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06/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12212

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 2000, 12212


N° 12212 du rôle Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par Madame … CRNOVRSANIN contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12212 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2000 par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … CRNOVRSANIN, née

le … à …/Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principal...

N° 12212 du rôle Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par Madame … CRNOVRSANIN contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12212 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2000 par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … CRNOVRSANIN, née le … à …/Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 2 juin 2000, notifiée le 11 juillet 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse le 28 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé le 6 octobre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Tom FELGEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Le 3 mars 1997, Madame … CRNOVRSANIN, née le … à …/Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Madame CRNOVRSANIN fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 20 avril 2000, Madame CRNOVRSANIN fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 2 juin 2000, notifiée le 11 juillet 2000, le ministre de la Justice informa Madame CRNOVRSANIN de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ (…) Il résulte de vos déclarations qu’en 1997 vous avez quitté le Monténégro en direction du Grand-Duché de Luxembourg ensemble avec un ami vous ayant promis de vous procurer un emploi dans un restaurant lui appartenant au Luxembourg.

Vous exposez avoir fui votre pays à cause des problèmes que vous avez eus à l’Université. Vous précisez qu’un de vos professeurs aurait fait en sorte que vous n’avez pas réussi vos examens du fait qu’il vous avait vue dans un extrait de journal ensemble avec votre ex-fiancé, s’appelant …. Vous ajoutez que cet article accusait votre fiancé d’avoir été mêlé à “ une affaire d’armes ” ; or vous prétendez ne plus savoir de quelle affaire il s’agissait. Vous affirmez ne pas avoir conservé l’article de journal vous concernant et même ne pas vous rappeler de son contenu. De même vous n’êtes pas apte à déterminer la durée exacte de la période vécue ensemble avec votre fiancé qui, d’après vous, est à l’origine de tous vos problèmes. Vous déclarez en outre que la police judiciaire vous avait rendu visite à plusieurs reprises afin de vous questionner à propos de votre fiancé qui, ayant été mis en prison, a réussi à s’évader quelques temps après. Vous continuez à dire que vous avez peur de la politique menée dans votre pays, sans pour autant invoquer des persécutions personnelles.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen de la demande ne se limite pas seulement à la pertinence des faits allégués, mais il (sic !) apprécie aussi la valeur des éléments de preuve ainsi que la crédibilité des déclarations faites par le demandeur. Concernant l’évaluation de votre demande, force est de constater que vous restez en défaut d’exposer un quelconque fait précis prouvant une crainte justifiée de persécution. Vos descriptions restent vagues et imprécises ; ainsi vous ne vous rappelez même plus du contenu de l’extrait de journal qui serait à la base de vos problèmes.

De plus vous faites valoir ne pas avoir réussi vos examens du fait de l’intervention d’un de vos professeurs, sans pour autant apporter de preuve.

Même à admettre la véracité de vos déclarations, il y a lieu de relever que vous ne faites pas état de persécutions telles que la vie, dans votre pays d’origine, vous serait devenue intolérable. Ainsi vous ne faites pas état d’une crainte justifiée de persécutions en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

(…) ”.

Par requête déposée en date du 8 août 2000, Madame CRNOVRSANIN a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 2 juin 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le 2 recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre d’avoir commis une erreur d’appréciation des faits, en ce qu’il n’aurait pas apprécié à leur juste valeur les faits qui lui ont été soumis quant à sa situation personnelle. Elle expose qu’elle aurait quitté le Monténégro au début de l’année 1997 afin de se rendre au Luxembourg, étant donné qu’elle aurait vécu des événements traumatisants au Monténégro, du fait qu’elle aurait eu, en 1995, un fiancé du nom d’… qui aurait fait partie du SDA et qui aurait été impliqué dans un trafic d’armes dans le cadre duquel il aurait été cité dans un article d’un journal, dans lequel aurait également figuré son nom, à la suite duquel la police judiciaire serait plusieurs fois venue chez elle en vue de fouiller son domicile. Elle expose encore dans ce contexte que Monsieur … aurait par la suite été incarcéré et qu’à la suite de son évasion de la prison, la police judiciaire aurait à nouveau fouillé son domicile, ce qui aurait été à l’origine de menaces de la part de son voisinage et de “ graves problèmes ” qu’elle aurait eus à l’université, dans la mesure où ses enseignants lui auraient fait comprendre qu’à la suite de ces incidents concernant plus particulièrement son fiancé, “ elle ne passerait jamais les examens ”. Elle ajoute encore qu’au vu de la situation actuelle régnant au Monténégro, un retour dans ce pays, pour une femme de religion musulmane, serait “ tout à fait difficile ”.

Après avoir relevé que les déclarations de la demanderesse resteraient extrêmement vagues et imprécises, et ne sauraient tout au plus être analysées que comme l’expression d’un sentiment général d’insécurité, le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Madame CRNOVRSANIN et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse précise que ses problèmes auraient commencé en 1996 en raison de sa liaison avec un dénommé …, année au cours de laquelle celui-ci aurait été arrêté par les forces de l’ordre. Elle ajoute qu’à la suite de ses événements, elle aurait reçu des coups de fil anonymes et qu’un article de presse l’aurait cité comme étant la complice de …et un membre actif du SDA. Dans ce contexte, elle a déposé au greffe du tribunal administratif, en annexe à son mémoire en réplique, un jugement daté au 28 septembre 1998, traduit en français, suivant lequel elle aurait été condamnée à une peine de prison de deux ans et quatre mois et à une amende de 500 dinars pour avoir été la complice et s’être associée avec … , qui, de son côté, aurait été condamné par le même jugement du 28 septembre 1998 à une peine d’emprisonnement de six ans et à une amende de 500 dinars pour avoir possédé et vendu des armes à feux et du matériel explosif et menacé l’intégrité territoriale du Monténégro et de la Serbie comme membre “ marqué du Comité réalisé SDA (parti démocratique d’action). ”.

Elle soutient encore que malgré les doutes exprimés à ce sujet par le délégué du gouvernement, elle aurait présenté une version identique des faits tout au long de la procédure d’instruction ayant abouti à la décision déférée et que les imprécisions qui ont le cas échéant pu être constatés par le délégué, résulteraient du fait que quatre ans se seraient écoulés entre les faits et son audition en date du 20 avril 2000 par un agent du ministère de la Justice. Elle 3 ajoute qu'elle aurait fourni de toute façon depuis les faits, explications très précises à l’agent du ministère de la Justice ayant procédé à une audition en date du 4 mars 1997. Elle se base encore sur une attestation testimoniale émise par sa sœur, Mademoiselle … CRNOVRSANIN, non datée, versée au greffe du tribunal administratif en date du 28 septembre 2000, en annexe à son mémoire en réplique, pour conforter la version des faits telle que présentée par elle.

Elle propose encore au tribunal de recueillir le témoignage de sa sœur, pour autant que cela serait estimé nécessaire.

Elle souligne par ailleurs le caractère scandaleux du jugement précité du 28 septembre 1998 dans la mesure où elle aurait été condamnée par défaut, alors qu’elle n’aurait jamais reçu de convocation valable, que le jugement se serait basé sur de fausses déclarations émises par son ex-fiancé, Monsieur …, et qu’au cas où une opposition ou un appel ne pourraient plus être formés contre ledit jugement, elle risquerait d’être incarcérée au Monténégro, en cas de retour forcé dans ce pays, “ pour des raisons purement politiques ” et “ pour des faits auxquels elle n’a même pas pris part ”.

Elle soutient enfin que lors d’un retour au Monténégro, elle y rencontrerait “ des problèmes quasi insolubles concernant la poursuite de ses études et la recherche d’un emploi futur ” et que ces faits, à eux seuls, devraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement, après avoir marqué son étonnement par rapport au fait que le jugement du tribunal de Bijelo Polje du 28 septembre 1998 soit apparu seulement au mois de septembre 2000, soit plus de deux années après son prononcé, relève que l’attestation émise par la sœur de la demanderesse n’est ni datée ni accompagnée d’une copie certifiée conforme d’une pièce d’identité, mettant ainsi en doute l’authenticité de la déclaration en question.

En ce qui concerne le jugement précité du 28 septembre 1998, le représentant étatique se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne son authenticité, tout en soutenant que le seul fait que la demanderesse a été condamné à deux ans et quatre mois d’emprisonnement ne serait pas suffisant afin d’établir une quelconque persécution au sens de la Convention de Genève. Ainsi, ledit jugement ne renseignerait nullement que la demanderesse a été condamnée pour un des motifs de persécution tels que prévus par la Convention de Genève, étant donné qu’il semblerait plutôt, au contraire, s’agir d’une simple condamnation de droit commun.

Enfin, le représentant étatique relève que l’article de journal, sur lequel la demanderesse s’est basée afin de fonder ses problèmes non seulement avec la police mais également avec le voisinage de l’agglomération où elle habitait dans son pays d’origine, n’a toujours pas été déposé au greffe du tribunal administratif.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

4 La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. – Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle de la demanderesse, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de la demanderesse.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame CRNOVRSANIN lors de son audition du 20 avril 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, qui constitue d’ailleurs le seul compte rendu d’une audition de la demanderesse versé au greffe, le compte rendu d’une audition de la demanderesse par un agent du ministère de la Justice qui aurait eu lieu en date du 4 mars 1997 n’ayant pas pu être utilisé, d’après le délégué du gouvernement, en raison du fait que le fonctionnaire en charge de ladite audition aurait entre temps quitté le ministère de la Justice, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le tribunal constate que la demanderesse base ses craintes de persécution sur le jugement précité du 28 septembre 1998 sans établir que les poursuites engagées à l’encontre de son ex-fiancé, à savoir Monsieur …, et la condamnation intervenue contre celui-ci, ainsi que contre sa propre personne, en tant que complice, soient dues à leur race, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à un certain groupe social ou leurs convictions politiques et constituer partant une crainte actuelle justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, et ne constitue pas une condamnation de droit commun. Non seulement le récit de la sœur de la demanderesse mais également les reproches adressés par celle-ci à l’encontre du jugement précité du 28 septembre 1998 ne sont de nature à établir que la demanderesse a été poursuivie et condamnée pour des motifs prévus par l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève. Par ailleurs, les visites et fouilles auxquelles elle aurait été exposée de la part de la police judiciaire, dans le cadre des infractions commises par son ex-fiancé, même à les supposer établies, ne sont pas d’une nature suffisamment grave pour justifier un risque de persécution de ce chef et de lui rendre à raison la vie intolérable dans son pays d’origine.

Il échet encore de constater que la demanderesse a déclaré ne jamais avoir eu des activités ou même des opinions politiques, - à part le fait qu’elle n’était pas “ contente du fait de la mauvaise situation régnant dans [son] pays ”, - qu’elle n’a pas été incarcérée avec ou sans jugement, et qu’elle avait “ peur de devoir retourner dans [son] pays ”, en précisant ce qui suit : “ Je ne m’entends pas avec mes parents et mes frères ”, en indiquant encore qu’elle avait peur de la “ politique ”.

La demanderesse fait encore état de la mauvaise situation dans son pays d’origine, en ce qu’il serait difficile d’y retourner en sa qualité de femme musulmane, et qu’elle aurait des 5 difficultés à reprendre ses études universitaires. Toutefois, ces faits ont trait à la situation générale existant dans son pays d’origine qui, à elle seule, n’est pas de nature à justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Enfin, il ne ressort pas des éléments du dossier que Madame CRNOVRSANIN risque de subir des traitements discriminatoires en raison de sa religion musulmane ou que de tels traitements lui ont été infligés dans le passé.

En ce qui concerne plus spécialement les menaces auxquelles elle aurait été exposée de la part de “ son voisinage ”, et partant le prétendu risque actuel de subir des persécutions de la part d’un groupe de la population à son encontre, et partant, d’un défaut de protection de la part des autorités de son pays d’origine face à ces actes de persécution, il convient de relever qu’une persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, la demanderesse fait état de menaces de la part de son entourage, sans démontrer que les autorités de son pays d’origine, à savoir le Monténégro ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant à la population de cette région.

En ce qui concerne la demande tendant à voir recueillir le témoignage de la sœur de la demanderesse, il y a lieu de rejeter celle-ci, étant donné que le tribunal possède d’ores et déjà de tous les éléments d’approbation nécessaire en vue de prendre sa décision, les renseignements que Mademoiselle … CRNOVRSANIN est susceptible de fournir au tribunal lors d’une mesure d’instruction n’étant pas de nature à apporter des éléments nouveaux par rapport à ceux relatés ci-avant, tel que cela ressort de son certificat non daté, déposé au greffe du tribunal le 28 septembre 2000.

Il ressort de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, 6 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

rejette la demande tendant à instituer une mesure d’instruction en vue de recueillir le témoignage de la sœur de la demanderesse ;

au fond déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme. Lenert, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 6 décembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12212
Date de la décision : 06/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-06;12212 ?

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