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15/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12128

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2000, 12128


N° 12128 du rôle Inscrit le 17 juillet 2000 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … OSMANOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12128 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2000 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … OSMANOVIC, né le … à … (Montén

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N° 12128 du rôle Inscrit le 17 juillet 2000 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par Monsieur … OSMANOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12128 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2000 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … OSMANOVIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-

…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 mai 2000, notifiée le 16 juin 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Paul WILTZIUS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 21 octobre 1998, Monsieur … OSMANOVIC, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur OSMANOVIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 Le 25 août 1999, Monsieur OSMANOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 26 mai 2000, notifiée le 16 juin 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur OSMANOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté Kalica/Monténégro en septembre 1998 en direction de Ilidja/Bosnie. Après y avoir séjourné un mois, vous avez continué votre chemin jusqu’à Luxembourg à l’aide d’un passeur. Quant au chemin exact emprunté, vous prétendez ne pas pouvoir en donner des précisions.

Vous exposez avoir fait le service militaire en 1997/1998 au Kosovo et avoir été appelé à la réserve le 21 septembre 1998, à savoir deux mois après l’achèvement de votre service militaire. Sachant que vous seriez appelé à la réserve, vous vous êtes caché en Bosnie, de sorte qu’au moment de l’appel, vous n’étiez pas à la maison. Ayant déjà participé à la guerre durant votre service militaire, vous relevez ne plus vouloir revivre ce que vous avez vécu durant votre service militaire. A cet effet vous précisez avoir été obligé de participer à la guerre et de tirer sur les gens. Vous indiquez de plus qu’un de vos amis a été tué et d’autres soldats blessés et que vous avez vous-même subi des insultes liées à votre confession musulmane de la part d’autres soldats. La guerre vous ayant obligé de quitter votre pays, vous exposez qu’en cas de retour dans votre pays vous craignez une condamnation en raison de l’insoumission ; vous indiquez craindre la loi militaire.

Vous affirmez d’autre part ne pas être membre d’un parti politique, ni avoir d’opinions politiques.

Concernant les motifs invoqués à l’appui de votre demande d’asile, à savoir en premier lieu la crainte d’une éventuelle sanction pénale en raison de l’insoumission, il y a lieu de relever que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile une crainte justifiée.

Quant aux persécutions subies personnellement, à savoir les insultes de la part d’autres soldats, ces insultes, même à les juger condamnables, ne sont pas d’une gravité telle qu’elles rendraient votre vie intolérable dans votre pays d’origine.

Quant à votre peur de la guerre en général, il y a lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution pour une des raisons énumérées par la Convention de Genève.

Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’ opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure 2 relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 17 juillet 2000, Monsieur OSMANOVIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 26 mai 2000.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation, au motif que les dispositions légales applicables prévoiraient un recours au fond.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation de sa situation de fait, au motif qu’il se dégagerait des déclarations qu’il a faites à l’occasion de son audition prévisée du 25 août 1999 qu’il devrait être considéré comme étant un réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Il fait exposer plus particulièrement qu’en tant que musulman, c’est-à-dire en faisant partie d’une minorité au Monténégro, il craindrait « à juste titre la répression sévère suite à son insoumission et à sa désertion ». Concernant ladite répression, il fait ajouter qu’il risquerait « des répressions pénales certaines, étant donné qu’en tant que musulman, aucune amnistie, aucune clémence n’est à espérer pour lui » et qu’il risquerait d’être incarcéré et maltraité.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur OSMANOVIC et que le recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du 3 demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur OSMANOVIC lors de son audition du 25 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, abstraction faite de ce que les déclarations faites par le demandeur sont très succinctes en ce qui concerne les circonstances particulières dont il prétend avoir été victime ou qu’il risque de subir, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni que le demandeur risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés - étant précisé que les insultes qu’il prétend avoir subies, même à les supposer établies, ne sont pas d’une nature suffisamment grave pour justifier un risque de persécution de ce chef -, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la peine - d’emprisonnement - éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en annulation irrecevable;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le déclare également recevable en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2000, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12128
Date de la décision : 15/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-15;12128 ?

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