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24/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11778

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 octobre 2000, 11778


N° 11778 du rôle Inscrit le 14 janvier 2000 Audience publique du 24 octobre 2000

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Recours formé par l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurance, en abrégé ALEBA a.s.b.l., Luxembourg, et consorts contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES S.A., anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES S.A. Luxembourg, ainsi que de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (Onofhängege Gewerkschafts-Bond Lëtzebuerg en abrégé OGBL), Esch-sur Alzette,

et consorts en matière de convention collective de travail

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N° 11778 du rôle Inscrit le 14 janvier 2000 Audience publique du 24 octobre 2000

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Recours formé par l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurance, en abrégé ALEBA a.s.b.l., Luxembourg, et consorts contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES S.A., anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES S.A. Luxembourg, ainsi que de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (Onofhängege Gewerkschafts-Bond Lëtzebuerg en abrégé OGBL), Esch-sur Alzette, et consorts en matière de convention collective de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11778 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2000 par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1 A) l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banques et d’Assurance, en abrégé “ ALEBA ”, association sans but lucratif, établie à L-…, agissant par son conseil d’administration, respectivement son comité exécutif actuellement en fonctions, 1 B) sinon et subsidiairement au nom du syndicat professionnel ALEBA, agissant par Messieurs …, président, …, 1er vice-président, …, vice-président, …, vice-président, …, secrétaire général, … et …, trésorier, , 1 C) sinon au nom de Messieurs …, préqualifiés, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’au nom de 2) la fédération syndicale ALEBA-UEP, agissant par son comité directeur, sinon son bureau exécutif actuellement en fonctions, ci-après désignés par “ ALEBA et consorts ”, tendant à la réformation de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 20 décembre 1999, notifiée le 5 janvier 2000 portant refus du dépôt de la convention collective de travail pour les employés de la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES, anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES, établie et ayant son siège social à L-…, signée le 9 août 1999 et déposée le 11 suivant auprès du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 14 janvier 2000, portant signification de ce recours à la société anonyme CEDEL GLOBAL SERVICES ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2000 par le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER, assisté de Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2000 par Maître Paul MOUSEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES, (anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES) ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 11 avril 2000 par lequel ce mémoire en réponse a été notifié à Maître Fernand ENTRINGER;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2000 par Maître Fernand ENTRINGER au nom de l’ALEBA et consorts ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 2 mai 2000, portant signification de ce mémoire en réplique à la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES (anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES) ;

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2000 par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1.

la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (Onofängegege Gewerkschafts-Bond Lëtzebuerg, en abrégé OGB-L) établie à L-…, représentée par son bureau exécutif, sinon son comité exécutif actuellement en fonctions, 2.

Monsieur …, pris en sa qualité de président de l’OGB-L, demeurant à L-…, 3.

Monsieur …, pris en sa qualité de secrétaire général de l’OGB-L, demeurant à L-…, 4.

Monsieur …, pris en sa qualité de président du syndicat Banques, Assurances et Fiduciaires de l’OGB-L, demeurant à L-…, désignés ci-après par “ OGB-L et consorts ”, tendant à leur intervention volontaire dans l’affaire pendante sous le numéro 11778 du rôle ;

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du même jour par Maître Guy CASTEGNARO, au nom de l’OGB-L et consorts, adressée au président de la première chambre du tribunal administratif en vue de voir fixer les délais de réponse à la requête en intervention volontaire déposée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 3 mai 2000 portant signification de cette requête en intervention à l’ALEBA et consorts ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 7 juin 2000 portant signification de cette même requête en intervention à la société anonyme CLEARSTREAM INTERNATIONAL ;

2 Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 3 mai 2000 portant fixation des délais de réponse à ladite requête en intervention volontaire ;

Vu le mémoire en réponse à intervention volontaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 mai 2000 par Maître Fernand ENTRINGER, au nom de l’ALEBA et consorts ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 22 mai 2000 portant signification de ce mémoire à l’OGBL et consorts, ainsi qu’à la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES, (anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES) ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2000 par le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER, assisté de Maître Patrick KINSCH ;

Vu l’ordonnance de Monsieur le juge Serge SCHROEDER du 6 juin 2000 portant prorogation de délai pour déposer un mémoire en réponse à intervention volontaire dans le chef de la société CLEARSTREAM SERVICES (anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES) ;

Vu le mémoire en réponse à intervention volontaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2000 par Maître Paul MOUSEL au nom de la société anonyme CLEARSTREAM SERVICES (anciennement CEDEL GLOBAL SERVICES) ;

Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire à Maîtres Fernand ENTRINGER et Guy CASTEGNARO ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Fernand ENTRINGER, Patrick KINSCH, Paul MOUSEL, Guy CASTEGNARO et François WARKEN, de même que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 septembre 2000 ;

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Considérant qu’en date du 9 août 1999 a été signée la “ convention collective de travail CEDEL GLOBAL SERVICES 1999-2000 ” ainsi désignée par les parties contractantes, la société anonyme CEDEL GLOBAL SERVICES, établie et ayant son siège social à L-…, d’une part, et l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurance, en abrégé ALEBA, association sans but lucratif, établie à L-…, ainsi que la fédération syndicale ALEBA-U.E.P., constituée suivant acte sous seing privé passé à Luxembourg le 27 avril 1999, établie et ayant son siège social à Luxembourg, représentées toutes les deux par Messieurs …, président des deux entités et …, secrétaire général des mêmes entités, du côté salarial d’autre part ;

3 Que cette convention collective a été reçue en dépôt à l’Inspection du Travail et des Mines en date du 11 août 1999, suivant communication de la part de la société anonyme CEDEL GLOBAL SERVICES, partie la plus diligente, conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail ;

Qu’en date du 20 décembre 1999, le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines a adressé au ministre du Travail et de l’Emploi sa proposition tendant au refus du dépôt de ladite convention collective, appuyée sur une analyse des textes légaux applicables et des décisions jurisprudentielles intervenues faisant dégager à son avis la motivation dudit refus de dépôt, en ce que ni l’ALEBA, ni l’U.E.P. ne seraient à considérer comme organisations syndicales représentatives sur le plan national, la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ne répondant pas, à la base, aux critères posés par l’article 2 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965 pour revêtir la qualité d’organisation syndicale ;

Que par arrêté du 20 décembre 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi a décidé le refus du dépôt de ladite convention collective de travail des employés de la société anonyme CEDEL GLOBAL SERVICES dans les termes suivants repris en son article 1er :

“ En application des dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail, le dépôt de la convention collective de travail des employés de CEDEL GLOBAL SERVICES S.A., introduite par celle-ci, est refusé pour les motifs suivants :

Que la convention collective de travail des employés de CEDEL GLOBAL SERVICES S.A. est signée du côté salarié par :

-

l’“ Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurance ” a.s.b.l. ci-après ALEBA, et -

la “ Fédération Syndicale ALEBA-U.E.P. ”, ci-après ALEBA-U.E.P. ;

Que l’ALEBA constitue aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi précitée une organisation syndicale ;

Qu’aux termes de l’article 2 alinéa 1er de la loi précitée : “ ne peuvent être parties à une convention collective que les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” ;

Que l’alinéa 3 de l’article 2 de la loi dont s’agit dispose que “ l’organisation syndicale doit se signaler par le nombre important de ses affiliés pour être considérée comme organisation syndicale la plus représentative ;

Que, pour être partie à la convention collective de travail des employés de banque, l’ALEBA doit non seulement rapporter la preuve qu’elle dispose d’une structure d’organisation syndicale, mais elle doit en outre être représentative sur le plan national ;

4 Que les activités de l’ALEBA se limitent pourtant au seul secteur “ banque, assurance ” ;

Que l’ALEBA a une activité sectorielle qui se limite au seul secteur économique “ banque, assurance ” ;

Que le taux d’écoute de l’ALEBA s’avère donc également limité au seul secteur économique “ banque, assurance ” ;

Que d’après ses propres déclarations, l’ALEBA représente 9.200 employés, soit 9,7% des employés privés, qui en tant que catégorie socio-professionnelle comptait lors des élections sociales de 1998 : 94.412 unités ;

Que par là, elle ne remplit pas le critère quantitatif exigé par la loi ;

Que partant l’ALEBA est une organisation syndicale, mais non représentative sur le plan national, car elle n’a qu’une représentativité sectorielle ;

Que partant l’ALEBA n’est pas habilitée à faire partie d’une convention collective de travail ;

Que, par ailleurs, la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ne saurait être considérée comme une organisation syndicale au sens de l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail ;

Qu’aux termes de l’article 4 de ses statuts elle doit être considérée comme un regroupement de syndicats ;

Qu’il s’agit d’un simple groupement de syndicats dont les statuts n’ont été signés que le 21 avril 1999 et non d’une organisation syndicale indépendante disposant de sa propre structure ;

Que les sièges sociaux de l’ALEBA et de la Fédération syndicale ALEBA-U.E.P.

sont identiques ;

Que, par ailleurs, la Fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ne saurait se prévaloir de résultats des élections sociales du 11 novembre 1998 alors qu’à l’époque cette fédération n’existait pas encore ;

Que lors de ces élections ALEBA et U.E.P. participaient chacune sous son propre sigle ;

Que partant la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ne saurait être considérée comme organisation syndicale au sens de la loi précitée ;

Que partant la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. n’est pas habilitée à négocier, voire signer une convention collective de travail ” ;

5 Qu’à travers l’article 2 de son arrêté, le ministre a déclaré se rallier à la proposition de refus du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 20 décembre 1999, en application de l’article 2 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, tout en indiquant que celle-ci ferait partie intégrante de son dit arrêté de refus ;

Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2000, y inscrite sous le numéro 11778 du rôle, l’ALEBA, association sans but lucratif, préqualifiée, agissant par son conseil d’administration, respectivement son comité exécutif en fonctions, sinon et subsidiairement le syndicat professionnel ALEBA agissant par Messieurs …, président, demeurant à L- …, 1er vice-président, …, vice-président, …, vice-président, …, secrétaire général, … et …, trésorier, demeurant à L-…, sinon Messieurs …, préqualifiés, agissant en leur nom personnel, ainsi que la fédération syndicale ALEBA-UEP, agissant par son comité directeur, sinon son bureau exécutif en fonctions, ont introduit un recours en réformation contre ledit arrêté ministériel du 20 décembre 1999 ;

Considérant que la société anonyme CEDEL GLOBAL SERVICES fait exposer à titre préliminaire que suite à la fusion de sa maison mère CEDEL INTERNATIONAL avec la société de droit allemand “ Deutsche Börse CLEARING AG ”, cette dénomination sociale fut changée en CLEARSTREAM SERVICES par acte notarié du 18 janvier 2000, de sorte que par la suite ladite société est désignée sous cette nouvelle dénomination dans le cadre des présentes ;

Quant à l’intervention volontaire Considérant qu’en date du 2 mai 2000 la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (Onofhängege Gewerkschafts-Bond Lëtzebuerg, en abrégé OGB-L) établie à L-…, représentée par son bureau exécutif, sinon son comité exécutif en fonctions, Monsieur …, pris en sa qualité de président de l’OGB-L, demeurant à L-…, Monsieur …, pris en sa qualité de secrétaire général de l’OGB-L, demeurant à L-…, et Monsieur…, pris en sa qualité de président du syndicat Banques, Assurances et Fiduciaires de l’OGB-L, demeurant à L-…, ci-après désignés par “ OGB-L et consorts ”, ont fait déposer une requête en intervention volontaire dans l’instance portant le numéro 11778 du rôle ;

Que par requête du même jour adressée au président de la première chambre du tribunal administratif l’OGBL et consorts ont requis la fixation des délais de réponse à leur requête en intervention volontaire conformément aux dispositions de l’article 20 de la loi du 21 juin 1999 précitée ;

Que par ordonnance du lendemain, le président de la première chambre du tribunal administratif, statuant sous réserve de toute question de compétence et de recevabilité, a permis à l’OGBL et consorts d’intervenir volontairement dans l’affaire principale portant le numéro 11778 du rôle, tout en fixant les délais pour les parties défenderesses sur intervention en vue de communiquer leurs mémoires supplémentaire conformément à l’article 20 alinéa second de ladite loi du 21 juin 1999 précitée ;

Considérant qu’en substance les intervenants volontaires concluent au mal-fondé du recours principal au fond, l’OGBL et consorts se ralliant expressément aux conclusions au fond du délégué du Gouvernement et déniant pour le surplus dans le chef de l’ALEBA 6 la qualité pour agir en tant que syndicat professionnel, tout en renvoyant expressément à l’enjeu crucial des questions au fond posées par ledit recours pour le monde syndical luxembourgeois ;

Considérant qu’avant tout autre progrès en cause il convient de dégager si la requête en intervention volontaire est recevable afin de délimiter utilement le cercle des conclusions dont il convient de tenir compte par la suite ;

Considérant que l’ALEBA et consorts opposent le défaut d’intérêt à agir à l’égard de toutes les parties intervenantes, fussent-elles organisation syndicale ou personnes privées ;

Que la société CLEARSTREAM SERVICES décline tout intérêt à intervenir dans le chef des 4 parties intervenantes et se rapporte pour le surplus à prudence de justice concernant la question de la recevabilité de ladite intervention volontaire, le délégué du Gouvernement se limitant à constater à ce sujet qu’elle n’est pas dirigée contre l’arrêté ministériel par ailleurs critiqué ;

Considérant que l’article 20 de la loi du 21 juin 1999 précitée tend à conférer à une partie désirant intervenir dans une instance pendante le droit à l’audience dans la mesure de ses qualité et intérêt ;

Que le droit à l’audience est régi par les règles impératives et supérieures issues de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 29 août 1953, désignée ci-après par “ Convention européenne des droits de l’homme ” dont plus particulièrement les articles 6 et 13 (cf. trib. adm. 10 mai 2000, Reiffers, n° 11539 du rôle) ;

Considérant que la qualité pour agir n’est en l’espèce point mise en doute dans le chef des intervenants par les parties défenderesses sur intervention volontaire, contrairement à l’intérêt à agir ;

Considérant que si l’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif doit être direct et personnel, un intérêt indirect à agir peut le cas échéant être jugé suffisant dans le chef d’une partie intervenante appelée à l’instance ou y apparaissant volontairement (cf. trib. adm. 11 octobre 1999, Bianchin, n°s 11243 et 11244 du rôle, confirmé par Cour adm. 17 février 2000, n° 11608C du rôle ; trib. adm. 10 mai 2000, précité) ;

Considérant qu’il est constant en l’espèce que l’OGBL était signataire de la convention collective de travail des employés de banque pour les années 1996 à 1998 ayant précédé, du moins de façon indirecte et dans ses effets, celle pour laquelle le refus de dépôt est actuellement litigieux, en ce que grand nombre des employés concernés par la convention collective en tant que salariés de CLEARSTREAM SERVICES, proviennent de l’ancienne CEDEL BANK où ils étaient soumis à la convention collective prédite des employés de banque par ailleurs déclarée d’obligation générale pour l’ensemble de la profession pour laquelle elle a été établie suivant règlement grand-ducal du 16 avril 1997 ;

7 Que dans la mesure où ledit syndicat intervenant s’est vu reconnaître à ce stade la capacité de conclure une convention collective de travail conformément aux exigences posées par l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, il a gardé et garde toujours la possibilité d’adhérer à la convention collective de travail dont le refus de dépôt est actuellement litigieux, soit de la ratifier conformément à l’article 8 de la même loi ;

Qu’il en découle que ledit syndicat revêt, outre la qualité à agir, un intérêt pour le moins indirect suffisant à intervenir volontairement aux instances au fond ayant trait à la décision de refus déférée s’analysant plus loin en une question de qualité de syndicats signataires pour être partie à la convention collective dont s’agit et la signer valablement, ces questions conditionnant directement la validité de la convention au sens de la loi et partant son pouvoir d’adhésion ou de ratification prévu audit article 8 ;

Considérant que si les parties ayant la capacité de contracter, voire d’adhérer à pareille convention collective, sinon la ratifier revêtent un intérêt personnel indirect suffisant aux fins d’intervenir volontairement dans une instance au fond pendante concernant une décision de refus de dépôt, tel ne saurait être le cas dans le chef de personnes physiques représentants ou membres d’une partie contractante, syndicat professionnel, lesquelles ut singulae n’ont point la capacité de conclure en leur nom et pour leur compte une convention collective de travail, abstraction faite de leur pouvoir de signature pour compte d’un syndicat professionnel ne leur conférant en revanche aucun droit personnel en la matière (cf. C.E. 20 décembre 1994, n°s 9009 et 9090 du rôle, OGBL et consorts) ;

Que par voie de conséquence la requête en intervention volontaire est à déclarer irrecevable avec charge des frais respectifs en tant que formée par Messieurs …, tous préqualifiés ;

Considérant que la requête en intervention volontaire n’ayant par ailleurs pas été autrement critiquée quant à sa régularité en la forme, elle est recevable dans le chef de l’OGBL pour avoir été introduite suivant les formes et délais prévus par la loi ;

Quant à la compétence du tribunal Considérant que le tribunal est amené à examiner d’office sa propre compétence en la matière ;

Considérant que dans la mesure où d’après l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, le tribunal est amené à statuer au fond, il est compétent pour connaître du recours en réformation respectivement introduit par l’ALEBA et consorts ainsi que par l’ABBL ;

Quant à la recevabilité du recours au fond Quant au délai à agir Considérant que les parties demanderesses, ainsi que la société CLEARSTREAM SERVICES font remarquer, chacune en ce qui la concerne, que l’indication des voies de 8 recours contenue dans la décision ministérielle déférée serait erronée et partant illégale, entraînant la nullité de la décision même ;

Considérant que le délégué du Gouvernement n’a pas autrement pris position à ce sujet ;

Considérant que d’après l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, le délai de recours est d’un mois à partir de la date de la notification de la décision de refus de dépôt ;

Considérant qu’en son article 4 de la décision ministérielle déférée indique que “ le présent arrêté est susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux à introduire par ministère d’avocat de la liste I auprès des juridictions de l’ordre administratif endéans un délai de trois mois après notification aux parties concernées ” ;

Considérant que l’indication des voies de recours concernant une décision de refus est rendue obligatoire à travers l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes applicable en la matière ;

Considérant que dans la mesure où la loi prévoit un délai de recours d’un mois, le délai de trois mois porté par l’indication des voies de recours à travers la décision ministérielle déférée est erroné ;

Considérant que les deux requêtes introductives d’instances ayant été formées dans le délai prévu par la loi, soit dans le mois de la notification de la décision de refus de dépôt déférée, les parties demanderesses ne sauraient tirer un quelconque droit de l’indication erronée des voies de recours concernant le seul délai à agir, de sorte que ladite erreur d’indication ne saurait porter à conséquence en l’espèce ;

Considérant qu’en toute occurrence la loi n’assortissant point l’article 14 de nullité, aucune sanction de la sorte ne saurait être encourue au fond par la décision déférée du chef de l’indication erronée des voies de recours qu’elle contient, la seule conséquence légale consistant en ce que les délais de recours n’ont en principe pas commencé à courir ;

Considérant qu’en l’espèce la décision déférée ne contient aucune référence à l’existence d’une décision implicite de refus éventuelle, ni directement, ni indirectement à travers la proposition du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines qui en fait partie intégrante suivant son article 2 ;

Considérant que bien qu’ayant statué quatre mois après le dépôt effectué de la convention collective dont s’agit, il est constant que le ministre n’était point forclos pour ce faire étant donné notamment qu’aucune décision implicite de refus, ni de non-refus ne s’était cristallisée auparavant (cf. trib. adm. n°s 11734 et 11741 du rôle, ALEBA, jugement de ce jour), de sorte que le recours, introduit dans le délai légal d’un mois à partir de la notification de la décision ministérielle critiquée, faite aux parties contractantes de la convention collective dont s’agit est recevable ratione temporis, toute exception de tardiveté soulevée devant être rejetée comme n’étant point fondée ;

9 Quant aux qualités, capacités et intérêt à agir des parties demanderesses Considérant que l’OGBL se rapporte à la sagesse du tribunal quant à la recevabilité en la pure forme des recours déposés, tout en attirant l’attention de celui-ci sur la question de la qualité à agir de l’ALEBA a.s.b.l. ainsi désignée ;

Qu’il soutient qu’en épousant la forme d’une association sans but lucratif l’ALEBA, devant respecter les exigences notamment de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif, dont plus particulièrement celles de son article 10 relativement au dépôt annuel de la liste indiquant ses membres, violerait de façon continue le principe de la liberté syndicale, mettant ainsi en question son statut d’organisation syndicale ;

Que l’ALEBA ne constituerait dès lors point une organisation professionnelle au sens de la Constitution ni dans l’esprit des dispositions de l’Organisation internationale de travail, de sorte que son recours intenté en tant qu’association sans but lucratif devrait être déclaré irrecevable ;

Que l’OGBL se rapporte encore à prudence de justice quant à la capacité des autres personnes physiques ou morales demanderesses d’agir en justice ;

Que ni le délégué du Gouvernement, ni la société CLEARSTREAM SERVICES n’ont pris autrement position par rapport aux intérêt, qualité et capacité d’agir des parties demanderesses au principal ;

Considérant que c’est encore l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 qui définit avec précision les titulaires du droit d’introduire un recours au fond contre la décision ministérielle de refus de dépôt d’une convention collective, en ce qu’il dispose que “ les parties contractantes peuvent ce faire dans le délai imparti ” ;

Considérant que les contestations relatives à la qualité des parties contractantes faisant l’objet du fond du litige dans la limite du seul cas d’ouverture légalement prévu pouvant justifier à ce niveau un refus du dépôt d’une convention collective conformément aux dispositions ci-avant relatées de l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965, ne sauraient être érigées en obstacle conditionnant la recevabilité du recours au fond, sous peine de rendre impossible le cas échéant l’accès à la justice et ainsi toute faculté d’exposer, suivant l’ampleur que l’affaire comporte, les tenants et aboutissants de la question relative à ladite qualité, sous peine de violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme précités, applicables à plus forte raison pour le recours principal, comparé aux interventions volontaires ;

Considérant que dès lors l’a.s.b.l. ALEBA est à retenir comme ayant qualité et capacité pour agir en tant que partie contractante signataire de la convention dont s’agit, de même que la fédération ALEBA-U.E.P., également signataire, étant entendu que la signature par mandat est admise d’après la loi modifiée du 12 juin 1965 suivant son article 8 alinéa 1er ;

Considérant que les qualités et capacités pour agir sont ainsi retenues dans le chef des deux parties demanderesses concernées, sans préjudice quant à leurs qualités 10 respectives pour contracter une convention collective au sens des articles 2 et 3 alinéa 3 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965, dont l’analyse fait précisément l’objet du fond du présent litige ;

Considérant que le recours introduit par l’ALEBA ainsi que par la fédération ALEBA-U.E.P., désignées ci-après par “ ALEBA et consort ”, est recevable pour ne pas avoir été autrement contesté quant à la forme, tout en répondant aux dispositions légales afférentes ;

Considérant que les demandes formées par l’ALEBA, syndical professionnel, et Messieurs GLESENER et consorts agissant en nom personnel ayant été présentées à titre subsidiaire, il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur leur recevabilité ;

Quant au fond Considérant qu’au fond les parties ALEBA et consort d’une part et CLEARSTREAM SERVICES d’autre part convergent pour conclure à la réformation de la décision ministérielle déférée pour violation de la loi ;

Considérant que synthétiquement, d’après lesdites parties, la violation de la loi se situerait à différents niveaux ;

Que dans un premier temps aucune des parties en question ne partage l’interprétation donnée par le ministre, appuyée sur une sentence arbitrale du 10 novembre 1979 (P. 24 p. 386), ainsi que sur les trois arrêts du Conseil d’Etat qui s’en sont suivis en la matière depuis lors, selon laquelle la représentativité sur le plan national exigée dans le chef des organisations syndicales pour pouvoir contracter une convention collective conformément aux articles 2 et suivants de la loi modifiée du 12 juin 1965 devrait être comprise comme signifiant une représentativité plurisectorielle ;

Que lesdites parties s’accordent encore pour dire que la loi ne définit point la notion de secteur, ni celles de sectorialité et de plurisectorialité, conceptions étrangères au libellé de son texte, sauf à être incidemment citées par les travaux préparatoires analysés en détail par lesdites parties ;

Que l’ALEBA et consort de mettre en exergue les principes fondamentaux de liberté syndicale et par leur biais ceux inhérents à toute démocratie devant guider la matière pour conclure que l’interprétation ministérielle donnée à l’exigence de représentativité sur le plan national aboutirait à ce que l’ALEBA, bien que représentant plus de deux tiers des employés votants du groupe III comprenant les secteurs “ banque et assurance ”, ne serait pas légalement qualifiée pour signer une convention collective, parce qu’elle n’aurait pas de représentation nationale entendue comme représentation plurisectorielle dans le sens de la jurisprudence luxembourgeoise ;

Que selon la société CLEARSTREAM SERVICES la loi ne prévoirait tout simplement aucune exigence de plurisectorialité, les travaux préparatoires, marqués par un va et vient entre le Gouvernement, le Conseil d’Etat et la commission spéciale, ne pouvant l’emporter sur la disposition de la loi telle qu’elle est finalement arrêtée ;

11 Que les décisions de jurisprudence, espacées et en partie contradictoires, intervenues chaque fois dans une configuration syndicale très particulière, et à une époque par rapport à laquelle la situation du monde du travail a considérablement évolué, ne sauraient être généralisées de manière à ajouter à la loi un critère qu’elle n’énoncerait pas ;

Que dès lors un syndicat, par ailleurs muni de l’organisation, des activités et de l’indépendance requises, se signalant en outre par le nombre important de ses affiliés, devrait se voir reconnaître la représentativité nationale d’autant plus lorsqu’il représente les employés privés d’un secteur ayant acquis une importance non contestable sur le plan national, tel que celui des banques, l’écoute massive dans ce seul secteur devant suffire pour que soit rempli le critère de la représentativité nationale ;

Que dans un ordre subsidiaire d’idées lesdites parties convergent pour dire que d’ores-et-déjà l’ALEBA serait plurisectorielle en ce que les secteurs des banques et assurances, de plus en plus distincts en raison des législations successives leur servant de cadre, seraient pour le moins du nombre de deux, le terme plurisectoriel ne pouvant signifier autre chose que “ plus d’un secteur ” ;

Que les mêmes parties demanderesses se rejoignent encore pour souligner que l’interprétation donnée par la décision ministérielle déférée à la notion de représentativité sur le plan national soulèverait, du moins dans le cas d’espèce, des questions de conformité de la loi modifiée du 12 juin 1965 et plus particulièrement de son article 2 à la Constitution prise, selon les demandeurs, ainsi que la société CLEARSTREAM SERVICES, plus précisément en ses articles 11 (5) et 26, l’ALEBA et consort insistant encore sur la question de la conformité dudit article 2 en son alinéa 1er à l’article 10bis de la Constitution ;

Que l’ALEBA et consort de soulever encore la question de la compatibilité desdites dispositions légales avec celles de la loi du 11 mai 1936 garantissant la liberté de l’association, ainsi que celle de sa conformité par rapport à la Convention européenne des droits de l’homme prise notamment en ses articles 9, 10, 11 et 14, de même qu’aux Conventions numéros 87 et 98 concernant respectivement la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ainsi que l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective adoptées par la Conférence internationale du travail en ses 31ième et 32ième sessions introduite en droit luxembourgeois par une loi du 10 février 1958, étant entendu qu’également la société CLEARSTREAM SERVICES insiste pour dire que l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée serait primé par l’article 4 de la Convention n° 98 en question ;

Que l’ALEBA de se référer encore aux recommandations R91 et R163 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la négociation collective auxquelles contreviendrait encore ladite loi modifiée du 12 juin 1965 telle qu’interprétée à travers la décision ministérielle déférée ;

Qu’en conclusion les parties demanderesses estiment que l’ALEBA, et à ses côtés la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. répondraient à la condition de représentativité sur le plan national posée par l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965, de sorte à avoir pu être parties à une convention collective de travail ;

12 Que remplissant par ailleurs les autres critères fixés par la loi notamment aux alinéas 2 et suivants de l’article 2 de ladite loi, il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle déférée en ce sens que le défaut de qualité retenu dans leur chef n’aurait pas d’assise légale, entraînant que la décision de refus de dépôt critiquée serait à sanctionner pour violation de la loi ;

Que la société CLEARSTREAM SERVICES de solliciter encore de voir déclarer bon et valable le dépôt de la convention collective de travail signée le 9 août 1999 entre parties ;

Considérant que le délégué du Gouvernement, tel qu’assisté, conclut à la confirmation de la décision déférée, laquelle aurait été prise en conformité avec la loi modifiée du 12 juin 1965 applicable, telle qu’interprétée à travers une jurisprudence constante et dûment consolidée émanant des juridictions suprêmes respectives du pays ;

Que cette jurisprudence prendrait sa source dans la sentence arbitrale précitée du 10 novembre 1979, laquelle reposerait sur une analyse fidèle de la genèse de la loi telle que ressortissant des travaux préparatoires et plus particulièrement du rapport de la commission spéciale suite à l’amendement gouvernemental ayant introduit in fine du premier alinéa de l’article 2 la précision “ sur le plan national ” ;

Que l’équation “ représentativité sur le plan national égale représentativité plurisectorielle ” y serait énoncée dans la mesure où ledit rapport retient qu’“ il est essentiel qu’un syndicat étende ses activités au-delà du cadre restreint d’une seule entreprise ou d’un seul secteur économique ” ;

Que ce serait dès lors à juste titre que le ministre n’aurait fait que suivre le Conseil d’Etat (arrêt du 19 juin 1980, n° 6898 du rôle, FNCTTFEL), ayant retenu déjà à l’époque que la représentativité nationale ne découle pas ipso facto d’une implantation simplement sectorielle, étant donné qu’“ il faut au contraire justifier d’un nombre important d’adhérents et par là-même d’une audience certaine dans différents secteurs de la vie économique ” ;

Que dès lors tout reproche ayant trait à une fausse interprétation et partant à une violation de la loi modifiée du 12 juin 1965 devrait être écarté ;

Que le délégué du Gouvernement de réfuter par la suite à travers une analyse détaillée les arguments tirés par les parties demanderesses, chacune en ce qui la concerne, de la non-compatibilité de la loi modifie du 12 juin 1965, telle qu’interprétée à travers la décision ministérielle, avec les dispositions par elles invoquées de la Constitution, de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que des conventions et recommandations par elles citées de l’Organisation internationale de travail ;

Considérant que les parties intervenantes se rallient pour l’essentiel aux conclusions du délégué du Gouvernement tout en insistant par ailleurs de façon plus particulière sur les incidences d’une interprétation autre que celle donnée par le ministre du Travail et de l’Emploi à la notion de représentativité sur le plan national conditionnant directement la configuration du monde syndical luxembourgeois ;

13 Considérant que le contrôle qu’est appelé à effectuer le tribunal par rapport à la décision ministérielle déférée se meut nécessairement dans le cadre du seul cas d’ouverture posé par la loi permettant au ministre le refus du dépôt d’une convention collective de travail à travers les dispositions de l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, au cas où “ la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ” ;

Considérant que dans la mesure où le législateur est a priori supposé avoir agi en conformité avec la loi fondamentale et suivant le respect des normes internationales d’essence supérieure dans la mesure de leur applicabilité sur le territoire luxembourgeois, il convient à un premier stade de dégager la signification conditionnant le contenu des dispositions légales à la base de la décision ministérielle déférée ;

Considérant qu’il convient de dégager successivement au fond la notion de dépôt d’une convention collective de travail, afin d’en déterminer les effets, pour ensuite délimiter le seul cas de refus du dépôt prévu dans l’hypothèse où la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ;

Considérant que la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée énonce en son article 3 alinéas second et troisième que “ les conventions collectives seront déposées à l’Inspection du Travail et des Mines par la partie la plus diligente. Elles seront applicables, sauf stipulation contraire, à partir du jour qui suit celui du dépôt.

Le dépôt en sera refusé par le ministre du Travail sur proposition du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, si la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité. En cas de refus par le ministre du Travail de recevoir une convention collective de travail en dépôt, les parties contractantes peuvent, dans le délai d’un mois à partir de la date de la notification de la décision de refus, faire recours au tribunal administratif, qui statuera comme juridiction d’appel et au fond ” ;

Considérant qu’à travers les alinéas second et troisième de son article 3 prérelatés, la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée emploie à trois reprises successivement les termes “ dépôt ” et “ déposées ” ;

Considérant qu’à défaut de toute autre précision contenue dans la loi et en l’absence de toute indication contraire y relativement, force est au tribunal d’appliquer les termes “ dépôt ” et “ déposées ” ainsi employés par le législateur comme ayant à chaque fois une seule et même signification ;

Considérant que c’est encore à partir des termes clairs et précis de la loi que le tribunal est amené à dégager, en les reprenant texto, que le dépôt des conventions collectives s’effectue en ce que celles-ci “ sont déposées à l’Inspection du Travail et des Mines par la partie la plus diligente ” ;

Considérant que si le législateur prévoit que le dépôt d’une convention collective s’effectue par la communication faite de celle-ci par la partie la plus diligente à l’Inspection du Travail et des Mines, cette disposition se suffit à elle-même, de sorte qu’en l’absence de toute formalité d’acceptation prévue par la loi, le ministre du Travail et de l’Emploi, en sa qualité d’autorité de contrôle investie avec des pouvoirs clairement 14 délimités par la loi, ne peut agir qu’en refusant le dépôt suivant un seul cas d’ouverture émargé par le texte légal sous analyse, celui où la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ;

Considérant que l’argumentaire consistant à dire que le dépôt visé par l’alinéa second de l’article 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée ne constituerait qu’un acte simplement matériel sans conséquence juridique directe, étant donné que le dépôt au sens juridique du terme ne saurait être cristallisé qu’au moment où une acceptation formelle de l’autorité compétente, sinon un refus de celle-ci est intervenu, appelle une interprétation divergente du même mot “ dépôt ” suivant les alinéas second et troisième dudit article 3, en ce qu’en son alinéa second il serait à comprendre suivant un sens matériel et qu’en son alinéa troisième il revêtirait un sens juridique ;

Que pour le surplus pareille façon de voir aboutirait à dégager pour le moins une double carence du législateur, lequel n’a prévu nulle part une acceptation formelle, ni n’a instauré aucun délai pour le ministre aux fins de refuser le dépôt d’une convention collective ;

Considérant que le tribunal, dans sa démarche de se tenir le plus près possible aux termes de la loi, ne saurait dès lors suivre pareille argumentation, le législateur n’ayant par ailleurs pas indiqué d’éléments distinctifs en employant successivement les termes “ dépôt ” et “ déposées ” ;

Considérant qu’au sens de la loi la convention collective pour les employés de la société CLEARSTREAM SERVICES concernant les années 1999 à 2000 a été dûment déposée à travers la communication faite par ladite société, partie la plus diligente, auprès du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines ;

Considérant que pour le surplus l’application des conventions collectives à partir du jour qui suit celui du dépôt, sauf stipulation contraire, découle encore directement des termes mêmes de l’alinéa second de l’article 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 prérelatée, étant constant qu’il s’agit encore du dépôt opéré suivant le même alinéa par la communication de la part de la partie la plus diligente de ladite convention collective à l’Inspection du Travail et des Mines, à défaut d’indication contraire contenue dans le texte et en l’absence d’une quelconque intervention d’une autorité compétente prévue ou requise par la loi ;

Considérant que par voie de conséquence la convention collective dont s’agit a trouvé application dès le lendemain dudit dépôt, avec effet à partir du 1er janvier 1999, conformément aux stipulations contractuelles entre parties ;

Que dès lors tout acte ou fait posé à l’encontre de l’application à partir dudit 1er janvier 1999 de la convention collective en question doit être considéré comme étant intervenu contrairement à la loi dans la mesure où il a été par ailleurs posé antérieurement à la décision de refus ministérielle de dépôt actuellement sous analyse ;

Considérant que la loi ne prévoit pas de pouvoir d’initiative du ministre en la matière, lequel ne saurait statuer que sur proposition du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines ;

15 Considérant que la décision ministérielle de refus de dépôt en raison du défaut de qualité de l’une ou de plusieurs parties contractantes intervient nécessairement ex post, une fois la convention collective déposée, devant pour le surplus attendre la proposition afférente du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines ;

Que sauf à être assortie d’une décision ministérielle de refus le jour même ou le lendemain de son dépôt, la convention collective aura eu, du fait dudit dépôt, des effets à travers son applicabilité entre-temps intervenue conformément à la loi ;

Considérant qu’au fond un seul motif légal de refus est ouvert par la loi pour le seul cas où “ la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ”, ainsi que l’a retenu à juste titre le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines plus précisément relativement à ce dernier point, en ce que le ministre n’est notamment pas habilité à refuser le dépôt pour une question de contenu de la convention collective en question ;

Considérant que l’appréciation de la question de savoir si la convention collective de travail dont s’agit a été conclue entre parties qui n’ont pas qualité suppose à un premier stade que soit dégagée la signification exacte des termes ainsi employés et plus particulièrement de celui de “ parties ” ;

Considérant que les divergences de vue séparant les parties demanderesses, contractantes de la convention collective dont le dépôt a été refusé, et les autres parties au litige portent sur le sens à donner plus particulièrement à la disposition de l’article 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée définissant in fine du côté salarial les seules entités pouvant être parties à une convention collective de travail comme étant “ les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” ;

Considérant que dans la mesure où d’un côté les quatre derniers mots précités résultent d’un ajout issu d’un amendement gouvernemental proposé après la première lecture du texte du projet de loi portant le numéro 919 à la Chambre des Députés et que par ailleurs la structure de l’article 2 en question s’agence de façon que certains termes mentionnés en son alinéa 1er se trouvent dès le projet de texte originaire être définis plus particulièrement aux alinéas subséquents, il convient pour le bon ordre de relater ci-après encore une fois in extenso l’article 2 en question :

“ Ne peuvent être parties à une convention collective de travail, en dehors des employeurs, pris individuellement et des groupements d’employeurs, que les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national.

Sont considérés comme organisations syndicales, tous groupements professionnels pourvus d’une organisation interne et ayant pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de leurs membres ainsi que l’amélioration de leurs conditions d’existence.

Sont considérées comme organisations syndicales les plus représentatives, celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance.

16 Les représentants des organisations syndicales, les employeurs ou groupements d’employeurs, peuvent contracter en vertu soit de dispositions statutaires, soit d’une délibération spéciale de l’organisation syndicale ou du groupement professionnel, soit de mandats écrits ou apparents qui leur sont conférés par leurs membres et adhérents ” ;

Considérant que d’après l’article 6 alinéa 1er de la loi modifiée du 12 juin 1965 “ l’employeur, sollicité par les représentants qualifiés de son personnel d’engager des négociations en vue de la conclusion d’un contrat collectif, ne peut se soustraire à l’obligation d’entamer de telles négociations, à moins qu’il ne préfère négocier au sein d’un groupement d’employeurs ou avec d’autres employeurs de la même profession ” ;

Considérant qu’il découle d’abord des dispositions légales ci-avant relatées que l’acte d’engager les négociations et les opérations de négociation forment un tout indivisible avec la conclusion du contrat collectif, de sorte que d’un côté ne peuvent conclure valablement que les organisations syndicales ayant engagé les négociations conformément à la loi et que d’un autre côté seules les organisations ayant qualité pour conclure valablement une convention collective de travail peuvent également utilement engager des négociations conformément à la loi ;

Considérant que la clé à la base de la solution à la question soumise au fond au tribunal à travers les recours introduits est celle de la signification légale des termes “ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ”, considérés tant dans leur ensemble, que de façon détachée, conditionnant la qualité d’être partie à une convention collective en la négociant et en participant à sa conclusion ;

Considérant que si l’alinéa 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée ne définit pas autrement les “ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” visées en son alinéa premier, il reprend dans ses alinéas 2 et 3 les notions respectives d’“ organisations syndicales ” et d’“ organisations syndicales les plus représentatives ”, en les assortissant de critères de définition ;

Considérant qu’abstraction faite de l’ordre des alinéas composant l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, les notions y employées obéissent à une gradation allant des “ organisations syndicales ” définies à l’alinéa second en passant par les “ organisations syndicales les plus représentatives ” énoncées à l’alinéa troisième vers les “ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” reprises à l’alinéa 1er dudit article 2 ;

Considérant que le concept plus précis d’“ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” relève de celui plus général d’“ organisations syndicales les plus représentatives ”, ce dernier s’appuyant à son tour sur celui encore plus général d’“ organisations syndicales ” ;

Considérant que par voie de conséquence les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national telles que visées par l’alinéa 1er dudit article 2 doivent d’abord et à la base obéir aux conditions posées par son alinéa second concernant les organisations syndicales, pour ensuite devoir remplir les critères fixés au regard des 17 organisations syndicales les plus représentatives au sens de l’alinéa troisième du même article ;

Considérant que force est dès lors de constater que les conditions érigées par les alinéas premier, second et troisième de l’article 2 en question s’apprécient de façon cumulative, les concepts d’“ organisations syndicales ” et d’“ organisations syndicales les plus représentatives ” employés par les alinéas second et troisième étant, à l’instar d’une pyramide, les niveaux de base indispensables pour pouvoir atteindre à la pointe le seuil des “ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ”, visées à l’alinéa 1er du même article 2 ;

Considérant que par voie de conséquence il convient de dégager tour à tour les concepts de base avant de ne pouvoir utilement délimiter la notion la plus spécifique, celle d’“ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ” particulièrement visée par les parties au litige ;

Considérant que s’il est vrai que la genèse du texte peut expliquer le fait de la non-

définition formelle de tous les termes employés par ladite loi en son article 2, il n’en reste pas moins que leur signification doit d’abord être dégagée à partir du texte de loi lui-

même, sinon, et le cas échéant parallèlement et en partie, du contexte légal tissé par les autres articles de la loi, la signification des dispositions de la loi, à condition d’être claires et précises, devant être dégagée les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte du dispositif légal entier ;

Considérant que la définition apportée par l’alinéa second de l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée concernant les organisations syndicales comme étant “ tous groupements professionnels pourvus d’une organisation interne et ayant pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de leurs membres ainsi que l’amélioration de leurs conditions d’existence ” n’appelle pas de développements complémentaires à ce stade, si ce n’est de voir souligner le lien nécessaire fait à travers les notions de groupements et intérêts professionnels avec la profession concernée ;

Considérant que si en son alinéa troisième l’article 2 en question définit les organisations syndicales les plus représentatives comme étant “ celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance ”, il est constant, d’après les développements qui précèdent, que cette définition contient nécessairement celle même des organisations syndicales proprement dites dont les conditions d’existence prévues par l’alinéa second du même article doivent se trouver nécessairement être vérifiées à la base suivant la gradation légale établie ;

Considérant qu’il est dès lors constant qu’une organisation syndicale représente ses membres d’après la définition fournie à l’alinéa second dudit article 2, de sorte que la référence faite par l’alinéa troisième du même article au nombre important des affiliés ne permet pas de définir comme telle la représentativité y visée, pas plus que les activités et l’indépendance de l’organisation en question, de sorte que cette définition est à compléter, à défaut d’indice dans ledit article, suivant le contexte de la loi modifiée du 12 juin 1965 dont il relève ;

18 Considérant que par essence la notion de représentativité n’est ni abstraite, ni absolue, mais simplement référentielle, en ce qu’un organe n’est pas représentatif par lui-

même, mais qu’il est nécessairement représentatif de quelqu’un ou de quelque chose ;

Considérant que la notion de représentativité visée à la base par l’article 2 alinéa 3 en question doit être dégagée à travers les mécanismes de négociation et de conclusion des conventions collectives de travail instaurés par la loi du 12 juin 1965 qui les met en place ;

Considérant que d’après l’article 8 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965 ne sont liées par les conventions collectives que les personnes qui les ont signées personnellement ou par mandataire, ou les personnes qui y adhèrent ou la ratifient ;

Qu’en présence de cette disposition, il convient d’examiner si les contractants et notamment les représentants du personnel sont habilités pour que leur accord lie ou soit susceptible de lier un nombre suffisant de travailleurs, afin qu’on puisse qualifier cet accord de collectif ;

Considérant que pour qu’il en soit ainsi, il est indispensable que de nombreux travailleurs soient prêts à adhérer à la convention étant constant qu’à défaut de consentement collectif suffisamment caractérisé, la convention ne peut atteindre son objectif (cf. C.E. 6 juillet 1988, P 27, p. 294) ;

Considérant que la loi modifiée du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives instaure un instrument original de politique sociale inspiré des fondements démocratiques gisant à la base de la liberté syndicale générée à partir de la liberté d’association ;

Considérant que si dans un premier stade une convention collective revêt un aspect purement contractuel suivant des modalités légales traçant son cadre, ne liant à ce niveau que les partenaires sociaux patronaux et salariés signataires, dont pour les organisations syndicales ses membres salariés relevant des entreprises concernées, l’élément exorbitant par rapport au simple domaine contractuel usuel résulte de la possibilité de déclaration d’obligation générale par l’autorité publique à travers un règlement d’administration publique prévu par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée suivant lequel “ toute convention collective de travail conforme aux dispositions de la présente loi pourra être déclarée d’obligation générale pour l’ensemble des employeurs et du personnel de la profession pour laquelle elle aura été conclue ” ;

Considérant que la déclaration d’obligation générale constitue l’aboutissement, sinon le couronnement de toute convention collective et à travers elle des négociations l’ayant générée et des points d’accord en résultant dans le cadre légal tracé;

Considérant que le mécanisme même de la déclaration d’obligation générale contient la nécessaire extension à un ensemble d’employeurs et de salariés d’accords sociaux revêtant la forme d’une convention collective originairement négociée et signée par un sous-ensemble d’employeurs et pour compte d’un sous-ensemble de salariés ;

Considérant que l’accord d’un certain nombre d’intéressés – la convention collective – susceptible de devenir la loi pour tous doit, d’après une exigence aussi 19 fondamentale qu’élémentaire, tirée de la notion même de démocratie, émaner sinon de la majorité, du moins d’une majorité relative, ou d’un nombre d’intéressés suffisant pouvant légitimement espérer l’adhérence de ceux, nombreux, qui, initialement, ne se trouvaient pas être liés par l’accord en question (cf. C.E. 6 juillet 1988, précité) ;

Considérant que c’est ce mécanisme élémentaire qui, du moins du côté salarial, est sous-jacent à la notion de représentativité ;

Considérant qu’il découle des développements qui précèdent que pour les organisations syndicales concernées, la représentativité visée par l’alinéa 3 de l’article 2 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965 se mesure nécessairement dans la partie du monde du travail concernée, pour laquelle la convention collective dont s’agit peut être appelée le cas échéant à devenir la loi pour tous ;

Considérant qu’eu égard aux dispositions de l’article 5 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée disposant qu’“ il ne peut y avoir par groupement d’entreprises, par entreprises ou division d’entreprise, qu’une seule convention collective de travail pour l’ensemble du personnel “ ouvrier ” et qu’une seule convention collective de travail pour l’ensemble du personnel “ employé ” ”, cette partie du monde du travail regroupe soit le personnel “ ouvrier ”, soit le personnel “ employé ” respectivement concernés ;

Considérant qu’il est encore patent que s’agissant de la législation relative aux conventions collectives de travail, la notion de représentativité à définir dans son cadre ne saurait viser que les salariés normalement susceptibles d’être soumis à une convention collective de travail, entraînant que s’agissant des employés, il ne saurait en principe être tenu compte des employés publics et de ceux y assimilés ;

Considérant que dès lors la représentativité des organisations syndicales, telle que prévue par l’article 2 alinéa 3 de ladite loi, ne saurait être autre que celle mesurée par rapport à la profession concernée, visée expressément par l’article 9 alinéa 1er de la même loi également prérelaté, pour l’ensemble du personnel de laquelle profession la convention collective est susceptible d’être déclarée d’obligation générale, compte tenu de la distinction nécessaire entre personnels “ ouvrier ” et “ employé ” constante à la base de la législation en la matière ;

Considérant que la notion de représentativité ainsi dégagée rejoint encore celle de groupements professionnels à la base de la définition d’une organisation syndicale suivant l’alinéa second du même article 2 ;

Considérant qu’il convient de retenir à ce stade que seules les organisations syndicales les plus représentatives de la profession pour le personnel de laquelle la convention collective est susceptible d’être déclarée d’obligation générale, répondant aux critères fixés par l’alinéa troisième de l’article 2 en question, peuvent entrer en ligne de compte en vue d’être également comptées parmi les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ;

Considérant qu’il vient d’être relevé ci-avant que compte tenu de la genèse du texte, les termes “ sur le plan national ” ne sont pas autrement définis par la loi, s’agissant d’un simple ajout intervenu en fin de procédure d’élaboration du texte légal ;

20 Considérant que la signification du terme “ national ” est dès lors à dégager suivant son sens habituel appliqué dans le contexte du monde du travail, à l’intérieur duquel les relations des acteurs concernés sont appelées à être régies à travers les conventions collectives de travail dont le régime est défini par la loi modifiée du 12 juin 1965 sous analyse ;

Considérant qu’essentiellement le mot national se situe entre tout ce qui est “ supra-national ” d’un côté et “ infra-national ” de l’autre ;

Considérant que tel que les parties l’ont exposé, il ne fait pas de doute qu’au moment où la loi a été promulguée, le monde du travail luxembourgeois se mouvait essentiellement à l’intérieur des frontières du pays, de sorte que le terme “ national ” a été employé par opposition à “ international ”, “ transfrontalier ” ou, suivant une donnée plus récente, à “ régional ” dans le sens de “ grande région ” ;

Considérant que dès lors force est au tribunal de constater que les termes “ sur le plan national ”, compris dans leur sens habituel visent l’échelon du pays, le Grand-Duché de Luxembourg par rapport auquel le législateur a par ailleurs réglementé le marché du travail dans le contexte légal de l’époque, étant constant qu’à travers l’évolution de ce marché, le nombre des salariés concernés, employés ou ouvriers, ne cesse d’épouser des contours variables ;

Considérant que dans la mesure où plusieurs parties au litige ont soutenu la thèse suivant laquelle le législateur avait instauré une équation entre la représentativité sur le plan national et la représentativité plurisectorielle, il convient de relever encore qu’il est patent que ni l’article 2, ni aucun autre article de la loi modifiée du 12 juin 1965 n’emploient les termes de “ secteur ” voire de “ plurisectoriel ” en ce qu’en matière de conventions collectives la loi vise sinon les entreprises, ou la profession dont elles relèvent ensemble le personnel ;

Considérant que si à ce stade il fallait se limiter à appliquer la notion d’“ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ”, comme signifiant de façon abstraite et absolue “ les organisations syndicales les plus représentatives du pays ” aucune application valable du texte risquerait de ne pouvoir être faite par les organes compétents ;

Considérant que dans ce sens l’argumentation avancée par certaines parties au litige suivant laquelle la représentativité nationale visée par la loi impliquerait nécessairement une présence suffisante dans toutes les entreprises ainsi que dans toutes les professions du pays frôle l’utopie, étant donné que nul ne saurait admettre raisonnablement que pareille condition puisse être remplie par l’une quelconque des organisations syndicales du pays ;

Considérant que pour preuve le tribunal renvoie aux explications orales des représentants des parties intervenantes suivant lesquelles une organisation syndicale représentative au niveau national devrait être présente de façon suffisante dans un très grande nombre, voire dans presque tous les domaines de l’économie nationale, sinon dans grand nombre d’entreprises du pays afin de réfuter, dans un contexte de sectorialité – 21 notion non connue par le législateur à travers le texte de la loi modifiée du 12 juin 1965 -

l’exigence d’une “ omni-sectorialité ” – par ailleurs pas non plus définie par ladite loi – pour justifier l’équation “ représentativité nationale égale représentativité plurisectorielle ”, le “ pluri ” étant simplement proche, suivant cette analyse, de l’“ omni ”, soit du tout ;

Considérant que contrairement aux notions de “ profession ” se dégageant – expressis verbis - du texte légal et d’“ employés du pays susceptibles d’être soumis à une convention collective ” en relevant sinon explicitement, du moins implicitement et nécessairement, l’entière analyse “ sectorielle ” ainsi désignée par les parties ne repose sur aucun élément du texte promulgué de la loi en question, de sorte que le tribunal n’a pas pu en tenir compte, étant donné qu’elle ne permet en toute occurrence pas de dégager fidèlement la signification du texte de loi ;

Considérant qu’il convient dès lors de retenir en conclusion que les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national sont celles qui répondent à la fois à la définition d’organisations syndicales prévue à l’article 2 alinéa second de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, ainsi qu’à celle d’organisations syndicales les plus représentatives de la profession pour laquelle la convention collective dont s’agit est conclue, conformément aux trois critères énoncés par l’alinéa troisième du même article 2, étant entendu que les trois mêmes critères conditionnent la représentativité sur le plan national des mêmes organisations syndicales, celle-ci se mesurant soit au niveau de tous les employés, soit à celui de tous les ouvriers, salariés du pays, conformément à la distinction dégagée par l’article 5 de la même loi, dans la mesure où ils sont susceptibles d’être soumis à une convention collective de travail prévue par ladite loi ;

Considérant que s’il découle des développements qui précèdent que la représentativité sur le plan national, telle que visée par la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée en son article 2, comporte à sa base comme paramètre l’ensemble de la profession pour laquelle la convention collective dont s’agit est conclue, la notion de représentativité ainsi définie ne saurait cependant porter préjudice à une quelconque appréciation devant être faite dans le contexte d’autres législations pour dégager la représentativité d’organisations syndicales sur le plan national à mesurer par rapport à d’autres paramètres, tel notamment l’ensemble du monde du travail du Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant qu’avant de pouvoir examiner in concreto si les parties signataires de la convention dont le dépôt a été refusé à travers la décision ministérielle déférée répondent aux critères fixés par la loi pour être comptées parmi les organisations syndicales les plus représentatives du pays, il convient au préalable, sur base des développements qui précèdent, de délimiter la profession pour laquelle la condition de représentativité des organisations syndicales concernées est appelée à être vérifiée dans un premier stade conformément à l’article 2 alinéa 3 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965 ;

Considérant que par parallélisme entre les alinéas second et troisième de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, il échet de rappeler que si suivant l’alinéa second en question les organisations syndicales visent tous groupements professionnels répondant aux critères y énoncés, les organisations syndicales les plus représentatives se mesurent d’abord et à la base par rapport à la profession telle que visée expressément par l’article 9 alinéa 1er de la même loi précitée ;

22 Considérant que la loi modifiée du 12 juin 1965 ne définit point la notion de profession par elle employée ni l’ensemble de la profession pour laquelle la convention collective dont s’agit est conclue et par rapport à laquelle il convient de mesurer la représentativité d’une organisation syndicale sur le plan national désirant être valablement partie contractante;

Considérant que le champ d’application des contrats collectifs, y compris de la déclaration d’obligation générale sont encore prévus par l’arrêté grand-ducal modifié du 6 octobre 1945 précité, partiellement resté en vigueur suite à l’introduction de ladite loi du 12 juin 1965, dont l’article 22 maintenu qui dispose que “ les accords collectifs établis ou entérinés par l’office national de conciliation pour une profession déterminée, pourront être déclarés d’obligation générale pour l’ensemble de la profession pour laquelle ils auront été conclus ” ;

Que cet arrêté grand-ducal ne fournit cependant pas non plus une définition plus précise de la profession par lui visée ;

Considérant que s’il est vrai que l’arrêté grand-ducal du 6 octobre 1945 en question a été pris au regard de l’état de nécessité dûment constaté et en application des deux lois des 28 septembre 1938 et 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif, abrogées seulement par la loi du 27 février 1946, cette façon de procéder n’avait rien d’exceptionnel à l’époque, sauf pour ledit arrêté grand-ducal de contenir in limine un exposé des motifs en faisant partie intégrante, fait par ailleurs exceptionnel dans l’histoire législative luxembourgeoise proprement dite ;

Considérant que le tribunal ne peut que dégager l’importance particulière attachée par ses auteurs au texte légal en question comportant en quelque sorte la ligne directrice devant guider la politique sociale d’après-guerre et partant l’interprétation des dispositions prises endéans son encadrement ;

Considérant que lesdites dispositions liminaires de l’arrêté grand-ducal du 6 octobre 1945 s’énoncent comme suit :

“ Considérant que la réglementation précise et détaillée des conditions de travail par voie de négociation collective doit être un des principes fondamentaux du droit de travail ;

Considérant que dans l’intérêt de la paix du travail et de l’économie nationale les organisations patronales et celles des salariés doivent être appelées paritairement à collaborer à la prévention et à l’aplanissement des conflits collectifs du travail qui n’ont pas autrement abouti à une conciliation par voie de négociation collective ;

Considérant que pour épuiser tous les moyens en vue de garantir la paix du travail il échet de compléter la procédure de conciliation par l’introduction d’un système d’arbitrage et de déclaration d’obligation générale ” ;

Considérant que les vecteurs clés de la nouvelle réglementation comportant la déclaration d’obligation générale, maintenue par la loi du 12 juin 1965 en des termes 23 quasiment identiques concernant la profession dont s’agit, consistent dès lors dans le souci exprimé du législateur d’aplanir tous conflits de travail de façon paritaire entre organisations patronales et salariales avec comme but premier la paix sociale, dont la réalisation est soumise à une obligation de moyens caractérisée dans le chef des deux partenaires sociaux représentant respectivement le patronat et le salariat ;

Considérant qu’au vu des exigences inhérentes au pluralisme syndical, ensemble le souci de paix sociale comportant celui d’éviter une atomisation des structures du monde syndical entraînant par essence un affaiblissement démesuré non désirable pour les travailleurs représentés, sous peine de mettre en échec l’idée même d’un aplanissement paritaire des conflits, il convient de délimiter les professions entrant en ligne de compte d’être visées par la loi suivant un tracé plutôt large que restreint, l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée visant “ l’ensemble (des employeurs et) du personnel de la profession pour laquelle elle [la convention collective] aura été conclue ” ;

Considérant que dès lors l’ensemble de la profession ainsi concernée est à délimiter de façon à y regrouper à côté des activités enracinées de longue date, celles annexes ou connexes, de même que celles apparues dans un passé rapproché ou ayant connu un développement récent, sans de suite classer ces dernières comme profession nouvelle à part entière, sous peine de n’y trouver aucune organisation syndicale répondant aux critères de la représentativité, pour ne pas avoir pu encore y déployer ses activités, de façon à rendre ainsi pour les salariés concernés l’accès à toute convention collective impossible (cf. C.E. 6 juillet 1988, précité) ;

Considérant que relativement aux activités ayant trait à la place financière il convient dès lors de faire abstraction à ce stade des développements récents et de retenir au niveau des employés globalement concernés deux professions, à savoir celle des employés de banque et celle des employés d’assurance ;

Que plus particulièrement la profession des employés de banque regroupe les employés au service des banques proprement dites, encore appelées établissements de crédit, de même que ceux dont les employeurs relèvent d’activités connexes ou annexes, tels que les autres services financiers, fonds d’investissement, gestion informatique et assimilée de produits bancaires ou éléments y relatifs, la présente liste n’étant point exhaustive ;

Qu’il en est par ailleurs de même mutatis mutandis pour la profession des employés d’assurance ;

Considérant que la société CLEARSTREAM SERVICES expose être un professionnel du secteur financier opérant sur base d’une autorisation d’établissement de droit commun délivrée par le ministre des Classes moyennes, son activité consistant à développer et à maintenir des systèmes informatiques qui sont ensuite mis à disposition d’une clientèle active dans le domaine de la liquidation et du règlement d’opérations sur valeurs mobilières “ clearing and settlement of securities transactions ” ;

Qu’elle énonce que ses clients les plus importantes sont CLEARSTREAM BANKING S.A. à Luxembourg (anciennement CEDELBANK) et CLEARSTREAM BANKING A.G. à Francfort, anciennement “ Deutsche Börse CLEARING AG ” ;

24 Qu’elle déclare occuper actuellement plus de 600 personnes à Luxembourg, le nombre de ses salariés ayant augmenté de façon constante depuis le commencement de ses activités en mai 1998, lorsque plusieurs centaines de personnes lui ont été transférées par CEDEL INTERNATIONAL et CEDEL BANK dans le cas d’un transfert partiel d’entreprises au sens de l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ;

Qu’elle fait remarquer que les personnes venues de la CEDEL BANK bénéficiaient toutes, au moment du transfert en question, de la convention collective de travail pour employés de banque, signée le 11 novembre 1996 et déclarée d’obligation générale par règlement grand-ducal du 16 avril 1997, convention dont les effets ont expiré au 31 décembre 1998 ;

Considérant que sur base des informations qui précèdent le tribunal vient à la conclusion que l’activité somme toute récente de CLEARSTREAM SERVICES relève de la profession des employés de banque telle que ci-avant définie, sans préjudice d’une éventuelle survenance ultérieure dans le temps d’une requalification allant dans le sens d’une reconnaissance d’une profession distincte de celle des employés de banque au sens propre et strict, relevant directement des banques ou établissements de crédit ;

Considérant que les notions visées par la loi étant dégagées à partir des termes par elle employés dans leurs contextes respectifs, il appartient encore au tribunal de déterminer in concreto si les deux parties demanderesses ALEBA et fédération syndicale ALEBA-

U.E.P., signataires de la convention collective dont s’agit, ont eu qualité pour y être parties contractantes ;

Quant à l’ALEBA Considérant qu’en suivant les développements qui précèdent, il convient d’analyser successivement à travers la gradation établie par la loi si l’ALEBA répond aux conditions posées pour constituer une organisation syndicale et, dans l’affirmative, si en tant que telle elle est à compter parmi les plus représentatives pour la profession des employés de banque concernée et toujours dans l’affirmative si sur le plan national elle peut également accéder au rang des organisations syndicales les plus représentatives, telles que visées par l’article 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée ;

Considérant qu’il est constant que la décision déférée admet que l’ALEBA constitue une organisation syndicale aux termes de l’article 2 alinéa 2 de ladite loi modifiée du 12 juin 1965, qualité qu’aucune des parties au principal n’a mise en doute dans le cadre de l’instance actuellement en voie d’être vidée ;

Considérant qu’au-delà de la question de savoir si en tant que partie intervenante l’OGBL avait qualité pour proposer un moyen nouveau tendant à la réformation de la décision déférée, par dessus ceux relevés par les parties au principal, il convient de souligner que le moyen soutenu par l’OGBL relativement au défaut de qualité pour agir dans le chef de l’ALEBA du fait de revêtir la structure d’une association sans but lucratif au vœu de la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée a été réfuté au stade de la recevabilité des recours sous analyse, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y revenir autrement, étant constant 25 que pareil moyen n’a pas été spécifiquement soutenu au fond, le tribunal estimant par ailleurs, en suivant en cela la décision déférée et l’argumentation des parties au principal, que l’ALEBA est à considérer comme remplissant les critères prévus par l’article 2 alinéa second de la loi modifiée du 12 juin 1965 pour revêtir la qualité d’organisation syndicale y prévue ;

Considérant que pour déclarer non remplis les critères de la représentativité sur le plan national de l’organisation syndicale ALEBA, la décision ministérielle déférée a retenu d’une part que les activités de l’ALEBA se limitaient au seul secteur “ banque-

assurance ” et que d’autre part à travers son taux d’écoute évalué, à partir de ses propres déclarations, à 9,7% des employés privés, elle ne remplirait pas à travers le nombre de ses affiliés le critère quantitatif exigé par la loi ;

Considérant que d’après l’article 2 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 prérelaté les organisations syndicales les plus représentatives sont celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance ;

Considérant qu’il vient d’être dégagé ci-avant que la représentativité ainsi visée par la loi, se comprend à un premier niveau, actuellement sous analyse, comme étant celle des salariés de la profession concernée par la convention collective dont s’agit, les employés de banque ;

Considérant qu’il s’ensuit que le critère de la représentativité posé par la loi ne s’examine pas au niveau de l’entreprise concernée par la convention collective dont s’agit, la représentativité vérifiée suivant les critères de la loi au niveau de la profession étant suffisante au regard des dispositions des articles 2 et 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, abstraction faite des exigences posées en l’article 8 relativement aux représentants du personnel ayant qualité pour engager les négociations, point non autrement contesté dans le cadre du présent litige ;

Considérant qu’il convient de préciser à cet escient que si la partie intervenante OGB-L a entendu attirer “ l’intention (sic) du tribunal sur le fait que l’ALEBA a négocié et signé la convention collective du 9 août 1999, alors qu’elle n’était nullement représentée au sein de la délégation du personnel de la société CLEARSTREAM SERVICES issue des élections sociales du 11 novembre 1998, ni dans celles des deux autres sociétés de l’unité économique et sociale ” afférente, à savoir CLEARSTREAM INTERNATIONAL et CLEARSTREAM BANKING, il n’en reste pas moins que le défaut de candidats, sinon la démission des délégués ainsi désignés, relevant par ailleurs tous de l’intervenante, ne saurait, en l’absence d’autres éléments établis en cause, quant aux qualités des représentants de l’ALEBA pour négocier une convention collective concernant la société CLEARSTREAM SERVICES au sens de l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, étant constant que les opérations de désignation des délégations du personnel, au niveau des trois sociétés CEDEL BANK, CEDEL INTERNATIONAL et CEDEL GLOBAL SERVICES, puis à celui d’une délégation centrale pour les trois sociétés concernées se sont mues sur un terrain juridiquement accidenté (cf. Cour adm. 9 février 1999, n° 11081 du rôle, Cedel International, Pas. adm.

01/2000, V° Travail, n°s 51 à 55, pages 335 et 336);

26 Considérant que si en principe le juge de la réformation évalue les faits au jour où il statue, il n’en reste pas moins que certaines situations sont à raccrocher à une date butoir antérieure se dégageant des prévisions de la loi ;

Que tel est le cas notamment pour la qualité pour conclure une convention collective de travail s’analysant dans le chef des organisations syndicales concernées au moment de la signature de celle-ci, correspondant en l’occurrence à son dépôt;

Considérant que le premier des trois critères de définition des organisations syndicales les plus représentatives prévu à l’alinéa troisième de l’article 2 ci-avant cité est d’ordre quantitatif et consiste dans le “ nombre important de leurs affiliés ” ;

Considérant que d’après les indications faites par l’ALEBA, reprises comme telles dans la décision déférée, celles-ci représenterait 9.200 employés ;

Considérant que s’il est vrai que l’ALEBA n’a fourni aucun justificatif du nombre en question, au-delà de toute question du dépôt de la liste de ses membres, en tant qu’association sans but lucratif, pareille liste n’ayant pas été produite devant ce tribunal, aucune contestation précise et circonscrite dudit nombre n’a non plus été produite par les autres parties au litige, au-delà de leurs critiques de principe présentées de façon globale et sans autre distinction ;

Que dès lors le tribunal est amené à admettre le nombre de 9.200 comme étant celui devant être retenu dans le chef de l’ALEBA au moment des signature et dépôt de la convention collective dont s’agit ;

Considérant que d’après les plus récents chiffres publiés par le service central de la statistique et des études économiques (STATEC) au mois de septembre 2000 – Luxembourg en chiffres / 2000 p. 10 sub “ Emploi et chômage ” le nombre des salariés des “ institutions de crédit et d’assurance ” ainsi visés s’élevait, suivant estimation, pour l’année 1998 à 20.700 ;

Considérant que s’il est encore vrai que le tribunal ne s’est point vu remettre de chiffres concernant les employés de banque seuls, toute la documentation visant le secteur “ banque-assurance ” ainsi désigné, il n’en reste pas moins que le nombre de 9.200 membres indiqué en cause ne peut être qualifié que d’important au regard de l’ensemble des salariés des institutions de crédit et d’assurances estimé pour l’année 1998 à 20.700, la proportion des employés de banque devant être présumée comme étant sensiblement parallèle pour les deux niveaux ainsi comparés, à défaut d’indication contraire fournie en cause ;

Considérant que les activités par rapport à la profession des employés de banque sont d’ailleurs reconnues à suffisance à travers la décision ministérielle déférée en ce qu’elle émarge que le champ d’action d’ALEBA serait limité au secteur banque-assurance ainsi qualifié par elle ;

Considérant qu’à travers les pièces versées ensemble les renseignements fournis au tribunal par les parties, il ne fait dès lors aucun doute qu’au niveau de la profession des 27 employés de banque concernée, l’ALEBA se distingue par le nombre important de ses affiliés, ainsi que par ses activités ;

Considérant que le fait de correspondre au troisième critère légal à la base de la représentativité des organisations syndicales au sens de l’article 2 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965, tenant à leur indépendance, n’a point été mis en question dans le chef de l’ALEBA à travers la décision ministérielle déférée ;

Considérant que toutefois la partie intervenante a argué dans un sens contraire pour estimer que l’indépendance, critère légalement prévu, ferait “ absolument ” défaut dans le chef de l’ALEBA, dont les membres seraient tous rémunérés par leurs employeurs en tant que salariés d’établissements bancaires et partant dépendraient économiquement de ceux-ci, suivant la thèse avancée par l’OGBL ;

Que l’OGBL de présenter comme preuve de ses allégations le fait de voir rejoindre l’ALEBA, par la société CLEARSTREAM SERVICES, concluant dans le même sens ;

Considérant qu’au-delà de la question de l’admissibilité du moyen ainsi proposé par la partie intervenante, eu égard à leur dite qualité au niveau procédural, il appert que sa critique formulée ne rencontre pas l’exigence légale de l’indépendance à analyser au niveau de l’organisation syndicale même, alors qu’elles ne visent que l’indépendance globalement par eux contestée de ses dirigeants et affiliés ;

Qu’il convient de relever que classiquement les organisations syndicales, regroupant par définition des salariés, n’ont pas eu, sinon très peu de secrétaires syndicaux engagés à temps plein, ne dépendant d’aucun autre employeur que leur organisation syndicale ;

Que suivre la thèse des parties intervenantes reviendrait à condamner in globo toute forme de syndicalisme avant que fussent nées les structures internes à certains syndicats comportant des permanents par eux rémunérés, étrangers au monde du travail externe au syndicat, dans la mesure de ne pas être lié par contrat de travail à un employeur autre ;

Considérant qu’étant donné que l’organisation interne de l’ALEBA n’est point contestée en tant que conditionnant son existence comme organisation syndicale, la critique globale tenant à l’existence d’un lien de subordination de ses dirigeants par rapport à leurs employeurs, par ailleurs inhérent à toute situation de salarié, sans présentation d’un argumentaire spécifique plus poussé, manque de caractère pertinent comme étant antinomique avec la notion de syndicat professionnel, lui-même issu directement du monde salarié, à sa base ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’ALEBA, à l’époque de la conclusion de la convention collective de travail dont s’agit, répondait aux critères légaux pour être comprise parmi les organisations syndicales les plus représentatives pour la profession des employés de banque au sens de l’article 2 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée ;

28 Considérant qu’il convient par la suite de vérifier si l’ALEBA remplit également les conditions fixées par la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée à travers son article 2 alinéa 1er pour être comprise parmi les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ;

Considérant que le représentativité sur le plan national visée par ledit article 2 alinéa 1er se mesure par rapport à l’ensemble des employés du pays par opposition aux ouvriers conformément aux dispositions de l’article 5 de ladite loi, susceptibles d’être soumis à une convention collective, par application parallèle, à ce niveau plus élevé, des trois critères, tels que prévus par l’alinéa 3 de l’article 2 de la même loi ;

Considérant que le troisième critère ayant trait à l’indépendance ne donne pas lieu à d’autres développements, étant donné que mutatis mutandis, à défaut d’autres contestations érigées par les parties intervenantes à ce sujet, l’accomplissement de ce critère doit être retenu sur le plan national comme sur le plan de la profession concernée, étant constant en cause que ni la décision ministérielle déférée, ni les parties au principal n’ont mis en doute ce point ;

Considérant que la première condition ayant trait au nombre important de ses affiliés doit être mesurée par rapport à l’ensemble des employés, salariés du pays, susceptibles d’être soumis à une convention collective ;

Considérant que dans la mesure où le nombre des personnes syndiquées et plus particulièrement celui des employés du pays syndiqués, restent indéterminés, à défaut de chiffres vérifiés concernant le nombre des membres des différents syndicats organisés, une comparaison entre les affiliés de l’ALEBA et l’ensemble des employés syndiqués du pays est impossible à faire à ce stade par le tribunal ;

Considérant qu’il n’est en tout état de cause pas établi à travers les éléments du dossier et informations soumises au tribunal que même la moitié des employés en question ne soient membres d’une organisation syndicale ;

Considérant que le nombre des employés à prendre en considération peut et doit être recherché parmi les données soumises au tribunal et plus particulièrement à travers les électeurs inscrits aux élections pour la Chambre des Employés Privés de 1998 émargés par 94.412, chiffre ressortissant également de la décision ministérielle déférée, étant entendu qu’il convient en toute hypothèse dans le cadre de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée d’en retirer ceux normalement non susceptibles d’être touchés directement par une convention collective, vu leur statut d’employés publics ou assimilés ;

Considérant qu’abstraction faite de pareils employés publics se cachant le cas échéant derrière les chiffres énoncés pour les six groupes formant l’électorat de la Chambre des Employés Privés, il convient en toute occurrence de retirer les cheminots y visés au groupe 6 au nombre de 3.009, de sorte à retenir le chiffre indicatif résiduel de 94.412 – 3.009 = 91.403 comme étant celui des employés du pays susceptibles d’être touchés par une convention collective de travail ;

Considérant que la loi n’impose aucun pourcentage en la matière en ce qu’elle fixe comme seul critère le nombre important des membres de l’organisation syndicale 29 concernée pour valoir parmi les plus représentatives du pays concernant en l’espèce les employés susceptibles d’y être soumis à une convention collective ;

Que le tribunal n’a dès lors recours à la présentation usuelle en pourcentages qu’à titre illustratif de l’application des critères fixés par la loi ;

Considérant que le nombre des affiliés posé comme critère légal ne doit pas être dissocié du facteur ayant trait au potentiel d’adhérence pouvant en être dégagé notamment en vue d’assurer un champ d’application ratione personae utile correspondant aux exigences de la loi pour la conclusion de la convention collective dont s’agit ;

Considérant qu’au niveau des dernières élections les plus représentatives à cet escient, celles pour la Chambre des Employés Privés, on a accompté en 1998 19.543 électeurs dans le groupe 3 - banque et assurance -, l’ALEBA y décrochant 68,19 % des votes en progression de 7,15 % par rapport aux élections antérieures de 1993 ;

Considérant que dès lors que le nombre des affiliés proprement dit, comparé, de façon inpropre à l’ensemble des employés prédéfinie représente un peu plus de 10 % suivant les chiffres constants en cause, force est de constater que la proportion dégagée à travers les élections de 1998 pour la Chambre des Employés Privés, à travers le pourcentage de votes par l’ALEBA obtenus (68,19 %) par rapport à la proportion des employés du groupe 3 “ banque et assurance ” - 19.543 - comparé au total ajusté des électeurs, employés, inscrits - (91.403) - correspond à un potentiel d’adhérence sensiblement supérieur ;

Considérant qu’il y a lieu d’ajouter que l’adhérence potentielle à une convention collective signée par l’ALEBA est d’autant plus caractérisée, que la profession des employés de banque, pour laquelle elle est représentative suivant les développements qui précèdent, a tendance à augmenter de façon constante en poids relatif et en nombre vu l’importance accrue revenant à ce pan de l’économie à l’échelle du pays ;

Considérant qu’en partant encore d’un nombre d’employés syndiqués inférieur à moitié de l’ensemble des employés du pays, soit approximativement 45.000, sans préjudice quant au nombre exact, le chiffre retenu des membres de l’ALEBA – 9.200 – correspondrait à une proportion de plus de 20% ;

Considérant que sur base de l’ensemble des développements qui précèdent le tribunal arrive à la conclusion que le nombre des affiliés de l’ALEBA est à qualifier également d’important sur le plan national par rapport à l’ensemble des employés du pays susceptibles d’être soumis à une convention collective de travail ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier, ensemble les explications fournies par les parties, que corrélativement aux données quantitatives ci-avant relatées, l’activité syndicale de l’ALEBA se concentre sur la défense des intérêts, à côté de ceux relevant des assurances, des employés de banque, pour lesquelles deux catégories son audience est de loin la plus massive, devançant largement toutes les autres organisations syndicales du pays ;

30 Que sur base des données ci-avant citées, les activités de l’ALEBA concernant ladite profession des employés de banque apparaissent comme étant exercées toutes catégories confondues, sur le plan national, y compris, outre le travail de représentation des salariés, le soin d’assurer les mandats électifs multiples décrochés dans le cadre de ladite profession, sur le plan national dans les organismes professionnels et sociaux, telles la Chambre des Employés Privés et la Caisse de Maladie des Employés Privés, de même qu’à travers un nombre consistant d’entreprises du pays globalement considérées relevant de la profession concernée pour ce qui est des suffrages recueillis lors des plus récentes élections pour les délégations du personnel ;

Considérant que dès lors le second critère posé par la loi se trouve être rempli à suffisance de droit sur le plan national dans le chef de l’ALEBA à l’époque de la conclusion de la convention collective dont s’agit ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que toutes les conditions posées par la loi en vue de faire partie des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national se trouvent être remplies dans le chef de l’ALEBA concernant les employés du pays, susceptibles d’être soumis à une convention collective de travail ;

Considérant que force est dès lors au tribunal de retenir à ce stade que c’est à tort que la décision ministérielle déférée a estimé que l’ALEBA ne faisait pas partie des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national au sens de la législation sur les conventions collectives de travail ;

Quant à la fédération syndicale ALEBA-U.E.P.

Considérant que suivant acte sous seing privé passé à Luxembourg le 27 avril 1999, et non le 21 du même mois comme indiqué erronément par la décision déférée, a été constituée entre l’ALEBA et l’Union des Employés Privés (U.E.P. a. s b.l.) la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ;

Que suivant l’article 4 de son acte constitutif, “ la fédération a pour objets : 1. la réunion des associations reprises dans la dénomination et de celles adhérant ultérieurement, ainsi que le regroupement de leurs membres dans une organisation syndicale représentative sur le plan national se signalant par son nombre élevé d’adhérents et ses activités, dans tous les domaines relevant de la représentation syndicale ” ;

Considérant que la convention collective dont s’agit a été signée du côté salarial par Messieurs Marc GLESENER et Aloyse SCHILTZ, à la fois pris en leurs qualités respectives de président et de secrétaire générale de l’ALEBA, ainsi que de la fédération syndicale ALEBA-U.E.P., en date du 9 août 1999, soit un peu plus de trois mois après le prédit acte constitutif ;

Considérant que l’argumentation essentielle du délégué du Gouvernement, tel qu’assisté, rejointe par les parties intervenantes, tend à établir une fraude à la loi et à voir déclarer nulle la signature intervenue au nom de la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. en 31 vertu du principe général fraus omnia corrumpit, les parties demanderesses ALEBA et consort réfutant pareil reproche comme n’étant point fondé ;

Considérant que d’après l’énoncé prérelaté de la décision ministérielle déférée, la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. ne saurait être considérée comme organisation syndicale au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée pour défaut d’indépendance et absence de structures propres, étant donné que suivant les statuts précités du 27 avril 1999 il ne s’agirait en l’espèce que d’un simple regroupement de syndicats ;

Considérant qu’il vient d’être relevé ci-avant que la qualité de conclure une convention collective a comme corollaire nécessaire celle de la négocier, l’article 6 alinéa premier de la même loi, également prérelaté, prévoyant l’initiative des représentants qualifiés du personnel pour engager les négociations en vue de la conclusion d’un contrat collectif avec le ou les employeurs concernés comme préalable nécessaire à la base de toute convention collective ;

Considérant que dans la mesure où en l’espèce les négociations au sens de l’article 6 prédit, ont été engagées par l’ALEBA dès le 8 janvier 1999, un moment où la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. n’existait point encore, il convient de retenir qu’à défaut de négociations menées, la qualité pour conclure une convention collective de travail a fait défaut dans son chef, nonobstant son droit éventuel d’y adhérer par la suite, sinon de la ratifier conformément à l’article 8 alinéa premier de la même loi ;

Considérant que du fait de sa constitution moins de quatre mois avant la signature de la convention collective dont s’agit, la fédération syndicale ALEBA-U.E.P., n’a point établit en l’espèce qu’elle remplissait notamment la condition d’“ activités ” déployées tant au niveau de la profession concernée des employés de banque que sur le plan national, étant constant que le temps couru n’aura pas suffi à celle-ci de créer une assise nécessaire en tant que fédération syndicale au niveau de la profession concernée des employés de banque, abstraction faite de toute autre condition posée par l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée ;

Considérant que par voie de conséquence c’est à juste titre, quoique pour d’autres motifs, que le ministre a pu retenir que la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. n’était pas à considérer comme partie à la convention collective dont s’agit faute de pouvoir être comptée comme telle, au moment de la conclusion d’icelle, parmi les organisations syndicales les plus représentatives tant au niveau de la profession concernée des employés de banque que sur le plan national ;

Quant au refus du dépôt Considérant qu’il convient de rappeler à ce stade que le seul cas d’ouverture à une décision de refus de dépôt d’une convention collective de travail consiste en ce que, d’après l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée, “ celle-ci est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ” ;

Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent qu’au-delà de la qualité de partie contractante constante dans le chef de CLEARSTREAM 32 SERVICES, du côté patronal, il échet également de retenir celle de l’ALEBA du côté salarial, contrairement à la décision ministérielle, tandis que c’est à juste titre que le ministre a écarté dans ses développements la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. comme n’ayant pas eu qualité aux fins d’être partie contractante à la convention collective dont s’agit ;

Considérant que d’après la structure même de l’alinéa troisième de l’article 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965, disposition qualifiée à raison d’“ atypique ” par certaines parties au litige, le principe énoncé par la loi est celui du dépôt de la convention collective emportant sa mise en application le lendemain même dudit dépôt conformément aux développements qui précèdent ;

Considérant qu’il est constant que le refus ministériel de dépôt constitue l’exception, intervenant ex post et devant par ailleurs se cantonner dans les prévisions légales du seul cas d’ouverture y relatif ;

Considérant que pour le surplus les exigences relatives à l’autonomie tarifaire et à des négociations paritaires telles que soulignées par ailleurs par le législateur à travers l’objectif fondamental de paix sociale par lui posé font complémentairement en sorte qu’en toute occurrence, face à la règle de la convention collective déposée, les dispositions à la base du seul cas d’ouverture d’un contrôle ministériel prévu en la matière en appellent une application restrictive ;

Considérant que force est au tribunal de constater que l’alinéa 3 de l’article 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée en ce qu’il dispose que “ le dépôt en sera refusé par le ministre du Travail sur proposition du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, si la convention collective de travail est conclue entre parties qui n’ont pas qualité ” ne permet pas l’affirmation suivant laquelle il suffirait qu’une des parties à une convention collective de travail n’ait pas qualité pour que le refus de dépôt ministériel s’ensuive nécessairement aux termes de la loi ;

Considérant que le libellé de la loi, conçu en termes clairs et précis, ne vise que la situation où aucun accord collectif n’existe ;

Considérant que l’inexistence de pareil accord collectif doit pour le surplus, toujours d’après les termes mêmes de la loi, être dû au fait que la convention collective est conclue entre parties – terme employé au pluriel – qui n’ont pas qualité ;

Considérant qu’en suivant la règle générale, il est constant que toutes les fois où il existe tant du côté patronal que du côté salarial au moins une partie ayant qualité au sens de la loi, l’on est nécessairement en présence d’un accord collectif au vu des critères légaux posés par ailleurs ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est à tort que le ministre a refusé le dépôt de la convention collective dont s’agit, celle-ci ayant été conclue entre parties ayant qualité, la société CLEARSTREAM SERVICES du côté patronal et l’ALEBA du côté salarial, abstraction faite du défaut de qualité dégagé dans le chef de la fédération syndicale ALEBA-U.E.P., étant constant que le contenu de la 33 convention collective échappe au contrôle ministériel aux termes de l’article 3 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1965 précitée et par extension à celui du tribunal ;

Considérant que par voie de conséquence la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour cause de violation de la loi dans le cadre du recours en réformation reçu ;

Considérant que le ministre du Travail et de l’Emploi ayant par ailleurs statué suivant la plénitude relaissée par les limites du seul cas d’ouverture posé par la loi, l’annulation de sa décision entraîne qu’il n’y a pas lieu à renvoi du dossier devant l’autorité ayant pris la décision déférée, la convention collective dont s’agit produisant par ailleurs ses effets découlant directement de la loi du fait de son dépôt dont le refus encourt l’annulation ;

Considérant que le tribunal est amené à retenir à ce stade que l’application ci-avant faite de la notion d’“ organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national ”, ainsi que de la sanction du défaut de qualité visé par son article 3 alinéa 3 ne soulèvent à leur base plus de questions relatives à l’exercice de la liberté syndicale, de sorte qu’au vu du résultat ci-avant dégagé les moyens proposés ayant trait à la conformité des dispositions légales en question (loi modifiée du 12 juin 1965 prise plus particulièrement en son dit article 2, par rapport à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme, voire aux conventions et recommandations de l’OIT mises en exergue par les parties demanderesses, abstraction faite de toute question d’applicabilité, et ceux tenant à leur conformité avec les dispositions de la loi du 11 mai 1936 précitée, sont tous devenus sans objet ;

Considérant qu’au vu de l’annulation ci-avant dégagée de la décision ministérielle déférée, l’analyse de tous autres moyens d’annulation, voire de réformation s’avère être surabondante ;

Quant à l’effet suspensif Considérant que dans la mesure où aucune des parties n’a sollicité que l’effet suspensif soit ordonné relativement au recours sous analyse par rapport à la décision ministérielle déférée annulée, conformément à l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, il n’appartient pas au tribunal de statuer d’office sur cette question ;

Quant aux frais Considérant qu’il a été relevé ci-avant que leurs interventions volontaires étant irrecevables, les frais y relatifs sont appelés rester à charge respectivement de Messieurs …, tous préqualifiés ;

Considérant que la partie intervenante OGB-L ayant succombé pour l’essentiel dans ses moyens, les frais relatifs à son intervention sont également appelés à rester à sa charge ;

Considérant que pour le surplus, concernant le recours principal, il convient de faire masse des frais et de les imposer, dans la mesure où les parties ont succombé dans 34 leurs moyens, à la fédération syndicale ALEBA-U.E.P. pour un quart, les trois quarts restants incombant à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours recevable ;

déclare recevable l’intervention volontaire de l’OGBL ;

déclare l’intervention volontaire irrecevable dans le chef de Messieurs … ;

au fond déclare le recours justifié ;

partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision ministérielle déférée ;

laisse les frais relatifs à l’intervention volontaire à charge des parties intervenantes ;

fait masse des frais pour le surplus et les impose à raison d’un quart à la fédération syndicale ALEBA-U.E.P., ainsi qu’à l’Etat pour les trois quarts restants.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 octobre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 35


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11778
Date de la décision : 24/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-24;11778 ?

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