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18/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11807

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2000, 11807


N° 11807 du rôle Inscrit le 28 janvier 2000 Audience publique du 18 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … ENGEL, … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11807 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2000 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat à Luxembourg, a

u nom de Monsieur … ENGEL, gérant de sociétés, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à ...

N° 11807 du rôle Inscrit le 28 janvier 2000 Audience publique du 18 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … ENGEL, … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11807 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2000 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat à Luxembourg, au nom de Monsieur … ENGEL, gérant de sociétés, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de … du 13 juillet 1999, lui refusant l’autorisation de construire un immeuble à appartements à … sur les terrains inscrits au cadastre de la commune de … à la section A du chef-lieu, au lieu-dit … sous les numéros 220/4670 et 220/4727, ainsi que contre une décision confirmative dudit bourgmestre du 4 novembre 1999 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch du 1er février 2000 portant signification de ce recours à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2000 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, pour compte de l’administration communal de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 28 avril 2000 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ENGEL ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2000 par Maître Jean-Paul NOESEN au nom de Monsieur … ENGEL ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié du 23 mai 2000 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2000 par Maître Alain BINGEN, pour compte de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifié, du 26 juin 2000 portant signification de ce mémoire en duplique à Monsieur … ENGEL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Jean-Paul NOESEN et Alain BINGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 2000.

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En date du 1er mars 1991, Monsieur … ENGEL, demeurant à L-…, s’adressa au bourgmestre de la commune de … par l’intermédiaire d’un bureau d’études d’ingénieurs-

conseils, pour solliciter une autorisation de principe en vue de la construction d’un immeuble résidentiel sur les terrains lui appartenant sis aux abords de la route nationale N 19 menant de Diekirch à Echternach, inscrit au cadastre de la commune de … à la section A du chef-lieu sous les numéros 220/4670 et 220/4727. Le bourgmestre accorda l’autorisation ainsi sollicitée par décision datant du 18 mars 1992, sous la condition notamment “ de commencer les travaux endéans les deux ans, faute de quoi la présente autorisation perd sa validité ; (…) ”.

Monsieur ENGEL n’ayant pas exécuté le projet ainsi autorisé dans le délai prévu, il introduisit une nouvelle demande auprès du bourgmestre en date du 2 juin 1999 en vue de se voir autoriser à démolir les bâtisses existantes et de construire un immeuble à appartements à … sur les mêmes parcelles.

Cette demande fut rencontrée par une décision du bourgmestre datant du 13 juillet 1999 libellée comme suit : “ En réponse à votre demande sous rubrique nous vous informons que l’autorisation requise pour la démolition des bâtiments sis à …, section A du cadastre de la commune de …, n°s 220/4670 et 220/4727, vous est accordée sous réserve de tous droits généralement quelconques de tiers et à condition de respecter les dispositions des règlements communaux sur les bâtisses. Une permission de voirie reste à solliciter auprès de l’administration des Ponts et Chaussées.

En ce qui concerne la construction d’un immeuble à appartements, nous ne sommes pas en mesure de délivrer l’autorisation requise, étant donné que le projet n’est pas conforme aux dispositions du règlement communal sur les bâtisses, notamment en ce qui concerne l’article 4.2, selon lequel une construction doit être distante de 6 mètres de l’alignement de la rue, et l’article 4.4., selon lequel le recul des constructions sur les limites postérieures sera au moins de 6 mètres ”.

A l’encontre de cette décision Monsieur ENGEL fit introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 6 octobre 1999. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du bourgmestre du 4 novembre 1999, Monsieur ENGEL a fait introduire, par requête déposée en date du 28 janvier 2000, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du bourgmestre du 13 juillet 1999, ainsi que de celle confirmative du 4 novembre 1999, précitées.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation, formé en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2 A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que l’autorisation lui délivrée en date du 18 mars 1992 par le bourgmestre pour construire un immeuble résidentiel à 12 appartements sur ses terrains sis à …, aurait créé dans son chef un droit subjectif relativement à la construction de l’immeuble à appartements projeté sur ledit terrain. Il estime par ailleurs que cette autorisation aurait été parfaitement conforme au règlement sur les bâtisses de la commune pour avoir été délivrée sur base de son article 4.2, alinéa 2, lequel prévoit la possibilité d’imposer une dérogation dans le cas où une augmentation ou une diminution du recul s’impose pour des raisons topographiques ou de raccordement aux immeubles existants. Il en déduit qu’en refusant d’octroyer le permis de bâtir litigieux, le bourgmestre aurait méconnu la portée de l’autorisation de construire préalablement délivrée en date du 18 mars 1992 et partant commis un excès de pouvoir. Il fait encore valoir plus particulièrement que le bourgmestre n’aurait pu prendre une décision différente de celle de son prédécesseur qu’en faisant valoir un élément nouveau par rapport à 1992, un changement de situation en fait, ou une modification du règlement qui aurait justifié une décision différente de celle prise en 1992.

Relativement à la clause de l’autorisation délivrée en date du 18 mars 1992 prévoyant sa caducité en cas de non-utilisation dans un délai de deux ans, le demandeur estime que cette règle aurait pour but de permettre le cas échéant à l’administration communale de prendre une décision différente de celle qu’elle a prise antérieurement en cas de changement de situation en fait ou en droit. Dans la mesure où la situation n’aurait cependant changé ni en fait, ni en droit, la nouvelle décision n’aurait à son sens pas pu être différente en l’espèce de l’autorisation antérieurement accordée.

Il est constant que conformément aux dispositions de l’article 70.4 du règlement sur les bâtisses de la commune de …, désigné ci-après par “ Rb ”, dans sa version approuvée par le ministre de l’Intérieur le 8 novembre 1979, applicable en l’espèce tant pour la décision initiale du 13 juillet 1999 que pour celle confirmative du 4 novembre 1999, le bourgmestre a accordé l’autorisation de construire délivrée au demandeur le 18 mars 1992 sous la condition de commencer les travaux dans 2 années, faute de quoi l’autorisation perdait sa validité. Les parties étant par ailleurs en accord pour admettre que les travaux en question n’ont effectivement pas été entamés dans ledit délai, l’autorisation en question avait dès lors perdu sa validité au moment de l’introduction de la nouvelle demande auprès du bourgmestre en date du 2 juin 1999, de sorte que celle-ci, eût-elle un objet identique à celle antérieurement délivrée, a dû faire l’objet d’un nouvel examen de la part du bourgmestre, appelé à apprécier cette demande par rapport à la réglementation en vigueur au moment où il rend sa décision, abstraction faite de toutes autres considérations tenant notamment au fait qu’un permis de construire fut délivré antérieurement pour un projet identique. En effet, un permis de construire ayant perdu sa validité ne produisant plus d’effet, aucun droit acquis au profit de celui qui en avait bénéficié ne saurait s’en dégager, de même que l’autorité administrative, appelée à statuer, recouvre sa plénitude d’appréciation face à la nouvelle demande.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen du demandeur tendant à voir admettre dans son chef l’existence d’un droit acquis pour la construction projetée se dégageant de l’autorisation lui délivrée en date du 18 mars 1992, n’est pas fondé et que la décision déférée est partant à examiner indépendamment de l’autorisation 3 de construire antérieurement délivrée, au seul regard de sa conformité avec le plan d’aménagement général et le règlement sur les bâtisses de la commune.

La décision de refus déférée est motivée par la considération que “ le projet n’est pas conforme aux dispositions du règlement communal sur les bâtisses, notamment en ce qui concerne l’article 4.2., selon lequel une construction doit être distante de 6 mètres de l’alignement de la rue, et l’article 4.4., selon lequel le recul des construction sur les limites postérieurs sera au moins de 6 mètres ”.

La partie demanderesse estime que cette motivation repose sur une appréciation erronée en fait et en droit de la part du bourgmestre, étant donné que plutôt que de se baser sur l’article 4.2 Rb pour refuser l’autorisation sollicitée, le bourgmestre aurait dû se baser sur l’alinéa 2 dudit article qui prévoit que lorsque la configuration topographique l’impose, une dérogation à l’obligation de construire à une distance de 6 mètres de l’alignement de la rue peut être imposée. Elle fait valoir plus particulièrement à cet égard que dans la mesure où les dimensions du terrain concerné ne permettraient pas de respecter les prescriptions de l’article 4.2 alinéa 1er Rb invoqué par le bourgmestre et que ce terrain, en l’absence de dérogation, deviendrait dès lors inconstructible, le bourgmestre aurait dû imposer une dérogation relativement à l’alignement sur la rue.

Le demandeur signale par ailleurs qu’à l’endroit de la construction envisagée, la plupart des parcelles seraient construites de manière proche de la chaussée et que d’anciens immeubles seraient situés directement en bordure de la voie publique sans que cette configuration des lieux ne crée des problèmes particuliers de stationnement ou autres. Il serait par ailleurs inexact de prétendre que l’immeuble projeté ne respecterait aucun recul sur le trottoir, étant donné que le recul respecté serait identique, sinon supérieur à celui laissé par les immeubles avoisinants ou situés en face et permettrait un passage en toute sécurité des piétons.

Les parties au litige étant en accord pour dire que l’immeuble projeté ne respecte pas les prescriptions de l’article 4.2. alinéa 1er Rb qui dispose que “ les constructions sont implantées dans une bande de 16 mètres de profondeur parallèle et distante de 6 mètres de l’alignement de la rue ”, il y a lieu d’examiner si le bourgmestre était en l’espèce tenu d’imposer une dérogation à la marge de reculement ainsi fixée sur base de l’alinéa 2 de la disposition réglementaire précitée.

L’article 4.2. Rb dispose dans son alinéa 2 qu’“ une dérogation peut être imposée dans le cas où une augmentation ou une diminution du recul s’impose pour des raisons topographiques, de raccordement aux immeubles existants ou de sécurité de la circulation ”.

S’il est certes vrai qu’à travers une exception au niveau des règles générales de recul sur l’alignement de la rue, l’article 4.2. alinéa 2 Rb précité permet au bourgmestre d’imposer des dérogations afférentes en vue de permettre le cas échéant un raccordement adéquat aux immeubles existants, il n’en reste pas moins que cette possibilité d’imposer pareille dérogation, réservée au bourgmestre, est nettement circonscrite quant à ses conditions d’application et de surcroît d’application stricte en raison de son caractère d’exception.

4 En l’espèce, il se dégage des précisions apportées à travers la décision confirmative du bourgmestre du 4 novembre 1999 statuant sur recours gracieux de Monsieur ENGEL, ainsi qu’en cours de procédure contentieuse, que la décision de ne pas accorder au demandeur une dérogation aux prescriptions du règlement communal sur les bâtisses telles que découlant notamment de son article 4.2. alinéa 1er Rb, repose, entre autres, sur la considération que l’immeuble projeté se situe à proximité d’une route nationale très fréquentée et d’un croisement dangereux, de sorte que la sécurité de la circulation risquerait d’être compromise du fait de la construction d’un immeuble sur la limite du terrain litigieux.

Si la mission du juge de la légalité exclut certes le contrôle des considérations d’opportunité à la base de l’acte administratif attaqué, il est cependant appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

La proximité alléguée d’une route nationale bien fréquentée n’étant pas contestée en fait, le bourgmestre a valablement pu décider en l’espèce, sur base de cette seule considération, de ne pas accorder au demandeur une dérogation par rapport à la marge de reculement sur l’alignement de la rue applicable, nonobstant toute considération tenant au fait que d’autres constructions déjà existantes se trouvent déjà implantées en bordure de la rue, le bourgmestre pouvant légitimement décider de ne pas amplifier la situation existante à cet égard.

Relativement à la considération qu’à défaut de dérogation imposée par le bourgmestre, le terrain concerné risquerait de ne pas être constructible en l’état suivant les règles communales d’urbanisme en vigueur, force est encore de constater que la faculté pour le bourgmestre d’imposer des dérogations sur base de l’article 4.2. alinéa 2 Rb se trouve clairement circonscrite par les cas d’ouverture y plus particulièrement envisagés parmi lesquels ne figure pas celui de rendre un terrain constructible.

Aucune raison d’ordre topographique n’ayant par ailleurs été avancée en faveur d’une diminution du recul en question, il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le bourgmestre a valablement pu refuser la demande d’autorisation de construire de Monsieur ENGEL au seul motif qu’elle n’observe pas le recul sur l’alignement de la rue prévu par le règlement sur les bâtisses en son article 4.2. alinéa 1er.

La décision déférée étant légalement justifiée sur cette seule base, l’examen des autres moyens proposés par le demandeur devient surabondant.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

5 reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié ;

partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11807
Date de la décision : 18/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-18;11807 ?

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