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15/11/2000 | LUXEMBOURG | N°10018a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2000, 10018a


N° 10018a du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, Luxembourg contre une délibération du conseil communal de Luxembourg, ainsi qu’une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Revu la requête inscrite sous le numéro 10018C du rôle et déposée au greffe de la Cour

administrative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau...

N° 10018a du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 15 novembre 2000

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Recours formé par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, Luxembourg contre une délibération du conseil communal de Luxembourg, ainsi qu’une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Revu la requête inscrite sous le numéro 10018C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, établie et ayant son siège social à Luxembourg, Parc de la Ville, tendant à l’annulation, sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 portant approbation du plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg (PGA) et rejetant la réclamation par elle introduite en date du 21 septembre 1993, ainsi que de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 dans la mesure où elle a porté adoption définitive de la partie graphique du PGA concernant plus particulièrement sa propriété sise à Luxembourg-Limpertsberg, issue d’un legs … et rejeté son objection présentée le 29 novembre 1991 concernant le plan d’aménagement provisoirement adopté le 4 novembre 1991 ;

Vu le jugement du 26 juillet 2000 rendu contradictoirement entre parties, écartant le mémoire du délégué du Gouvernement déposé le 4 février 2000, retenant la compétence du tribunal pour connaître du recours, déclarant ce dernier recevable et, avant tout autre progrès au fond ordonnant la réouverture des débats pour permettre aux parties de verser un exemplaire de la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg telle qu’adoptée et approuvée à travers les décisions déférées, ensemble un agrandissement circonstancié des abords de l’avenue de la Faïencerie avec fourniture des précisions nécessaires concernant le classement notamment en zones d’habitation H2 ou H3 des terrains situés le long de cette voie publique ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 septembre 2000 par Maître Jean MEDERNACH, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 26 septembre 2000 portant notification de ce mémoire à Maître Marc ELVINGER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER et Christian POINT, de même que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 octobre 2000.

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Considérant que la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, association reconnue d’utilité publique et régie par la loi modifiée du 16 août 1923 lui ayant entre autres conféré la personnalité civile, ainsi que par ses statuts approuvés par arrêté ministériel du 20 août 1923, tels que modifiés par la suite, établie et ayant son siège social à Luxembourg, Parc de la Ville, est propriétaire de différents immeubles sis à Luxembourg-Limpertsberg lui échus suivant legs stipulé par testament olographe du 15 août 1978 de feu Monsieur …, décédé à F-… le …, désignés comme suit :

“ Un parc d’agrément sis à Luxembourg-Limpertsberg et figurant au cadastre de l’ancienne commune de Rollingergrund, section unique, sous les numéros, respectivement parties des numéros suivants :

a) le numéro 668/2923, terrain labour, d’une contenance cadastrale de 1ha 20a 01ca et le numéro 668/2966, terrain labour, d’une contenance cadastrale de 1ha 79a 54ca, b) le numéro 670/2389, maison place d’une contenance de 27a 80ca, ainsi que partie du numéro 669/2388, jardin, telle que cette partie est plus amplement désignée sur un plan de situation, dressé par Monsieur Jean Van den Bulcke, ingénieur-chef de division du service des biens communaux le 7 décembre 1979 comme lot 5, avec une contenance de 5a 87ca, c) le restant du numéro 669/2388 prémentionné, d’une surface cadastrale de 75a 43ca, ainsi que le lot 6, jardin, partie du numéro 672/2776, d’une contenance d’environ 9a 30ca et encore le lot 4, jardin, chaufferie, partie du numéro 673/2256, d’une contenance de 1a 91 ca tels que ces restants et lots figurent au plan de situation déjà mentionné sub b) ” Que la partie de la propriété lui léguée mentionnée sub b) – maison, place et jardin d’une contenance totale de 33 ares 67 centiares, situés au 179, avenue de la Faïencerie -, se trouve grevée d’un usufruit viager en faveur de Monsieur …, notaire à Luxembourg, en vertu du prédit testament ;

Que suivant bail emphytéotique du 14 décembre 1979, prévu en tant que charge du legs prédit, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a donné en location à l’administration communale de la Ville de Luxembourg les immeubles lui légués par Monsieur … prédésigné, concernant leur objet et durée, précisés à son article 5 intitulé “ entrée en jouissance et durée ” libellé comme suit :

“ a) le présent bail est conclu pour une durée de quatre-vingt dix ans (90) à partir de la signature du présent bail. L’entrée en jouissance du preneur est fixée, en ce qui concerne les terrains prédésignés sub a) et c) à la date d’approbation des présentes par les autorités 2 supérieures respectives, celle des terrains prédésignés sub b) à partir du décès de l’usufruitier Monsieur … préqualifié.

b) Il est expressément convenu qu’après le décès de l’usufruitier, la jouissance du preneur, en ce qui concerne les terrains prédésignés sub b), ne s’entendra que sur le jardin faisant partie de ces terrains, la maison et le garage avec leurs annexes étant réservés au bailleur en pleine propriété pour sa propre utilisation future, ensemble avec le libre accès avec des voitures privées et utilitaires de ses services et celles des visiteurs ” ;

Que ledit bail emphytéotique contient en outre un article 7 intitulé “ interdiction de construire ” portant qu’“ aucune construction peut être érigée, ni aucune route ou rue ouverte à la circulation publique pour véhicules automobiles ne peut être tracée sur les immeubles donnés en location sous peine de résolution des présentes, droit que le bailleur se réserve expressément et que Monsieur le Conservateur des Hypothèques est prié de mentionner dans son inscription d’office et sous peine d’une amende conventionnelle de 2 mio. au nombre indice 100, en garantie de laquelle le preneur accorde au bailleur qui l’accepte une hypothèque spéciale sur les immeubles loués.

Néanmoins une tolérance est accordée pour la construction d’un éventuel local pour toilettes publiques.

Le bailleur se réserve le droit, en ce qui concerne les terrains sub b), après le décès de l’usufruitier, de transformer la maison et les annexes et de les reconstruire entièrement sans qu’il n’en résulte toutefois d’augmentation des volumes (existants, afin d’y installer ses services ) lz supérieure à vingt pour cent ni une augmentation substantielle des emprises au sol, afin d’y installer des services ”;

Que dans la mesure où suivant le nouveau plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg tel que provisoirement adopté par délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 4 novembre 1991, les parties de terrain prédésignées sub a) et c) ont été classées en zone verte, alors que sous l’ancienne réglementation elles étaient incluses dans une zone “ Parc ” non constructible, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise n’a pas présenté d’objections à l’encontre de ce nouveau classement qui, d’après elle, correspond pleinement à la volonté du testataire … ;

Que la portion de terrain désignée sub b), désignée ci-après par “ immeuble litigieux ”, était classée sous l’ancien plan d’aménagement de la Ville en secteur d’habitation de faible densité défini comme suit par son article 2.51 :

“Les secteurs d’habitation de faible densité comprennent les parties du territoire de la ville réservées en principe aux maisons à caractère unifamilial avec jardin, isolées, jumelées ou groupées en bande de cinq unités au plus.

Les maisons peuvent être aménagées de telle manière qu’elles comportent deux logements séparés. Un groupe isolé de maisons peut être desservi par une ou plusieurs entrées et cages d’escaliers communes.

Dans ces secteurs sont également admissibles des édifices et aménagements servant aux besoins propres de ces secteurs ainsi que des immeubles servant à l’exploitation d’hôtels, 3 à l’exercice de professions libérales, ou, en partie, à l’installation de bureaux, à condition que les activités correspondant à la destination de ces immeubles ne gênent pas l’habitat.

En cas de nouvelle construction ou de reconstruction d’un immeuble, les surfaces affectées à l’habitat doivent être maintenues.

Ces surfaces peuvent cependant être créées dans un ou plusieurs autres immeubles du secteur d’habitation de faible densité du même quartier, sous condition que les opérations se fassent de façon concomitante ” ;

Que suivant la délibération précitée du 4 novembre 1991, le nouveau plan général d’aménagement provisoirement adopté, désigné ci-après par “ PGA ”, a classé l’immeuble litigieux grevé de l’usufruit en faveur de Monsieur …, en zone d’habitation H2 ;

Que c’est contre cette classification que la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a présenté en date du 29 novembre 1991 une objection adressée au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg sur base des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, en prenant appui plus particulièrement sur l’article 7 prérelaté du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 concernant les possibilités de transformation et de reconstruction y prévues après le décès dudit usufruitier pour demander que la propriété en question soit classée comme “ terrain réservé à destination particulière ” tel que défini à l’article F.1.f PGA ;

Que lors de son audition par le collège des bourgmestre et échevins en date du 22 septembre 1992, dans le cadre de l’aplanissement des difficultés prévu par l’article 9 alinéa 3 in fine de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a sollicité soit un reclassement du terrain concerné en zone d’habitation H3 à l’instar des propriétés contiguës, soit un reclassement en terrain réservé à destination particulière ;

Qu’à la suite de cette audition, la bourgmestre a énoncé que le collège échevinal entendait proposer au conseil communal de maintenir le classement proposé qui respectait les dispositions du testament et du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 en précisant que la Ville honorera toujours ses obligations juridiques, nonobstant le classement effectué ;

Que par courrier du 9 septembre 1993, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a été informée par la bourgmestre de la Ville de Luxembourg que par délibération du 12 juillet 1993 le conseil communal avait statué sur sa réclamation en la rejetant pour des motifs de respect des dispositions du testament … et de la convention existante entre la Ville et la Croix Rouge, la partie graphique du projet ayant été approuvée définitivement, incluant le classement de la parcelle litigieuse comprenant la maison sise 179, avenue de la Faïencerie à Luxembourg-

Limpertsberg en zone d’habitation H2 ;

Que par courrier du 21 septembre 1993, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise s’est adressée au ministre de l’Intérieur pour solliciter le reclassement du terrain litigieux en zone à destination particulière, telle que définie par l’article F.1.f) PGA, sinon et en ordre subsidiaire en zone d’habitation H3 ;

4 Que dans sa séance publique du 30 mai 1994, le conseil communal de la Ville de Luxembourg a émis un avis défavorable relativement à la prédite réclamation au motif que le classement en zone d’habitation H2 permettait le respect des stipulations énoncées par la convention passée entre la Ville et la Croix Rouge ;

Que lors de sa séance du 4 novembre 1994, la commission d’aménagement auprès du ministre de l’Intérieur prévue par l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, a avisé favorablement la réclamation introduite par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise auprès du Gouvernement en retenant que :

“ La commission estime que la réclamation est fondée alors qu’un classement en zone “ Terrains réservés – destination particulière ” des fonds concernés est justifié afin que les droits acquis définis dans la convention conclue entre l’administration communale et la Croix Rouge soient garantis étant entendu que les dispositions contenues dans le testament invoqué dans la réclamation et concernant d’éventuelles modifications à apporter aux constructions existant sur les fonds de la réclamante.

La commission propose donc à Monsieur le Ministre de faire droit à cette réclamation et de reclasser les fonds appartenant à la Croix Rouge en zone “ Terrains réservés – destination particulière ” ;

Que par courrier du 24 février 1997 du ministre de l’Intérieur, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise s’est vu notifier la décision dudit ministre datant du 6 février 1997 portant approbation en son article 1er de la délibération précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 ayant adopté définitivement la partie graphique du plan général d’aménagement de la Ville, tout en déclarant recevable en la forme mais quant au fond non motivée à suffisance de droit notamment la réclamation de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise ;

Que ladite décision ministérielle comporte en sa page 7/17 l’énonciation suivant laquelle “ la réclamation émanant de la Croix Rouge Luxembourgeoise portant sur des fonds attenant à la rue de la Faïencerie, ne comporte aucun argument d’ordre urbanistique d’intérêt général pouvant justifier un reclassement en zone réservée à destination particulière ou en zone d’habitation H3, de sorte que cette réclamation est à rejeter ” ;

Considérant que par recours déposé au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a sollicité l’annulation sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif de la décision ministérielle du 6 février 1997 en ce qu’elle a approuvé la délibération du conseil communal prévisée du 12 juillet 1993 portant adoption définitive de la partie graphique du PGA et rejeté sa réclamation y relative du 21 septembre 1993, de même que de ladite délibération du 12 juillet 1993 en ce qu’elle a classé le terrain litigieux en zone d’habitation H2 et rejeté son objection du 29 novembre 1991 portée à l’encontre de la décision d’adoption provisoire dudit PGA ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le recours sous analyse introduit sous le numéro 10018C du rôle devant la Cour administrative et y non encore entièrement instruit à la date d’entrée en vigueur de ladite loi, le 16 septembre 1999, a été 5 transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10018 du rôle ;

Considérant que par jugement du 26 juillet 2000, le tribunal, statuant contradictoirement, a écarté le mémoire du délégué du Gouvernement déposé le 4 février 2000, s’est déclaré compétent pour connaître du recours, a déclaré celui-ci recevable et avant tout autre progrès en cause, au fond a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de verser un exemplaire de la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg telle qu’adoptée et approuvée à travers les décisions déférées, ensemble un agrandissement circonstancié des abords de l’avenue de la Faïencerie avec fourniture des précisions nécessaires concernant le classement notamment en zones d’habitation H2 ou H3 des terrains situés le long de cette voie publique, tout en autorisant les parties à fournir leurs conclusions afférentes éventuelles à travers un mémoire complémentaire à déposer au greffe du tribunal administratif avant le 1er octobre 2000 sous peine de forclusion ;

Considérant que dans son mémoire complémentaire du 28 septembre 2000, la Ville de Luxembourg donne à considérer que d’après l’article 4 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la demanderesse aurait dû faire signifier sa requête introductive d’instance également à l’usufruitier de l’immeuble concerné, Monsieur … préqualifié, de sorte qu’en l’absence de respect de cette formalité qualifiée de substantielle, le recours devrait être déclaré irrecevable, sinon pour le moins le tribunal devrait ordonner la mise en intervention dudit usufruitier ;

Considérant que dans son jugement prédit du 26 juillet 2000, le tribunal a déclaré le recours recevable, étant constant que la requête introductive d’instance n’a pas été signifiée à l’usufruitier … ;

Considérant que dans la mesure où le jugement prévisé ne tombe pas dans la catégorie de ceux énoncés par l’article 44 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, il ne peut être frappé d’appel à titre isolé, indépendamment du présent jugement statuant sur le fond ;

Considérant que si dès lors le tribunal dispose du pouvoir théorique de revenir sur la question de la recevabilité, il convient de souligner que l’irrecevabilité actuellement soulevée ne procède nullement d’un fait nouveau, non connu au moment du prononcé du premier jugement ayant toisé la recevabilité du recours, étant constant que ce dernier a pris de façon implicite mais nécessaire position en déclarant recevable le recours dans le chef de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, nue propriétaire des terrains concernés, en ce que son intérêt à agir suffit aux exigences d’actualité au jour de l’introduction du recours, compte tenu des griefs par elle invoqués face aux droits qu’elle s’est réservée à travers l’article 7 alinéa 3 du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 en sa qualité de légataire des biens en question, lesquels droits devenant effectifs après le décès de l’usufruitier et consistant à pouvoir transformer la maison et ses annexes, sinon de les reconstruire dans les limites fixées audit article ;

Considérant que dans la mesure où lesdits droits réservés de la nue propriétaire ne deviennent effectifs qu’après le décès de l’usufruitier, ce dernier ne dispose pas d’un intérêt actuel, personnel et direct suffisant pour figurer en tant que partie tierce intéressée au présent litige ;

6 Que le moyen d’irrecevabilité, voire de mise en intervention forcée actuellement proposé est dès lors à écarter ;

Quant au fond Considérant que la partie demanderesse invoque en premier lieu l’illégalité de la décision ministérielle déférée pour cause d’irrégularité de la procédure en ce que les dispositions combinées de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et les règles établies en son exécution par le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes dont notamment les dispositions de ces articles 1er, 5 et 12 n’auraient pas été respectées en l’espèce en ce que la demanderesse aurait dû avoir la possibilité de prendre connaissance des prises de position et avis fournis notamment par le conseil communal de la Ville de Luxembourg et de la commission d’aménagement avant la prise de décision ministérielle, ainsi que de faire connaître ses propres observations en temps utile ;

Que même à supposer l’inapplicabilité des textes en question, la nullité de la décision ministérielle ne s’en imposerait pas moins au regard des exigences élémentaires du principe du contradictoire, rappelé entre autre à l’article 1er, alinéa second de ladite loi du 1er décembre 1978, laquelle serait certainement d’application générale, exigeant le respect des droits de la défense de l’administré et sa participation à la prise de la décision administrative qui le concerne ;

Que la Ville conclut à l’inapplicabilité des textes légaux et réglementaires en question en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire ;

Considérant que les dispositions de la loi du 1er décembre 1978, ainsi que celles du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précités ne s’appliquent pas aux actes administratifs à caractère réglementaire, étant donné que d’après l’article 4 de ladite loi, les règles établies par le règlement grand-ducal prédit, pris en son application “ s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré ”, étant constant que la loi du 1er décembre 1978 est, d’après son article 1er, une loi d’habilitation, autorisant le Grand-Duc à édicter un corps de règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse, règle devant entre autres respecter les principes et assurer les garanties prévus notamment à l’alinéa second de l’article 1er en question ;

Que dès lors plus particulièrement les dispositions invoquées par la partie demanderesse – articles 1er, alinéa 2 et 4 de la loi du 1er décembre 1978 – articles 5 et 12 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 précités - sont inapplicables comme tels aux actes administratifs à caractère réglementaire, catégorie dont font partie les décisions déférées (trib. adm. 21 février 2000, Feitler, n° 11434 du rôle, confirmé par Cour adm. 17 octobre 2000, n° 11904C du rôle);

Considérant qu’en second lieu la partie demanderesse invoque l’illégalité des actes administratifs critiqués pour défaut de motivation et violation de la loi ;

Qu’elle estime qu’il aurait incombé aux autorités communales, puis au ministre de l’Intérieur de faire état de raisons urbanistiques et d’intérêt général, de nature à justifier 7 légalement le traitement discriminatoire infligé d’après elle à sa propriété concernant l’immeuble litigieux ;

Que les autorités communales se seraient bornées à travers la procédure à justifier la décision de classement en zone d’habitation H2 par le respect des dispositions du testament … et de la convention existante entre la Ville et la Croix-Rouge ;

Que la décision ministérielle déférée ne serait pas autrement motivée sauf à préciser que la réclamation de la demanderesse tout en étant recevable en la forme ne serait pas motivée à suffisance de droit, comme ne comportant aucun argument d’ordre urbanistique d’intérêt général pouvant justifier un reclassement tel que sollicité ;

Considérant que les dispositions des articles 6 et 7 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité relatives à la motivation des décisions administratives individuelles sont inapplicables comme telles aux actes administratifs à caractère réglementaire, tels ceux déférés ;

Considérant qu’il n’en demeure cependant pas moins qu’à l’instar de toute décision administrative, l’acte administratif à caractère réglementaire doit être légalement pris, tant au regard des exigences de l’article 95 de la Constitution, suivant lequel les Cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’au tant qu’ils sont conformes aux lois, que de celle de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée (cf. trib. adm. 21 février 2000 et Cour adm. 17 octobre 2000 précités) ;

Considérant que plus particulièrement tout acte administratif à caractère réglementaire doit baser sur des motifs légaux ;

Considérant que le tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, doit être mis en mesure de vérifier l’existence des motifs légaux à sa base ;

Considérant que la décision communale déférée portant adoption définitive du classement de l’immeuble litigieux en zone d’habitation H2, ainsi que de la décision d’approbation ministérielle légalement déférée, rejetant successivement les objections et réclamations formulées par la demanderesse contiennent à chaque fois des motifs énoncés à leur base ;

Considérant que dans la mesure où les motifs invoqués par l’autorité communale compétente ont trait à la situation juridique de laquelle découlent les droits de la demanderesse, à la base du classement opéré, tandis que le ministre justifie sa décision par l’absence par lui ainsi analysée d’argument d’ordre urbanistique ou d’intérêt général pertinent, il ne saurait être conclu à l’absence de motifs légaux en l’espèce ;

Que dès lors le moyen laisse d’être fondé dans la mesure où il a trait à l’absence de motifs légaux invoqués ;

Considérant que l’appréciation du caractère suffisant des motifs à la base des actes déférés, afin d’en justifier la légalité, est à effectuer au regard de l’ensemble des autres éléments apportés par la demanderesse à leur égard, étant constant qu’au-delà des 8 motifs indiqués à la base desdits actes administratifs à caractère réglementaire, il convient encore de tenir compte de ceux ayant existé au moment où les actes ont été pris, fussent-ils non indiqués, dans la mesure où ils résultent par ailleurs des éléments du dossier, en ce qu’ils ont été notamment et plus particulièrement fournis en cours d’instance par l’administration ;

Considérant que la demanderesse estime d’abord qu’à défaut de toute justification objective à l’appui d’un traitement différent du terrain concerné par rapport à celui des propriétés adjacentes en ce que celui-ci serait le seul de son côté de l’avenue de la Faïencerie à se retrouver en zone d’habitation H2, on serait en présence d’une violation du principe d’égalité, de sorte que les actes administratifs à caractère réglementaire déférés seraient tous vicés en tant que concernant l’usage ainsi déterminé de la propriété de ces immeubles en cause ;

Considérant qu’à travers son jugement précité du 26 juillet 2000 et au regard des flottements constatés dans les différents actes de procédure déposés par les parties, le tribunal a invité celles-ci à verser un exemplaire de la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg, telle qu’adoptée à travers les décisions déférées, ensemble un agrandissement circonstancié des abords de l’avenue de la Faïencerie avec fourniture des précisions nécessaires concernant le classement notamment en zones d’habitation H2 et autres des terrains situés le long de cette voie publique ;

Considérant qu’il convient préliminairement de préciser que lors de l’audience publique du 9 octobre 2000, le tribunal s’est vu fournir de la part du mandataire de la partie demanderesse des renseignements suffisants concernant le reclassement pour erreur matérielle intervenu en cours de procédure d’adoption du PGA de la Ville de Luxembourg du terrain voisin appartenant aux consorts Danielle et … s’agissant de l’arrondissement des secteurs respectifs prévus dans l’arrière-partie de leur propriété, question n’interférant pas directement pas rapport à celle de la rupture d’égalité actuellement analysée ;

Considérant qu’il est un fait que d’après la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg versée, telle qu’adoptée à travers les décisions déférées, tous les immeubles longeant l’avenue de la Faïencerie du côté impair, considérée sur le plateau du Limpertsberg jusqu’à l’embouchure de la montée Thommes sont classés en zone d’habitation H3, sinon H4, à l’exception de celui actuellement visé par la demanderesse et abstraction faite du cimetière Notre-Dame ;

Considérant que les deux abords d’une voie publique constituent une entité urbanistique et doivent dès lors en principe être traités en conséquence, partant en concordance, de sorte que la rupture d’égalité alléguée ne saurait être valablement appréciée en ne tenant compte que des abords d’un seul côté de la voie publique concernée ;

Considérant que dans la mesure où l’autorité administrative n’a globalement pas évalué de façon dissemblable les deux côtés de l’avenue de la Faïencerie, aucune exception dans la prise en compte cumulative des deux abords de la voie publique ne se trouve être vérifiée en l’espèce à ce niveau;

Considérant qu’il appert ainsi que du côté pair de l’avenue de la Faïencerie de larges plages de terrains la longeant sont classées en zone d’habitation H2 et ce plus particulièrement vis-à-vis des terrains de la demanderesse, étant précisé que dudit côté pair la zone H2 s’étend 9 des deux côtés d’une façon plus large que du côté impair au niveau des terrains longeant la voie publique appartenant en nue propriété à la société de la Croix-Rouge ;

Que par ailleurs à proximité directe, du côté pair, tout le pâté de maisons compris entre les rues Léandre Lacroix et Soupert, de même que partie de celui compris entre les rues Batty Weber et Léandre Lacroix se retrouvent également classés en zone d’habitation H2 ;

Considérant que le tribunal est partant amené à retenir qu’aucune rupture d’égalité ne saurait être valablement alléguée ni a fortiori retenue en l’espèce concernant les immeubles de la société de la Croix-Rouge visés par le recours sous analyse, étant donné qu’à cette hauteur de l’avenue de la Faïencerie tous les immeubles situés des deux côtés des abords de ladite voie publique se trouvent dans la même zone H2, et que par ailleurs au-delà des limites des terrains de ladite société jouxtant l’avenue de la Faïencerie maints autres immeubles situés à proximité immédiate se trouvent également classés dans la même zone ;

Considérant que la demanderesse conclut encore à une violation du principe de proportionnalité en ce que les contraintes aux particuliers, relevant de l’essence du plan d’aménagement général, ne seraient toutefois licites que pour autant qu’elles se justifient légalement et, par conséquent, qu’elles n’imposent pas de restriction allant au-delà de celles qui sont objectivement nécessaires dans une situation donnée;

Qu’ainsi le seul usage pratique de la requérante pour refaire la construction qui lui appartiendra en pleine propriétaire après le décès de l’usufruitier se trouverait compromis par le classement de l’intégralité de la parcelle en question en zone d’habitation H2 contrairement au classement par elle proposé, fût-ce en zone d’habitation H3 ou en zone réservée à destination particulière ;

Que la nécessité objective d’imposer telle contrainte au terrain de la demanderesse, outre qu’elle ne serait confortée par aucun élément du dossier, ni par la motivation avancée à la base des décisions déférées, serait en réalité d’ores et déjà contredite par le fait que les propriétés adjacentes ont été traitées différemment ;

Considérant que la demanderesse fait encore valoir qu’à travers le bail conclu en date du 14 décembre 1979 avec la Ville de Luxembourg, elle s’est réservé le droit “ en ce qui concerne les terrains sub b), après le décès de l’usufruitier, de transformer la maison et les annexes et les reconstruire entièrement, sans qu’il n’en résulte toutefois d’augmentation du volume supérieur à 20% ni une augmentation substantielle des emprises au sol, afin d’y installer ses services ” ;

Que suivant elle le classement des terrains en question en zone d’habitation H2 mettrait en échec la mise en œuvre de la clause en question ;

Que dès lors le classement intervenu mettrait la commune en porte à faux par rapport à ses obligations contractuelles et n’aurait partant pas pu être légalement effectué par elle, ni être approuvé par le ministre de l’Intérieur dans sa qualité d’autorité tutelle ;

Considérant qu’à la base le classement de terrains dans telle ou telle zone au regard de la législation relative à l’urbanisme communal, en ce qu’il répond en premier lieu et pour 10 l’essentiel à des considérations d’ordre urbanistique, reste étranger aux conventions passées entre parties et a fortiori à des actes unilatéraux émanant de l’une d’elles ou de son auteur ;

Considérant que dans le bail emphytéotique conclu entre la demanderesse et la Ville de Luxembourg en date du 14 décembre 1979, cette dernière n’a point agi en tant qu’autorité publique exerçant un pouvoir de réglementation, mais à l’instar d’un gestionnaire de biens ;

Considérant que dès lors le classement des terrains de la demanderesse à travers les décisions déférées, a pu intervenir indépendamment dudit bail emphytéotique du 14 décembre 1979, ainsi que du testament de feu Maître …, acte unilatéral par essence, ces éléments ne pouvant de leur côté pas servir de motivation adéquate aux actes déférés ;

Considérant que dans la mesure où aucune rupture d’égalité n’a pu être constatée en l’espèce concernant le classement des terrains litigieux en zone d’habitation H2 et que cette dernière constitue, suivant la réglementation applicable le plerumquefit et partant le droit commun en matière de maisons d’habitation particulières non collectives, les éléments de disproportion mis en avant par la demanderesse manquent encore en fait et en droit ;

Considérant que par voie de conséquence les moyens tirés de la violation du principe de proportion ainsi désigné, ainsi que de la méconnaissance alléguée des obligations contractées par l’autorité administrative communale ayant statué doivent tomber à faux ;

Considérant que s’il ne peut pas être dénié qu’un classement en zone d’habitation H3, voire comme terrain réservé à destination particulière aurait été de nature à répondre aux aspirations précises de la demanderesse, le cas échéant de manière plus ciblée, que celui résultant des décisions déférées, il n’en reste pas moins que dans le cadre du recours en annulation lui attribué, le tribunal n’est pas appelé à statuer suivant des critères d’opportunité pour écarter tel classement au profit d’un autre ;

Considérant que sur base des développements qui précèdent et à titre partiel par substitution des motifs s’en dégageant, notamment au niveau du caractère d’ordre général et de droit commun revêtu par la zone d’habitation H2 concernant les maisons d’habitation non collectives, le classement critiqué à travers les décisions déférées n’est point basé sur des motifs insuffisants, tout comme il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que les moyens de légalité proposés manquent de fondement et sont partant à écarter, entraînant que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 26 juillet 2000 ;

écarte le moyen tendant à la mise en intervention de l’usufruitier ;

au fond déclare le recours non justifié ;

11 partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 novembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10018a
Date de la décision : 15/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-15;10018a ?

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