La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2000 | LUXEMBOURG | N°11834

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2000, 11834


N° 11834 du rôle Inscrit le 15 février 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

===============================

Recours formé par MM. … ENTRINGER et … contre une décision du Procureur Général d’Etat en matière d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature

------------------

Vu la requête déposée le 15 février 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître … ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à L-…, agissant en son nom personnel et, pour autant que de besoin,

au nom de Monsieur …, maître en droit, employé privé, demeurant à F-…, tendant principalement à l’annul...

N° 11834 du rôle Inscrit le 15 février 2000 Audience publique du 27 novembre 2000

===============================

Recours formé par MM. … ENTRINGER et … contre une décision du Procureur Général d’Etat en matière d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature

------------------

Vu la requête déposée le 15 février 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître … ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à L-…, agissant en son nom personnel et, pour autant que de besoin, au nom de Monsieur …, maître en droit, employé privé, demeurant à F-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision du Procureur Général d’Etat du 21 janvier 2000 refusant la délivrance d’une carte de lecteur de la bibliothèque centrale de la magistrature à Monsieur …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé le 10 mai 2000 au nom des demandeurs;

Vu le mémoire en duplique déposé le 22 mai 2000 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée du 21 janvier 2000;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Paul WILTZIUS, en remplacement de Maître … ENTRINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Par lettre du 19 janvier 2000, Maître … ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à L-…, introduisit auprès du Procureur Général d’Etat près la Cour Supérieure de Justice de et à Luxembourg, une demande en obtention d’une carte de lecteur donnant accès à la bibliothèque centrale de la magistrature à son secrétaire-clerc, Monsieur …, maître en droit, employé privé, demeurant à F-… Le 21 janvier 2000, le Procureur Général d’Etat répondit dans les termes suivants:

« En réponse à votre estimée du 19 janvier, je me permets de vous informer que l’article 1er du règlement grand-ducal du 5 septembre 1984 déterminant les conditions d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature prévoit que la bibliothèque est accessible aux membres des barreaux luxembourgeois.

1 Etendre l’accès à la bibliothèque à des collaborateurs des membres des barreaux, en fonction d’éventuelles qualifications universitaires, n’est pas conforme au texte du règlement et nécessiterait, par ailleurs, des choix difficiles à opérer.

Dans ces conditions, je suis au regret de vous communiquer une décision de refus.

(…) ».

Le 15 février 2000, MM. … ENTRINGER, ci-après dénommé le « demandeur sub 1) », et …, ci-après dénommé le « demandeur sub 2) », ont introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la susdite décision prise par le Procureur Général d’Etat le 21 janvier 2000.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Encore que les demandeurs entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence, à la juridiction administrative, pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION QUANT A LA RECEVABILITE Aucun recours spécifique n'étant prévu en la matière, le recours en annulation, recours de droit commun, est donc en principe admissible contre la décision critiquée.

Dans la mesure où les demandeurs ont précisé que la carte de lecteur a été sollicitée afin que Monsieur … puisse utilement assister Maître ENTRINGER « dans ses travaux de recherches pour préparer les dossiers en instruction à l’étude », un intérêt suffisant à agir se trouve vérifié dans le chef de chacun d’eux.

Il s’ensuit que le recours formé est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND Les demandeurs exposent que si le prédécesseur de l’actuel Procureur Général d’Etat avait déjà avisé négativement une demande en vue de l’obtention d’une carte de lecteur donnant accès à la bibliothèque centrale de la magistrature à Monsieur …, il aurait néanmoins autorisé, sur demande spéciale, les membres de la Chambre des huissiers et de la Chambre des notaires à accéder à la bibliothèque centrale de la magistrature.

2 En outre, ils exposent que l’accès à ladite bibliothèque a été accordé à une collaboratrice de l’étude du demandeur sub 1), qui est universitaire diplômée en langues, mais non en droit, « raison pour laquelle cette autorisation avait été assortie de l’observation suivante: " Cette autorisation peut être retirée à tout moment, notamment s'il s'avérait que Melle. C., faute de qualification en matière juridique, ne pourrait pas faire des recherches de manière autonome et efficace et constituerait donc une charge excessive pour notre personnel"».

Ils concluent à l’annulation de la décision déférée « pour illégalité, excès ou abus de pouvoir, respectivement violation du droit à l’information, la formation et au savoir ».

A l’appui du recours en annulation, le demandeur sub 1) relève qu’il a demandé la carte de lecteur pour les besoins de son cabinet et qu’en tant qu’avocat le libre accès à la bibliothèque centrale de la magistrature lui serait garanti par l’article 1er alinéa 1er du règlement grand-ducal du 5 septembre 1984 déterminant les conditions d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature et qu’« il est nulle part prévu ni défendu qu’un avocat ne puisse pas consulter cette bibliothèque par personne interposée ».

En ordre subsidiaire, les deux demandeurs font valoir que Monsieur … serait à considérer comme « autre personne » au sens de l’article 1er du règlement grand-ducal précité de 1984, avec la spécificité qu’il est employé dans un cabinet d’avocat. Dans cet ordre d’idées, les demandeurs soutiennent que le refus du Procureur Général d’Etat serait arbitraire et violerait tant le texte réglementaire précité que le droit élémentaire à l’instruction et à la formation.

Aux termes de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 5 septembre 1984, « la bibliothèque centrale de la magistrature est accessible aux membres des barreaux luxembourgeois aux conditions prévues par le présent règlement.

Toute autre personne, à l’exception des magistrats, qui veut avoir accès à la bibliothèque centrale de la magistrature doit adresser par écrit une demande au Procureur Général d’Etat. En cas d’accord le Procureur Général d’Etat délivre à la personne en question une carte de lecteur ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen d’annulation principal basé sur ce que la décision querellée violerait le droit d’accès des avocats, lequel pourrait être exercé par « personne interposée », étant donné que cette argumentation se heurte au libellé clair du règlement grand-ducal qui a délimité limitativement le cercle des personnes ayant de plein droit accès à la bibliothèque centrale de la magistrature en visant exclusivement, outre les magistrats, les avocats, c’est-à-dire en excluant -

implicitement, mais nécessairement - leurs éventuels collaborateurs ou assistants, qui ne sont pas eux-mêmes membres d’un des barreaux luxembourgeois.

Concernant l’accès de « toute autre personne » au sens de l’alinéa 2 de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 5 septembre 1984, le délégué du gouvernement soutient qu’il appartient au Procureur Général d’Etat d’apprécier « si l’accès au profit de "tiers" est justifié et conforme à la bonne gestion du service » et que pour ce faire, le Procureur Général d’Etat 3 aurait « un pouvoir très large, sinon discrétionnaire » et qu’il pourrait « définir, en dehors des magistrats, les personnes qui pourront avoir accès à la bibliothèque ».

Le délégué relève encore que « dans le cas présent, le Procureur Général d’Etat a estimé que l’extension du droit d’accès aux collaborateurs des membres du barreau, en fonction d’éventuelles qualifications universitaires, n’est pas conforme au règlement grand-

ducal et nécessiterait des choix difficiles à opérer » et que ce faisant le Procureur Général d’Etat n’aurait ni dépassé ses pouvoirs ni contrevenu au texte du règlement grand-ducal précité.

Concernant l’accès de « toute autre personne » au sens de l’alinéa 2 de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 5 septembre 1984, il est vrai que la possibilité d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature des « autres personnes » constitue une dérogation par rapport au droit commun selon lequel l’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature est ouvert, outre aux magistrats, aux membres des barreaux luxembourgeois et que la disposition réglementaire précitée investit le Procureur Général d’Etat, en sa qualité de gestionnaire de la bibliothèque centrale de la magistrature, du pouvoir de décision.

Le pouvoir de décision oblige le Procureur Général d’Etat à examiner et à apprécier, au cas par cas, si un intéressé reçoit accès ou non et son appréciation, c’est-à-dire les motifs avancés par le Procureur Général d’Etat, est soumise au contrôle du juge administratif, ce dernier, même statuant comme juge de la légalité, étant appelé à examiner l’exactitude matérielle des faits et leur adéquation au droit.

Or, force est de constater que le fait de refuser « l’accès aux collaborateurs [des avocats] qui ne sont pas membres du barreau » s’analyse en une attitude qui revient à exclure en fait la possibilité d’obtenir une carte de lecteur aux personnes qui ne sont pas membres d’un des barreaux luxembourgeois, c’est-à-dire une interdiction générale d’accès incompatible avec la disposition réglementaire prévisée.

En l’absence d’un quelconque autre motif - avancé, ou résultant du dossier - justifiant dans le chef du demandeur sub 2) un refus d’accès à la bibliothèque centrale de la magistrature, étant entendu qu’on ne saurait ni lui dénier les connaissances et aptitudes nécessaires en vue de procéder utilement - et sans gêner anormalement le bon fonctionnement du service - à une recherche juridique ni lui reprocher, en l’absence d’un quelconque indice tangible afférent, que lors de la manipulation des ouvrages consultés, il risque de ne pas leur réserver tous les soins et précautions nécessaires à leur bonne conservation, la décision querellée encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare justifié;

4 partant annule la décision du Procureur Général d’Etat du 21 janvier 2000;

renvoie le dossier devant le Procureur Général d’Etat pour prosécution;

condamne l'Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11834
Date de la décision : 27/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-27;11834 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award