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23/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11865

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2000, 11865


N° 11865 du rôle Inscrit le 8 mars 2000 Audience publique du 23 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … RONKAR contre quatre bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11865 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2000 par Monsieur … RONKAR, demeurant à L-…, introduisant un recours contentieux contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1992 à 1995, émis par le bureau d’impo

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N° 11865 du rôle Inscrit le 8 mars 2000 Audience publique du 23 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … RONKAR contre quatre bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11865 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2000 par Monsieur … RONKAR, demeurant à L-…, introduisant un recours contentieux contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1992 à 1995, émis par le bureau d’imposition Luxembourg 4, de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes en date du 25 juillet 1997, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes postérieurement à une réclamation introduite auprès de lui en date du 23 septembre 1997;

Vu la lettre de Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, datée du 31 mars 2000 et déposée le même jour au greffe du tribunal administratif, par laquelle il informe le tribunal qu’il assiste le demandeur dans la présente affaire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2000;

Vu le mémoire en réplique signé par le demandeur et déposé au greffe du tribunal le 6 juillet 2000;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Michel MOLITOR et Monsieur … RONKAR, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs observations respectives.

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Le 25 juillet 1997, le bureau d’imposition Luxembourg 4, de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de Monsieur et Madame … RONKAR-…, demeurant ensemble à L-…, quatre bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1992 à 1995.

1 Contre lesdits bulletins, Monsieur … RONKAR introduisit, par lettre du 23 septembre 1997, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-

après dénommé le « directeur », en reprochant au bureau d’imposition que, lors de la fixation du revenu de capitaux mobiliers, il n’a pas tenu compte de l’intégralité des intérêts débiteurs déclarés en relation avec ces revenus.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de ladite réclamation, Monsieur RONKAR a introduit le 8 mars 2000 un recours contentieux contre les bulletins précités du 25 juillet 1997.

Le demandeur réitère principalement son argumentation tirée de ce que le bureau d’imposition aurait tort de retenir que le revenu de capitaux mobiliers ne pourrait jamais déclencher de perte et, concernant des intérêts débiteurs, de n’admettre l’excédent des frais d’obtention sur les recettes qu’en tant que dépenses spéciales.

Le demandeur critique plus spécialement le fait que les intérêts qui se rapportent à une même dette sont considérés en partie comme des frais d’obtention et pour le reste comme des dépenses spéciales.

Concernant sa situation particulière, il soutient remplir les conditions posées par l’article 105 (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et il demande la déductibilité des intérêts débiteurs d’un prêt qu’il a contracté en vue de l’acquisition d’actions d’une société anonyme comme frais d’obtention des revenus provenant de ces titres.

Le délégué du gouvernement soulève comme moyen unique, l’irrecevabilité du recours au motif que le demandeur ne se serait pas conformé à l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée le « règlement de procédure », en ce qu’il a omis de joindre à sa requête « tout au moins une copie des impositions attaquées. Faute de quoi le greffe n’a pas été en mesure de communiquer le recours à l’autorité qui a posé les décisions attaquées afin que celle-ci dépose le dossier conformément à l’article 8 (5) du règlement de procédure ». Le délégué ajoute que, comme la mission du tribunal est de contrôler et au besoin de sanctionner une décision déterminée, l’inobservation de l’article 2 du règlement de procédure par le demandeur devrait entraîner l’irrecevabilité du recours, dès lors que le délai de réponse de l’Etat a expiré sans que le demandeur ait régularisé la procédure.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conclut au rejet du moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement.

Aux termes de l’article 2 du règlement de procédure, « la requête introductive est déposée au greffe du tribunal, en original et quatre copies. Les pièces énoncées sont jointes en quatre copies. La décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées, si le demandeur en dispose; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur. En cas de recours contre le silence prévu par l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, c’est la demande de décision accompagnée le cas échéant d’un récépissé, qui est à joindre. (…) ».

2 Selon l’article 29 du règlement de procédure, « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

L’argumentation développée par le demandeur dans son mémoire en réplique, basée sur ce que le recours sous examen serait dirigé contre une décision implicite de refus du directeur et qu’il aurait suffit à l’article 2 du règlement de procédure en déposant, avec la requête introductive d’instance, une copie de sa réclamation à l’adresse du directeur, est à écarter au motif que la prémisse de base de cette argumentation est contredite par les termes clairs et univoques de la requête introductive d’instance, laquelle est dirigée - judicieusement -contre les bulletins et non pas contre une décision implicite de refus du directeur. - Pour le surplus, admettre la prémisse de base de ce raisonnement impliquerait que le recours sous discussion serait à déclarer irrecevable, étant donné que l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif n’admet l’introduction d’un recours devant le tribunal administratif, en cas de silence du directeur suite à une réclamation, que contre « la décision qui fait l’objet de la réclamation », en l’espèce les différents bulletins de l’impôt sur le revenu émis le 25 juillet 1997, et non pas contre le silence voire une prétendue décision implicite de rejet du directeur (cf. doc. parl. 3940A2, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p. 5, ad (3) 3.: « Par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration n’est pas à considérer comme le rejet de la demande. (…) Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé, non pas contre une décision implicite de rejet mais contre la déclaration initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée »).

Ceci étant, le moyen d’irrecevabilité proposé par le représentant étatique laisse d’être fondé et doit être écarté. - En effet, en l’espèce, s’il est vrai que les bulletins litigieux n’ont pas été déposés ensemble avec la requête introductive d’instance, il n’en reste pas moins qu’ils ont été produits au cours de l’instruction de la présente affaire, plus particulièrement, ils ont été déposés par le demandeur ensemble avec son mémoire en réplique et que cette façon de faire n’a pas été de nature à léser effectivement les droits de la défense de l’administration, laquelle, abstraction faite de toutes autres considérations, aurait pu, dans un mémoire en duplique -

voire dans un mémoire supplémentaire, dont la production aurait pu être autorisée, sur base d’une demande justifiée - développer tels moyens ou arguments qu’elle estima nécessaires ou utiles en vue de la défense de ses intérêts.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Dans le cadre du recours sous examen, le demandeur sollicite la déduction d’intérêts débiteurs en tant que frais d’obtention dans le cadre de la catégorie de revenus de capitaux mobiliers au titre d’un emprunt contracté.

Etant donné qu’il était dans l’intention du législateur de ne pas faire du tribunal un « taxateur » et de ne pas l’amener à « s’immiscer dans le domaine de l’administration » sous peine de « compromettre son statut judiciaire » (cf. doc. parl. 3940A2, p. 11, ad (3) 8. et doc.

parl. 3940A4, avis complémentaire du Conseil d’Etat, p. 7, ad amendement 5)), son rôle consiste à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt.

3 En l’espèce, il suit de ce qui précède qu’à défaut d’explications ou de pièces produites par le demandeur relativement au placement qu’il a effectué et les revenus qu’il compte en tirer, ce qui s’explique, le cas échéant, par le fait que l’administration n’a pas conclu quant au fond de l’affaire, le tribunal ne dispose pas de tous les éléments de fait en relation avec la déductibilité des intérêts débiteurs du chef de l’emprunt invoqué et il est appelé à se confiner à dégager les principes juridiques conditionnant la déductibilité des intérêts débiteurs en question.

L’article 105 (1) LIR considère comme frais d’obtention « les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ».

Les intérêts débiteurs découlant d’un emprunt servant à l’acquisition de titres d’une société de capitaux sont à qualifier de frais d’obtention dans le cadre de revenus de capitaux mobiliers, dans la mesure où ils ont été déboursés dans le but d’acquérir la source de recettes imposables constituée par des parts d’une société de capitaux.

C’est à juste titre que le demandeur soutient dans ce cadre que la déduction d’intérêts débiteurs en tant que frais d’obtention peut donner lieu à un revenu net de capitaux mobiliers négatif en l’absence de disposition contraire inscrite aux articles 97, 103 ou 105 LIR. Ceci étant, l’emprunt sous-jacent doit avoir servi au financement de l’acquisition de titres qui sont de nature à dégager des recettes imposables, la relation causale une fois établie n’étant pas rompue par la circonstance que les frais d’obtention dépassent les recettes pour autant qu’au moment de l’engagement des frais la réalisation de recettes positives peuvent être raisonnablement escomptée (cf. Herrmann-Heuer-Raupach, EStG-Kommentar, § 9, Anm. 375;

Schmidt, EStG-Kommentar, § 20, Anm. 230). En l’absence d’une quelconque restriction légale ou réglementaire afférente, il échet également d’admettre qu’un revenu net négatif dégagé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers peut être compensé sur base de l’article 7 (2) LIR avec les revenus nets des autres catégories de revenus visées par l’article 10 LIR (cf. trib.

adm. 29 mars 1999, n° 10428 du rôle, Pas adm. 1/2000, V° Impôts, n° 56, confirmé par Cour adm.11 janvier 2000, n° 11285 C, non encore publié).

En application des développements qui précèdent, il y a en conséquence lieu de renvoyer l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes pour permettre au bureau d'imposition compétent de procéder à l’imposition conformément au dispositif du présent jugement ensemble les motifs à sa base.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare partiellement justifié;

annule les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1992 à 1995, émis le 25 juillet 1997;

4 renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour prosécution;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 23 octobre 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11865
Date de la décision : 23/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-23;11865 ?

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