La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11973C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2000, 11973C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11973C Inscrit le 2 mai 2000

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Audience publique du 5 octobre 2000 Recours formé par Sevad AJDARPASIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (jugement entrepris n° du rôle 11697 du 29 mars 2000)

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu

l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2000 par Maître Claude DE...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11973C Inscrit le 2 mai 2000

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Audience publique du 5 octobre 2000 Recours formé par Sevad AJDARPASIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (jugement entrepris n° du rôle 11697 du 29 mars 2000)

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2000 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, au nom de Sevad AJDARPASIC, de nationalité yougoslave, ressortissant du Monténégro, demeurant à L-4132 Esch-sur-Alzette, 25, Grand-Rue, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 29 mars 2000 à la requête de Sevad AJDARPASIC contre le ministre de la Justice.

Vu l’avis du dépôt dudit acte d’appel par la voie du greffe de la Cour administrative daté du 3 mai 2000.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 mai 2000 par le délégué du Gouvernement.

Vu l’avis du dépôt dudit mémoire en réponse daté du 15 mai 2000.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2000 par Maître Claude DERBAL au nom de Sevad AJDARPASIC.

Vu l’avis du dépôt dudit mémoire en réplique daté du 16 juin 2000.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 29 mars 2000.

Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et Maître Claude DERBAL ainsi que le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs observations orales.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Par requête inscrite sous le numéro du rôle 11697 et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 1999 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, Sevad AJDARPASIC, de nationalité yougoslave, ressortissant du Monténégro, demeurant à L-4132 Esch-sur-Alzette, 25, Grand-Rue, a demandé la réformation sinon l'annulation d'une décision du ministre de la Justice du ler septembre 1999, notifiée le 14 septembre 1999, par laquelle il n'a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d'une décision confirmative prise par le prédit ministre en date du 20 octobre 1999, notifiée le 30 octobre 1999, suite à un recours gracieux introduit le 14 octobre 1999.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 29 mars 2000 a déclaré le recours en réformation non justifié et en a débouté tout en déclarant le recours en annulation irrecevable.

Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel contre ce jugement au greffe de la Cour administrative en date du 2 mai 2000.

La décision dont appel serait à réformer alors que les premiers juges auraient fait une appréciation injuste des faits.

L’ appelant demande dans le corps de sa requête d’appel l’annulation du premier jugement pour avoir déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation avant tout examen au fond de l'affaire, alors qu'il aurait appartenu au tribunal administratif de statuer sur ce point au vu des moyens de nullité avancés.

La situation générale du Monténégro, et plus particulièrement des musulmans résidant au Monténégro, n'aurait pas été prise en considération tant par la commission consultative pour les réfugiés que par le ministre de la Justice, et le tribunal administratif n'aurait pas statué sur la demande en annulation des décisions entreprises sur ce point.

Que les décisions ministérielles entreprises encourraient partant la nullité pour défaut de motif, respectivement, pour erreur manifeste d'appréciation des faits.

Quant au fond, l’appelant fait valoir qu’il remplirait toutes les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié politique en se référant particulièrement à des articles de presse datant des mois de février et mars 2000 qui relateraient à suffisance de droit la situation explosive qui règnerait actuellement au Monténégro où l'armée yougoslave manœuvrerait, voire même, aurait fermé la frontière avec l'Albanie en dépit des invectives du pouvoir monténégrin.

L’appelant demande dans le dispositif de son acte d’appel la réformation du jugement du tribunal administratif du 29 mars 2000 en ce qu’il a déclaré non fondé le recours principal en réformation et irrecevable le recours subsidiaire en annulation introduits par lui.

Le délégué du Gouvernement a demandé la confirmation du jugement dans un mémoire déposé en date du 15 mai 2000.

L’appelant a déposé un mémoire en réplique en date du 15 juin 2000 dans lequel il reprend en substance ses développements antérieurs tout en demandant à voir statuer conformément au dispositif de la requête d’appel.

Quant à la recevabilité de la requête d’appel L’étendue de la dévolution du juge d’appel est déterminée par les termes de la requête d’appel.

2 La requête d’appel déposée en date du 2 mai 2000 contient une demande tendant à voir annuler le jugement du 29 mars 2000 dans ses développements et conclusions.

Dans le dispositif de la requête d’appel, l’appelant se limite à demander la réformation du premier jugement, demande réitérée dans le mémoire en réplique déposé le 15 juin 2000.

Le recours en appel est la voie de droit « par laquelle les jugements de premier ressort peuvent être soumis au contrôle d’une juridiction du second degré et dont l’exercice permet à cette juridiction non seulement d’annuler le jugement s’il a été irrégulièrement rendu mais aussi de le réformer en tout et en partie, en conséquence d’un nouvel examen du litige lui-même » (R.

CHAPUS, Droit administratif général p.480).

L’annulation d’un jugement ne se conçoit que dans l’hypothèse d’un maniement défectueux de leurs attributions juridictionnelles par les premiers juges, indépendamment de la qualité ou de l’opportunité intrinsèque de leur décision : l’annulation ne peut être que la censure de la méconnaissance des règles de compétence et de procédure par le juge du premier degré.

Le recours introduit par l’appelant s’analyse partant comme un acte d’appel tendant à la réformation du jugement du 29 mars 2000 et est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant à la prétendue violation des règles de la procédure administrative non contentieuse L’appelant fait valoir que son mandataire aurait sollicité, dans son courrier du 14 octobre 1999 valant recours gracieux, la délivrance d’une copie du dossier administratif, sinon la fixation d’une date pour consulter ce dernier afin de compléter ce même recours gracieux par une missive complémentaire. En rejetant le recours gracieux par décision confirmative du 20 octobre 1999, tout en invitant le mandataire du demandeur à prendre contact pour consulter le dossier, le ministre l’aurait mis dans l’impossibilité d’user utilement de la voie de recours gracieuse reconnue par la loi.

Le délégué du Gouvernement renvoie à ce sujet à son mémoire de première instance dans lequel il a soutenu que le mandataire du demandeur avait largement le temps pour consulter le dossier administratif mais qu’il a préféré attendre le dernier jour possible pour formuler un recours gracieux.

L’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes confère à l’administré « le droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être ».

C’est à bon droit que les premiers juges ont décidé que cette disposition, visant à la fois l’hypothèse d’une décision déjà intervenue et celle d’une décision en gestation, n’impose pas au ministre l’obligation de suspendre la prise d’une décision sur recours gracieux en attendant l’exercice effectif de ce droit de communication ou de consultation par le demandeur d’asile ou son mandataire.

Quant au fond 3 Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le juge administratif ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Les premiers juges ont procédé à un examen approfondi des déclarations faites par Sevad AJDARPASIC lors de son audition du 5 juillet 1999, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, et les ont rapprochées avec les arguments et précisions apportés au cours de la procédure gracieuse et contentieuse.

C’est à bon droit et pour des motifs exhaustifs auxquels la Cour se rallie qu’ils sont parvenus à la conclusion que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le tribunal administratif a souligné à juste titre dans ce contexte que l’appelant a quitté son pays en raison de la mauvaise situation économique et de l’insécurité générale au Monténégro.

Quant à l’affirmation de Sevad AJDARPASIC qu’il serait « objecteur de conscience », il y a lieu de relever, comme l’ont fait à raison les premiers juges, que même si certaines jurisprudences étrangères ont décidé que « la désertion permet de regarder l’intéressé comme entrant dans le champ d’application de la Convention de Genève », l’appelant n’a pas établi des circonstances particulières dans son chef, de sorte que l’insoumission, dans le cas d’espèce, ne s’analyse pas comme engendrant une persécution ou comme justifiant une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

L’armée yougoslave ayant par ailleurs quitté le Kosovo, une force internationale de paix s’y étant installée, le risque pour les Monténégrins de devoir participer à une guerre contre le peuple kosovare n’existe plus à l’heure actuelle de sorte que l’appel tendant à la réformation des décisions ministérielles est à abjuger.

Le jugement dont appel est partant à confirmer.

Par ces motifs 4 La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 29 mars 2000 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller-rapporteur, et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11973C
Date de la décision : 05/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-05;11973c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award