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14/11/2000 | LUXEMBOURG | N°12117

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2000, 12117


Numéro 12117 du rôle Inscrit le 13 juillet 2000 Audience publique du 14 novembre 2000 Recours formé par Madame … HUREMOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12117 du rôle, déposée le 13 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …

HUREMOVIC, demeurant à L-…endant à la réformation d’une décision du ministre de l...

Numéro 12117 du rôle Inscrit le 13 juillet 2000 Audience publique du 14 novembre 2000 Recours formé par Madame … HUREMOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12117 du rôle, déposée le 13 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … HUREMOVIC, demeurant à L-…endant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 2 juin 1999 (sic), notifiée le 16 juin 2000, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries à l’audience publique du 24 octobre 2000.

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Le 9 novembre 1998, Madame … HUREMOVIC, née le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Madame HUREMOVIC fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Madame HUREMOVIC fut entendue en date du 12 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le ministre de la Justice informa Madame HUREMOVIC, par lettre du 2 juin 2000, erronément datée au 2 juin 1999, notifiée en date du 16 juin 2000, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile à …/Monténégro en date du 29 septembre 1998 en direction de Sarajevo, d’où vous avez continué votre chemin en traversant la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la France pour arriver au Luxembourg en date du 6 novembre 1998.

Vous relevez avoir quitté votre pays à cause de la mauvaise situation politique y régnant en précisant que la guerre n’est pas encore terminée. Alors que vous affirmez ne pas avoir peur de la police civile, vous déclarez avoir peur des réservistes, peur d’ailleurs liée à votre confession musulmane.

Vous exposez en outre de ne pas avoir été membre d’un parti politique, ni avoir subi des mauvais traitements personnels.

Concernant votre peur de la guerre et de la situation instable régnant dans votre pays, il y a lieu de relever que ces motifs ne sont pas de nature à rendre votre vie intolérable dans votre pays d’origine et ne dénotent pas une persécution de nature à justifier une crainte pour un des motifs énoncés par la Convention de Genève. En effet, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention.

Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 2 juin 2000, Madame HUREMOVIC a fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 13 juillet 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dans sa teneur applicable au moment de la prise de la décision déférée, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours la demanderesse fait valoir que ce serait à tort que le ministre a dénié l’existence dans son chef de craintes sérieuses de persécution pour des raisons visées par la Convention de Genève pour rejeter sa demande d’asile comme étant non fondée. Elle fait valoir que les faits exposés lors de son audition relatifs à la mauvaise situation politique régnant dans son pays d’origine, à la guerre qui y sévissait et à sa crainte des réservistes liée à 2 sa confession musulmane, seraient de nature à rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine et laisseraient supposer dans son chef la crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la crainte avec raison d’être persécuté impliquerait à la fois un élément subjectif et un élément objectif devant tous les deux être pris en considération et que la situation générale du pays d’origine, à la quelle la demanderesse se serait essentiellement référée, ne justifierait partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié politique. Le représentant étatique estime dès lors que le ministre aurait fait une saine appréciation de sa situation et lui refusé à juste titre la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, la demanderesse a déclaré lors de son audition qu’elle aurait quitté son pays d’origine « à cause de la situation politique » et qu’elle n’entendrait y retourner qu’une fois que la guerre aurait pris fin et que la situation serait changée. Après avoir admis ne pas avoir subie de persécutions personnelles ou avoir été incarcérée, elle a justifié sa crainte de persécution par sa « peur des réservistes, de la situation politique » en précisant que celle-ci serait liée au fait qu’elle est musulmane, mais en admettant qu’elle n’aurait pas peur de la police civile de son pays qui aurait « toujours été correcte » avec elle.

A travers les éléments ainsi exposés, la demanderesse invoque en premier lieu la situation générale de son pays d’origine, laquelle est cependant à elle seule insuffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Concernant sa situation personnelle, la demanderesse se prévaut en substance d’un risque de persécutions de la part des réservistes de l’armée en raison de sa religion musulmane 3 et d’un défaut de protection de la part des autorités de son pays d’origine face à ces actes de persécution.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants).

La demanderesse reste en défaut d’établir que des agissements concrets de la part de réservistes seraient tolérés, voire encouragés par les autorités en place et que les victimes concernées ayant par ailleurs concrètement recherché la protection des autorités en place en dénonçant les agissements en cause, se seraient heurtées à un défaut de protection caractérisé par l’absence de poursuites des actes de persécution commis. Elle n’a par ailleurs pas établi, à suffisance de droit, qu’elle risque de faire personnellement l’objet de persécutions dans le cadre de la situation politique générale régnant dans son pays d’origine.

En l’absence d’éléments concrets relatifs à sa situation personnelle soumis par la demanderesse, c’est à bon droit que le ministre n’a pas fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Etant donné que le mandataire de la demanderesse a déclaré par télécopie du 24 octobre 2000 à l’adresse du tribunal qu’il n’aurait rien à ajouter à son mémoire écrit et que l’affaire pourrait être prise en délibéré, le présent jugement statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties malgré l’absence à l’audience dudit mandataire, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite et partant contradictoire à l’égard d’une partie dès le dépôt d’un mémoire par celle-ci.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2000 par:

M. SCHOCKWEILER, vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

4 s. SCHMIT s. SCHOCKWEILER 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12117
Date de la décision : 14/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-14;12117 ?

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