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04/12/2000 | LUXEMBOURG | N°11364a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2000, 11364a


Numéro 11364a du rôle Inscrit le 5 juillet 1999 Audience publique du 4 décembre 2000 Recours formé par Monsieur … SCHOCKWEILER, Luxembourg contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11364 du rôle, déposée le 5 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

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Numéro 11364a du rôle Inscrit le 5 juillet 1999 Audience publique du 4 décembre 2000 Recours formé par Monsieur … SCHOCKWEILER, Luxembourg contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de révocation

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11364 du rôle, déposée le 5 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHOCKWEILER, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 22 mars 1999 ayant infligé à ce dernier la peine disciplinaire de la révocation;

Vu le jugement du 10 mai 2000 recevant le recours principal en réformation en la forme, déclarant le recours subsidiaire en annulation irrecevable et au fond, avant tout autre progrès en cause, ordonnant la réouverture des débats afin de permettre aux parties de verser tous les documents et informations relatifs à la procédure pénale engagée à l’encontre du demandeur et à son passé disciplinaire, Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2000 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 14 juin 2000 portant signification de ce mémoire complémentaire à Monsieur SCHOCKWEILER;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2000 par Maître Marco FRITSCH pour compte de Monsieur SCHOCKWEILER;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 14 septembre 2000 portant signification de ce mémoire complémentaire à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Christel DUMONT et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 2000.

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Par note du 6 mars 1998, les supérieurs hiérarchiques de Monsieur … SCHOCKWEILER, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, affecté au service central du personnel, ont attiré l’attention du collège échevinal de la Ville de Luxembourg sur certaines irrégularités tenant au paiement de rémunérations indues qui auraient été commises par ce fonctionnaire. Par délibération du 9 mars 1998, le collège échevinal décida alors d’entamer une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur SCHOCKWEILER et désigna Monsieur … comme délégué à l’instruction. Par la même décision, la société fiduciaire … de Bâle fut chargée de la vérification des livres de comptabilité des salaires ouvriers. Après avoir informé Monsieur SCHOCKWEILER qu’il envisageait de le suspendre de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive et avoir entendu ce dernier en ses explications et observations le 10 mars 1998, le collège échevinal le suspendit de l’exercice de ses fonctions par délibération du 11 mars 1998.

Sur base d’un rapport du délégué à l’instruction du 17 juin 1998, le conseil communal de la Ville de Luxembourg décida, par délibération du 13 juillet 1998, de transmettre le dossier disciplinaire de Monsieur SCHOCKWEILER pour avis au conseil de discipline des fonctionnaires communaux institué auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après désigné par “ le Conseil de discipline ”, étant donné qu’il estimait que les faits établis par l’instruction disciplinaire, tenant notamment à “ de multiples fautes dans le calcul des biennales non spécifiées en détail, et surtout bon nombre d’irrégularités ayant consisté à avoir fait mandater en faveur d’ouvriers et de retraités de la ville par le biais du système de rémunération des sommes de différents ordres de grandeur sans bases légales ni instructions de la part de ses supérieurs ”, constitueraient des manquements à réprimer par une sanction plus sévère que l’avertissement, la réprimande ou l’amende ne dépassant pas 1/5 d’une mensualité brute du traitement de base.

Suite à une convocation à l’adresse de Monsieur SCHOCKWEILER pour se présenter devant le Conseil de discipline à la séance du 18 janvier 1999 à 14:30 heures pour y être entendu en ses explications et moyens de défense, le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER sollicita, par télécopie du 17 janvier 1999, la remise de l’audience du Conseil de discipline “ afin que les droits de la défense soient respectés ” et réitéra sa demande antérieurement formée par la voie téléphonique en communication des coordonnées exactes des membres du Conseil de discipline devant siéger dans le cadre du dossier de son mandant.

Suite à une information téléphonique de la part du secrétaire du Conseil de discipline au secrétariat du mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER, celui-ci réitéra par télécopie du 18 janvier 1999 à destination du président du Conseil de discipline sa demande en communication des identités, qualités et fonctions des membres du Conseil de discipline.

2 Devant le Conseil de discipline, le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER soumit une demande en communication de l’arrêté ministériel de nomination des membres du Conseil de discipline et sollicita la récusation à l’encontre de chaque membre pris individuellement.

Par avis du 1er mars 1999, le Conseil de discipline prit position face aux moyens soulevés par le mandataire de Monsieur SCHOCKWEILER et conclut, sur base des éléments au fond dégagés par l’instruction accomplie, “ à l’unanimité des voix l’avis que … SCHOCKWEILER est à sanctionner de la peine disciplinaire de la révocation ”.

Le conseil communal décida en sa séance du 22 mars 1999 d’infliger à Monsieur SCHOCKWEILER la peine disciplinaire de la révocation, cette décision ayant été approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 30 mars 1999.

A l’encontre de cette décision du conseil communal du 22 mars 1999, Monsieur SCHOCKWEILER fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée en date du 5 juillet 1999.

Par jugement du 10 mai 2000, le tribunal administratif a reçu le recours principal en réformation en la forme et déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable. Quant au fond, il a écarté plusieurs moyens proposés par le demandeur, dont plus particulièrement celui relatif au vice dont serait affectée la procédure d’instruction en ce que ni le rapport du délégué à l’instruction, ni l’avis du Conseil de discipline ne relèveraient que le dossier aurait été instruit à sa décharge par l’analyse de la question de la responsabilité de son supérieur hiérarchique, ainsi que celui de l’irrégularité de la procédure devant le Conseil de discipline découlant du fait que celui-ci aurait statué lui-même sur la récusation soulevée individuellement à l’égard de chacun de ses membres, et enfin les moyens tirés de la non-conformité à l’article 36 de la Constitution du texte légal prévoyant la nomination des membres du Conseil de discipline par le ministre de l’Intérieur et du défaut de publicité de l’arrêté ministériel de nomination.

Relativement au moyen du demandeur tiré de la prescription de l’action disciplinaire pour certains des faits retenus au rapport du délégué à l’instruction, le tribunal a constaté que les textes légaux applicables alignent le délai de prescription de la sanction disciplinaire à celui de l’action publique dès lors que les fautes disciplinaires constituent ou sont susceptibles de constituer également une infraction pénale pour conclure qu’il ne saurait trancher sur les mérites de ce moyen qu’après avoir pris connaissance des faits concrets à la base de la procédure pénale engagée par la Ville de Luxembourg et des suites y données. Statuant sur base d’un recours en réformation, le tribunal a encore estimé utile de connaître les antécédents éventuels du demandeur et requis la production des éléments relatifs au passé disciplinaire du demandeur, non encore versés en cause. Par le même jugement, le tribunal a dès lors ordonné, avant tout autre progrès en cause, la réouverture des débats afin de permettre aux parties de verser tous les documents et informations relatifs à la procédure pénale engagée à l’encontre du demandeur et à son passé disciplinaire, tout en admettant les parties à prendre position par rapport aux pièces à verser par un mémoire complémentaire.

Suite au dépôt des pièces susvisées et des mémoires complémentaires pris par les parties au litige, le tribunal est actuellement appelé à statuer sur le bien-fondé de la sanction disciplinaire prononcée par la délibération déférée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 22 mars 1999.

3 Le demandeur se prévaut à cet égard de la prescription de l’action disciplinaire résultant d’un manquement aux devoirs du statut fixée à trois ans par l’article 88 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désignée par “ le statut ”. Cette prescription prenant cours à partir du jour où le manquement a été commis et se trouvant interrompue par tout acte de poursuite ou d’instruction disciplinaire, le demandeur estime que les faits repris au rapport du délégué à l’instruction sous les numéros 1-2, 4-6, 8-10, 13-15 et 17 seraient prescrits en reconnaissant un effet interruptif de prescription à la décision du collège échevinal du 9 mars 1998.

La partie défenderesse rencontre ce moyen en soutenant que certains des faits reprochés au demandeur seraient susceptibles d’être constitutifs des crimes de détournement de fonds et de faux en écriture et, en renvoyant à une procédure pénale pendante à l’heure actuelle à l’encontre du demandeur, en déduit que le délai de prescription serait en l’espèce, conformément à la seconde phrase de l’article 88 du statut, celui de l’action publique qui est de dix ans.

Le demandeur fait rétorquer que la qualification pénale des fautes lui reprochées n’aurait pas encore été valablement constatée en l’absence d’une décision au pénal, de sorte que la prescription administrative de trois ans devrait lui être acquise pour les faits susvisés.

Aux termes de l’article 88 du statut, “ l’action disciplinaire résultant du manquement aux devoirs du présent statut se prescrit par trois ans. Au cas où la faute disciplinaire constitue en même temps une infraction à la loi pénale, la prescription de l’action disciplinaire n’est en aucun cas acquise avant la prescription de l’action publique. La prescription prend cours à partir du jour où le manquement a été commis ; elle est interrompue par tout acte de poursuite ou d’instruction disciplinaire ”.

Il est constant en cause que la plainte déposée par la Ville de Luxembourg moyennant courrier du bourgmestre du 14 juillet 1998 est toujours en cours d’instruction au niveau du cabinet d’instruction. Dans la mesure où la qualification pénale des faits commis antérieurement à la période de trois ans avant le premier acte interruptif de prescription dépend du résultat de l’instruction en cours ensemble ses suites éventuelles, conditionnant ainsi le délai de prescription à leur égard, il y a lieu d’examiner, dans un premier stade, les faits en cause qui ne sont, du moins en partie, pas encore prescrits sur la base de la prescription administrative triennale et d’examiner tout d’abord le bien-fondé de la sanction disciplinaire au regard des seuls faits commis dans les trois ans précédant la survenance du premier acte interruptif de la prescription. Dans la mesure où la délibération du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 9 mars 1998 a décidé l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre du demandeur et a désigné un délégué à l’instruction dans ce dossier, elle est à considérer comme le premier acte posé par la Ville de Luxembourg dans ce cadre et doit dès lors être qualifiée d’acte interruptif de la prescription, de sorte qu’il y a lieu de prendre en considération d’abord les faits postérieurs au 9 mars 1995, en l’occurrence ceux repris sous les numéros 3, 5, 7, 11, 12, et 16 ainsi qu’en partie ceux figurant sous les numéros 6, 9, 14, 15 et 17 du rapport du délégué à l’instruction.

Concernant les faits reprochés ainsi circonscrits à ce stade, le demandeur sollicite acte que 14 cas de paiements de la prime de ménage à 100% au lieu de 40%, relatés dans le rapport du délégué à l’instruction, n’ont jamais fait l’objet d’une instruction contradictoire et ne pourraient dès lors faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Il renvoie ensuite à ses problèmes d’alcoolémie qui auraient été d’une gravité telle qu’il se serait présenté tous les jours en état 4 d’ébriété à son poste et qu’il aurait consommé des boissons alcooliques même à son lieu de travail tout en laissant traîner en permanence des bouteilles dans son bureau. Il estime que son état personnel ainsi dégradé n’aurait en aucun cas pu échapper à ses collègues et supérieurs hiérarchiques, qui dès lors auraient nécessairement toléré cet état des choses en s’abstenant de toute mesure requise dans l’intérêt du service et de celui du demandeur même, de manière à être restés en défaut d’exercer correctement leurs fonctions en omettant de provoquer en temps utile les mesures disciplinaires appropriées afin d’empêcher que la situation ne se dégrade davantage.

Le demandeur reproche ensuite à l’administration communale l’absence de mécanismes de contrôle sérieux et adaptés au niveau du paiement des rémunérations, défaut qui serait mis en évidence par la circonstance que lui-même aurait pu agir durant près de sept ans sans un contrôle interne. Il relève encore le défaut de surveillance de la part de son supérieur hiérarchique direct et ses connaissances insuffisantes du système de calcul et du programme informatique de gestion des salaires, de manière qu’il se serait trouvé privé de l’assistance et des conseils de son supérieur. Il fait valoir finalement ne jamais avoir effectué les opérations sanctionnées dans le but de s’attribuer à lui-même un quelconque avantage ou de s’enrichir personnellement et affirme avoir commis de nombreux faits critiqués par simple négligence et non pas intentionnellement, de sorte que le préjudice en résultant ne pourrait lui être imputé.

Le demandeur insiste encore pour dire que la circonstance de l’absence dans son chef d’autres fautes, négligences ou manquements ayant conduit à une sanction disciplinaire en dehors de ceux découverts en 1998, fait reconnu par la partie défenderesse elle-même, confirmerait “ l’excessive sévérité sinon l’inadéquation de la peine disciplinaire de la révocation [lui] infligée ”. Il fait encore valoir que le jugement pénal rendu à l’égard de plusieurs fonctionnaires de l’Etat sur lequel la partie défenderesse se fonde ne saurait servir de référence en l’espèce, étant donné que cette affaire viserait essentiellement une opération concertée entre un fonctionnaire et des tiers, et qu’il avait exécuté en tant que fonctionnaire de la carrière inférieure au sein de l’administration communale des “ opérations complexes et lourdes d’incidences financières ” avec des “ moyens d’une technicité disproportionnée eu égard à ses réelles compétences ”, pour conclure qu’un délit de fonction devrait être apprécié non seulement eu égard à la qualité de l’auteur, mais aussi eu égard à l’inadéquation entre la nature de sa charge et la mise à sa disposition de moyens d’une technicité trop complexe.

Conformément à l’article 64 alinéa 1er du statut, “ l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ”.

Dans le cadre du recours en réformation, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le demandeur en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, tout en prenant encore en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du demandeur.

Il résulte des éléments du dossier que plusieurs séries de manquements sont essentiellement reprochés au demandeur au niveau des faits qui sont pris en compte à ce stade.

Le demandeur a en premier lieu réactivé dans le fichier informatique des salaires de certains membres du personnel de la Ville de Luxembourg qui étaient en réalité partis en retraite, soit par réactivation simple en enlevant la date de sortie ou du trimestre de faveur, soit par réactivation unique avec marquage par défaut activé, soit par des réactivations à répétition avec marquage par défaut activé, soit enfin par réactivation à l’expiration d’un congé sans 5 solde. Le demandeur a encore opéré le paiement d’améliorations nettes et de rappels bruts inexplicables à des agents de la Ville de Luxembourg. Le demandeur s’est vu en troisième lieu reprocher des comportements fautifs imputables à un “ manque de conscience professionnelle et à un laisser-aller inqualifiables ”, consistant notamment dans l’omission de faire le suivi de certains dossiers et dans le défaut de redressement d’une situation irrégulière et de conservation de listes de contrôle. L’ensemble de ces manquements a eu pour conséquence des paiements de sommes indues, d’un montant appréciable de deniers publics, à des agents en service ou en retraite de la Ville de Luxembourg.

Les manquements disciplinaires imputés au demandeur, tels que résumés ci-dessus, ont en large partie comme source des modifications apportées aux données enregistrées dans le programme informatique de gestion des rémunérations des ouvriers de la Ville de Luxembourg et des défauts de suivi de certains dossiers personnels. Alors qu’une partie de ces manquements est, d’après le rapport du délégué à l’instruction, la conséquence d’un “ manque de conscience professionnelle ou d’un laisser-aller notoire ” du demandeur, il ressort du même rapport prévisé qu’une partie des malversations commises a requis l’enregistrement d’ordres volontaires et répétés dans le programme informatique de gestion des rémunérations des ouvriers, amenant le délégué à la conclusion que ces opérations ont été effectuées “ sciemment ”, voire “ avec préméditation ”. Le demandeur a en plus jeté régulièrement les listes de contrôle et d’autres documents justificatifs qui auraient permis un contrôle précis des opérations effectuées et des erreurs commises. Le rapport prévisé déclare ne reproduire que les fautes les plus graves et les plus significatives en passant en revue différents cas de figure, tout en retraçant l’important préjudice financier non autrement contesté en cause subi par la Ville de Luxembourg pour les seuls dossiers d’agents analysés dans ledit rapport et pris en compte pour l’évaluation du comportement disciplinaire du demandeur.

Le demandeur ne conteste point la matérialité des faits retenus à son encontre à travers le dossier soumis au tribunal et se trouve dès lors en aveu quant à leur commission, son argumentation au fond tendant essentiellement à faire valoir des causes justificatives et circonstances atténuantes y relatives.

Au vu de l’ampleur des faits prévisés se situant dans la période du 8 mars 1995 au 8 mars 1998 tels que dégagés par l’instruction disciplinaire, c’est à juste titre que le conseil de discipline et à sa suite le conseil communal les ont qualifiés de manquements graves aux devoirs d’un fonctionnaire communal. Il résulte en effet des éléments du dossier que la commission d’une partie substantielle des manquements reprochés au demandeur a requis à travers toute la période considérée et de manière répétée des manipulations ciblées et conscientes du programme informatique de gestion des salaires, partiellement moyennant des opérations sur plusieurs écrans de traitement des fichiers personnels, présupposant une connaissance adéquate de son fonctionnement, de sorte que le demandeur ne saurait se prévaloir en sa faveur d’une maîtrise insuffisante et du caractère excessivement compliqué de cet instrument de travail, étant constant qu’il ne s’est jamais plaint de ne pas être à la hauteur de sa tâche et qu’il a collaboré au développement et à l’installation dudit programme informatique. La gravité intrinsèque de ces actes découle ainsi de la volonté consciente avec laquelle le demandeur a nécessairement altéré des données contenues dans le programme de gestion afin d’obtenir le résultat escompté. L’existence de cette volonté d’altération est établie à suffisance de droit par les cas concrets évoqués dans le rapport du délégué à l’instruction qui ne sont en toute occurrence pas encore prescrits, de sorte que la prescription disciplinaire du chef de laquelle les cas concrets plus anciens antérieurs au 9 mars 1995 resteraient le cas 6 échéant couverts reste en l’espèce sans incidence sur l’appréciation du caractère volontaire et répété des faits fautifs reprochées au demandeur.

En guise de causes justificatives, voire de circonstances atténuantes, le demandeur fait d’abord état de ses problèmes d’alcoolémie durant toute la période en cause. Force est de constater à cet égard qu’il reste en défaut d’établir, outre la réalité de l’envergure des problèmes ainsi allégués, leur incidence sur les faits commis, qui, tels que relevés ci-avant, ont commandé des manipulations informatiques ciblées et conscientes d’une complexité a priori incompatible avec un état d’ébriété avancée, abstraction faite de la gravité de pareil état sur un plan disciplinaire, non toisée en tant que telle par la décision déférée.

Les reproches également formulés par le demandeur dans ce cadre à l’encontre de ses collègues de travail et de ses supérieurs hiérarchiques relatifs à leurs passivité et manque de surveillance, tout comme ceux tirés d’un défaut de mécanismes sérieux de contrôle de son activité, ne justifient pas non plus une atténuation dans l’appréciation des manquements disciplinaires commis par le demandeur, les attitudes ou défauts de procédures internes ainsi relevés, fussent-ils établis, restant sans incidence sur la gravité intrinsèque des faits commis par le demandeur, lequel est personnellement tenu de s’acquitter correctement de la tâche inhérente à sa fonction indépendamment du niveau de la surveillance sur lui exercée.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le défaut d’un enrichissement personnel allégué par le demandeur.

Il s’ensuit que, même en se basant sur les seuls faits postérieurs au 9 mars 1995, le conseil communal de la Ville de Luxembourg a légitimement pu conclure que l’intention consciente d’agir se dégageant des actes commis par le demandeur, leur gravité intrinsèque, leur caractère répété et le préjudice financier par eux causé ont définitivement ébranlé la confiance dont le demandeur avait bénéficié antérieurement, en tant que fonctionnaire public revêtu d’une charge tenant à la gestion de deniers publics, et que son maintien au service de la Ville était devenu impossible de sorte à lui infliger la sanction disciplinaire de la révocation emportant la perte de son emploi.

La question de l’applicabilité d’un délai triennal de prescription administrative ou d’un délai de prescription pénale plus étendu ne restreint ainsi pas les bases factuelles pour l’appréciation de la gravité des manquements disciplinaires du demandeur dans une mesure telle que la sanction disciplinaire prononcée en l’espèce serait disproportionnée, de sorte que le moyen y relatif du demandeur est à écarter. La même conclusion s’impose en ce qui concerne la demande d’acte formulée par ce dernier quant à 14 cas de paiements de la prime de ménage à 100% au lieu de 40%, relatés dans le rapport du délégué à l’instruction, qui n’auraient jamais fait l’objet d’une instruction contradictoire et ne pourraient dès lors faire l’objet d’une sanction disciplinaire, les autres faits pris en compte établissant à suffisance de droit la gravité des manquements disciplinaires commis par le demandeur.

En outre, l’absence d’antécédents disciplinaires n’est, dans les circonstances données, pas de nature à énerver la validité et le caractère proportionnel du choix de la sanction disciplinaire infligée au demandeur, le conseil communal ayant légitimement pu considérer que la rupture définitive de confiance due à l’intention consciente d’agir à l’encontre des intérêts de la collectivité publique dans le chef du demandeur rendait le maintien en service de ce dernier impossible indépendamment de cet élément plaidant, de façon isolée, en sa faveur.

7 Le recours doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 10 mai 2000, déclare le recours non justifié et en déboute, laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 décembre 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11364a
Date de la décision : 04/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-04;11364a ?

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