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08/11/2000 | LUXEMBOURG | N°11991

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 novembre 2000, 11991


N° 11991 du rôle Inscrit le 9 mai 2000 Audience publique du 8 novembre 2000

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Recours formé par Madame … STYPULA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’inscription sur la liste des experts assermentés

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11991 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2000 par Maître Pierre-Olivier WURTH, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … STYPULA, épouse …, deme...

N° 11991 du rôle Inscrit le 9 mai 2000 Audience publique du 8 novembre 2000

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Recours formé par Madame … STYPULA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’inscription sur la liste des experts assermentés

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11991 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2000 par Maître Pierre-Olivier WURTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … STYPULA, épouse …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 8 février 2000 portant rejet de sa demande en admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Frank ROLLINGER en ses plaidoiries à l’audience publique du 6 novembre 2000.

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Considérant que Madame … STYPULA, épouse …, demeurant à L-…, de nationalité française et d’origine polonaise, a déclaré, par courrier du 21 décembre 1999 adressé au ministère de la Justice, souhaiter devenir “ traductrice-interprète agréée au Grand-Duché de Luxembourg ” pour la langue polonaise ;

Que cette demande a été rencontrée par décision du ministre de la Justice du 8 février 2000 (Exp. 99/064) libellée comme suit :

“ Madame, Je me réfère à votre demande en vue de votre admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés.

Après examen de votre dossier, il apparaît que vous ne disposez pas de diplôme spécialisé d’interprète ou de traducteur dans les langues pour lesquelles vous avez introduit votre demande, alors que le Ministère exige un tel diplôme pour les demandes d’admission sur la liste des traducteurs et interprètes assermentés. Par conséquent, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

Le présent refus est susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté par requête signée par un avocat à la Cour dans un délai de trois mois de la réception de la présente.

Veuillez agréer, Madame, … ” ;

Considérant que c’est contre cette décision que Madame STYPULA a fait introduire en date du 9 mai 2000 un recours en annulation ;

Considérant que ce recours est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que même si l’Etat n’a pas fait déposer de mémoire, il n’en reste pas moins que d’après l’article 4 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat et que suivant les dispositions de l’article 6 de la même loi, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties, y compris l’Etat n’ayant pas conclu ;

Considérant que la partie demanderesse fait valoir en premier lieu à l’appui de son recours que la décision ministérielle déférée encourrait l’annulation en ce qu’elle n’indique point de disposition légale pouvant constituer son fondement, pareille carence étant sanctionnée de nullité, dès lors que les raisons de rejet fournies seraient insuffisamment explicites pour permettre à son destinataire de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration ;

Qu’en ordre subsidiaire il y aurait lieu de constater que des motifs à la base de la décision déférée suffisamment précis feraient défaut, mettant le tribunal dans l’impossibilité d’en contrôler la légalité ;

Qu’en ordre plus subsidiaire l’exigence formulée par le ministre d’un diplôme spécialisé d’interprète ou de traducteur dans les langues pour lesquelles une demande a été introduite soulèverait la question de savoir sur quelles dispositions le ministre se baserait, quelle en serait la date et quels en seraient les destinataires ;

Que la demanderesse de constater que d’autres personnes, qui, d’après elle, se trouvaient dans des situations identiques, auraient été admises sur ladite liste, de sorte à estimer que l’administration jouirait en l’espèce d’un pouvoir arbitraire ;

Qu’elle avance la pénurie des experts en langue polonaise, au nombre actuellement de deux, inscrits sur la liste prédite, dont un serait fort âgé ;

Considérant que d’après les dispositions de l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute autorité administrative est tenue d’appliquer d’office le droit applicable à l’affaire dont elle est saisie ;

2 Considérant que d’après l’article 6 du même règlement grand-ducal une décision de refus doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base ;

Considérant que l’énonciation sommaire de la cause juridique à la base d’une décision de refus ne comprend point de façon nécessaire l’indication de la disposition légale servant à son fondement, du moment que les éléments de droit indiqués permettent à l’administré d’établir une relation avec les dispositions légales applicables ;

Considérant qu’en l’espèce la demanderesse a clairement dégagé dans son ordre d’idées plus subsidiaire la condition légale non vérifiée dans son chef d’après la décision déférée, laquelle peut par ailleurs être aisément raccrochée au principal texte législatif existant en la matière, la loi du 7 juillet 1971 portant en matière répressive et administrative, institution d’experts, de traducteurs et d’interprètes assermentés et complétant les dispositions légales relatives à l’assermentation des experts, traducteurs et interprètes ;

Considérant qu’il s’ensuit que le moyen invoqué en ordre principal tenant au défaut allégué d’indication de base légale est à écarter ;

Considérant que l’appréciation du second moyen, invoqué en ordre subsidiaire, tenant à l’absence de précision suffisante des motifs invoqués à la base de la décision déférée, appelle, à titre préliminaire, la délimitation de la base légale par rapport à laquelle le ministre de la Justice a statué ;

Considérant qu’il appert au fond que la demande d’inscription présentée par Madame STYPULA a été rencontrée par le ministre de la Justice sur base de l’article 1er de la loi du 7 juillet 1971 précitée, lequel dispose que “ le ministre de la Justice peut, en matière répressive et administrative, désigner des experts, des traducteurs et des interprètes assermentés, chargés spécialement d’exécuter les missions qui leur seront confiées par les autorités judiciaires et administratives ”;

Considérant qu’il appert que dans les matières répressive et administrative concernées, l’article 1er précité réserve au ministre de la Justice une faculté de désignation des experts à figurer sur la liste en question;

Que loin d’être discrétionnaire, cette faculté est liée par des critères objectifs tenant, outre aux besoins des destinataires des prestations de spécialistes assermentés en question, notamment aux qualifications professionnelles raisonnablement exigibles, ainsi qu’à l’honorabilité requise de la part d’un auxiliaire de la justice;

Considérant que s’il est admis que le rôle du juge administratif statuant au contentieux de l’annulation ne s’étend pas à l’appréciation des faits invoqués par l’autorité administrative à la base de la décision déférée, il lui incombe cependant de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de fait pris en considération par la décision lui soumise dans la mesure, d’après des pièces et éléments du dossier administratif, cette démarche incluant le contrôle juridictionnel sur la question de savoir si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute;

3 Considérant que la décision déférée est basée sur les exigences de qualification professionnelle posées par le ministre de la Justice dans le chef de la demanderesse ;

Considérant qu’il est légalement admissible que le ministre pose comme condition à l’égard des candidats à l’inscription sur la liste comme traducteur ou interprète assermenté d’être titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en matière de traduction et d’interprétariat pour les langues française et polonaise concernées, étant constant qu’il existe des institutions reconnues permettant de suivre des cours afférents dûment sanctionnés à un niveau supérieur (trib. adm. 17 mai 1999, DZANDZGAVA, n° 11018 du rôle, Pas. adm.

1/2000, V° Experts, n° 3, p. 133 ; trib. adm. 21 juin 2000, SOARES, n° 11837 du rôle, non encore publié);

Considérant que même si la condition ministérielle ainsi posée relève d’une pratique administrative récente en date, celle-ci est objectivement justifiée en ce que le diplôme d’enseignement supérieur spécialisé en question constitue un moyen d’appréciation approprié de la compétence des candidats à l’inscription sur la liste des traducteurs et interprètes assermentés, la possibilité subsistant parallèlement de faire valoir l’exception dûment établie résultant d’une qualification non sanctionnée par les diplômes et basant le cas échéant sur une expérience professionnelle largement reconnue (trib. adm. 21 juin 2000, précité);

Considérant qu’il est constant que Madame STYPULA ne remplit l’exigence d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en matière de traduction et d’interprétariat posée par le ministre de la Justice ni pour la langue polonaise, ni pour le français ;

Considérant qu’en l’espèce le motif indiqué à la base de la décision déférée se résume à la seule exigence, sans autre restriction, d’un diplôme d’enseignement supérieur spécialisé en matière de traduction et d’interprétariat pour les langues concernées, sans que ce motif ne soit autrement corroboré, sinon relativisé par ailleurs ;

Considérant qu’à l’appui de sa demande Madame STYPULA a relevé d’une part ses études universitaires en Pologne sanctionnées par le diplôme universitaire de magistra en géographie, inscrit au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur suivant décision ministérielle du 10 mai 1999, de même que des formations reçues en France au Centre de Formation de la Chambre de Commerce et d’Industrie à Charleville-Mézières (08 Ardennes) et au Centre du Groupement d’Etat à Longwy (54 Meurthe et Moselle), tout en soulignant d’autre part son admission en tant que traductrice-interprète de la langue polonaise près la Cour d’appel de Reims, puis près de la Cour d’Appel de Nancy, ainsi qu’auprès de la Préfecture du département des Ardennes ;

Que pour le surplus la demanderesse fait état de ses activités professionnelles dans le cadre desquelles elle a, depuis 1994, effectué de nombreux travaux d’interprétariat et de traduction notamment dans le chef de la société RISQUAL, établie à Luxembourg, en vue de la mise en place d’une filiale en Pologne ainsi que dans l’intérêt de la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion CLT-UFA concernant son programme en langue polonaise – RTL 7 – notamment ;

Considérant que devant les faits ainsi présentés par Madame STYPULA dans sa demande du 21 décembre 1999 tendant à l’établissement de l’exception basant sur une 4 expérience professionnelle certaine, ensemble son admission en tant que traductrice-interprète assermentée pour la langue polonaise auprès de deux Cours d’appel françaises, il n’apparaît pas de la motivation déployée par la décision ministérielle déférée, se limitant à l’énonciation du seul principe de l’exigence d’un diplôme spécialisé de traducteur-interprète pour les langues concernées, sans autrement prendre position par rapport aux éléments de fait lui effectivement soumis, si l’autorité administrative compétente a, à suffisance de droit, porté son analyse sur ces derniers, pourtant largement étayés, au vu par ailleurs des besoins en la matière, avancés par la demanderesse comme étant caractérisés en l’espèce ;

Considérant qu’à défaut d’autres motifs invoqués en cours d’instance à la base de la décision déférée et en l’absence de dossier administratif versé permettant une substitution de motifs de manière à justifier la décision de rejet déférée, cette dernière encourt l’annulation pour raison d’insuffisance de motifs de nature à la fonder légalement, compte tenu des éléments de fait produits par la demanderesse, non autrement contredits en cause ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en la forme;

au fond le dit justifié;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie le dossier devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 novembre 2000 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11991
Date de la décision : 08/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-08;11991 ?

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