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27/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12143

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2000, 12143


N° 12143 du rôle Inscrit le 24 juillet 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12143 et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2000 par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à … (Monténégro), d

e nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement ...

N° 12143 du rôle Inscrit le 24 juillet 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12143 et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2000 par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, notifiée le 27 juin 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 août 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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Le 26 avril 1999, Monsieur … MURIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur MURIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 9 juillet 1999, Monsieur MURIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 31 mai 2000, notifiée le 27 juin 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur MURIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vers la mi-avril 1999, vous avez quitté Sarajevo en direction de Slovénie. Vous ne pouvez pas dire quels pays vous avez traversé pour finalement arriver au Luxembourg le 26 avril 1999, étant donné que vous avez voyagé à bord d’une camionnette fermée. Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le même jour.

Vous exposez que vous avez été appelé à la réserve le 14 avril 1999, mais que vous n’avez pas accepté la convocation. Vous avez refusé d’aller à la réserve parce qu’à ce moment, tous les réservistes ont été envoyés à la guerre et que vous ne voyez pas de raison pour vous battre contre vos compatriotes ou même contre l’OTAN.

Il résulte également de vos déclarations que vous n’êtes pas membre d’un parti politique et que vous n’avez pas d’opinions politiques. Vous n’envisagez pas de retourner dans votre pays d’origine, même si la situation se calmait et s’il y avait une loi d’amnistie.

Je constate que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi la crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 24 juillet 2000, Monsieur MURIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 31 mai 2000.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation, au motif que les dispositions légales applicables prévoiraient un recours au fond en la présente matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

2 Le demandeur reproche en premier lieu au ministre de la Justice de ne pas avoir consulté la commission consultative pour les étrangers « conformément aux dispositions légales particulières au droit des étrangers ».

Ensuite, le demandeur soutient que la décision serait insuffisamment motivée étant donné qu’elle « se base sur des affirmations sommaires ne constituant aucunement des motifs ».

Il ajoute que le ministre aurait méconnu, d’une part, la situation de fait existant à l’heure actuelle au Monténégro, où, même sans état de guerre, les Serbes mèneraient une politique d’épuration ethnique, ainsi que, d’autre part, sa situation personnelle, étant donné que son insoumission, fondée sur des raisons religieuses, lui ferait encourir une « condamnation pénale militaire d’une sévérité sûrement disproportionnée, mais également un traitement discriminatoire consistant en de pénibles corvées, châtiments inhumains en raison de sa seule appartenance confessionnelle (musulman) et son appartenance à la population du Monténégro en butte à l’occupation serbe ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen d’annulation fondé sur ce que le ministre aurait été tenu de saisir la commission consultative avant d’émettre sa décision, étant donné que la saisine de cette commission pour que cette dernière émette un avis, serait facultative.

Le représentant étatique soutient encore que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur MURIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Le moyen d’annulation basé sur le défaut d’avoir sollicité un avis de la commission consultative pour les réfugiés est à rejeter, étant donné que les dispositions légales, depuis la modification de la loi précitée du 3 avril 1996, par la loi du 18 mars 2000 portant création d’un régime de protection temporaire; portant modification de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, publiée au Mémorial le 27 mars 2000, entrée en vigueur le 31 mars 2000, ne prévoient plus l’obligation de consulter ladite commission dans chaque cas d’espèce, mais une simple faculté de consultation pour le ministre de la Justice.

De même, le moyen d’annulation invoqué par le demandeur consistant à soutenir que la décision ministérielle critiquée serait entachée d’illégalité pour défaut de motivation suffisante n’est pas fondé, étant donné qu’il se dégage du libellé susénoncé de la décision ministérielle que le ministre a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur.

Quant au fond de la demande d’asile, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

3 La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur MURIC lors de son audition du 9 juillet 1999, telle que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le ministre a légitimement pu motiver sa décision par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables et le demandeur reste en défaut d’expliquer et d’établir l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution dans son chef en raison de sa prétendue insoumission, notamment d’un risque certain d’encourir une peine qui ne serait pas proportionnée à la gravité de l’infraction commise ou une condamnation prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Au contraire, le demandeur, en substance, n’a fait état que d’un sentiment général de peur, sans cependant avoir fait état d’un état de persécution vécu ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant relevé dans ce contexte que, lors de son audition, il a précisé qu’il n’a pas été persécuté personnellement, qu’il n’a pas été accusé d’un crime ou d’un délit, ni incarcéré avec ou sans jugement, qu’il n’a pas été membre d’un parti politique, qu’il n’avait pas d’opinions politiques et qu’il n’établit aucunement des raisons personnelles suffisamment précises de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine, notamment lors de l’accomplissement de son service militaire, du fait de sa religion musulmane. Au contraire, il a déclaré qu’il avait fait son service militaire en 1997 et 1998 en Serbie puis au Monténégro et que « je n’avais pas de problèmes quant j’étais à l’armée ».

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Malgré l’absence du mandataire de la partie demanderesse à l’audience fixée pour les plaidoiries, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, la procédure devant les 4 juridictions administratives étant essentiellement écrite et partant contradictoire à l’égard d’une partie dès le dépôt d’un mémoire par celle-ci.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

déclare le recours en annulation irrecevable;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le déclare également recevable en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12143
Date de la décision : 27/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-27;12143 ?

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