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15/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12132

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2000, 12132


N° 12132 du rôle Inscrit le 19 juillet 2000 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … CELEBIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12132 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2000 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CELEBIC, né le … à … (Monténégro

), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-

…, tendant à la réfo...

N° 12132 du rôle Inscrit le 19 juillet 2000 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … CELEBIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12132 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2000 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CELEBIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-

…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, notifiée le 28 juin 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Peggy FRANTZEN, en remplacement de Maître Nicolas DECKER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 23 juillet 1999, Monsieur … CELEBIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur CELEBIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 Le 29 juillet 1999, Monsieur CELEBIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 31 mai 2000, notifiée le 28 juin 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur CELEBIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile au Monténégro en date du 18 juillet 1999. Vous êtes allé à Sarajevo en Bosnie où vous avez fait la connaissance de …. Ensemble vous avez pris la direction du Luxembourg où vous êtes arrivés le 23 juillet 1999. Vous ne pouvez pas donner de plus amples renseignements quant au chemin emprunté.

(…) Vous avez exposé que vous avez reçu un appel pour faire le service militaire le 13 juin 1999. Vous deviez vous présenter le 15 août 1999 mais vous avez décidé de quitter votre pays avant. Vous ne voulez pas faire votre service militaire en Serbie parce que vous avez peur des provocations des Serbes. Vous craignez également d’être maltraité par eux. Vous seriez disposé à faire votre service militaire, si vous étiez sûr de pouvoir le faire au Monténégro.

Vous affirmez par ailleurs ne pas être membre d’un parti politique et que vous ne vous intéressez pas à la politique. Vous soulignez également que vous n’avez jamais été maltraité.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi la crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 19 juillet 2000, Monsieur CELEBIC a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 31 mai 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître de la demande en réformation dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il est originaire du Monténégro et de religion musulmane, qu’il a reçu un appel pour faire son service militaire, qu’il aurait dû se présenter auprès des autorités serbes le 15 août 1999 et qu’il craindrait d’être maltraité et 2 persécuté « tant en raison de son appartenance au Monténégro que de son appartenance à la religion musulmane ».

Le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir méconnu les dispositions de la Convention de Genève et d’avoir commis une erreur d’appréciation, au motif que, dans son pays d’origine, il aurait été contraint de participer à des actions militaires condamnées par la communauté internationale comme étant contraires aux règles de conduite les plus élémentaires et que la peine prévue pour son insoumission constituerait en soi une persécution.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur CELEBIC et que le recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur CELEBIC lors de son audition du 29 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que 3 la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12132
Date de la décision : 15/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-15;12132 ?

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