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09/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11939

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2000, 11939


N° 11939 du rôle Inscrit le 18 avril 2000 Audience publique du 9 octobre 2000

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Recours formé par Madame … PINTO, Ettelbruck contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11939 du rôle et déposée en date du 18 avril 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l

’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PINTO de nationalité cap-verdienne, demeu...

N° 11939 du rôle Inscrit le 18 avril 2000 Audience publique du 9 octobre 2000

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Recours formé par Madame … PINTO, Ettelbruck contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11939 du rôle et déposée en date du 18 avril 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PINTO de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 24 novembre 1999 refusant de lui accorder le permis de travail, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 17 janvier 2000 intervenue sur recours gracieux datant du 12 janvier 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI en ses plaidoiries à l’audience publique du 3 octobre 2000.

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Par arrêté du 24 novembre 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après appelé “ le ministre ”, refusa le permis de travail à Madame … PINTO, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…: “ pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1947 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’administration de l’emploi, -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.), -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 1er juillet 1999, -

augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’administration de l’emploi durant les six dernières années : 3526 en 1993 / 5313 en 1998 ”.

Par courrier de son mandataire datant du 12 janvier 2000, Madame PINTO fit introduire un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel précité.

Ce recours s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 17 janvier 2000, elle a fait introduire, par requête déposée le 18 avril 2000, un recours en annulation contre ledit arrêté ministériel du 24 novembre 1999 ainsi que contre la décision confirmative du 17 janvier 2000.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Conformément aux dispositions de l’article 4 (3) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le dépôt de la requête introductive d’instance, intervenu en l’espèce le 18 avril 2000, vaut signification du recours à l’Etat. Il se dégage par ailleurs du dossier que le recours sous examen fut effectivement transmis au ministre du Travail et de l’Emploi par courrier du greffe datant du 18 avril 2000.

Il s’ensuit que dans le chef de l’Etat, le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive prévu à l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999 précitée pour constituer avocat ou fournir sa réponse par l’intermédiaire d’un délégué du Gouvernement, a commencé à courir le 18 avril 2000 et, après avoir été suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, a expiré le 18 septembre 2000.

Même en l’absence de mémoire en réponse fourni pour compte de l’Etat dans le délai légal, le tribunal est néanmoins appelé à statuer à l’égard de toutes les parties, ceci conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

A l’appui de son recours, la partie demanderesse expose avoir été engagée dès son arrivée au Grand-Duché de Luxembourg au début de l’année 1999 en qualité de femme de ménage par le responsable d’un hôtel de la place lequel a sollicité ensemble avec elle une autorisation de travail dans son chef pour le poste en question. Elle critique les motifs gisant à la base des décisions déférées en faisant valoir que ce serait à tort que le ministre lui reproche d’avoir été occupée de façon irrégulière depuis le 1er juillet 1999, étant donné qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’autoriserait l’administration à refuser un permis de travail au motif que le travailleur a été occupé irrégulièrement, c’est-à-dire sans être en possession d’un permis de travail. Elle estime que ce serait encore à tort que le ministre fait état d’une augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi, alors que la situation de l’emploi au Luxembourg, loin d’être mauvaise, serait plutôt proche de la notion qualifiée par les économistes de “ plein emploi ”, alors que le taux de chômage au Luxembourg serait l’un des plus faibles d’Europe, sinon le plus faible. Quant à la référence à la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, elle estime qu’il s’agit d’une formule standard, trop vague et imprécise pour tenir compte de sa situation particulière. En ce qui concerne le dernier élément de motivation retenu par le ministre tenant au fait que le poste de travail n’a pas été déclaré vacant par l’employeur, la partie demanderesse fait valoir que l’obligation générale de déclaration des vacances de poste à l’ADEM ne toucherait pas à la liberté des employeurs dans leur choix d’un candidat à un poste et soutient que l’omission de déclarer la vacance de poste ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis pour un travail spécifique. Elle estime en outre que les décisions ministérielles déférées seraient disproportionnées et s’éloigneraient de ce qu’elle qualifie de “ conduite raisonnable ” en ce 2 que le ministre aurait fait abstraction du fait qu’en sollicitant un permis de travail, elle poursuivait un but légitime consistant à s’assurer une certaine indépendance financière en vue de lui permettre de “ récupérer ” ses deux enfants lesquels ont été placés sous la tutelle de sa famille.

Une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 24 novembre 1999 énonce cinq motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.

La législation spécifique existant en matière de permis de travail vise à réglementer l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire luxembourgeois et conditionne l’exercice d’un emploi salarié à l’obtention d’un permis de travail préalablement à l’entrée en service, tout en fixant notamment une priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, ci-après dénommé “ E.E.E. ”.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v° trav. parl. projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi modifiée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précités, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

Il s’ensuit que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union Européenne et de l’E.E.E. se justifie donc en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité cap-verdienne, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E..

3 En l’espèce, il est constant à travers les précisions apportées par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance qu’elle fut engagée en qualité de femme de ménage auprès d’un hôtel de la place et que c’est pour ce poste qu’elle a sollicité, ensemble avec l’employeur concerné, un permis de travail.

Il est encore constant que la demanderesse ne conteste pas en fait que le poste de travail en cause n’avait pas été déclaré vacant par l’employeur, mais critique le motif de refus afférent en soutenant que l’omission de déclarer la vacance de poste ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis pour un travail spécifique.

Force est cependant de constater à cet égard que l’article 10 (1) du règlement grand-

ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, dispose dans son deuxième alinéa que “ la non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ”.

Face au caractère clair et précis de cette disposition réglementaire, le ministre a partant valablement pu refuser le permis de travail sollicité au seul motif que le poste de travail ne fut pas déclaré vacant par l’employeur, de sorte que l’examen des autres motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la circonstances que la demanderesse cherche à s’assurer une certaine indépendance financière en vue de se voir attribuer à nouveau la garde de ses enfants dans le chef desquels une tutelle fut ouverte à Luxembourg, cette considération étant étrangère à la matière et non susceptible de mettre en cause une décision de refus de permis de travail par ailleurs légalement prise.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 octobre 2000 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge 4 en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11939
Date de la décision : 09/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-09;11939 ?

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