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18/10/2000 | LUXEMBOURG | N°s11438,11924

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2000, s11438,11924


N°s 11438 et 11924 du rôle Inscrits les 4 août 1999 et 13 avril 2000 Audience publique du 18 octobre 2000

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Recours formés par AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG ASBL contre une décision du ministre de la Justice et un arrêté grand-ducal en matière d’associations et fondations sans but lucratif

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I.

Vu la requête, inscrite sous le n° 11438 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 1999 par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBO...

N°s 11438 et 11924 du rôle Inscrits les 4 août 1999 et 13 avril 2000 Audience publique du 18 octobre 2000

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Recours formés par AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG ASBL contre une décision du ministre de la Justice et un arrêté grand-ducal en matière d’associations et fondations sans but lucratif

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I.

Vu la requête, inscrite sous le n° 11438 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 1999 par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG, ayant son siège à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juillet 1999 par laquelle le ministre lui a refusé l’autorisation d’accepter un don d’un montant de … francs, émanant d’un donateur désirant rester anonyme;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle la demanderesse a été invitée à indiquer au tribunal si elle entendait maintenir son recours;

Vu les déclarations de Maître LUC SCHAACK faites à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposées au greffe du tribunal administratif en date des 7 et 21 octobre 1999, par lesquelles il a déclaré que sa mandante entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire serait instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé, suite à la demande du tribunal, au nom de la demanderesse le 3 mars 2000;

Vu la lettre du délégué du gouvernement déposée le 11 mai 2000;

II.

Vu la requête, inscrite sous le n° 11924 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2000 par Maître Luc SCHAACK, préqualifié, au nom de l’association sans but lucratif AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG, préqualifiée, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 31 1 mars 2000 par lequel l’autorisation de pouvoir accepter un don d’un montant de … francs, émanant d’un donateur désirant rester anonyme, lui a été refusée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Luc SCHAACK et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Au mois de mai 1997, la BANQUE GENERALE DU LUXEMBOURG S.A. (BGL) informa l’association sans but lucratif AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG, ayant son siège à L-…, de ce qu’un de ses clients avait effectué un don de … francs à son profit, tout en précisant que le donateur désirait rester dans l’anonymat.

Lors de sa réunion du mois de juin 1997, le conseil d’administration de AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG accepta, à titre provisoire et conservatoire, ledit don.

Par lettre non datée, réceptionnée au ministère de la Justice le 27 juillet 1997, AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG sollicita, en application de l’article 16, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations sans but lucratif, l’approbation de ladite libéralité, c’est-à-dire l’adoption d’un arrêté grand-ducal en vue de donner effet à ladite libéralité.

Par lettre du 23 mars 1998, le ministre de la Justice informa AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG de ce qu’il « est envisageable de conserver l’anonymat d’un donateur dans l’arrêté grand-ducal lui-même, le nom dudit donateur doit néanmoins être révélé au Ministre de la Justice, afin de lui permettre d’exercer utilement son contrôle dans le cadre de la procédure d’autorisation par voie d’arrêté grand-ducal, en conformité avec l’article 16 de la loi modifiée du 21 avril 1928 (…) » et il sollicita la communication du nom du donateur, tout en précisant « que son identité ne sera pas mentionnée dans l’arrêté grand-ducal d’approbation ».

Par lettre du 30 mars 1998, AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG s’adressa à la BGL afin de savoir « si le donateur anonyme serait d’accord à révéler son identité au ministère ou si la Banque générale est en mesure de fournir certains renseignements qu’Amnesty continuerait au ministère ».

Faisant suite à la susdite demande, la BGL répondit, par lettre du 17 juillet 1998, ce qui suite « (…) Nous pouvons vous confirmer que le donateur nous a donné instruction de garder son anonymat. L’obligation au secret bancaire ne nous permet pas de vous révéler son identité.

Nous pouvons néanmoins vous préciser qu’il s’agit d’une personne physique non résidente. L’origine des fonds ne nous paraît aucunement suspecte. Le client n’est plus en 2 relations d’affaires avec notre banque, de sorte qu’il ne nous est plus possible de le contacter au sujet de ce don (…) ».

Suite à une nouvelle intervention de AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG auprès du ministre de la Justice en date du 30 juillet 1998, le ministre confirma le 10 août 1998 sa position antérieure, à savoir qu’à défaut de connaître l’identité du donateur, l’association ne saurait être autorisée à accepter ledit don.

Suite à une entrevue entre des représentants de AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG, du ministre de la Justice et de la BGL et une nouvelle demande par lettre du mandataire de AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG en date du 15 juillet 1999, le ministre de la Justice, par lettre du 30 juillet 1999, prit position comme suit:

« J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 15 juillet 1999 relative au don anonyme dont Amnesty International est bénéficiaire. Comme le donateur a entendu garder l’anonymat et comme la Banque Générale n’est pas en mesure de révéler l’identité du donateur avec lequel les relations bancaires ont cessé, je regrette de devoir confirmer la décision que j’ai adressée le 10 août 1998 à votre cliente.

Vous relevez que la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif ne prévoit pas que l’identité du donateur doit être révélée ce qui est exact. Je vous rappelle toutefois qu’une association sans but lucratif n’est pas autorisée à accepter une libéralité mobilière dont le montant dépasse 500.000.- francs sans y avoir été préalablement autorisé par le Grand-Duc.

Il rentre certainement dans les pouvoirs de l’autorité appelée à délivrer une telle autorisation de demander des renseignements sur l’identité du donateur.

Comme cette autorité pourrait-elle justifier que des montants importants passent à une association ou fondation si elle ne dispose d’aucun renseignement sur l’identité du donateur et l’origine des fonds ? Un contrôle sérieux de la part du Ministre de la Justice exige un examen de l’entièreté de la donation, qui comprend le donateur et le bénéficiaire. Autrement, le contrôle deviendrait purement formel et inutile.

Alors que notamment la loi du 11 août 1998 portant introduction de l’incrimination des organisations criminelles et de l’infraction de blanchiment a imposé des obligations très strictes au secteur financier, aux notaires, aux exploitants de casinos et établissements de jeux de hasard, l’Etat doit aussi veiller à ne pas se faire l’auteur ou le complice d’opérations de blanchiment.

Il y a bien d’autres infractions, poursuites ou faits qui peuvent conduire à un refus ministériel pour des raisons d’ordre public. Il en serait ainsi notamment d’un don fait par une personne recherchée ou poursuivie par un tribunal international (ex-Yougoslavie p.ex..).

Dans ces conditions, je ne peux pas revenir sur ma décision par laquelle j’ai demandé la communication de l’identité de la ou des personnes ayant décidé de faire un don de trois millions en faveur d’Amnesty International Luxembourg a.s.b.l.

3 Je vous signale que la présente décision peut faire l’objet d’un recours en réformation qui est à introduire par ministère d’avocat devant le tribunal administratif dans un délai de dix jours à compter de la notification.(…) ».

Par requête, inscrite sous le n° 11438 du rôle, déposée le 4 août 1999, AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 15 juillet 1999.

Par arrêté du 31 mars 2000, le Grand-Duc a refusé l’autorisation d’accepter le susdit don. Ledit arrêté grand-ducal est basé sur les considérants suivants: « (…) Vu le refus de l’association de révéler l’identité du donateur ;

Considérant qu’en vertu de l’article 16 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif, les libéralités mobilières entre vifs, dont la valeur excède 500.000.- francs, doivent être autorisées par voie d’arrêté grand-ducal, si elles ont été effectuées à une association sans but lucratif ;

Considérant qu’il rentre dans les pouvoirs de l’autorité appelée à délivrer une telle autorisation de demander des renseignements sur l’identité du donateur ;

Considérant que cette autorité peut seulement justifier que des montants importants passent à une association si elle dispose de renseignements sur l’identité du donateur ou sur l’origine des fonds ;

Considérant qu’un contrôle sérieux de la part du Ministre de la Justice exige un examen de l’entièreté de la donation, qui comprend le donateur et le bénéficiaire, à défaut de quoi le contrôle deviendrait purement formel et inutile ;

Vu que notamment la loi du 11 août 1998 portant introduction de l’incrimination des organisations criminelles et de l’infraction de blanchiment au code pénal a imposé des obligations très strictes au secteur financier, aux notaires, aux exploitants de casinos et aux établissements de jeux de hasard, de sorte que l’Etat doit également veiller à ne pas se faire l’auteur ou le complice d’opérations de blanchiment (…) ».

Par requête, inscrite sous le n° 11924 du rôle, déposée le 13 avril 2000, AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté grand-ducal précité du 31 mars 2000.

Dans la mesure où les deux décisions critiquées ont trait à l’obtention d’une autorisation de pouvoir accepter le même don, il échet de joindre, dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, les deux recours, respectivement introduits sous les numéros 11438 et 11924 du rôle, pour y statuer par un seul et même jugement.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DES RECOURS EN REFORMATION ET QUANT A LA RECEVABILITE DES RECOURS SUBSIDIAIRES EN ANNULATION 4 Conformément à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

La loi précitée du 21 avril 1928 prévoyant en son article 16, alinéa 4 un recours en réformation contre les décisions intervenues en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître des recours principaux en réformation introduits par l’effet des requêtes introductives d’instances précitées des 4 août 1999 et 13 avril 2000. - Il s’ensuit que les recours subsidiaires en annulation sont irrecevables. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION DIRIGE CONTRE LA DECISION MINISTERIELLE DU 30 JUILLET 1999 QUANT A LA RECEVABILITE Le délégué du gouvernement estime que le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle est à déclarer irrecevable au motif qu’il aurait perdu son objet suite à la prise de l’arrêté grand-ducal du 31 mars 2000, l’argumentation tendant en substance à nier l’intérêt à agir de la demanderesse.

Or, abstraction faite de ce que, même dans l’hypothèse où la réformation ou l’annulation de la décision ministérielle n’auraient plus d’effet concret, la demanderesse garderait un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la décision critiquée, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu de la jurisprudence dominante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question (cf. trib. adm. 24 janvier 1997, n° 9774 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 6, et autres références y citées), force est de constater qu’en l’absence de décision du ministre de la Justice portant expressément ou implicitement révocation de sa décision du 30 juillet 1999, la prise de l’arrêté grand-ducal du 31 mars 2000 restant par nature sans incidence quant à l’existence de la décision ministérielle, les éventuelles réformation ou annulation de la décision litigieuse pourraient avoir un effet concret, consistant notamment en ce que ladite décision disparaîtra de l’ordonnancement juridique.

Le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle est partant recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND Lors de l’audience fixée initialement pour les plaidoiries de l’affaire portant le numéro 11438, le tribunal a invité les parties à prendre position par rapport à la question de la compétence du ministre de la Justice pour prendre la décision litigieuse, dès lors que l’article 5 16, alinéa 1er de la loi précitée du 21 avril 1928 prévoit une autorisation « par un arrêté grand-ducal ».

Sur ce, la demanderesse fait soutenir que la décision du 30 juillet 1999 ne serait pas intervenue dans les formes prescrites par la loi et que devrait être considérée comme « nulle et non avenue ».

Le gouvernement n’a pas conclu quant à ce point, estimant, à tort, comme il se dégage des développements qui précèdent, que le recours serait devenu sans objet.

Au voeu de l’article 16, alinéa 1er de la loi précitée du 21 avril 1928 le pouvoir d’approbation des libéralités visées, et donc également - implicitement mais nécessairement - le pouvoir de refus, réside exclusivement dans les mains du Grand-Duc, de sorte que la décision ministérielle est à annuler pour cause d’incompétence de l’auteur.

La sanction de l’annulation s’impose en l’espèce, étant donné que, même si le tribunal est saisi d’un recours en réformation, l’administration a commis une erreur de droit à laquelle le tribunal ne saurait remédier.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION DIRIGE CONTRE L’ARRETE GRAND-DUCAL DU 31 MARS 2000 QUANT A LA RECEVABILITE Le recours en réformation dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 31 mars 2000, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND Au fond, la demanderesse relève que la loi ne prévoirait pas de conditions relatives à la personne du donateur « ou relative aux vérifications à opérer par le Ministre pour entériner le don à l’association » et elle soutient que « l’arrêté grand-ducal litigieux n’est pas motivé à suffisance, sinon sans motivation réelle, puisqu’il ne repose que sur l’anonymat du donateur ».

Elle soutient encore qu’il se dégagerait des documents parlementaires que le but de l’autorisation ministérielle serait d’éviter une « mainmorte » sur les richesses détenues par les personnes morales de droit public ou privé et qu’en l’espèce, compte tenu de son activité permanente et régulière, il n’y aurait aucun risque que les fonds lui revenant soient bloqués, mais qu’au contraire, ils seraient « réinjectés » dans le circuit économique, notamment par le paiement de salaires, de frais de bureau et de publication.

Elle fait encore valoir que la BGL aurait certifié que les fonds dont il est question en cause ne sont pas d’origine suspecte et que le donateur, âgé d’une soixantaine d’années, n’aurait pas d’enfants qui pourraient se voir lésés dans leur héritage par le don effectué, que ces informations venant de la banque elle-même, il y aurait lieu de les considérer comme étant sincères et exactes, de sorte que rien ne justifierait un refus d’autorisation de disposer de l’argent donné.

6 Le délégué du gouvernement soutient que l’autorité compétente serait investie d’une mission de contrôle des fonds qui sont transférés aux associations et que l’acceptation d’une libéralité serait notamment conditionnée par un dépôt régulier, au greffe du tribunal d’arrondissement, des comptes annuels de l’association. Le délégué ajoute que la mission de contrôle comprendrait également une vérification du contenu des comptes.

Il soutient encore que le ministre, « chargé de veiller au respect des lois, notamment de celle en matière de blanchiment, il doit aussi s’enquérir, au risque de manquer à sa mission, de l’origine des fonds transférés à une association sans but lucratif pour éviter que ce ne soient des fonds déposés au Luxembourg pour échapper au fisc dans le pays d’origine du déposant ou qu’il ne s’agisse de fonds ayant une origine criminelle ».

Le représentant étatique relève encore que la banque a précisé que les fonds ne seraient pas « d’origine suspecte », mais qu’elle aurait également indiqué que les fonds provenaient d’une « personne non résidente » avec laquelle elle « n’était plus en relations d’affaires ». Sur ce, le délégué soutient que les appréhensions du ministre n’auraient pas été apaisées.

En guise de conclusion, le délégué du gouvernement soutient que l’autorité de contrôle n’aurait pas excédé ses pouvoirs et que la décision critiquée ne violerait pas la loi.

Aux termes de l’article 16, alinéa 1er de la loi précitée du 21 avril 1928, « les libéralités entre vifs ou testamentaires au profit d’une association sans but lucratif n’auront d’effet qu’autant qu’elles seront autorisées par un arrêté grand-ducal. Cette autorisation ne sera pas requise pour l’acceptation des libéralités mobilières dont la valeur n’excède pas cinq cent mille francs ».

Aux termes de l’article 16, alinéa 3, « l’autorisation ne sera accordée que si l’association s’est conformée aux dispositions des art. 3 [publication au Mémorial des statuts et indication des noms, prénoms, professions et domiciles des administrateurs et de l’adresse du siège social] et 9 [publication des modifications aux statuts] et si elle a déposé au greffe du tribunal civil ses comptes annuels depuis sa création ou tout au moins ses comptes se rapportent aux dix derniers exercices annuels ».

S’il est vrai que l’autorisation d’accepter une libéralité est, entre autres, destinée à éviter une « mainmorte », il n’en reste pas moins que le régime d’autorisation a un champ d’application plus large en ce qu’il vise à garantir le respect de l’intérêt général, ce qui implique nécessairement un contrôle positif de la provenance et de la destination non délictueuse de l’objet du don.

Dans cette optique, on ne saurait admettre que l’identité d’un donateur puisse rester inconnue de l’autorité de contrôle et qu’elle doive se satisfaire de déclarations de tiers. En effet, décider le contraire impliquerait que le pouvoir de contrôle de l’autorité compétente serait vidé d’une de ses composantes essentielles.

Il suit des considérations qui précèdent qu’en l’espèce, la décision grand-ducale de refus querellée, motivée par le défaut de communication de l’identité d’un donateur d’une libéralité dont la valeur excède cinq cent mille francs, n’est pas viciée, étant donné qu’elle est 7 légalement justifiée par des considérations tirées de la protection de l’intérêt général, cette dernière incluant un contrôle positif de l’origine non délictueuse de l’objet du don.

Le recours en réformation dirigé contre l’arrêté grand-ducal litigieux est à rejeter pour manquer de fondement.

Dans la mesure où chacune des parties a succombé, de façon partielle, dans ses moyens, il convient de faire masse des frais et de les mettre pour moitié à charge de chacune des parties demanderesse et défenderesse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

joint les affaires introduites sous les numéros 11438 et 11924 du rôle, déclare les deux recours irrecevables en ce qu’ils tendent à l’annulation des deux décisions critiquées, se déclare compétent pour connaître des deux recours en réformation, reçoit les recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre la décision du ministre de la Justice du 30 juillet 1999 partiellement justifié, partant annule la décision ministérielle;

rejette le recours en réformation dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 31 mars 2000 pour être non justifié;

fait masse des frais et les met pour moitié à charge de chacune des parties demanderesse et défenderesse.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 18 octobre 2000 par le président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s11438,11924
Date de la décision : 18/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-18;s11438.11924 ?

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