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28/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12459

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 novembre 2000, 12459


N° 12459 du rôle Inscrit le 31 octobre 2000 Audience publique du 28 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12459 du rôle, déposée le 31 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître René WEBER, avocat à la Cour, assisté de Maître Gerd BROCKHO

FF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi...

N° 12459 du rôle Inscrit le 31 octobre 2000 Audience publique du 28 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12459 du rôle, déposée le 31 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître René WEBER, avocat à la Cour, assisté de Maître Gerd BROCKHOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 mai 2000, lui notifiée le 30 mai 2000, déclarant sa demande d’octroi du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Gerd BROCKHOFF et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 26 mai 1998, Monsieur … ADROVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le même jour, Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur ADROVIC fut entendu en date des 12 juillet 1998 et 8 février 1999 par des agents du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par courrier datant du 12 mai 2000, notifié en date du 30 mai 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: “ (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté la Yougoslavie déjà en 1996. Vous n’avez présenté votre demande d’asile que 2 ans plus tard.

Vous déclarez que vous avez peur d’être engagé dans l’armée yougoslave.

Vous exposez que vous sollicitez une autorisation de séjour et une autorisation de travail. Vous en avez fait la demande, mais vous avez reçu une réponse négative.

Vous indiquez être spécialement venu au Luxembourg pour aller à l’école pour apprendre l’électrotechnique.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Vous expliquez ne pas avoir eu des problèmes en Yougoslavie en raison de votre religion musulmane.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ”.

Après avoir été autorisé par jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2000 à introduire un recours contentieux contre la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 dans le délai d’un mois à partir du jour du prononcé dudit jugement, Monsieur ADROVIC a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de ladite décision ministérielle par requête déposée en date du 31 octobre 2000.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur expose être arrivé au Luxembourg au cours de l’année 1996 à l’âge de 16 ans et avoir reçu l’ordre de commencer son service militaire en Yougoslavie en date du 9 août 1999. Il fait valoir que dans la mesure où entre-temps des élections ont eu lieu au Monténégro ainsi qu’au Kosovo, et que le pouvoir élu dans l’une et l’autre région essentiellement musulmanes tendrait à une indépendance du Monténégro respectivement du Kosovo par rapport à “ Belgrade ”, la situation en Yougoslavie serait loin d’être revenue à la normale, étant donné que “ le pouvoir à Belgrade ” serait confronté à des aspirations d’autonomie des régions périphériques qu’il essayerait de refréner à tout prix. Etant de religion musulmane, le demandeur, appelé à servir les forces armées yougoslaves dirigées par le “ pouvoir serbe de Belgrade ”, exprime dès lors sa crainte d’être amené à servir d’instrument d’intimidation ou de répression contre son propre peuple musulman du Monténégro ou du 2 Kosovo. Il expose à cet égard qu’il lui serait impensable de lever les armes contre son propre peuple ou sa famille, de sorte qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il devrait s’attendre à être persécuté du fait de sa race, de sa religion ou de son appartenance à un certain groupe social et qu’il serait alors dans l’impossibilité absolue de se réclamer de la protection de son pays.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur tenterait vainement de se baser sur la situation générale qui règne dans son pays d’origine pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié et relève que les moyens avancés tenant au fait qu’il aurait à commencer son service militaire en Yougoslavie, ont été soulevés pour la première fois en cours d’instance contentieuse, de sorte que l’on ne saurait reprocher au ministre de ne pas en avoir tenu compte lors de sa prise de décision en date du 12 mai 2000. Il fait valoir plus particulièrement que lors de son audition en date du 8 février 1999, le demandeur aurait simplement déclaré de façon laconique avoir peur d’être engagé dans l’armée, affirmation qui ne saurait, à elle seule, suffire pour aborder le fond d’une décision en matière de statut de réfugié politique. Il signale en outre qu’il y aurait lieu de penser que le dépôt d’une demande d’asile par Monsieur ADROVIC constituerait en l’espèce un recours abusif aux procédures en matière d’asile, alors qu’il n’aurait déposé sa demande d’asile qu’après avoir vu sa demande en obtention d’une autorisation de séjour refusée, circonstance que le demandeur aurait par ailleurs lui même admise lors de ses auditions.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ”.

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ”.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre des différentes auditions effectuées, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Monténégro.

En effet, lors de ses auditions, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, le demandeur, interrogé sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, a répondu : “ Je demande une carte de séjour pour le Luxembourg, une autorisation de séjour ”, tout en admettant que deux demandes afférentes datant des 19 février 1996 et 7 mars 1997 adressées au ministre de la Justice à cette fin ont déjà été rejetées. Lors de sa deuxième audition par un agent du ministère de la Justice en date du 8 février 1999, il a réaffirmé vouloir “ une autorisation de séjour et une autorisation de travail ” tout en ayant relevé encore une fois que ses demandes afférentes s’étaient soldées par des décisions négatives. Interrogé plus particulièrement sur les conséquences 3 d’un retour dans son pays d’origine, il a répondu qu’il devrait aller à l’armée et, concernant une éventuelle crainte afférente, il a répondu “ j’ai peur d’être engagé dans l’armée. Rien d’autre. ”.

S’il est vrai que le demandeur a fait valoir à travers son recours contentieux un danger pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine en se basant sur un ordre de commencer son service militaire reçu en date du 9 août 1999, force est de constater que la crainte s’en dégageant et invoquée à l’appui du recours repose sur des considérations postérieures en fait à la décision déférée en ce que le demandeur se réfère à la situation spécifique en Yougoslavie à l’issue des élections au Monténégro et au Kosovo, ayant eu lieu au cours du mois de septembre 2000. Or, le tribunal, statuant dans le cadre d’un recours en annulation, est appelé à apprécier la légalité d’une décision administrative en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (cf. trib. adm. 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, n° 12 et autres références y citées), de sorte que dans le cadre du présent litige le fait nouveau invoqué par le demandeur tenant à la situation actuelle en Yougoslavie à la suite des élections ayant eu lieu au Monténégro et au Kosovo, ainsi qu’à l’incidence éventuelle de cette situation sur la nature de son service militaire ne saurait être utilement pris en considération.

Dans la mesure où il résulte des considérations dégagées plus loin ci-avant que les autres faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils ressortent des déclarations faites lors de ses auditions par des agents du ministère de la Justice, ne sont manifestement pas de nature à tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève, il y a dès lors lieu de retenir que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée. Le recours formé par le demandeur est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 novembre 2000 par:

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12459
Date de la décision : 28/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-28;12459 ?

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