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06/12/2000 | LUXEMBOURG | N°10019

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 2000, 10019


N° 10019 du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par la société civile ELOS contre trois décisions du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10019C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tabl

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N° 10019 du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 6 décembre 2000

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Recours formé par la société civile ELOS contre trois décisions du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10019C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile ELOS, établie à L-…, représentée par ses associés, Messieurs …, tendant à l’annulation 1.

du projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, tel qu’adopté définitivement quant à sa partie écrite par délibération du conseil communal du 25 avril 1994, et plus particulièrement son article C.3.6., 2.

de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 en tant, en particulier, qu’elle a rejeté une objection présentée par la requérante en date du 10 décembre 1991 à l’encontre de la partie écrite du plan d’aménagement provisoirement adopté le 4 novembre 1991, 3.

de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 25 avril 1994 en tant, en particulier, qu’elle a rejeté une objection présentée par la requérante en date du 12 octobre 1993 à l’encontre de la partie écrite modifiée telle que provisoirement approuvée par délibération du 12 juillet 1993, 4.

de la décision du ministre de l’Intérieur datée du 6 février 1997 de ne pas statuer sur, respectivement de rejeter les réclamations introduites en date des 23 septembre 1993 et 14 juin 1994 respectivement par la requérante à l’encontre de l’article C.3.6. et des délibérations visées sous les points 2 et 3 ci-

avant ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 23 mai 1997 portant signification de ce recours à la commune de Luxembourg ;

Vu l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives opérant la transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure du recours inscrit sous le numéro 10019C du rôle, y inscrit dorénavant sous le numéro 10019 du rôle ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi précitée du 21 juin 1999, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 20 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification dudit mémoire en réponse effectuée par acte d’avocat à avocat le 16 décembre 1999, à l’encontre de Maître Marc ELVINGER, avocat constitué pour la société civile ELOS ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er février 2000 par Maître Marc ELVINGER, au nom de la société civile ELOS ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2000 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification dudit mémoire en duplique effectuée par acte d’avocat à avocat le 29 février 2000 à l’encontre de Maître Marc ELVINGER, avocat constitué pour la société civile ELOS ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Marc ELVINGER et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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La société civile ELOS, établie à L-…, dénommée ci-après “ ELOS ”, est propriétaire de deux immeubles de bureaux situés au numéros 13 et 15 Côte d’Eich à L-

1450 Luxembourg. Sous l’empire de l’ancien plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, dit plan “ VAGO ”, ces immeubles étaient compris dans le “ secteur protégé de la Vieille Ville ”.

Suivant le nouveau plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg, tel que provisoirement adopté par délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 4 novembre 1991, les immeubles précités ont été classés dans “ le secteur protégé de la Ville Haute ”, leur rendant notamment applicables les articles C.0.1. à C.0.5. et C.3.1. à 2 C.3.6. de la partie écrite du nouveau plan d’aménagement général, étant encore relevé que suivant les informations fournies par ELOS, ledit classement en lui-même n’a pas été contesté.

Par un courrier daté du 10 décembre 1991, ELOS a fait introduire, par le biais de son mandataire, une objection adressée au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, sur base des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, dirigée contre certaines dispositions du projet d’aménagement général, tel qu’approuvé provisoirement par le conseil communal de la Ville de Luxembourg en date du 4 novembre 1991. Ces objections concernent, d’une part, l’article C.3.3.a) prévoyant la possibilité de subordonner toute démolition, transformation substantielle, reconstruction et construction nouvelle à l’agrément préalable d’un plan d’ensemble de construction portant soit sur l’îlot, soit sur une partie de l’îlot, en ce que ladite disposition omettrait de préciser à qui incombera la confection d’un éventuel plan d’ensemble de constructions, l’autorité qui décide dans quel cas il y a lieu de conditionner l’autorisation sollicitée à l’agrément préalable d’un tel plan d’ensemble de constructions, les critères déterminant les hypothèses dans lesquelles il y a lieu de dresser un tel plan, et, d’autre part, sur l’article C.3.6.

prévoyant l’obligation de réserver un niveau plein, un étage mansardé ou un étage en retrait au moins à l’habitation, en ce que cette disposition ne serait pas claire du point de vue du régime des dispenses et dérogations y prévues.

Il ressort d’un procès-verbal du premier avril 1993 relatant les auditions effectuées par le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, à la suite de l’affichage, pendant une durée de 30 jours, soit du 11 novembre au 10 décembre 1991, du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, tel qu’approuvé provisoirement par le conseil communal en date du 4 novembre 1991, dans le cadre des objections formulées dans ledit délai contre ledit projet, en vue de l’aplanissement des difficultés, qu’en ce qui concerne la réclamation précitée du 10 décembre 1991 formée au nom d’ELOS que Maîtres André et Marc ELVINGER ont été entendus en leurs explications fournies à la suite de la réclamation précitée.

Par courrier du 9 septembre 1993 adressé au mandataire d’ELOS, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa celui-ci que par délibération du 12 juillet 1993, le conseil communal avait statué sur la réclamation précitée introduite en date du 10 décembre 1991 et avait approuvé définitivement la partie graphique du projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg. Il ressort plus particulièrement de la délibération précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 que la réclamation introduite par ELOS et portant sur une dérogation à obtenir quant à l’obligation de réserver un niveau de leurs immeubles au logement, avait été rejetée, au motif qu’il était nécessaire de maintenir l’habitat en ville.

Par courrier du 23 septembre 1993, le mandataire d’ELOS adressa une réclamation au ministre de l’Intérieur, dirigée contre la décision précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg 12 juillet 1993, en ce que celui-ci avait rejeté sa réclamation dirigée contre l’approbation provisoire du nouveau plan d’aménagement général. Par ladite réclamation, ELOS se plaignait de ce que contrairement aux explications lui fournies au cours de son audition en date du 1er avril 1993, la commune n’aurait fait preuve d’aucune flexibilité afin d’assouplir l’exigence tendant à réserver un étage à l’habitation dans le 3 secteur dans lequel sont situés ses immeubles. En outre, ELOS se plaignait de ce que la faculté de substitution réservée à l’Etat et à la Ville de Luxembourg, permettant de prévoir des surfaces réservées à l’habitat dans un ou plusieurs autres immeubles du même secteur au cas où les exigences posées par l’article C.3.6. ne pourraient pas être respectées au sujet des “ équipements d’intérêt public ”, n’était pas étendue aux particuliers. Enfin, ELOS reprochait au conseil communal de ne pas avoir tenu compte de ses observations formulées quant à l’article C.3.6. précité, dans la mesure où celui-ci exige un accès séparé aux parties de l’immeuble réservées à l’habitation, en ce qu’elle avait invoqué le caractère irréaliste de ladite exigence pour un certain type de logement notamment dans le cas d’immeubles à très faible largeur, tel que cela serait le cas des immeubles dont elle est propriétaire à l’adresse précitée, en reprochant à ladite autorité communale que nonobstant les modifications apportées au dit article suivant lesquelles ladite exigence ne serait pas à observer au cas où la largeur d’une maison est inférieure à 5 mètres, la disposition ainsi libellée ne serait pas claire, en ce qu’il n’en résulterait pas si, à part cette seule condition dérogatoire, il ne s’y ajouterait pas une seconde, tirée de ce que, même au cas où la largeur d’une maison est inférieure à 5 mètres, il faudrait en outre que la maison en question ne permette pas la création d’un accès séparé. Elle proposa dans ce contexte de reformuler l’article C.3.6. en question afin de permettre une dérogation à la condition de l’accès indépendant en tenant compte de “ la configuration des lieux et la nature du projet de construction ”.

Dans la mesure où le conseil communal a également, au cours de sa séance précitée du 12 juillet 1993, décidé d’approuver provisoirement la partie écrite du plan d’aménagement général, telle que modifiée à la suite des réclamations introduites à la suite du premier vote provisoire intervenu en date du 4 novembre 1991, le mandataire d’ELOS a introduit une réclamation auprès du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, par courrier en date du 12 octobre 1993, par laquelle il formula ses critiques, en nom et pour compte d’ELOS, quant aux articles C.3.3.a) et C.3.6. de la nouvelle partie écrite dudit plan d’aménagement général.

A la suite de cette nouvelle objection, ELOS fut une nouvelle fois invitée à comparaître devant le collège des bourgmestre et échevins en vue de l’aplanissement des difficultés. Il ressort d’un procès verbal du 16 mars 1994 relatant ladite entrevue qu’en ce qui concerne les objections formulées par ELOS contre l’article C.3.3.a), le collège échevinal se rallia à la proposition de texte formulée au sujet dudit article par ELOS, de sorte à proposer au conseil communal de donner satisfaction à celle-ci. Par contre, la proposition d’ELOS tendant à voir reformuler l’article C.3.6., afin de lui donner satisfaction, n’a pas été retenue par le collège échevinal au motif que “ pour les accès indépendants aux logements il y a lieu de conserver une position restrictive ”. Au cours de l’entrevue en question, le mandataire d’ELOS a encore été entendu au sujet de sa réclamation introduite en date du 23 septembre 1993 auprès du ministre de l’Intérieur et dirigée contre l’approbation définitive intervenue en date du 12 juillet 1993 au sujet de la partie graphique du plan d’aménagement général.

Lors de sa délibération en date du 25 avril 1994, le conseil communal décida, d’une part, de faire droit à la réclamation présentée par ELOS, dans son courrier précité du 12 octobre 1993, dans la mesure où elle concernait l’article C.3.3.a) et de modifier en conséquence le libellé dudit article et, d’autre part, de rejeter la prédite réclamation dans la mesure où elle visait l’article C.3.6. portant sur l’obligation de créer des logements en 4 Ville Haute et de les desservir par un accès indépendant, au motif que “ des raisons impératives d’urbanisme et d’aménagement s’opposent à l’abandon des règles qui ont fait leur objet ”.

Par courrier daté du 14 juin 1994 de son mandataire, ELOS a fait introduire auprès du ministre de l’Intérieur une nouvelle réclamation dirigée contre la décision précitée du conseil communal du 25 avril 1994, en se référant à la motivation de sa réclamation antérieurement introduite auprès du prédit ministre en date du 23 septembre 1993.

Par un courrier en date du 10 novembre 1994, le mandataire d’ELOS sollicita de la part du ministre de l’Intérieur la communication des avis du conseil communal et de la commission d’aménagement instituée auprès dudit ministre de l’Intérieur, avis que celui-ci a dû recueillir afin de pouvoir prendre position par rapport à la réclamation introduite par ELOS en date du 14 juin 1994, afin de mettre ELOS en mesure de faire connaître ses observations par rapport auxdits avis, conformément à l’article 5, troisième alinéa du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Le mandataire d’ELOS s’est vu notifier, en date du 24 février 1997, la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 approuvant les parties graphique et écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, adoptées définitivement en dates des 12 juillet 1993 et 25 avril 1994, et rejetant la réclamation introduite par ELOS en date du 14 juin 1994, dans la mesure où elle visait l’article C.3.6. prescrivant pour le secteur protégé de la Ville Haute la création de logements disposant d’un accès particulier, au motif “ qu’il n’existe toutefois aucun argument d’intérêt général, justifiant une dérogation générale à ce principe, qui est d’une grande importance pour le développement urbanistique et démographique de la Ville ” en soutenant encore “ qu’il est préférable que la possibilité d’une dérogation à cette disposition soit examinée de cas en cas par le conseil communal dans le cadre de la procédure d’approbation définie à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 ”.

Par son courrier du 24 mars 1997, le mandataire d’ELOS rappela au ministre de l’Intérieur son courrier précité du 10 novembre 1994 par lequel il avait sollicité la communication des rapports d’audition du conseil communal ainsi que des avis de la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur, dans la mesure où ceux-ci concernent les réclamations introduites pour compte de son mandant, en l’informant de ce qu’à défaut d’avoir obtenu les pièces ainsi sollicitées, il devait “ exprimer toutes réserves à ce propos ”, en ce que, à son avis, le ministre de l’Intérieur aurait dû communiquer lesdits rapports d’audition du conseil communal et lesdits avis de la commission d’aménagement à son mandant, avant la prise de la décision afférente, en le priant de lui communiquer une copie des pièces énumérées dans sa prédite lettre de rappel.

En date du 26 mars 1997, le ministre de l’Intérieur informa le mandataire d’ELOS, à la suite de la lettre précitée de celui-ci du 24 mars 1997, de ce qu’il n’était pas en mesure de lui fournir une copie des documents ainsi réclamés, au motif que “ ces documents constituent dans le cadre de la procédure prévue par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des Villes et autres agglomérations importantes des avis à l’attention du Ministre de l’Intérieur, qui statue sur les réclamations après avoir entendu le conseil communal et la Commission d’aménagement. Comme les délibérations du 5 conseil communal ont été prises lors de séances publiques de cet organe, vous avez évidemment le droit de prendre à la mairie de la Ville de Luxembourg connaissance et copie, le cas échéant contre remboursement, desdites délibérations, ceci conformément aux dispositions de l’article 24 de la loi communale du 13 décembre 1988. Etant donné que la commission d’aménagement est un organe qui ne siège pas en séance publique, son avis est à considérer comme un avis interne à l’adresse du Ministre de l’Intérieur et cet avis ne saurait donc vous être remis ”.

Il est encore constant en cause, tel que cela résulte des explications fournies par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance, qu’elle a pu recevoir, de la part de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, un extrait du registre aux délibérations du conseil communal du 30 janvier 1995, au cours desquelles le conseil communal a avisé négativement la réclamation introduite par elle auprès du ministre de l’Intérieur en date du 14 juin 1994, sans que toutefois cet avis ne prenne position par rapport à sa réclamation introduite auprès du même ministre en date du 23 septembre 1993.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997, ELOS a fait introduire un recours en annulation à l’encontre 1.

du projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, tel qu’adopté définitivement quant à sa partie écrite par délibération du conseil communal du 25 avril 1994, en ce qui concerne plus particulièrement son article C.3.6., 2.

de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 en tant, en particulier, qu’elle a rejeté une objection présentée par elle en date du 10 décembre 1991 à l’encontre de la partie écrite du plan d’aménagement provisoirement adopté le 4 novembre 1991, 3.

de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 25 avril 1994 en tant, en particulier, qu’elle a rejeté une objection présentée par elle en date du 12 octobre 1993 à l’encontre de la partie écrite modifiée telle que provisoirement approuvée par délibération du 12 juillet 1993 et 4.

de la décision du ministre de l’Intérieur en date du 6 février 1997 de ne pas statuer sur, respectivement de rejeter les réclamations introduites en date des 23 septembre 1993 et 14 juin 1994 respectivement par elle à l’encontre de l’article C.3.6. et des délibérations ci-avant visées sub 2) et 3).

Conformément aux dispositions de l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le recours sous analyse introduit sous le numéro 10019C du rôle devant la Cour administrative et y non encore entièrement instruit à la date d’entrée en vigueur de ladite loi, à savoir le 16 septembre 1999, a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10019 du rôle.

Quant à la recevabilité 6 Le mandataire de la Ville de Luxembourg, auquel s’est rallié le délégué du gouvernement, soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours, en ce que la décision d’approbation ministérielle du 6 février 1997, s’analysant en un acte de tutelle administrative, rétroagirait quant à ses effets aux dates des décisions communales approuvées des 12 juillet 1993 - portant adoption définitive de la partie graphique du plan d'aménagement général - et 25 avril 1994 - portant approbation définitive de la partie écrite dudit projet d’aménagement général -, au motif que celles-ci sont antérieures à l’entrée en vigueur de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, laquelle a, pour la première fois, par son article 7, prévu la possibilité d’un recours direct dirigé contre des actes administratifs à caractère réglementaire. Il estime dans ce contexte que l’existence d’une voie de recours ne constituerait pas une règle de forme, mais une règle de fond, et que partant les décisions communales prises échapperaient à la compétence du tribunal, telle qu’actuellement prévue, pour être intervenues avant le premier janvier 1997, de sorte que la décision ministérielle y échapperait de même dans la mesure où ses effets rétroagiraient à la date où ont été prises les décisions communales en question, ce qui entraînerait que la décision d’approbation serait à considérer comme ayant été prise avant l’entrée en vigueur de l’article 7 en question.

La demanderesse estime que même en admettant que les décisions déférées prises dans le cadre de l’adoption et de l’approbation d’un plan d’aménagement général communal rentrent dans la catégorie des actes administratifs à caractère réglementaire et que la décision ministérielle d’approbation soit analysée comme simple acte de tutelle administrative rétroagissant à la date des décisions approuvées, en ce sens que, une fois valablement approuvées ces décisions sont censées avoir été valables dès leur origine, l’existence d’une voie de recours ne s’analysant pas en règle de forme mais en règle de fond, il n’en résulterait pas pour autant que le recours sous analyse soit irrecevable.

Elle fait valoir que la thèse défendue par la Ville de Luxembourg ainsi que par le délégué du gouvernement serait affectée d’un illogisme consistant à poser comme pétition de principe que, par l’effet de l’approbation de tutelle, les décisions du conseil communal seraient censées être valables, dès leur origine, alors qu’en réalité elles ne le deviennent, fût-ce rétroactivement, que par l’effet d’une décision légalement intervenue du ministre de l’Intérieur, étant constant qu’il serait précisément demandé à la juridiction administrative de vérifier la légalité de la décision ministérielle en question. L’effet rétroactif de l’approbation de tutelle serait donc conditionné par la légalité de la décision ministérielle d’approbation.

Même si la décision du ministre de l’Intérieur rétroagissait au jour des décisions qu’il vient d’approuver, en ce sens que par l’effet de cette décision d’approbation les décisions approuvées sont censées être valables dès l’origine, il n’en resterait pas moins que la décision d’approbation elle-même n’interviendrait pas à la date à laquelle elle rétroagit quant à ses effets, mais à la date à laquelle elle est effectivement prise, à savoir en l’occurrence le 6 février 1997, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996.

Elle estime encore qu’on ne saurait valablement conclure de l’effet rétroactif de la décision ministérielle d’approbation au fait que cette décision serait à traiter comme si elle avait été prise à la date à laquelle elle rétroagit par ses effets.

7 Elle conclut en soutenant que le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, serait en tout état de cause recevable.

La Ville de Luxembourg rétorque que les approbations données par l’autorité de tutelle ont le caractère de conditions suspensives posées à l’exécution des décisions prises par l’autorité décentralisée en ce que l’approbation validerait rétroactivement les décisions soumises à tutelle. Il s’agirait là d’une application aux actes unilatéraux de l’administration du principe général du droit formulé à l’article 1179 du code civil, suivant lequel la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté. Par voie de conséquence, l’approbation de tutelle serait réputée avoir été en vigueur dès avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable.

En vertu de l’article 107 (1) de la Constitution, les communes forment des collectivités autonomes, l’article 107 (6) disposant que “ la loi règle la surveillance de la gestion communale, elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation et la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs ”. Il s’ensuit que l’autonomie communale constitue la règle, la tutelle étant l’exception.

S’il est vrai que les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée, est censée être valable dès son origine, il n’en reste pas moins que l’existence d’une voie de recours est régie par la loi sous l’empire de laquelle la décision attaquée a été rendue.

Il s’ensuit que dans la mesure où l’acte d’approbation tutélaire, à savoir la décision du ministre de l’Intérieur précitée du 6 février 1997, a été pris après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la loi précitée du 7 novembre 1996, la Cour administrative, à la date de l’introduction du recours contentieux, le 26 mai 1997, et, par la suite, le tribunal administratif, par l’effet de l’article 71 de la loi précitée du 21 juin 1999, respectivement a été et est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle en question.

Le recours, en ce qu’il est dirigé contre ladite décision ministérielle, est encore recevable ratione temporis, étant donné qu’il a été introduit dans un délai de trois mois à partir de la communication de ladite décision à la demanderesse à la date du 24 février 1997, étant entendu que le jour du dépôt du recours, le 26 mai 1997, était un lundi, dernier jour utile d’introduction du recours.

Nonobstant le caractère rétroactif des effets de l’acte de tutelle, le délai d’introduction du recours contentieux à l’encontre de l’acte soumis à tutelle ne commence cependant à courir qu’à partir du jour de l’acte d’approbation en cas de recours d’un administré pour excès de pouvoir, l’acte initial soumis à l’approbation tutélaire ne faisant pas grief à l’administré tant que l’approbation n’est pas intervenue (Cour. adm. 7 avril 1998, n° 10562C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Tutelle administrative, n° 10, p. 343 et autres décisions y citées).

8 Il s’ensuit que la décision à prendre par le ministre de l’Intérieur, dans le cadre de son pouvoir de tutelle, par rapport aux approbations provisoire et définitive du plan d’aménagement général par le conseil communal, constitue le premier acte de nature à faire grief dans le cadre du déroulement d’une procédure conformément à l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, les décisions antérieurement prises par le conseil communal constituant des actes réglementaires, ayant un caractère préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle (Cour adm. 16 novembre 2000, n° 11878C du rôle, Kremer, non encore publié).

Il en résulte que dans la mesure où les décisions d’adoption définitive de la partie écrite et de la partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, en date des 12 juillet 1993 et 25 avril 1994, ne causent aucun grief à la demanderesse en ce qu’elles ont dû faire l’objet d’une approbation tutélaire par le ministre de l’Intérieur, à la suite des réclamations introduites par la demanderesse, aucun délai de recours n’a commencé à courir contre lesdites décisions du conseil communal.

Il s’ensuit encore qu’aucun recours n’était recevable à l’encontre de ces décisions communales avant l’approbation tutélaire, faute de grief de celles-ci. Comme ces actes préparatoires dans la procédure d’élaboration d’un plan d’aménagement général, dont l’aboutissement constitue l’acte d’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur, ne sortent le cas échéant leurs effets qu’à la suite d’une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, elles ne peuvent pas être attaquées indépendamment de la décision ministérielle en question, étant donné que ce n’est qu’à partir de ce jour qu’elles sont susceptibles de faire grief. Il suit encore du fait que c’est l’acte de tutelle qui fait sortir leurs effets aux décisions communales, que le délai de recours contentieux dirigé contre ces dernières ne commence à courir que du jour où l’acte de tutelle a été communiqué, à savoir, en l’espèce, le 24 février 1997. Comme, par ailleurs, la Cour administrative a été compétente, à cette date, pour connaître des recours en annulation dirigés contre des actes administratifs à caractère réglementaire, et comme cette compétence a été dévolue au tribunal administratif sur base de l’article 71 de la loi précitée du 21 juin 1999, ce dernier est compétent pour connaître du présent recours en annulation dirigé contre les décisions communales déférées des 12 juillet 1993 et 25 avril 1994, en ce que ce recours a été introduit ensemble avec le recours dirigé contre l’acte de tutelle y afférent.

Le recours, en ce qu’il est dirigé contre les décisions précitées du conseil communal des 12 juillet 1993 et 25 avril 1994, est encore recevable ratione temporis pour avoir été introduit dans le délai de trois mois suivant la communication faite à la demanderesse de la décision d’approbation précitée du ministre de l’Intérieur y relative, du 6 février 1997, tel que cela résulte des développements qui précèdent.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est recevable ratione temporis à l’encontre des décisions communales et ministérielle déférées.

Le recours en annulation est à déclarer recevable dans la mesure où il a par ailleurs été introduit suivant les formes prévues par la loi.

Quant au fond 9 La demanderesse invoque tout d’abord comme premier moyen d’annulation des actes administratifs attaqués l’irrégularité de la procédure par violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, en ce qu’elle n’aurait pas eu la possibilité de prendre connaissance des prises de position et avis émis respectivement par le conseil communal et la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur, que celui-ci a sollicité et sur lesquels il s’est basé en vue de prendre sa décision précitée du 6 février 1997, tel que cela ressort plus particulièrement des visas de celle-ci, ainsi que de faire connaître ses observations.

Elle expose dans ce contexte que nonobstant le fait que le plan d’aménagement général est en tant que tel un acte réglementaire, il n’en resterait pas moins que la décision du ministre de l’Intérieur statuant sur une réclamation présentée sur base de l’article 9, alinéa 5 de la loi précitée du 12 juin 1937 constituerait une décision individuelle, alors même qu’elle s’insérerait dans un processus réglementaire, ce qui lui rendrait applicable le règlement grand-ducal précité. Par ailleurs, dans la mesure où la procédure telle que prévue par l’article 9, alinéa 4 de la loi précitée du 12 juin 1937 ne comporterait aucune garantie équivalente à celles instituées par le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, ce dernier trouverait application.

A titre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal déciderait que sur base de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les dispositions du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ne trouvent pas application en l’espèce, elle soutient que la nullité de la décision ministérielle ne s’en impose pas moins au regard de l’exigence élémentaire du principe du contradictoire rappelé entre autres par l’article 1er, alinéa 2 de la loi précitée du 1er décembre 1978 qui, en tant que tel, devrait certainement être d’application générale, dans la mesure où il exigerait le respect des droits de la défense de l’administré et sa participation à la prise de la décision administrative qui le concerne. Elle expose encore dans ce contexte que ce serait à tort que le ministre de l’Intérieur a estimé que les avis émis par la commission d’aménagement, dans la mesure où ledit organisme ne siège pas en séance publique, seraient à considérer comme étant des avis internes à l’adresse du ministre de l’Intérieur et qu’ils ne pourraient partant pas être communiqués à des tiers. En effet, dans la mesure où l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 prescrit un avis à émettre par ladite commission d’aménagement dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’aménagement général, il serait évident que les particuliers intéressés doivent pouvoir en obtenir une copie, ne serait-ce que pour en vérifier l’existence effective et, par voie de conséquence, la régularité de la procédure suivie.

Au cours des plaidoiries, le mandataire de la demanderesse a informé le tribunal qu’il maintenait son moyen, nonobstant le fait qu’entre-temps sa mandante a pu prendre connaissance des avis ainsi réclamés et dont elle demandait encore la communication dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, cette demande devenant toutefois sans objet, ce dont il échet de lui donner acte.

Enfin, elle estime que la procédure suivie serait encore irrégulière du fait que le conseil communal de la Ville de Luxembourg - et le cas échéant aussi la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur - n’ont avisé que sa réclamation du 14 juin 1994, à l’exclusion de celle du 23 septembre 1993.

10 Tant le délégué du gouvernement que la Ville de Luxembourg soutiennent que la procédure d’adoption du nouveau plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg aurait été respectée, conformément à la loi précitée du 12 juin 1937.

C’est à bon droit que la Ville de Luxembourg conclut à l’inapplicabilité tant de la loi précitée du 1er décembre 1978 que du règlement grand-ducal pris en son application, conformément à son article 1er, à savoir, en l’espèce, le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, étant donné qu’en vertu de l’article 4 de ladite loi, qui dispose que “ les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l’article 1er s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré ”, le champ d’application de la loi, et partant du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, se trouve limité aux procédures administratives non contentieuses devant aboutir exclusivement à la prise de décisions administratives individuelles. En effet, dans la mesure où la décision ministérielle d’approbation tutélaire précitée du 6 février 1997, même dans la mesure où elle porte rejet des réclamations introduites par la demanderesse auprès du ministre de l’Intérieur, constitue un acte administratif à caractère réglementaire, elle ne tombe pas sous le champ d’application de la loi précitée du 1er décembre 1978.

Le moyen afférent tiré d’une prétendue violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Quant au reproche tiré de ce que dans son avis transmis au ministre de l’Intérieur, sur demande de celui-ci, en vue de la prise de la décision ministérielle déférée du 6 février 1997, le conseil communal n’a pas avisé sa réclamation du 23 septembre 1993 adressée au ministre de l’Intérieur, il échet de relever que c’est à bon droit que la Ville de Luxembourg soutient que ladite réclamation du 23 septembre 1993 ne portait pas, contrairement à ce que son libellé pourrait faire croire, sur la partie graphique du plan d’aménagement général, mais au contraire sur la partie écrite de celui-ci. C’est partant à bon droit que tant le conseil communal que le ministre de l’Intérieur, dans sa décision déférée du 6 février 1997, ont retenu que ladite réclamation ne pouvait être analysée que dans le cadre de la procédure d’approbation engagée au sujet de la partie écrite dudit plan d’aménagement général. Ladite réclamation n’a donc pu être dirigée que contre la décision du conseil communal du 25 avril 1994 approuvant définitivement la partie écrite du plan d’aménagement général, ce qui a d’ailleurs été fait par la deuxième réclamation de la demanderesse datée du 14 juin 1994. Aucune violation de la procédure ayant abouti à la prise de la décision déférée du ministre de l‘Intérieur, n’ayant partant pu être établie par la demanderesse, ce moyen est également à rejeter.

La demanderesse reproche encore au ministre de l’Intérieur d’avoir rejeté sa réclamation du 23 septembre 1993, au motif qu’elle ne serait pas dirigée contre la partie graphique du plan d’aménagement général, tel qu’approuvé définitivement par le conseil communal en date du 12 juillet 1993, décision communale contre laquelle ladite réclamation a été dirigée suivant son libellé, mais contre la partie écrite dudit plan et que partant elle aurait été prématurée.

C’est à bon droit que la Ville de Luxembourg relève qu’il ressort de la réclamation précitée du 23 septembre 1993, dirigée contre la décision du conseil communal du 12 11 juillet 1993, par laquelle a été approuvée définitivement la partie graphique du plan d’aménagement général, et provisoirement la partie écrite de celui-ci, que ladite réclamation porte exclusivement sur des dispositions de la partie écrite dudit plan en ce qu’elle critique les exigences et conditions suivant lesquelles un accès indépendant doit être aménagé dans les immeubles ayant une destination autre que le logement en vertu de l’article C.3.6. de la partie écrite du plan d’aménagement général, seule disposition critiquée, quant au fond, par la requête introductive d’instance sous analyse. Il ressort plus particulièrement du libellé de ladite réclamation que la demanderesse n’a pas entendu réclamer contre le fait que les immeubles dont elle est propriétaire aux numéros 13 et 15 de la Côte d’Eich à Luxembourg soient classés dans le “ secteur protégé de la Ville Haute ”, seul fait ayant pu être constaté par la partie graphique du plan d’aménagement général, mais qu’elle a réclamé contre les modalités d’aménagement des immeubles situés dans ledit secteur, telles que ces conditions sont décrites exclusivement dans la partie écrite dudit plan.

S’il est vrai que dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse veut voir constater que ladite réclamation a été dirigée contre la partie écrite du plan d’aménagement général, en ce que celle-ci a été approuvée provisoirement par ladite délibération du conseil communal du 12 juillet 1993, il n’en demeure pas moins que, à ce titre, la réclamation est à considérer comme étant prématurée, en ce que, d’après la procédure prévue à l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, en cas de contestation par une partie intéressée des décisions prises lors d’une approbation provisoire d’un plan d’aménagement général, celle-ci est obligée d’adresser d’abord une réclamation au collège échevinal afin que le conseil communal puisse la prendre en considération lors de l’approbation définitive dudit plan, étant entendu qu’un recours contentieux ne peut être dirigé que contre l’approbation définitive du plan d’aménagement général au cas où aucune réclamation n’est dirigée à son encontre ou contre la décision d’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur intervenue sur réclamation dirigée contre ladite approbation définitive.

Il s’ensuit que le ministre de l’Intérieur a correctement motivé sa décision attaquée du 6 février 1997 en décidant que “ la réclamation Elvinger [du 23 septembre 1993] est étrangère à l’objet de ladite délibération (…) ”.

Le moyen afférent est partant à rejeter, le seul fait que le conseil communal a procédé à deux délibérations séparées portant approbation provisoire de deux versions différentes de la partie écrite du plan d’aménagement général respectivement en dates des 12 juillet 1993 et 4 novembre 1991, au vu des nombreuses modifications y apportées à la suite des réclamations initiales dirigées contre la première délibération portant approbation provisoire de ladite partie écrite, n’étant pas de nature à énerver ce raisonnement.

La demanderesse critique encore la décision ministérielle d’approbation tutélaire en ce que celle-ci n’a pas fait droit à sa réclamation introduite en date du 14 juin 1994 contre l’approbation définitive de la partie écrite du plan d’aménagement général décidée par le conseil communal en date du 25 avril 1994, en invoquant tout d’abord une insuffisance de motivation en ce que le ministre a motivé sa décision en se référant à “ la possibilité d’une dérogation à cette disposition [permettant d’exempter les propriétaires de certains immeubles de prévoir un accès indépendant en vue d’accéder au niveau plein, à l’étage mansardé ou à l’étage en retrait devant être réservé à l’habitat, au cas où “ la largeur 12 d’une maison inférieure à 5 mètres ne le permet pas ”, tel que prévu à l’alinéa 1er de l’article C.3.6. de la partie écrite du plan d’aménagement général] soit examinée de cas en cas par le conseil communal dans le cadre de la procédure d’approbation définie à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 ”, en soutenant que le fait de prévoir des dérogations dans le cadre de la procédure définie à l’article 9 de la loi précitée de 1937 serait “ à la fois irréaliste d’un point de vue procédural et inadmissible d’un point de vue légal ”, en ce que cet article 9, dans la mesure où il règle les procédures d’adoption des plans d’aménagement - procédure de nature et à caractère réglementaire - serait entièrement étranger au problème de l’octroi de dérogations aux dispositions de tels plans d’aménagement généraux.

Ni la Ville de Luxembourg ni le délégué du gouvernement n’ont pris expressément position par rapport à ce moyen soulevé par la partie demanderesse.

Il y a tout d’abord lieu de relever que dans la mesure où, comme il a été relevé ci-

avant, le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 n’est pas applicable en l’espèce, la décision ministérielle attaquée du 6 février 1997 constituant un acte administratif à caractère réglementaire, non seulement en ce qu’elle a approuvé les décisions communales attaquées, mais également en ce qu’elle a statué sur la réclamation introduite contre l’approbation définitive du plan d’aménagement général du 25 avril 1994, les dispositions y contenues notamment quant à la motivation des décisions administratives ne s’appliquent pas en l’espèce.

Par ailleurs, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire imposant une motivation détaillée et exhaustive des actes administratifs à caractère réglementaire. En outre, comme l’alinéa 1er de l’article C.3.6. de la partie écrite du plan d’aménagement général dispose notamment que les logements doivent être desservis par un accès indépendant “ sauf si la largeur d’une maison inférieure à 5 mètres ne le permet pas ” ne se réfère pas à une quelconque procédure d’approbation définie à l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 dans le cadre de laquelle il y aurait lieu d’analyser la possibilité d’une dérogation à cette disposition de cas en cas, et comme cette disposition réglementaire est claire et précise et se suffit à elle même, sans qu’il y ait lieu de se référer à une éventuelle motivation fournie par le ministre de l’Intérieur dans le cadre de son approbation tutélaire de l’approbation définitive de la partie écrite du plan d’aménagement général, une éventuelle motivation allant au-delà de ce qui est prévu par le libellé de l’article en question n’est pas à prendre en considération dans la mesure où une telle motivation erronée ne saurait avoir une valeur égale ou supérieure à un article d’un plan d’aménagement général dûment approuvé par les instances compétentes.

Le moyen afférent invoqué par la demanderesse est partant à rejeter.

Enfin, la demanderesse invoque, d’une part, une violation du principe d’égalité, en ce que la disposition critiquée du plan d’aménagement général, à savoir l’article C.3.6.

ferait une distinction entre, d’une part, les particuliers, et, d’autre part, la Ville de Luxembourg et l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dans la mesure où ces derniers ne seraient pas obligés de procéder à la création de logements avec un accès indépendant pour les équipements d’intérêt public, étant entendu que la situation des particuliers serait à cet égard strictement identique à celle de la Ville de Luxembourg et de l’Etat, et, d’autre part, une violation du principe de proportionnalité, en ce que la disposition incriminée 13 serait encore illégale dans la mesure où elle imposerait aux particuliers une contrainte excessive par ailleurs insusceptible de réaliser l’objectif affiché, à savoir le maintien, voire le développement de l’habitat en ville.

La Ville de Luxembourg, après avoir rappelé qu’il n’appartient pas au juge administratif, saisi d’un recours en annulation, de contrôler des considérations de l’opportunité de la mesure réglementaire prise par les autorités compétentes, estime que les dispositions figurant à l’article C.3.6. seraient incontestablement des mesures de politique urbanistique, tendant à éviter que le quartier de la Ville Haute de la capitale ne se dépeuple encore davantage et ne soit transformé en quartier affecté entièrement à des activités de services. Ces mesures auraient donc été prises dans l’intérêt général de la commune afin de pouvoir offrir aux habitants ainsi qu’aux visiteurs, un centre ville “ vivant et animé même le soir ”. Dans ce contexte, et afin d’atteindre le but poursuivi, l’obligation d’aménager un accès séparé aux logements créés constituerait la seule mesure efficace de nature à assurer que l’obligation première soit respectée et afin de garantir un logement conforme aux attentes légitimes des futurs occupants.

En ce qui concerne plus particulièrement la violation du principe d’égalité invoqué par la demanderesse, la Ville de Luxembourg soutient que la différence de traitement de la Ville de Luxembourg et de l’Etat par rapport aux particuliers serait fondée sur des disparités objectives, en ce que le régime spécial réservé auxdites collectivités publiques viserait exclusivement les équipements d’intérêt public à réaliser par elles dans des immeubles situés dans le secteur protégé de la Ville Haute et que partant cette différence de traitement serait adéquate et se justifierait parfaitement.

Quant à la prétendue violation du principe de proportionnalité, la Ville de Luxembourg soutient que la mesure urbanistique serait incontestablement utile, justifiée, conforme au but politique recherché et n’imposerait pas de restrictions disproportionnées aux propriétaires des immeubles situés dans ledit quartier de la ville.

Le délégué du gouvernement estime que dans la mesure où la disposition incriminée du plan d’aménagement général s’appliquerait à tous les administrés concernés se trouvant dans la même situation, le principe de l’égalité devant la loi ne serait pas violé.

Il conclut par ailleurs au rejet du moyen tiré d’une prétendue violation du principe de la proportionnalité, en soutenant que l’article en question reflèterait des considérations d’urbanisme répondant à une saine gestion du territoire communal.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, consiste à vérifier le caractère légal de l’acte en question. La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité à la base de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, n° 9583 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n° 9, p. 306 et autres références y citées).

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier si la mesure prise dans le cadre d’un acte administratif à caractère réglementaire est proportionnelle par rapport au but poursuivi par l’autorité qui en est l’auteur (cf. trib.

14 adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, II.

Pouvoirs du juge, n° 10, p.306 et autres références y citées).

Quant au moyen tiré d’une violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi, il échet de relever que ledit principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Il est certes vrai que la Ville de Luxembourg et l’Etat sont traités d’une manière différente que les particuliers, dans le cadre de l’article C.3.6. du plan d’aménagement général, en ce que lesdites collectivités publiques sont dispensées d’installer un logement dans des immeubles situés dans le secteur protégé de la Ville Haute, à condition que ces immeubles constituent des équipements d’intérêt public, et de créer en compensation les surfaces équivalentes à réserver à l’habitat conformément à l’alinéa 1er de l’article C.3.6.

précité dans un ou plusieurs autres immeubles du même secteur, alors que notamment les particuliers ne figurent pas parmi les bénéficiaires d’une telle possibilité de dérogation à la règle générale, telle que prévue à l’alinéa 1er précité.

Il n’en demeure toutefois pas moins que l’Etat et la Ville de Luxembourg, d’une part, et les particuliers, d’autre part, ne se trouvent pas dans des situations similaires, dans la mesure où, d’une part, une différenciation est faite entre les collectivités publiques, agissant nécessairement en vue d’assurer l’intérêt général, et les particuliers, agissant généralement de manière à satisfaire leurs besoins privés et, d’autre part, les seuls immeubles appartenant à la Ville ou à l’Etat, susceptibles de tomber sous le champ d’application de la dérogation, sont ceux réservés aux équipements d’intérêt public, de sorte que tous les autres immeubles appartenant aux dites collectivités publiques sont traités de la même manière que ceux appartenant aux particuliers.

Il ressort de ce qui précède que la différenciation ainsi faite est objectivement justifiée dans la mesure où elle concerne exclusivement des équipements d’intérêt public à réaliser par l’Etat ou la Ville de Luxembourg et il n’y a partant pas lieu à conclure à une violation du principe d’égalité en ce que l’Etat et la Ville se trouvent dans une situation différente de celle des particuliers. Partant, le moyen de la demanderesse tiré de la violation du principe d’égalité devant la loi doit être écarté.

Quant au moyen tiré d’une prétendue violation du principe de proportionnalité, il échet de relever qu’il appartient au juge administratif de vérifier que l’activité administrative ne devienne illégale, en outrepassant sa finalité sociale dans la mesure où elle empiète sur les droits et libertés des particuliers au-delà de ce qui est nécessaire et utile à la réalisation des objectifs qu’elle a pour mission de poursuivre (F. Schockweiler, Les principes généraux du droit en droit communautaire et en droit administratif luxembourgeois, in Mélanges dédiés à Michel Delvaux, 1990, p. 241).

15 En l’espèce, la Ville de Luxembourg et l’Etat soutiennent, en substance, que le fait d’installer des logements dans des immeubles recueillant des équipements d’intérêt public risque de ne pas toujours être compatible avec la destination de l’immeuble en question. Il importerait partant de permettre à ces collectivités publiques de déroger à la règle prévue à l’alinéa 1er de l’article C.3.6., en créant en compensation des surfaces réservées à l’habitat dans un ou plusieurs autres immeubles du même secteur.

En créant cette dérogation, l’administration communale, auteur du plan d’aménagement général, et le ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, n’ont pas empiété sur les droits et libertés des particuliers. Par ailleurs, dans la mesure où cette réglementation se limite aux immeubles accueillant ou destinés à accueillir des équipements d’intérêt public à réaliser par l’Etat ou la Ville, lesquels ne concernent partant qu’un nombre limité d’immeubles situés dans le secteur protégé de la Ville Haute, elle est apte à réaliser le but poursuivi, en ce que les moyens mis en œuvre sont adéquats et de nature à permettre d’obtenir le résultat recherché. Par ailleurs, elle ne porte pas atteinte à des droits et intérêts juridiquement protégés des particuliers par rapport aux exigences d’intérêt général qui sont à la base de la mesure en question.

Il suit de ce qui précède que le moyen afférent est à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

donne acte à la demanderesse de ce que sa demande tendant à voir obtenir communication d’avis du conseil communal et de la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur est devenue sans objet ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge et lu à l’audience publique du 6 décembre 2000 par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

16 s. Legille s. Ravarani 17


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10019
Date de la décision : 06/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-06;10019 ?

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