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22/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12073

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2000, 12073


N° 12073 du rôle Inscrit le 28 juin 2000 Audience publique du 22 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … BABACIC contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 28 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BABACIC, ci-avant instituteur, actuellement ouvri

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N° 12073 du rôle Inscrit le 28 juin 2000 Audience publique du 22 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … BABACIC contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 28 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BABACIC, ci-avant instituteur, actuellement ouvrier agricole, de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 juin 2000 lui refusant une autorisation d’occupation temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2000 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 4 juillet 2000 par laquelle la demande en sursis à exécution dirigée contre la décision précitée du 19 juin 2000 a été déclarée irrecevable et par laquelle la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, dirigée contre la même décision, a été déclarée non fondée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Fernand ENTRINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 14 juillet 1999, Monsieur … BABACIC, ci-avant instituteur, actuellement ouvrier agricole, de nationalité yougoslave et originaire du Kosovo, demeurant à L-…, fut autorisé à prendre un emploi temporaire auprès de Monsieur G.H. en qualité d’ouvrier agricole. Ladite autorisation d’occupation temporaire précisait qu’elle était valable jusqu’au 15 décembre 1999. Une nouvelle autorisation d’occupation temporaire fut émise par le prédit ministre en faveur de Monsieur BABACIC, en date du 17 décembre 1999, l’autorisant à travailler en tant qu’ouvrier agricole auprès de Monsieur G.H. jusqu’au 15 juin 2000.

Par déclaration d’engagement datée au 23 mai 2000, introduite auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée “ l’ADEM ”, Monsieur G.H. introduisit une demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire pour personnes en provenance d’une région en guerre en faveur de Monsieur BABACIC, pour le poste d’ouvrier agricole, en indiquant que la date d’entrée en service était prévue pour le 16 juin 2000.

L’autorisation d’occupation temporaire fut refusée à Monsieur BABACIC, par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé “ le ministre ”, du 19 juin 2000 “ aux motifs suivants :

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absence de reconnaissance par le Conseil de Gouvernement que le Monténégro est une région en guerre ;

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poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

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occupation irrégulière depuis le 16 juin 2000 ;

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des demandeurs d’emploi appropriés, bénéficiant de la priorité à l’emploi, sont disponibles sur place : 5710 demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi, dont 2073 ouvriers non qualifiés ”.

Par requête déposée le 28 juin 2000, Monsieur BABACIC a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation contre ledit arrêté ministériel du 19 juin 2000.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’aucun texte légal ne prévoirait un tel recours en la présente matière.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

En l’espèce, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire attribuant compétence au tribunal administratif pour connaître au fond des recours introduits en matière de permis de travail. Il s’ensuit que le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

En vertu de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements. Comme en la présente matière, le tribunal est incompétent pour statuer sur le recours en réformation, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’acte incriminé.

2 Le recours en annulation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait tout d’abord valoir que le ministre, en prenant l’arrêté ministériel déféré, sans l’informer au préalable de son intention de lui refuser l’autorisation d’occupation temporaire, en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir, aurait violé l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes. Dans ce contexte, il estime encore qu’il n’y aurait pas eu péril en la demeure, qui aurait pu libérer le ministre de ses obligations telles que découlant de l’article 9 précité.

L’article 9, alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 dispose que “ sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir ”.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’inapplicabilité, en l’espèce, de l’article 9 précité, dans la mesure où l’arrêté ministériel déféré du 19 juin 2000 a été pris à la suite d’une demande nouvelle datée du 23 mai 2000, ayant pris la forme de la déclaration d’engagement précitée du 23 mai 2000, introduite auprès de l’ADEM, en vue de la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire pour personnes en provenance d’une région en guerre. Le ministre n’a partant ni révoqué ou modifié d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie ni pris une décision en dehors de l’initiative de celle-ci. Il échet dans ce contexte de relever que les deux autorisations d’occupation temporaire délivrées antérieurement en date des 14 juillet et 17 décembre 1999 étaient chaque fois valables pour une période déterminée, la dernière en date ayant expiré en date du 15 juin 2000, sans que le demandeur n’a bénéficié d’un droit à la prolongation automatique de ladite autorisation après l’échéance de celle-ci. Il n’a partant pas pu se prévaloir d’une protection légale en vue de maintenir son emploi auprès de Monsieur G.H.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à écarter.

En ce qui concerne le motif de refus de délivrance de l’autorisation d’occupation temporaire, tiré de ce que le Monténégro n’aurait pas été reconnu comme constituant une région en guerre, le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une appréciation erronée des faits, dans la mesure où il aurait toujours vécu, ensemble avec sa famille, à Pec ou dans la région de Pec, et qu’il serait partant originaire du Kosovo et non pas du Monténégro.

Le délégué du gouvernement expose que par une décision du 26 novembre 1999, le conseil de gouvernement décida de reconnaître le Kosovo comme région en guerre au sens du règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-

ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et de prolonger le régime des autorisations d’occupation temporaire, introduit en avril 1999, et venant à 3 échéance le 15 décembre 1999, pour une nouvelle période de 6 mois, soit du 16 décembre 1999 au 15 juin 2000.

Il est constant en cause qu’à la date du 15 juin 2000, le régime des autorisations d’occupation temporaire est venu à échéance, à défaut par le conseil de gouvernement d’avoir reconnu une région quelconque comme étant en guerre au sens du règlement grand-ducal précité du 29 avril 1999. Le représentant étatique ajoute dans ce contexte qu’il importait “ dès lors peu de savoir que le sieur BABACIC soit originaire du Monténégro ou qu’il ait habité le Kosovo ”. Il en conclut que le ministre aurait donc pu refuser l’autorisation d’occupation temporaire sur base du seul motif que le demandeur ne proviendrait pas d’une région en guerre au sens du règlement grand-ducal précité.

S’il est vrai que l’arrêté ministériel litigieux se réfère, erronément, au Monténégro comme constituant la région dont serait originaire le demandeur, alors qu’il résulte des autres pièces et éléments du dossier, que le demandeur est originaire du Kosovo, il n’en demeure pas moins que le délégué du gouvernement a valablement pu rectifier ladite erreur matérielle, dans son mémoire en réponse, en confirmant que le demandeur provient du Kosovo, d’autant plus que ladite erreur matérielle n’est pas, en l’espèce, susceptible d’avoir une influence sur la motivation en droit de la décision du ministre du 19 juin 2000.

En effet, en vertu du nouvel article 13 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, tel qu’inséré par le règlement grand-ducal précité du 29 avril 1999, et plus particulièrement du paragraphe (1) de celui-ci “ pour les personnes en provenance d’une région en guerre, à déterminer par le Conseil de Gouvernement, le ministre du Travail et de l’Emploi ou son délégué peut délivrer une autorisation d’occupation temporaire valable pour une durée maximale de six mois, pour un employeur déterminé et pour une seule profession ”.

En l’espèce, il est constant que le demandeur, de nationalité yougoslave, est originaire du Kosovo.

Il est encore constant qu’au moment où la décision ministérielle a été prise, à savoir le 19 juin 2000, il n’existait plus de décision du conseil de gouvernement suivant laquelle une région quelconque était considérée comme région en guerre en vertu de la disposition réglementaire précitée.

Il s’ensuit que le demandeur ne rentre pas dans le champ d’application de la réglementation relative aux autorisations d’occupation temporaire qui, de la volonté du pouvoir exécutif, est différente de celle portant sur la délivrance d’un permis de travail.

Comme, par ailleurs, en vertu du paragraphe (5) du même article 13 “ l’absence de constatation par le Conseil du Gouvernement qu’une région est en guerre constitue un motif valable et suffisant de refus de l’autorisation d’occupation temporaire ”, le fait de ne pas provenir d’une région reconnue par le conseil de gouvernement comme constituant une région en guerre est à lui seul suffisant pour refuser l’autorisation d’occupation temporaire.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre, en se basant sur le motif tiré de ce que le demandeur ne provient pas d’une région en guerre, a 4 valablement pu refuser l’autorisation d’occupation temporaire sollicitée par ce dernier, ce motif justifiant à lui seul le refus de l’autorisation en question. Il n’y a partant pas lieu à examiner les mérites des autres moyens invoqués par le demandeur à l’encontre des autres motifs de refus énoncés par l’arrêté ministériel.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a par ailleurs pas lieu de faire droit à la demande formulée par le demandeur, dans le cadre du dispositif de sa requête introductive d’instance, et tendant à lui voir délivrer, par le tribunal administratif, une autorisation d’occupation temporaire en tant qu’ouvrier agricole auprès de G.T.H., au titre d’une mesure de sauvegarde jusqu’à ce qu’une décision définitive soit intervenue de la part de la Cour administrative.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande tendant à voir instituer une mesure de sauvegarde en délivrant une autorisation d’occupation temporaire au demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 22 novembre 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12073
Date de la décision : 22/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-22;12073 ?

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