eux au cours des dernières années et qu’ils souhaiteraient enfin pouvoir vivre en paix et en toute sécurité. Ainsi, plus particulièrement, Madame … aurait une peur “ maladive ” de la guerre notamment en raison de son appartenance à la confession musulmane.

Ils souhaitent encore voir établir la justification de la reconnaissance du statut de réfugié politique en se basant sur le fait que Madame … serait atteinte d’une grave maladie depuis environ 5 ans, qui nécessiterait des soins médicaux très particuliers, qui ne pourraient lui être fournis dans son pays d’origine “ faute de personnel compétent, de matériel et d’installations adaptés ”. De ce fait, et de l’avis de son médecin traitant au Luxembourg, elle devrait rester encore au moins deux années au Luxembourg en vue de recevoir les soins nécessités par son état de santé.

Ils soutiennent encore que les décisions critiquées violeraient respectivement l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, l’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 et l’article 1er, section A,2 de la Convention de Genève, en ce que les décisions en question ne seraient pas 4 suffisamment motivées, dans la mesure où le ministre de la Justice se serait basé sur une motivation standard afin de leur refuser la reconnaissance du statut de réfugié politique, équivalent à une absence de motivation.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des époux ADROVIC-… et que le recours laisserait d’être fondé.

Abstraction faite de ce que les demandeurs ont invoqué le moyen tiré de l’absence de motivation des décisions critiquées en dernier ordre de subsidiarité, il appartient au tribunal d’analyser ce moyen en premier lieu. Ledit moyen d’annulation consiste à soutenir que les décisions ministérielles critiquées seraient entachées d’illégalité pour défaut de motivation suffisante. Il échet de constater que ce moyen n’est pas fondé, étant donné qu’il se dégage du libellé susénoncé de la décision ministérielle critiquée du 11 avril 2000 que le ministre de la Justice a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance des demandeurs. Par ailleurs, le fait par la décision du 10 juillet 2000 de confirmer purement et simplement la décision initiale, implique que cette deuxième décision se base sur les mêmes dispositions légales et réglementaires ainsi que sur les mêmes motifs que ceux sur lesquels s’est basée la décision initiale.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit d’analyser la justification au fond des deux décisions de refus d’accorder le statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. – Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ADROVIC et par Madame …, lors de leurs auditions respectives du 5 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus respectifs figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du 5 fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le ministre a légitimement pu motiver sa décision par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef de Monsieur ADROVIC, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables et le demandeur reste en défaut d’expliquer et d’établir l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution dans son chef en raison de sa prétendue insoumission.

Il y a lieu de relever dans ce contexte que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine de répressions et d’exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies y a été mise en place, et qu’il convient d’en conclure que les demandeurs ne peuvent plus faire état d’un risque actuel de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de leur crainte de subir de la part des autorités serbes des actes de persécution du fait de leur appartenance ethnique et de leurs appartenance et rôle politique ou du fait de l’insoumission de Monsieur ADROVIC résultant du fait qu’il n’a pas répondu aux convocations lui adressées, à l’époque où ils habitaient au Kosovo, c’est-à-dire, tel que cela ressort d’un courrier adressé au tribunal part le mandataire des demandeurs en cours du délibéré, de l’accord du délégué du gouvernement, de 1986 à 1998, en vue de rejoindre la réserve de l’armée fédérale yougoslave.

D’une manière générale, les demandeurs, en substance, n’ont fait état que d’un sentiment général d’insécurité au Kosovo et, en ce qui concerne Monsieur ADROVIC, de sa peur de devoir faire son service militaire et de devoir aller à la guerre, sans cependant faire état d’un état de persécution vécu ou d’une crainte qui serait telle que leur vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine, étant relevé dans ce contexte que, lors de leurs auditions, ils ont respectivement précisé qu’ils n’ont pas été persécutés personnellement - étant précisé que la visite de la police militaire au domicile de Monsieur ADROVIC, dans le cadre de son appel à la réserve de l’armée fédérale yougoslave, même à la supposer établie, n’est pas d’une gravité telle qu’elle puisse justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève -, qu’ils n’ont pas été accusés d’un crime ou d’un délit, ni incarcérés avec ou sans jugement et qu’ils n’établissent aucunément des raisons personnelles suffisamment précises de nature à justifier dans leur chef une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine, notamment du fait de leur religion musulmane. Par ailleurs, ils ne démontrent point que les forces onusiennes et l’administration civile actuellement en place au Kosovo ne soit pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant à la population dudit pays.

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation de Madame …, il échet de constater qu’à part ses déclarations faites quant à son état de santé, elle n’a pas fait état d’un risque de persécution ou de persécutions qui lui seraient propres. Quant à ses problèmes de santé, aussi tragiques qu’ils puissent être, ils ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, étant donné que ni les problèmes de santé en 6 question ni encore la qualité des soins que peuvent assurer les médecins dans son pays d’origine ne sont de nature à justifier une crainte de persécutions dans son chef au sens de ladite Convention.

Enfin, il ne ressort pas des éléments du dossier que les consorts ADROVIC-… risquent de subir des traitements discriminatoires en raison de leur religion musulmane ou que de tels traitements leur ont été infligés dans le passé dans leur pays d’origine, à savoir le Kosovo.

En ce qui concerne encore le fait que les demandeurs ont dû quitter le Monténégro, pays de leurs naissances respectives, après y avoir trouvé refuge pendant quelques semaines à la suite de leur fuite du Kosovo, il échet de relever qu’ils n’établissent et n’allèguent aucun motif susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, étant donné que ce départ a été motivé essentiellement par les conditions dans lesquelles les réfugiés auraient été traités dans ce pays, sans qu’ils aient apporté des précisions permettant au tribunal d’apprécier si leur situation subjective pouvait laisser supposer un danger sérieux pour eux dans ce pays.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

le déclare également recevable en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme. Lenert, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 6 décembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12222
Date de la décision : 06/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-06;12222 ?

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