La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11552

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 octobre 2000, 11552


Numéro 11552 du rôle Inscrit le 23 septembre 1999 Audience publique du 12 octobre 2000 Recours formé par Madame … GIETZEN-IBALD, … (D) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt le revenu Vu la requête, inscrite sous le numéro 11552 du rôle, déposée le 23 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Madame … GIETZEN-IBALD, demeurant actuellement à D-…, comprenant un recours contentieux dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 juillet 1999 rejetant sa

réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 ...

Numéro 11552 du rôle Inscrit le 23 septembre 1999 Audience publique du 12 octobre 2000 Recours formé par Madame … GIETZEN-IBALD, … (D) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt le revenu Vu la requête, inscrite sous le numéro 11552 du rôle, déposée le 23 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Madame … GIETZEN-IBALD, demeurant actuellement à D-…, comprenant un recours contentieux dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 juillet 1999 rejetant sa réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 émis en date du 17 avril 1997 par le bureau d’imposition Luxembourg I;

Vu l’élection de domicile de Madame GIETZEN-IBALD auprès de Monsieur …, L-…;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé par la demanderesse en date du 20 avril 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Madame … GIETZEN-IBALD en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

Madame … GIETZEN-IBALD, de nationalité allemande, demeurant actuellement à D-

…, a travaillé du 1er avril 1993 au 31 juin 1997 en tant que secrétaire auprès de … BANK, en usant pendant cette période un logement situé à L-…. Elle a été inscrite sous cette adresse au registre de la population de la ville de Luxembourg. Elle s’est mariée le 24 mai 1996 avec un ressortissant allemand et elle s’est également inscrite à l’adresse et dans la commune de résidence de son conjoint. Suite à une demande y afférente, le bureau d’imposition, section de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires, ci-après dénommé le « bureau RTS » (Lohnsteueramt) a classé Madame … GIETZEN-IBALD dans la classe d’impôt II. Dans sa déclaration de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 1996, Madame GIETZEN-

IBALD a sollicité l’application de la classe d’impôt II, prétendant ainsi à l’imposition collective avec son époux.

Suite à la notification du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1996, émis en date du 17 avril 1997 par le bureau d’imposition Luxembourg I, lequel classa Madame GIETZEN-

IBALD dans la classe d’impôt I, Madame GIETZEN-IBALD, par lettre du 22 avril 1997, introduisit une réclamation auprès du bureau d’imposition compétent afin d’être reclassée dans la classe d’impôt II. Par courrier du 27 mai 1997, le bureau d’imposition Luxembourg I informa Madame GIETZEN-IBALD de ce que sa réclamation avait été transmise au directeur de l’administration des Contributions directes qui, par décision du 29 juillet 1999, déclara sa réclamation recevable en la forme, mais la rejeta comme manquant de fondement.

Par requête déposée au greffe du tribunal le 23 septembre 1999, Madame GIETZEN-

IBALD, préqualifiée, a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale précitée du 29 juillet 1999.

Avant de procéder à l’examen de la compétence du tribunal ainsi qu’à la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner si le mémoire en réplique de la demanderesse a été déposé dans le délai légal.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes (1) et (5) sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal administratif conformément à l’article 5, paragraphe (7) ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question du dépôt des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Dans la mesure où, d’une part, le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal en date du 22 décembre 1999 et que ce dépôt a été porté à la connaissance de la demanderesse par la voie du greffe en date du 23 décembre 1999, le dépôt du mémoire en réplique de la demanderesse aurait dû intervenir pour le 23 janvier 2000 au plus tard. Or, il convient de constater que le dépôt du mémoire en réplique n’est intervenu qu’en 2 date du 20 avril 2000, donc en dehors du prédit délai. Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, ci-après dénommée « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ouvrant un recours au fond contre la décision directoriale entreprise, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. En effet, la demanderesse, qui n’est pas un professionnel de la postulation, étant censée avoir formé le recours prévu par la loi à défaut d’avoir elle-même autrement spécifié sa nature, le recours introduit s’analyse en un recours en réformation de la décision directoriale déférée et est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Par courrier du 2 mai 2000, déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2000, la demanderesse a élu domicile sur le territoire du Grand-Duché pour y recevoir les notifications du tribunal. Il échet de donner acte à la demanderesse de son élection de domicile auprès de Monsieur …, L-….

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que, pendant la période du 1er avril 1993 au 31 juin 1997, elle a travaillé auprès de … BANK à Luxembourg, qu’elle s’est mariée le 25 mai 1996 et que suite à sa demande de bénéficier de la classe d’impôt II, elle a été classée dans cette classe d’impôt par le bureau RTS. Le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1996 l’a à nouveau classée dans la classe d’impôt I, de sorte qu’elle a dû payer un « supplément » d’impôt de 194.690.- francs.

La demanderesse soutient que ce serait à tort qu’elle a été classée dans la classe d’impôt I, alors qu’elle devrait bénéficier de la classe d’impôt II. A ce titre, elle expose que nonobstant le fait que même après son …ge, elle aurait encore disposé d’un logement situé à L-

1330 Luxembourg, 24, Boulevard Grande-Duchesse Charlotte, elle en aurait néanmoins fait un usage moindre, en faisant des allers et retours réguliers en Allemagne, afin d’assister son mari dans son travail. Elle soutient en substance que l’existence de résidences distinctes pour des raisons d’ordre professionnel ne s’opposerait pas à l’admission d’un domicile commun, en l’espèce en Allemagne, dès lors que les époux seraient régulièrement amenés à s’y rencontrer.

Elle conteste dès lors l’analyse faite par le directeur de l’administration des Contributions directes en ce qui concerne son lieu de résidence principal au Luxembourg. Elle estime encore que le fait d’avoir été classée initialement par le bureau RTS dans la classe d’impôt II ainsi que, pour l’année d’imposition 1997, d’avoir été classée également dans cette classe, corroborerait son analyse du classement erroné à son égard.

Le délégué du gouvernement se rallie à l’analyse faite par le directeur de l’administration des Contributions directes dans sa décision déférée du 29 juillet 1999, en précisant qu’il faudrait retenir, en cas de doute, comme lieu de résidence principal celui qui est imposé par les nécessités du travail, et non celui où se trouve localisé l’époux.

L’article 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », soumet la qualité de contribuable résident à la condition d’avoir son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg. Ces deux notions sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée Steueranpassungsgesetz, en abrégé « StAnpG ».

3 Le paragraphe 13 StAnpG définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage. Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait dont résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (projet de loi 5714, commentaire des articles, ad art. 3).

Le critère de rattachement du domicile fiscal en cas de pluralités d’habitations est dicté par le centre des intérêts vitaux qui prend en considération les intérêts économiques et familiaux de la personne concernée. Dans cette hypothèse, la personne sera considérée comme un résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, tout en donnant la priorité au critère des intérêts économiques, plus facile à établir que les liens affectifs au cas où le conflit de résidence subsisterait encore.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la demanderesse a eu à sa disposition un appartement sis à L-1330 Luxembourg, 24, Boulevard Grande-Duchesse Charlotte pendant l’année 1996, de sorte que la condition de la possession matérielle d’une habitation se trouve être vérifiée dans son chef. Il est par ailleurs constant que la demanderesse occupait le poste de secrétaire auprès de … BANK, établie et ayant son siège social à Luxembourg, pendant l’année 1996 et, plus particulièrement pendant la période du 1er avril 1993 au 31 juin 1997, de sorte qu’il y avait une intention dans le chef de la demanderesse de conserver et d’occuper de manière permanente une habitation au Luxembourg. La demanderesse n’a pas apporté des éléments concrets qui permettraient d’établir que sa situation avait changé par son mariage au mois de juin 1996. Au contraire, il n’est pas contesté que la demanderesse s’était déjà inscrite à partir du 1er avril 1994 auprès du bureau de la population à … comme y ayant son « Hauptwohnsitz », d’abord auprès de ses parents et ensuite auprès de son époux, que depuis 1994, elle faisait des allers et retours réguliers en Allemagne, notamment pour s’occuper de son père, dont l’état de santé nécessitait son soutien au domicile parental. Il est encore constant que pendant cette période, elle travaillait au Luxembourg, tout en y étant considérée fiscalement comme résidente, résidence que la demanderesse n’a jamais contestée auprès du bureau d’imposition compétent et qu’elle a indiqué elle-même, dans ses rapports avec les autorités fiscales, son adresse au Grand-Duché. Il ressort des éléments qui précèdent que le domicile principal de la demanderesse est situé au Luxembourg, étant donné que le centre de ses intérêts économiques, matérialisé par les nécessités de son travail, y était localisé.

Il y a également lieu de se référer à la notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14 StAnpG, qui vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs.

En l’espèce, il est constant que la durée cumulée du séjour effectif de la demanderesse au Grand-Duché en raison de son travail auprès de … BANK a dépassé la durée de six mois, les déplacements de courte durée à … auprès de sa famille et les congés y passés n’ayant pas eu pour effet d’interrompre cette période.

Il suit des développements qui précèdent que la demanderesse a eu, au cours de la période litigieuse, son séjour habituel au Luxembourg, et qu’elle doit partant être considérée, conformément à l’article 2 LIR, comme résidente luxembourgeoise.

Il échet de préciser que même si la convention préventive de double imposition du 23 août 1958 conclue entre la République Fédérale d’Allemagne et le Grand-Duché de Luxembourg, dans son article 3, comporte une définition autonome du domicile fiscal, il est 4 néanmoins possible de se référer exclusivement à celle du droit interne, dans la mesure où les deux notions se recoupent et retiennent une définition identique. Par ailleurs, il y a lieu de retenir que le Grand-Duché de Luxembourg est l’Etat de source qui est en droit, conformément à l’article 10 (1) de la convention, d’imposer les revenus d’une occupation salariée exercée sur son territoire d’après les règles de son droit interne.

Etant donné que la demanderesse est à qualifier au niveau du droit fiscal luxembourgeois de résidente d’après l’article 2 LIR, le bureau d’imposition lui a appliqué à juste titre le régime des contribuables résidents. Comme la demanderesse sollicite de la part du directeur de se voir attribuer la classe d’impôt II, le tribunal est amené à constater que cette classe est réservée par l’article 119 n°3 LIR aux époux imposés collectivement au sens de l’article 3 LIR. En l’absence de domicile fiscal luxembourgeois de son époux au cours de la période litigieuse, la demanderesse ne pouvait cependant pas bénéficier du régime d’imposition collective prévu aux articles 3 et 4 LIR, de sorte que dans cette mesure la classe d’impôt I lui a été correctement appliquée. Il est par ailleurs constant qu’elle a été imposée collectivement avec son époux en Allemagne, au titre de l’année 1996, de sorte que sa situation familiale y a été prise en considération.

Il s’ensuit que le recours n’est pas fondé.

Ce raisonnement ne saurait être énervé par l’attribution provisoire à la demanderesse de la classe d’impôt II par le bureau RTS, étant donné, comme l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement, que la fixation de la classe d’impôt par le bureau RTS n’a qu’un effet provisoire qui ne lie pas le bureau d’imposition compétent lors de l’émission du bulletin d’impôt afférent et qu’en tout état de cause, lors du recours contre la décision litigieuse du directeur, le tribunal est tenu d’examiner la régularité et la légalité de celle-ci.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, écarte des débats le mémoire en réplique et décide qu’il n’entrera pas en taxe, reçoit le recours en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge 5 Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 12 octobre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11552
Date de la décision : 12/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-12;11552 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award