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23/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11752

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2000, 11752


N° 11752 du rôle Inscrit le 30 décembre 1999 Audience publique du 23 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … VANSIMPSEN contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 1999 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur … VANSIMPSEN, expert-comptable, demeurant à B-

…, tendant principalement à la réfo...

N° 11752 du rôle Inscrit le 30 décembre 1999 Audience publique du 23 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … VANSIMPSEN contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 1999 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VANSIMPSEN, expert-comptable, demeurant à B-

…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 30 septembre 1999 refusant de lui délivrer l’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 7 mars 2000 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement le 17 mars 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Georges KRIEGER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 août 1999, Monsieur … VANSIMPSEN, expert-comptable, demeurant à B-

…, introduisit auprès du ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après dénommé le “ ministre des Classes moyennes ”, une demande en obtention d’une autorisation en vue de l’exercice de la profession d’expert-comptable.

Le 30 septembre 1999, le ministre des Classes moyennes informa Monsieur VANSIMPSEN de ce que “ le résultat [de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée “ la loi d’établissement ”] m’amène à vous informer que l’exercice de la profession d’expert-

comptable est soumis à la possession d’un des titres prévus à la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et à l’article 19, (1), c) et (2) de la loi susmentionnée.

Or, les diplômes présentés par Monsieur VANSIMPSEN ne sanctionnent pas un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières et ne correspondent donc pas aux exigences de l’article 19, (1), c) précité. (…) A toutes fins utiles, j’aimerai vous signaler qu’une pareille décision avait déjà été signalée à Monsieur VANSIMPSEN en date du 17 juillet 1997 dans l’affaire …”.

Par requête déposée le 30 décembre 1999, Monsieur VANSIMPSEN a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre des Classes moyennes du 30 septembre 1999.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation, au motif que la loi ne prévoirait pas de recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, p.

310 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

En ce qui concerne le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire, le représentant étatique conclut à son irrecevabilité, dans la mesure où il aurait été formé tardivement. Il se réfère dans ce contexte au fait que déjà en date du 17 juillet 1997 le ministre des Classes moyennes a informé la société … S.A., ayant son siège social à …, que Monsieur VANSIMPSEN, qui en était l’administrateur délégué, ne remplissait pas les conditions de capacité professionnelle requise. Il soutient encore que dans la mesure où aucun recours n’aurait été intenté contre la décision précitée du 17 juillet 1997, le recours sous examen devrait être déclaré irrecevable, au motif qu’il aurait été introduit tardivement.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur sollicite le rejet de ce moyen d’irrecevabilité en soutenant que la décision du 30 septembre 1999, actuellement déférée au tribunal administratif, loin de constituer une décision purement et simplement confirmative de la décision précitée du 17 juillet 1997, constituerait une décision nouvelle intervenue à la suite d’un réexamen du dossier par le ministre compétent. Ainsi, la décision litigieuse du 30 septembre 1999 aurait donné lieu à l’ouverture d’un nouveau délai de recours de trois mois à compter de sa notification. Comme par ailleurs le recours sous 2 analyse a été introduit auprès du tribunal administratif en date du 30 décembre 1999, il aurait été interjeté dans les délais légaux.

Une décision ne saurait être considérée comme étant purement et simplement confirmative d’une décision antérieure qu’à partir du moment où il y a notamment identité de parties qui sont les destinataires des décisions en question.

En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision du 17 juillet 1997 a été adressée à une société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, alors que la décision actuellement déférée du 30 septembre 1999 est adressée à Monsieur … VANSIMPSEN. Il s’agit partant de deux décisions distinctes et indépendantes, nonobstant la circonstance que la qualification professionnelle de Monsieur VANSIMPSEN, en sa qualité d’administrateur délégué de la société précitée, ayant sollicité une autorisation d’établissement en vue de l’exercice des professions d’expert-comptable et de conseiller économique, a déjà été analysée dans le cadre de l’instruction du dossier afférent présenté par la société précitée et ayant abouti à la décision du ministre des Classes moyennes du 17 juillet 1997. Le moyen d’irrecevabilité est partant à écarter.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait valoir qu’il serait membre de l’Institut belge des experts-comptables depuis le 9 mars 1987 et que son agrément lui aurait été accordé en conformité avec la réglementation belge relative aux conditions de qualification professionnelle en vigueur à cette date en Belgique. Dans ce contexte, il relève qu’il serait titulaire d’un certificat de l’Ecole Communale Supérieure de secrétariat, administration et commerce, de la Ville de Liège, justifiant d’une formation continue de deux ans, obtenue en 1973, ainsi que d’un certificat de l’Institut économique et social des Classes moyennes, sanctionnant une formation d’une année de conseiller d’entreprises, option marketing-

distribution-industrie, obtenu en 1974. Il estime partant remplir les conditions de qualification professionnelle requises en vue de l’exercice au Luxembourg de la profession d’expert-comptable, telle que réglementée par la loi d’établissement.

Le demandeur soutient que le ministre, en prenant la décision critiquée, aurait violé non seulement l’article 19 de la loi d’établissement mais également les articles 52.1, 5 et 6 du Traité de Rome (actuellement les articles 43.1, 10 et 12) dans la mesure où ces dispositions de droit communautaire interdiraient purement et simplement les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre sur le territoire d’un autre Etat membre. Il estime dans ce contexte que dans la mesure où l’article 19 de la loi d’établissement imposerait “ de facto aux ressortissants d’un Etat membre de recommencer à zéro leur formation pour pouvoir s’établir au Luxembourg ”, ladite disposition légale violerait l’article 52 du Traité de Rome, en ce que ladite disposition de droit national contiendrait une discrimination indirecte sur base de la nationalité. Il soutient encore que ladite restriction à la liberté d’établissement ne saurait être justifiée sur base du deuxième alinéa de l’article 52 précité.

Par ailleurs, la loi luxembourgeoise, dans la mesure où elle ne prévoirait pas de possibilité d’équivalence des diplômes d’expert-comptable obtenus à l’étranger avec ceux émis au Luxembourg, moyennant le cas échéant l’accomplissement d’une formation 3 complémentaire à suivre par les experts-comptables ayant obtenu leur agrément à l’étranger, et souhaitant s’établir au Luxembourg, constituerait une atteinte disproportionnée et non justifiée à la liberté d’établissement, créant ainsi une discrimination indirecte entre les nationaux et les non nationaux.

A titre subsidiaire, le demandeur fait encore exposer que dans la mesure où les dispositions légales belges fixant les conditions de qualification professionnelle pour les experts-comptables ont été modifiées après son agrément en 1987, et qu’il a pu tirer profit de son expérience professionnelle pour se voir proroger l’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable en Belgique, malgré les conditions de qualification professionnelle plus strictes introduites par la législation belge, sa situation serait comparable à celle créée par le règlement grand-ducal du 5 mars 1970 déterminant la qualification professionnelle des experts-comptables indépendants, exerçant leur profession au Luxembourg, abrogé entre-temps par la loi d’établissement, en ce que celui-

ci contenait une disposition transitoire permettant l’agrément des experts-comptables luxembourgeois ne remplissant pas les conditions de qualification professionnelle, telle que réglementée par ledit règlement grand-ducal, mais ayant exercé leur profession avant l’entrée en vigueur dudit règlement, en permettant la prorogation de leur agrément par l’autorité compétente. Il estime partant que le même bénéfice devrait lui revenir dans la mesure où il profiterait d’une disposition réglementaire similaire en Belgique.

Il conclut en soutenant que l’application de l’article 19 de la loi d’établissement devrait être écartée, au motif qu’il violerait les dispositions communautaires précitées.

Pour autant que de besoin, il demande au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes, sur base de l’article 177 du Traité de Rome “ afin de déterminer la portée exacte des obligations des Etats membres quant au respect et à la réalisation de la liberté d’établissement ”.

Le délégué du gouvernement expose tout d’abord que l’exercice de la profession d’expert-comptable au Luxembourg ne pourrait être autorisé au postulant qu’à condition que celui-ci soit titulaire d’un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-

comptable ou qu’il dispose d’un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences commerciales et en sciences financières, accompagné d’un stage de trois ans, étant précisé que ces diplômes devraient sanctionner une formation de niveau universitaire puisqu’ils devraient obligatoirement être inscrits au registre des diplômes. Il soutient qu’en l’espèce la formation du demandeur ne serait pas sanctionnée par l’un des diplômes précités, que son diplôme ne serait pas inscrit au registre des diplômes et qu’il n’aurait en outre pas accompli le stage prescrit de trois années. Ce serait partant à bon droit que le ministre des Classes moyennes n’a pas pu prendre en compte la formation du demandeur, en ce qu’elle ne serait pas conforme à celle exigée par la loi d’établissement.

En ce qui concerne la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, le représentant étatique soutient que la formation suivie par le demandeur ne constituerait 4 pas un diplôme au sens de la directive en question, ainsi que cela ressortirait des définitions y figurant à l’article 1er, a). En effet, la formation de Monsieur VANSIMPSEN ne constituerait pas un cycle d’études postsecondaire d’une durée minimale de 3 ans effectué dans une université, un établissement d’enseignement supérieur ou un établissement de même niveau de formation, suivi avec succès par la formation professionnelle (stage) requise en Belgique en plus du cycle d’études postsecondaire, comme le prescrirait l’article 1er, a) précité dans son alinéa 1er, deuxième tiret.

Par ailleurs, la formation du demandeur ne saurait pas non plus être assimilée à un diplôme au sens de la prédite directive, tel que cela ressortirait du dernier alinéa de l’article 1er, a) de la directive en question.

Il s’ensuivrait que la formation dont se prévaut le demandeur ne rentrerait pas dans le champ d’application de la directive.

A titre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal administratif devait estimer que la directive précitée s’appliquerait au demandeur, le délégué du gouvernement soutient que celui-ci n’a pas rapporté la preuve de l’accomplissement d’une expérience professionnelle de trois années, conformément à l’article 4, a), deuxième tiret de la directive en question, sans préjudice toutefois de l’article 4, b) de la même directive qui réserve au ministre la possibilité de soumettre le demandeur à un stage d’adaptation ou à une épreuve d’aptitude supplémentaire.

Enfin, le délégué du gouvernement soutient que pour qu’un diplôme puisse être pris en considération en vue de l’exercice au Luxembourg de la profession d’expert-

comptable, celui-ci devrait être inscrit au registre des diplômes, conformément à l’article 19, (2) de la loi d’établissement, même au cas où l’accès à ladite profession serait sollicité sur base d’une directive communautaire.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient encore que l’article 3, a) de la directive précitée 89/48/CEE interdirait à l’autorité compétente d’un Etat membre de refuser à un ressortissant d’un autre Etat membre, pour défaut de qualification, l’accès à la profession ou l’exercice de celle-ci, dans les mêmes conditions que les nationaux, si ce ressortissant possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre, pour accéder à cette profession sur le territoire de celui-ci ou en vue de l’exercice de celle-ci sur ledit territoire et qui a été obtenu dans un Etat membre.

Il soutient disposer d’un tel diplôme, étant donné qu’à son avis ce terme devrait englober non seulement les formations de plus de trois ans mais également les formations reconnues équivalentes dans l’Etat membre où ledit diplôme est exigé.

En l’espèce, sa formation professionnelle, obtenue avant l’introduction, en Belgique, de nouvelles conditions de qualification professionnelle, aurait été reconnue comme étant équivalente, dans la mesure où il aurait été autorisé à continuer l’exercice de sa profession en Belgique, après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation belge fixant les nouvelles conditions de qualification professionnelle. Sa situation serait partant identique à celle des experts-comptables ayant exercé leur profession au Luxembourg avant l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal précité de 1970, et ayant été autorisé, 5 sur base des dispositions transitoires de celui-ci, à continuer l’exercice de leur profession au Luxembourg.

Il soutient encore qu’il n’appartiendrait pas au droit luxembourgeois de rajouter une condition supplémentaire, non prévue par le droit communautaire, dans la mesure où le diplôme tel que visé par la directive précitée 89/48/CEE devrait être inscrit au registre luxembourgeois des diplômes.

Quant à l’exigence de la preuve d’une expérience professionnelle de trois années au minimum, il estime que celle-ci devrait résulter à suffisance de droit de l’inscription au tableau des experts-comptables belge depuis le 9 mars 1987, “ sans préjudice de la preuve complémentaire d’une expérience professionnelle plus ancienne acquise en Belgique avant l’obtention de ladite inscription ”.

Il fait encore valoir qu’il ne se trouverait dans aucune des trois hypothèses telles que prévues par l’article 4, 1) b) de la directive précitée autorisant les autorités compétentes du Luxembourg à exiger de sa part l’accomplissement d’un stage d’adaptation pendant trois ans au maximum ou sa participation à une épreuve d’aptitude.

Dans son mémoire en duplique, le représentant étatique expose qu’abstraction faite de l’obligation d’être inscrit au registre luxembourgeois des diplômes, il serait établi que la formation du demandeur ne saurait être reconnue comme étant équivalente à un cycle d’études postsecondaire d’une durée minimale de trois ans, dans la mesure où il ne disposerait ni d’un diplôme ni d’un certificat ni d’un autre titre délivré par une autorité compétente, sanctionnant une formation et procurant l’accès ou l’exercice de la profession envisagée, étant entendu que la seule reconnaissance de sa formation professionnelle comme étant équivalente au regard des dispositions légales belges en vue de l’exercice de la profession d’expert-comptable, ce qui resterait à être établi en l’espèce, ne serait pas suffisante au regard des dispositions de l’article 1er de la directive précitée 89/48/CEE.

Partant, le demandeur ne se trouverait pas dans le champ d’application de la directive en question, en ce que sa formation ne constituerait pas un diplôme au sens de l’article 1er précité.

Le délégué du gouvernement ajoute que l’existence d’un “ droit acquis ” en Belgique pour certaines personnes ne concernerait que cet Etat et ne pourrait s’analyser comme une formation équivalente au sens de la directive, ce d’autant plus que la profession d’expert-comptable belge ne serait pas semblable, malgré son nom, à la profession d’expert-comptable luxembourgeois.

Il se dégage des dispositions de la loi d’établissement qu’une autorisation d’établissement doit être sollicitée de la part du ministre des Classes moyennes préalablement à l’exercice, principal ou accessoire, au Luxembourg, de la profession d’expert-comptable, c’est-à-dire en vue d’un établissement en tant qu’expert-comptable au Luxembourg.

Afin d’obtenir la délivrance d’une telle autorisation, le postulant doit présenter des garanties suffisantes d’honorabilité et de qualification professionnelles.

6 La qualification professionnelle des experts-comptables indépendants, sans préjudice quant à l’application du mécanisme de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur institué par la directive 89/48/CEE précitée, résulte de la possession de l’un des diplômes précisés à l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement et de l’accomplissement d’un stage de trois ans.

Concernant plus particulièrement la nature des diplômes visés, le susdit article 19 (1) c) vise soit un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable soit un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur ne possède aucun des diplômes tels que visés par l’article 19 (1) c) précité. Il se base au contraire sur la directive précitée 89/48/CEE pour se voir reconnaître au Luxembourg le droit d’exercer la profession d’expert-comptable, en se basant exclusivement sur le fait qu’au plus tard depuis le 9 mars 1987, il serait autorisé à exercer la profession en question en Belgique, tel que cela ressortirait d’un certificat émis par l’Institut belge des experts-comptables.

Il échet tout d’abord de constater que c’est à tort que le demandeur entend se baser sur le seul article 52 du Traité de Rome pour se voir reconnaître le droit d’exercer au Luxembourg la profession d’expert-comptable, alors que cet article ne saurait, à lui seul, au vu du caractère général de sa formulation, lui accorder ce droit. Cet article devra par conséquent être lu ensemble avec les directives prises en son application, et plus particulièrement la directive précitée 89/48/CEE. Il échet dans ce contexte de relever que le traité instituant la Communauté économique européenne prohibe les discriminations exercées en raison de la nationalité (article 7 du traité). Les articles 48, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs salariés à l’intérieur de la Communauté, 52 et 59, en ce qui concerne le droit d’établissement et la libre prestation de services ont notamment pour objet de mettre en œuvre le principe fondamental de non-discrimination et l’article 57 dudit traité prévoit l’adoption d’instruments juridiques “ visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres ”, afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation professionnelle. C’est en application du prédit article 57 qu’a été prise la directive précitée 89/48/CEE.

Aux termes de l’article 3 a) de la directive 89/48/CEE, - applicable en l’espèce, étant donné qu’en Belgique la profession d’expert-comptable constitue une profession réglementée au sens de l’article 1er, point c) de ladite directive-, “ lorsque, dans un Etat membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un Etat membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux : si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans un Etat membre ”.

Force est de constater que même si la directive communautaire précitée vise effectivement à garantir la libre circulation professionnelle et, par conséquent, des mesures 7 tendant à en faciliter l’usage, il convient de ne pas perdre de vue que son champ d’application est limité aux diplômes qui préparent à l’accès et à l’exercice d’une profession déterminée, c’est-à-dire aux diplômes qui répondent aux exigences minimales de formation pour l’accès à une profession dans l’Etat de délivrance du diplôme. Ainsi, elle présuppose en l’espèce la possession d’un diplôme d’enseignement supérieur sanctionnant une formation ayant préparé le détenteur à l’exercice d’une activité visée, en l’occurrence l’activité d’expert-comptable.

En l’espèce, le demandeur a versé une copie d’un certificat émis par l’Institut des experts comptables, établi à Bruxelles, dont il ressort que le titre d’expert comptable lui a été conféré par le conseil dudit institut en date du 9 mars 1987.

Par ailleurs, il a encore versé une copie d’un certificat émis par l’Institut Economique et Social des Classes moyennes, délivré en date du 26 avril 1974, attestant qu’il a suivi “ le cycle de formation de “ conseillers d’entreprises option marketing-

distribution-industrie ” organisé par ledit Institut, ainsi qu’un certificat émis par l’Ecole Communale Supérieure de secrétariat, administration et commerce, de la Ville de Liège, émis en date du 29 août 1977, dont il ressort qu’il a suivi régulièrement et avec fruit, deux années d’études au sein de la section comptabilité et administration de ladite école.

Enfin, il ressort d’une attestation émise en date du 6 juillet 1999 par le directeur général de l’Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux que le demandeur est membre dudit Institut depuis le 9 mars 1987.

Sur base des pièces ainsi déposées par le demandeur, il échet de constater que celui-ci n’a versé aucun diplôme d’enseignement supérieur sanctionnant une formation l’ayant préparé à l’exercice de la profession d’expert-comptable en Belgique et que lesdites pièces ne sauraient être reconnues comme constituant un tel diplôme.

Il convient encore de préciser que l’attestation émanant de l’Institut belge des experts-comptables et des conseils fiscaux certifiant que Monsieur VANSIMPSEN est membre dudit institut et que ledit institut lui a conféré le titre d’expert-comptable, ne saurait être assimilée à un des diplômes susénoncés ni encore suppléer à la carence d’un tel diplôme (cf. trib. adm. 26 avril 2000, n° 11571 du rôle, SOLFICORP, non encore publié).

Le demandeur n’a de ce fait pas mis le ministre en mesure de vérifier s’il dispose des connaissances et qualifications équivalentes à celles exigées par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement, en vue de l’exercice, au Luxembourg, de la profession d’expert-

comptable.

Il est par ailleurs indifférent de savoir que le demandeur se trouve dans une situation analogue à celle des experts-comptables autorisés à exercer au Luxembourg avant l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal précité du 5 mars 1970, et qui, sans être en possession des diplômes requis par celui-ci pour attester leur qualification professionnelle à exercer ladite profession au Luxembourg, ont bénéficié de mesures transitoires permettant la prorogation de leur autorisation d’établissement, sur base de leur expérience professionnelle, dans la mesure où il aurait bénéficié de mesures analogues sur base de la réglementation belge, étant donné que ce fait, à supposer qu’il serait établi, ne 8 suffit pas à lui seul, en l’absence des diplômes requis, à constater sa qualification professionnelle au sens de la directive précitée.

Il suit des considérations qui précèdent, et sans qu’il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des CE, le tribunal disposant de tous les éléments nécessaires pour résoudre le présent litige, que le demandeur n’a pas rapporté la preuve de sa qualification professionnelle en vue de l’exercice au Luxembourg de la profession d’expert-comptable et, par conséquent, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée et le recours est à rejeter pour manquer de fondement, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 23 octobre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11752
Date de la décision : 23/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-23;11752 ?

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