N° 11479 du rôle Inscrit le 19 août 1999 Audience publique du 11 octobre 2000
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Recours formé par Messieurs … D’AURELIO, …, et …, contre une décision du conseil communal de … en matière de permis de construire
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Vu la requête inscrite sous le numéro 11479 du rôle et déposée en date du 19 août 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … D’AURELIO, …, demeurant à L-…, et de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du conseil communal de …du 10 novembre 1998 refusant de leur accorder une « autorisation de construire » deux maisons jumelées sur un terrain sis à …, aux abords du, cadastré en la commune de …, section B de …, sous le numéro cadastral 463/687;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 6 août 1999 portant signification de ce recours à l’administration communale de …;
Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle les demandeurs ont été invités à indiquer au tribunal s’ils entendaient maintenir leur recours;
Vu la déclaration de Maître Pierre THIELEN faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif, par laquelle il a déclaré que ses mandants entendaient poursuivre le présent recours;
Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, constatant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2000 par Maître Charles UNSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de …;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 28 janvier 2000 portant signification de ce mémoire en réponse à l’avocat constitué des demandeurs;
Vu le mémoire en réplique déposé en date du 25 février 2000 au greffe du tribunal administratif au nom des demandeurs;
1 Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifié, du 29 février 2000 portant signification de ce mémoire en réplique à l’avocat constitué de l’administration communale de …;
Vu le mémoire en duplique déposé en date du 23 mars 2000 au greffe du tribunal administratif pour compte de l’administration communale de …;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, préqualifié, du 24 mars 2000 portant signification de ce mémoire en duplique à l’avocat constitué des demandeurs;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Olivier WAGNER, en remplacement de Maître Pierre THIELEN et Frank NEU, en remplacement de Maître Charles UNSEN en leurs plaidoiries respectives.
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Par lettre du 25 juin 1998, le bourgmestre de …, par le biais du mandataire de l’administration communale, informa Messieurs … D’AURELIO, …, demeurant à L-…, et …, demeurant à L-…, de ce que leur demande en obtention d’une autorisation de construire pour la réalisation de quatre maisons unifamiliales (deux fois deux maisons jumelées) sur un terrain sis à …, aux abords du …, cadastré en la commune de …, section B de …, sous le numéro cadastral 463/687, avait été rejetée au motif que « en fait vous procéderez à un relotissement de votre terrain sans respecter la procédure prévue par la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.
Veuillez dès lors, avant tout autre progrès en cause, vous conformer à la législation précitée et soumettre votre projet à la Commission d’Aménagement du Ministère de l’Intérieur pour avis ».
Par lettre non datée, réceptionnée le 1er juillet 1998 par le Service de l’aménagement des communes instituée auprès du ministre de l’Intérieur, Monsieur … D’AURELIO introduisit un projet de lotissement pour la réalisation du susdit projet de construction.
Le 20 août 1998, la commission d’aménagement émit un avis défavorable motivé comme suit: « La commission constate que les fonds en question sont situés à proximité immédiate d’un cours d’eau et susceptibles d’être inondés, ce qui était d’ailleurs le cas en 1993, tel qu’il résulte des documents joints en annexe. Tout aménagement desdits fonds à des fins d’habitation serait contraire à un urbanisme bien conçu.
La commission recommande vivement aux autorités communales de reclasser lesdits fonds en zone non aedificandi et leur rappelle sa lettre du 24 août 1994 au sujet des mêmes fonds. Elle renvoie dans ce contexte à la circulaire no 1615 du 23 décembre 1993 de Monsieur le Ministre de l’Intérieur à l’attention des administrations communales suite aux inondations qui avaient envahi certaines régions de notre pays ».
2 Par délibération du 10 novembre 1998, le conseil communal de … rejeta le projet susénoncé.
Le 11 février 1999, le ministre de l’Intérieur prit note de ladite délibération du conseil communal de … et clôtura son dossier.
Le 19 août 1999, Messieurs … D’AURELIO et …, préqualifiés, ont introduit un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision du conseil communal de … du 10 novembre 1998 refusant de leur accorder une « autorisation de construire » deux maisons jumelées sur un terrain sis à …, aux abords du …, cadastré en la commune de …, section B de …, sous le numéro cadastral 463/687.
QUANT AU MOYEN TENDANT A VOIR ECARTER LE MEMOIRE EN REPONSE DE L’ADMINISTRATION COMMUNALE DE … Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner le moyen tendant à voir écarter le mémoire en réponse déposé au nom de l’administration communale de … le 28 janvier 2000 soulevé par les demandeurs dans leur mémoire en réplique.
L’administration communale de … soutient que son mémoire en réponse serait à écarter des débats au motif « qu’il a été signifié plus de trois mois après la signification du recours en annulation ».
Les demandeurs estiment que leur mémoire en réponse aurait été déposé et signifié dans les délais légaux, de sorte qu’il ne serait pas à écarter des débats.
Le recours sous analyse, introduit le 19 août 1999, est régi à sa base par les dispositions de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux administratif, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
La loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, entrée en vigueur le 16 septembre 1999, dispose dans son article 69 alinéa second que les affaires introduites avant ladite date d’entrée en vigueur continueront à être instruites selon les anciennes règles de procédure, à savoir celles résultant de l’arrêté royal grand-ducal précité du 21 août 1866.
En ce qui concerne les affaires dans lesquelles seule la requête introductive avait été communiquée au moment de l’entrée en vigueur en question, telle celle sous analyse, l’article 70 alinéa 3 de ladite loi du 21 juin 1999 dispose que le tribunal enjoindra par ordonnance non susceptible d’appel au demandeur de déclarer au greffe, dans un délai d’un mois, à peine de forclusion, s’il entend poursuivre le recours, étant entendu que dans ce cas, l’affaire sera instruite conformément aux dispositions de ladite loi.
Il se dégage des termes mêmes de l’article 70 alinéa 3 en question, que ce n’est qu’une fois révolu le délai d’un mois à partir de la notification de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999 que pour les affaires non instruites pour lesquelles seule la requête 3 introductive d’instance était pendante au moment de l’entrée en vigueur, en date du 16 septembre 1999, de la nouvelle loi de procédure, les nouvelles règles de procédure s’appliquent pour l’instruction plus en avant de l’affaire en question, celles-ci ne pouvant interférer relativement aux actes de procédure jusque-là posés.
Plus particulièrement l’application de ces nouvelles règles de procédure n’intervient qu’une fois le délai d’un mois prévisé écoulé, alors que la partie demanderesse intéressée dispose de ce mois en son intégralité pour faire connaître son intention de poursuivre ou non l’affaire en question, rien ne l’ayant empêché, après avoir déclaré vouloir poursuivre, d’exprimer par la suite son intention contraire, pourvu qu’elle se trouve encore dans le délai mensuel en question.
En l’espèce, il convient de relever que, sur ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, comprenant sous son numéro courant 121 l’affaire sous analyse, le mandataire des demandeurs, dans le délai imparti d’un mois à partir de sa notification, a déclaré maintenir l’affaire en question.
La susdite ordonnance du tribunal administratif a été rendue le 27 septembre 1999 et notifiée le lendemain, de sorte que le délai d’un mois prévisé s’est écoulé à la date du 28 octobre 1999.
Ainsi, sur base de ce qui précède, les actes de procédure posés dans l’affaire sous rubrique postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois prévisé sont régis par la loi précitée du 21 juin 1999, et notamment par son article 5 concernant le délai dans lequel le défendeur doit fournir son mémoire en réponse.
L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que « (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) (6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».
Dans la mesure où il se dégage de ce qui précède que le délai de trois mois pour la production du mémoire en réponse de la partie défenderesse n’a commencé à courir qu’en date du 28 octobre 1999, le dépôt et la communication dudit mémoire en réponse ont dû intervenir pour le 28 janvier 2000 au plus tard.
Or, il convient de constater que tant le dépôt dudit mémoire en date du 28 janvier 2000 que sa signification à la même date aux parties demanderesses sont intervenus dans le prédit délai.
Par conséquent, le mémoire en réponse n’est pas à écarter des débats et le moyen afférent est à rejeter.
QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS 4 L’administration communale se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en la pure forme.
Elle relève cependant qu’en date du 30 avril 1998, les demandeurs auraient effectivement introduit une demande d’autorisation de construire pour deux fois deux maisons jumelées sur le terrain dont il est question en cause et que suivant lettre du 25 juin 1998 le bourgmestre aurait refusé la délivrance de l’autorisation sollicitée. Comme, par lettre du 30 juin 1998, les demandeurs auraient reconnu avoir reçu ladite décision de refus et à défaut d’avoir exercé un recours dans le délai légal à l’encontre dudit refus, cette décision serait définitive et inattaquable.
Ensuite, la défenderesse conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise la décision du conseil communal de … du 10 novembre 1998. Elle expose que ladite décision du conseil communal s’insérerait dans le contexte d’un projet de plan d’aménagement particulier qui, suite à la décision négative précitée du 25 juin 1998, aurait été soumis par les demandeurs à la commission d’aménagement, que la commission d’aménagement aurait émis un avis défavorable et que, sur ce, « suivant vote provisoire du 10/11/1998 en conformité de la loi (…) du 12 juin 1937, le Conseil Communal a refusé à l’unanimité de ses membres d’approuver le projet d’aménagement présenté par les demandeurs ». Selon la partie défenderesse, la décision du conseil communal constituerait une décision « provisoire » non susceptible de recours, au motif qu’il s’agirait d’un acte qui ne ferait que préparer la décision finale et qui ne constituerait qu’une étape dans la procédure d’élaboration de celle-ci.
Il convient en premier lieu de relever que, malgré l’ambiguïté des termes employés dans la requête introductive d’instance, il se dégage de cette dernière que les demandeurs ont dirigé leur recours non pas contre une décision de refus d’octroi d’un permis de construire émanant du conseil communal de …, mais que ledit recours est en réalité dirigé contre une décision dudit conseil communal intervenue dans le cadre d’une procédure d’élaboration d’un projet de lotissement. En effet, suite à la décision négative du bourgmestre de … du 25 juin 1998, les demandeurs ont introduit le 1er juillet 1998 auprès du Service de l’aménagement des communes du ministère de l’Intérieur un projet de lotissement relatif à leur projet de construction, la commission d’aménagement a émis une décision défavorable le 19 août 1998 et, suite à la transmission par la commission d’aménagement, le conseil communal a décidé, en date du 10 novembre 1998, de rejeter le projet de lotissement présenté et il se dégage de la requête introductive d’instance des demandeurs que c’est cette dernière décision du conseil communal de …, à l’exclusion de toute autre, qui fait l’objet du recours sous analyse.
C’est à tort que la partie défenderesse fait soutenir que la décision déférée ne serait que préparatoire et, comme telle non susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. - En effet, la décision déférée du conseil communal refusant l’approbation d’un projet de plan de lotissement, loin de constituer une simple étape dans la procédure d’élaboration d’une décision finale, constitue une décision finale, étant donné qu’elle a pour effet de clôturer définitivement la procédure d’élaboration entamée par le dépôt du projet au ministère de l’Intérieur.
Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
QUANT AU FOND 5 Les demandeurs concluent à l’annulation de la décision litigieuse pour erreur d’appréciation manifeste sinon pour excès ou détournement de pouvoir. A l’appui de leur recours, ils relèvent que, dans un litige relatif à un précédent projet de construction sur le terrain actuellement sous discussion, opposant Monsieur D’AURELIO et le ministre des Travaux publics, le comité du contentieux du Conseil d’Etat a, par arrêt du 20 décembre 1996, réformé une décision ministérielle de refus d’une permission de voirie et accordé un accès des deux maisons jumelées au CR 105 aux conditions techniques à fixer par l’administration compétente. Or, selon les demandeurs, comme le refus ministériel était basé sur ce que les terrains d’implantation seraient situés en zone inondable et qu’il serait à craindre que les nouvelles constructions, en cas de crues des eaux de la rivière Eisch, ne refoulent l’eau sur la route, motivation non retenue par le Conseil d’Etat, il en résulterait que, d’une part, le conseil communal aurait commis une erreur de fait « en tenant pour établis des faits dont la réalité n’apparaît pas de façon certaine et indubitable des pièces du dossier » et, d’autre part, l’autorité communale aurait excédé ou détourné ses pouvoirs, étant donné qu’en suivant l’avis de la commission d’aménagement, elle aurait violé « le principe de l’autorité de la chose jugée découlant de la décision du Conseil d’Etat de 1996 ayant définitivement écartés les prétendus problèmes d’inondation pour ne pas être pertinents ».
Concernant le moyen et l’argumentation basés sur la violation du principe de l’autorité de la chose jugée, il convient en premier lieu de rappeler, d’une part, qu’en principe, l’autorité de la chose jugée est relative, c’est-à-dire qu’elle ne peut être invoquée que dans la mesure où une demande est formée entre les mêmes parties, pour le même objet et sur la même cause et, d’autre part, que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’au dispositif et aux motifs qui en sont inséparables.
En l’espèce, abstraction faite de ce que le comité du contentieux n’a pas nié l’existence d’un risque d’inondation, mais qu’il a accordé une permission de voirie en jugeant que le ministre des Travaux publics disposait de moyens suffisants - notamment une signalisation adéquate - pour assurer la sécurité et la commodité de la circulation, l’autorité de la chose jugée ne saurait être invoquée, étant donné qu’il n’y a pas identité entre la question résolue par le comité du contentieux et celle soumise au tribunal administratif.
Il s’ensuit que le moyen d’annulation proposé laisse d’être fondé et doit partant être écarté.
Concernant le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de relever qu’en la présente matière, le tribunal est saisi d’un recours en annulation et qu’il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à justifier légalement la décision attaquée.
En outre, un conseil communal doit refuser de marquer son accord avec tout projet de construction portant sur des fonds situés en zone potentielle d’inondations (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Urbanisme, VI. Zones inondables, n° 84).
Or, en l’espèce, il se dégage des éléments et informations qui sont à la disposition du tribunal, plus particulièrement des pièces annexées à l’avis de la commission d’aménagement, communiquées suite à la demande du tribunal, que les fonds faisant l’objet du projet de 6 lotissement en question ont été touchés par les inondations de l’année 1993 et que des hautes eaux sont venues y stagner, de sorte que ces terrains constituent une zone susceptible d’être inondée en cas de fortes pluies.
Il s’ensuit que le conseil communal s’est fondé sur des éléments de fait dûment établis et qui sont de nature à justifier légalement l’acte attaqué, le moyen d’annulation doit partant être rejeté pour manquer de fondement.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation n’est pas fondé et qu’il doit partant être rejeté.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en annulation recevable;
au fond le dit non justifié et en déboute;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 11 octobre 2000, par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
Legille Schockweiler 7