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27/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12178

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2000, 12178


N° 12178 du rôle Inscrit le 1er août 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, Wiltz contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12178 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2000 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à …(Monté

négro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-

…, tendant pri...

N° 12178 du rôle Inscrit le 1er août 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, Wiltz contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12178 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2000 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-

…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, notifiée le 4 juillet 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Gilbert REUTER ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 mai 1999, Monsieur … ADROVIC, né le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi qu’en date du 14 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 31 mai 2000, notifiée le 4 juillet 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté le Monténégro en compagnie 1 de votre frère … ADROVIC. Vous êtes allés en bus jusqu’à Sarajevo. Ensuite vous avez transité, partiellement à bord d’un camion, partiellement à pied, par la Croatie et la Slovénie. Puis à bord d’un camion vous avez traversé l’Italie et la France avant d’arriver au Luxembourg le 11 mai 1999. Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le 14 mai 1999.

Vous avez exposé que vous avez été appelé à plusieurs reprises pour faire votre service militaire. Vous ne vous êtes jamais présenté parce que vous aviez peur d’être envoyé à la guerre au Kosovo. Vous indiquez que pour cette raison vous avez décidé de quitter votre pays.

Il résulte par ailleurs de vos déclarations que vous n’êtes pas membre d’un parti politique et que vous n’avez pas d’opinions politiques. Vous soulignez que vous n’avez jamais subi de persécutions.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

De même, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En l’espèce, il ne se dégage pas des renseignements dont je dispose que vous risquez d’être persécuté pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève.

Vous n’avez donc pas fait valoir des raisons personnelles de nature à justifier, dans votre chef, la crainte d’être persécuté pour un des motifs énoncés dans la disposition précitée de la Convention.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 1er août 2000, Monsieur ADROVIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 31 mai 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai 2 de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Monténégro, qu’il aurait reçu plusieurs appels pour faire son service militaire et qu’il aurait refusé de faire suite à ces appels au motif qu’il craignait devoir participer à la guerre au Kosovo. Il fait ajouter que du fait de son insoumission, il risquerait « d’être sanctionné par les autorités ».

Le demandeur estime que lesdits faits établiraient une persécution au sens de la Convention de Genève et, il conclut à la réformation de la décision ministérielle querellée.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur ADROVIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ADROVIC lors de son audition en date du 14 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques 3 ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la peine éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le déclare également recevable en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12178
Date de la décision : 27/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-27;12178 ?

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