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06/11/2000 | LUXEMBOURG | N°11550

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 novembre 2000, 11550


N° 11550 du rôle Inscrit le 22 septembre 1999 Audience publique du 6 novembre 2000

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Recours formé par Madame … MULLER-FLICK contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11550 du rôle et déposée en date du 22 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MULLER-FLICK, demeurant à L-…...

N° 11550 du rôle Inscrit le 22 septembre 1999 Audience publique du 6 novembre 2000

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Recours formé par Madame … MULLER-FLICK contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11550 du rôle et déposée en date du 22 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MULLER-FLICK, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 29 juillet 1999 portant refus d’autorisation d’une écurie et d’un hangar multifonctionnel à ériger sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de …, section F de …, au lieu-dit «…»;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 novembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 8 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, préqualifié;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement en date du 14 janvier 2000 ;

Vu la visite des lieux du 10 mars 2000;

Vu le mémoire après descente sur les lieux déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 10 mai 2000;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ferdinand Burg et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courriers adressés au ministre de l’Environnement en date des 17 juin et 6 décembre 1998, Madame … MULLER-FLICK, demeurant à L-…, sollicita, conformément à la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, 1 l’autorisation d’ériger un hangar multifonctionnel et une écurie pour 10 chevaux, ainsi qu’une passerelle au lieu dit « … » à …, section F de ….

Suivant décision du 29 juillet 1999, le ministre de l’Environnement refusa de faire droit à ces deux demandes aux motifs que: « l’écurie serait érigée en zone d’inondation à proximité immédiate du cours d’eau «…», d’où un risque de pollution important qu’il y a lieu d’éviter dans l’intérêt de conservation de la qualité bactériologique du cours d’eau.

En ce qui concerne le hangar, celui-ci, en raison de l’architecture proposée et de son envergure importante porterait préjudice à un paysage intact et à haute valeur esthétique qu’il importe de conserver. Tout comme l’écurie, le hangar serait également érigé en zone d’inondation. Sa réalisation engendrerait une diminution notable du volume de rétention d’eau, d’où un risque accru d’inondations en aval en cas de crues.

Par ailleurs, il me revient que vous avez d’ores et déjà procédé à l’aménagement d’un manège à ciel ouvert, sans être en possession d’une autorisation en vertu de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Dans l’intérêt de la conservation du paysage et de la restauration de la capacité de rétention d’eau, je vous enjoins à procéder au rétablissement des lieux conformément aux injonctions de l’agent responsable de l’administration des Eaux et Forêts, ceci dans un délai de deux mois, faute de quoi l’administration dressera un procès-verbal ».

A l’encontre de cette décision du ministre de l’Environnement du 29 juillet 1999, Madame MULLER-FLICK a fait introduire en date du 22 septembre 1999 un recours en annulation, sinon en réformation en contestant les motifs de refus y émargés.

La demanderesse fait valoir en premier lieu que le ministre de l’Environnement, en refusant l’autorisation au motif que l’écurie ainsi que le hangar seraient érigés en zone d’inondation à proximité immédiate du cours d’eau «…», violerait la loi précitée du 11 août 1982 qui ni régirait pas cette « question » et qui ne prévoirait pas un tel motif de refus. Elle estime que cette « problématique se trouve régie par des règlements grand-ducaux pris en application de la décision du Gouvernement en Conseil du 27 mai 1994 concluant l’élaboration d’un plan d’aménagement partiel « zones inondables et zones de rétention ».

En ce qui concerne l’écurie, la demanderesse fait valoir plus particulièrement que la construction projetée ne se trouverait pas intégralement en zone inondable et que l’endroit devant recueillir l’écurie se trouverait surélevé par rapport au cours d’eau de la …, de sorte qu’il n’existerait pas un risque d’inondation. Elle fait encore état de ce que la construction projetée se trouverait en prolongation d’une écurie existante qui « ne présente aucun risque de pollution alors que la deuxième projetée présenterait d’après la décision attaquée un risque de pollution importante ». Elle conteste que la construction d’une deuxième écurie présenterait un risque de pollution et elle estime qu’il aurait appartenu au ministre de prouver effectivement et concrètement ce risque.

Concernant le hangar, la demanderesse relève que la construction projetée ne se trouverait pas non plus intégralement dans la zone d’inondation, que la ligne de délimitation tracée par les services du ministère ne coïnciderait pas avec la réalité et que le refus ministériel serait dès lors abusif, étant donné qu’il ne tiendrait pas compte de la situation réelle du terrain 2 « dont l’espace destiné à recevoir la construction litigieuse n’a jamais connu une inondation ». Elle conteste encore le fait que la construction litigieuse engendrerait une diminution notable du volume de rétention d’eau et surtout un risque accru d’inondation en aval en cas de crues.

Elle conteste finalement que la construction projetée porterait préjudice au paysage et elle déclare qu’en tout état de cause, elle serait prête à construire le hangar en utilisant les matériaux tels que recommandés par l’administration.

En ce qui concerne le manège, elle expose qu’il s’agirait uniquement d’un manège qui « se résume à rien d’autre qu’une clôture en bois » qui ne nuirait aucunement au paysage, surtout en considération du fait que le manège se trouverait à proximité immédiate de sa maison d’habitation. Par ailleurs, cette clôture ne pourrait manifestement pas avoir une influence sur la capacité de rétention d’eau.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre a, à bon droit, pu se référer à la loi précitée du 11 août 1982 pour refuser la construction du hangar et de l’écurie, au motif que la prédite loi comporte notamment pour objectif la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, ainsi que la protection des ressources naturelles. Il considère que le ministre qui autoriserait une construction dans une zone inondable, méconnaîtrait ces principes, étant donné que des répercussions négatives sur la qualité biologique des eaux par le déversement de fumier et de purin seraient à craindre lors d’une inondation. Il soutient encore que les constructions telles que projetées actuellement seraient situées dans la zone d’inondation telle que retenue par la partie graphique du projet de règlement grand-ducal déclarant obligatoire la première partie du plan d’aménagement partiel « zones inondables et zones de rétention » relatif au tronçon … Concernant plus particulièrement la demande tendant à obtenir une autorisation en vue de la construction du hangar, le représentant étatique soutient que celle-ci a encore été refusée en raison de l’envergure de la construction (70 mètres x 22 mètres) et de l’impact négatif de cette construction sur le site d’implantation. Il considère qu’il serait possible d’évoquer, lors d’une visite des lieux, la possibilité de la construction de deux halls séparés, à dimensions plus réduites, en veillant au respect du choix des matériaux et à la plantation d’espèces ligneuses arbustives et arborescentes indigènes afin de cacher la construction à la vue.

Finalement, en ce qui concerne le manège, il précise que « sa construction n’a pas été demandée et on s’étonne que la requérante se croit en droit de refuser le rétablissement des lieux ; une visite des lieux permettrait ici également de trouver, le cas échéant, un terrain d’entente ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse demande la jonction des rôles 11550 et 11367 afin d’assurer une bonne administration de la justice.

Quant au fond, elle fait valoir qu’elle est disposée à accepter les conditions qui seront retenues dans le cadre d’une autorisation de construire.

Elle soulève encore que le refus de construire la passerelle n’aurait pas été motivé.

3 Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement s’oppose à la jonction des recours, alors que les recours en question viseraient deux décisions émanant de deux autorités différentes et prises sur base de législations différentes.

Concernant la passerelle, il soutient que le ministre n’aurait pas été saisi d’une telle demande d’autorisation, de sorte qu’il n’aurait pas pu statuer à cet égard.

Suite à la visite des lieux ordonnée par le tribunal, un mémoire complémentaire a été déposé par le délégué du gouvernement, dans lequel il énumère les conditions sur base desquelles, le ministre de l’Intérieur ainsi que le ministre de l’Environnement seraient disposés à accorder les autorisations litigieuses.

Concernant la demande de jonction des rôles 11550 et 11367 dans le cadre d’une bonne administration de la justice, le tribunal constate que le recours sous analyse, inscrit sous le numéro 11550 du rôle, vise une décision émise par le ministre de l’Environnement et que le recours inscrit sous le numéro 11367 du rôle, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juillet 1999, vise une décision du ministre de l’Aménagement du Territoire. S’il est vrai que les deux recours ont été introduits par la même demanderesse et que les décisions ainsi critiquées concernent les mêmes projets de construction, il n’en reste pas moins qu’elles ont été émises par deux ministres différentes, chacun statuant sur base des législations relevant de son domaine de compétence, nécessitant de la part du tribunal une analyse séparée des deux recours, en considération de ce que les conditions d’octroi des autorisations afférentes doivent être appréciées selon des critères différents. Il n’y a dès lors pas lieu de joindre les deux recours.

Encore que la demanderesse ait introduit en ordre principal en recours en annulation et en ordre subsidiaire seulement un recours en réformation, le tribunal doit examiner en premier lieu ce dernier recours, étant donné que l’existence d’un recours en réformation dans une matière donnée rend irrecevable le recours en annulation.

Conformément à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

L’article 38 de la loi précitée du 11 août 1982 prévoyant un recours en réformation contre toutes les décisions prises par le ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, actuellement le ministre de l’Environnement, en vertu de la loi en question, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Il suit de ce qui précède que la demande en annulation de la décision critiquée, introduite en ordre principal, est d’ores et déjà à déclarer irrecevable.

Une demande d’autorisation formulée dans le cadre de l’article 2 de la loi précitée du 11 août 1982 concernant un terrain situé dans la zone verte, tel qu’en l’espèce, appelle le ministre de l’Environnement à statuer conformément aux critères prévus par ladite loi, 4 indépendamment de l’existence en droit pour la parcelle concernée en tout ou en partie d’une servitude résultant d’un plan d’aménagement gouvernemental déposé à la maison communale suivant les modalités de l’article 12 alinéa 2 de la loi modifiée du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, élaboré le cas échéant au regard du caractère inondable du terrain concerné.

Néanmoins le caractère inondable du terrain concerné peut constituer un des motifs de non-autorisation sur lequel le ministre de l’Environnement peut se baser lorsqu’il statue dans le cadre d’une demande formulée sur base de l’article 2 de la loi précitée du 11 août 1982.

En l’espèce, il se dégage des pièces versées que le terrain litigieux est situé pour sa majeure partie dans la zone inondable telle que définie par la partie graphique du projet de règlement grand-ducal déclarant obligatoire la première partie du plan d’aménagement partiel « zones inondables et zones de rétention » relatif au tronçon …, déposé en date du 16 octobre 1996 à la maison communale de … L’inclusion du terrain dans cette zone trouve son origine dans les constatations faites par les services compétents, en particulier l’administration des services techniques de l’agriculture, lors des crues au début des années quatre-vingt-dix. Il ressort par ailleurs des photos (notamment de la photo n°3) versées par le délégué du gouvernement que les fonds destinés à recueillir les constructions litigieuses étaient, du moins partiellement, recouverts par les eaux de crues ayant débordé les berges du cours d’eau de la « … » en 1993.

Il découle des considérations qui précèdent que le ministre de l’Environnement a pu, sur base des dispositions de la loi précitée du 11 août 1982, notamment sur base de l’article 36, refuser les autorisations en retenant que les projets de construction sont de nature à causer un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux et du milieu naturel en général, étant donné qu’en cas de nouvelles inondations, le déversement de fumier et purin serait susceptible de provoquer une pollution du cours d’eau en question. Par ailleurs, le hangar de par son envergure engendrerait une diminution notable du volume de rétention d’eau, de sorte que le ministre a légitimement pu retenir qu’il y aurait à ce moment un risque accru d’inondations en aval en cas de crues.

Par ailleurs, sur base des plans de construction figurant au dossier ensemble le résultat de la visite des lieux effectuée par le tribunal, lors de laquelle le tribunal a pu se rendre compte de visu, d’une part, de la configuration du terrain sur lequel la demanderesse se propose d’implanter les constructions projetées et, d’autre part, des alentours immédiats, le tribunal retient que le projet de construction, pris dans son ensemble, à savoir la construction d’une écurie, d’un hangar et d’une passerelle, au vu de ses dimensions et gabarits, est de nature à porter en tant que tel préjudice à la beauté du site et au caractère naturel environnemental, surtout en considération du fait que la demanderesse n’était pas d’accord, concernant plus particulièrement le hangar, à réaliser le projet de construction préconisé par l’administration et proposé par le délégué du gouvernement dans son mémoire « après visite des lieux », de façon à s’adapter et à s’intégrer harmonieusement dans le site naturel.

Concernant le manège qui a déjà été construit, force est de constater qu’il ne s’agit effectivement que d’une clôture en bois et d’une piste couverte de sable, mais à défaut par la demanderesse d’avoir introduit une demande d’autorisation au préalable auprès du ministre de l’Environnement, ce dernier est en droit d’exiger le rétablissement des lieux. Il n’appartient cependant pas au ministre de l’Environnement d’ordonner le rétablissement des lieux, mais il 5 revient à l’administration des Eaux et Forêts de dresser le cas échéant un procès-verbal qui sera transmis au parquet en vue de la saisine, le cas échéant, du juge compétent en la matière, conformément à l’article 46 de la loi précitée du 11 août 1982.

Sur base de ces considérations, le tribunal arrive à la conclusion que la décision ministérielle est légalement justifiée sur base des articles 2 et 36 de la loi précitée du 11 août 1982, et le recours est partant à abjuger comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

dit qu’il n’y a pas lieu de joindre les recours introduits sous les numéros 11150 et 11367 du rôle ;

déclare le recours en réformation recevable;

au fond le dit non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais .

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 6 novembre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11550
Date de la décision : 06/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-11-06;11550 ?

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