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27/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12051

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2000, 12051


N° 12051 du rôle Inscrit le 15 juin 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … SABOTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12051 et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2000 par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SABOTIC, né le … à … (Monténégro), de na

tionalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’...

N° 12051 du rôle Inscrit le 15 juin 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … SABOTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12051 et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2000 par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SABOTIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 mai 2000, notifiée le 30 mai 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Kamilla LADKA, en remplacement de Maître Marc THEISEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 3 novembre 1998, Monsieur … SABOTIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur SABOTIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 13 octobre 1999, Monsieur SABOTIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 3 mai 2000, notifiée le 30 mai 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur SABOTIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté le Monténégro à l’aide d’un passeur pour arriver au Luxembourg en date du 3 novembre 1998. Vous déclarez avoir voyagé en bateau, en camion et finalement en voiture.

Il ressort de votre audition que vous avez fui votre pays parce que, suite à un appel à la réserve en octobre 1998, vous avez eu peur de devoir aller à la guerre et d’y être tué. Vous indiquez ne pas vouloir retourner dans votre pays parce que vous craignez d’être exposé à des poursuites pénales en raison de votre insoumission ; quant à la sanction exacte vous attendant, vous ne donnez pas de précisions. Vous invoquez en outre la situation instable régnant dans votre pays, ainsi que votre peur à l’égard de la guerre.

Vous déclarez ne pas avoir eu d’activités politiques et ne pas avoir subi des persécutions personnelles.

Quant à l’insoumission invoquée, force est de constater que la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Concernant votre peur de la guerre et de la situation instable régnant dans votre pays, il y a lieu de relever que ces motifs ne sont pas de nature à rendre votre vie intolérable dans votre pays d’origine et ne dénotent pas une persécution de nature à justifier une crainte pour une des raisons énoncées par la Convention de Genève. En effet, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention.

Dans ces circonstances, je considère que vous ne faites pas état d’un risque actuel de persécution pour des motifs tenant à votre race, à vos opinions politiques, à votre religion, à votre nationalité ou à votre appartenance à un groupe social, que vous courriez si vous deviez retourner dans votre pays d’origine.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 15 juin 2000, Monsieur SABOTIC a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 3 mai 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître de la demande en réformation dirigée contre la décision ministérielle déférée.

2 Le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il est originaire du Monténégro et de religion musulmane, qu’il a effectué son service militaire en 1995/1996 au Kosovo et en Serbie, qu’en octobre 1998, il aurait reçu un appel pour la réserve, qu’à ce moment, il se serait trouvé au travail et son père l’aurait contacté pour l’avertir de ce qu’il aurait reçu une convocation, qu’il ne serait plus retourné à la maison, mais qu’il aurait tout de suite pris la fuite pour venir au Luxembourg. Le demandeur invoque qu’il craindrait d’être maltraité et persécuté s’il devait effectuer son service militaire « sous les ordres et le commandement de l’armée serbe, avant de subir une peine d’emprisonnement ferme pour désertion ou insoumission ».

Le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir méconnu les dispositions de la Convention de Genève et d’avoir commis une erreur d’appréciation, au motif que, dans son pays d’origine, il serait persécuté par les autorités serbes du fait de sa religion musulmane, en soutenant que même si « la guerre telle qu’elle a été médiatisée est terminée, il subsiste sur le territoire des tensions qui mènent nécessairement à des actes raciaux, à des persécutions et des sanctions injustifiées à l’égard du peuple musulman ».

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur SABOTIC et que le recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur SABOTIC lors de son audition du 13 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

3 En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Par ailleurs, concernant l’affirmation du demandeur que des tensions continueraient à subsister à l’heure actuelle au Monténégro, il y a lieu de retenir que la situation générale de son pays d’origine n’est pas, à elle seule, suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève. En effet, une crainte « avec raison » d'être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération. La situation générale du pays d'origine ne justifie donc, en principe, pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié (Cour adm. 12 juin 1997, n° 9879C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n°23, p. 104, et autres références y citées).

En l’espèce, concernant la situation générale dans son pays d’origine, il ressort des pièces et renseignements dont dispose le tribunal que, s’il peut exister des tensions entre la population serbe et la minorité ethnique des musulmans parlant le serbo-croate et une certaine insécurité selon les différentes régions en cause, cette situation n’est néanmoins pas telle qu’elle est susceptible de rendre au demandeur la vie intolérable dans son pays et qu’il doit craindre avec raison d’être persécuté du fait de sa seule appartenance à la minorité musulmane parlant le serbo-croate.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

4 M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12051
Date de la décision : 27/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-27;12051 ?

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