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04/10/2000 | LUXEMBOURG | N°11714

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 octobre 2000, 11714


N° 11714 du rôle Inscrit le 13 décembre 1999 Audience publique du 4 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … MIESZALA, Bascharage, contre une décision du collège échevinal de la commune de … en présence de la société anonyme X. S.A., Luxembourg, en matière de marchés publics

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Vu la requête déposée le 13 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean HOFFELD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur … MIESZALA, industriel, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsi...

N° 11714 du rôle Inscrit le 13 décembre 1999 Audience publique du 4 octobre 2000

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Recours formé par Monsieur … MIESZALA, Bascharage, contre une décision du collège échevinal de la commune de … en présence de la société anonyme X. S.A., Luxembourg, en matière de marchés publics

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Vu la requête déposée le 13 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean HOFFELD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MIESZALA, industriel, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision du collège échevinal de la commune de … du 10 septembre 1999, notifiée le 17 septembre 1999, confirmée sur recours gracieux par délibérations du collège échevinal des 27 septembre et 15 octobre 1999, laquelle décision, après avoir écarté l’offre de Monsieur … MIESZALA, pour ne pas être conforme aux stipulations du cahier des charges, a porté adjudication à la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, du marché relatif aux travaux de remplacement de la menuiserie extérieure en aluminium et vitrage dans l’intérêt de l’école « … » à …;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 13 décembre 1999, portant signification dudit recours à l'administration communale de … et à la société anonyme X. S.A.;

Vu le mémoire en réponse déposé le 1er février 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l'administration communale de …;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 2 février 2000, portant signification dudit mémoire à l’avocat constitué de Monsieur … MIESZALA et à la société X. S.A.;

Vu le mémoire en réplique déposé le 13 avril 2000 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte du demandeur, en remplacement de Maître Jean HOFFELD;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 13 avril 2000, portant signification dudit mémoire en réplique à l’avocat constitué de l’administration communale de … et à la société X. S.A.;

2 Vu le mémoire en duplique déposé le 20 avril 2000 pour le compte de l'administration communale de …;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL, préqualifié, du 25 avril 2000 portant signification dudit mémoire en duplique à l’avocat constitué de Monsieur … MIESZALA et à la société X. S.A.;

Vu le mémoire additionnel, intitulé « mémoire en réponse », déposé au nom du demandeur le 29 mai 2000;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, préqualifié, du 24 mai 2000, portant signification dudit mémoire additionnel à l’avocat constitué de l’administration communale de … et à la société X. S.A.;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maîtres Gilles PLOTTKE et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre d’une soumission publique à laquelle l’administration communale de … avait décidé de procéder en vue de la réalisation de « travaux de menuiserie extérieure en aluminium avec vitrage dans l’intérêt de la rénovation de la menuiserie extérieure de l’aile nord (phase 1) de l’école « … » à … », le collège échevinal de la commune de … décida, le 10 septembre 1999, d’une part, sur base d’un rapport du bureau d’architecture et d’urbanisme, … S.A., chargé du contrôle des offres, d’écarter l’offre la moins disante émanant de Monsieur … MIESZALA, industriel, demeurant à L-…, pour ne pas être conforme aux stipulations du cahier des charges et, d’autre part, d’adjuger la fourniture des travaux au second classé lors de l’ouverture des offres, à savoir la société X. S.A., établie et ayant son siège social à L-….

Suite à une réclamation de Monsieur MIESZALA datée au 20 septembre 1999, le collège échevinal de la commune de …, dans sa séance du 27 septembre 1999, maintint sa décision initiale du 10 septembre 1999.

Par lettre du 24 septembre 1999, Monsieur MIESZALA introduisit une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur.

Suite à une demande de prise de position du ministre de l’Intérieur et à un avis supplémentaire de la société … S.A. du 14 octobre 1999, le collège échevinal de …, dans sa séance du 15 octobre 1999, réitéra ses décisions antérieures.

Par requête du 13 décembre 1999, Monsieur MIESZALA a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision du collège échevinal de la commune de … du 10 septembre 1999, notifiée le 17 septembre 1999, confirmée sur recours gracieux par délibérations du collège échevinal des 27 septembre et 15 octobre 1999, par laquelle son offre a été écartée et le marché attribué à la société X. S.A..

3 Lors des plaidoiries, le mandataire de Monsieur MIESZALA a demandé au tribunal de ne pas écarter son troisième mémoire, sinon de l’accueillir comme note de plaidoiries.

Le mandataire de l’administration communale a estimé que ledit mémoire devrait être écarté, tout en déclarant qu’il ne s’opposerait pas à ce que ledit mémoire soit admis en tant que note de plaidoiries.

Aux termes de l’article 7, alinéa 1er, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive.

Il s’ensuit que, à défaut d’avoir allégué et, a fortiori, établi l’existence d’un droit de défense par rapport aux conclusions de la partie défenderesse ou à un incident nouveau de procédure se cristallisant au niveau du second mémoire, voire après le dépôt de celui-ci, le mémoire additionnel, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2000 par le mandataire du demandeur n’est pas à prendre en considération et n’entrera pas en taxe. - Ledit mémoire ne saurait non plus être admis en tant que note de plaidoiries. En effet, admettre le contraire serait admettre que les dispositions impératives, car touchant à une bonne administration de la justice, puissent être contournées par les parties et que la disposition légale précitée soit vidée de sa substance.

Quant au recours en réformation Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

L’administration communale conclut à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

Quant au recours en annulation Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur soutient que les motifs à la base de la décision écartant son offre seraient inexacts, étant donné que son offre, plus particulièrement le vitrage type B (vitrage isolant double dont les deux vitres sont en verre feuilleté transparent -

4 (« Verbundsicherheitsglas »)) par lui offert, serait conforme aux exigences techniques du cahier des charges, ce que, pour autant que de besoin, il offre de prouver par une « démonstration pratique » sinon moyennant l’institution d’une mission d’expertise.

L’administration communale soutient que l’offre du demandeur pour le vitrage type B ne correspondrait pas aux prescriptions du cahier des charges qui, pour satisfaire aux normes de sécurité relatives aux vitres jusqu’à une hauteur de deux mètres à partir du sol, aux parois vitrées, aux portes en verre et à toutes autres surfaces transparentes ou translucides situées dans les aires de circulation et de séjour des personnes, visées par le règlement grand-ducal modifié du 13 juin 1979 concernant les directives en matière de sécurité dans la fonction publique, exige, la fourniture d’un vitrage isolant double dont les deux vitres sont en verre feuilleté transparent, alors que l’offre du demandeur porterait sur un vitrage isolant double non feuilleté « float ».

L’argumentation de l’administration communale consiste en substance à dire qu’il se dégagerait des mentions inscrites par Monsieur MIESZALA dans le bordereau de soumission que le produit offert par lui ne correspondrait pas aux exigences requises. Dans ce contexte, l’administration communale reproche à Monsieur MIESZALA de ne pas avoir précisé le type de vitrage offert et d’avoir indiqué le même coefficient d’isolation phonique que pour le vitrage type A (vitrage isolant double en verre poli - (« Kristallspiegelglas »)).

Soutenant qu’ainsi l’offre de Monsieur MIESZALA serait affectée d’une irrégularité substantielle, relevée par le bureau d’architecture chargé du contrôle des offres, l’administration communale estime que ce serait à bon droit que ladite offre a été écartée.

Au voeu de l’article 43 du règlement grand-ducal modifié du 10 janvier 1989 portant exécution du chapitre 2 de la loi du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures, le commettant, - assisté, le cas échéant, d’experts -, a le pouvoir et le devoir d’examiner et de vérifier les dossiers de soumission notamment quant à leur conformité technique et d’éliminer les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier des charges.

Il est vrai que l’inobservation des normes techniques fixées dans un cahier des charges et l’absence ou l’inexactitude de références peuvent constituer des irrégularités substantielles justifiant le rejet d’une offre.

Il est vrai encore qu’à défaut de dispositions légales expresses ou de clauses expresses de nullité, il appartient au commettant d’apprécier l’importance des éventuelles irrégularités.

Ceci étant, tant l’existence d’une irrégularité que l’appréciation faite par le pouvoir adjudicateur est soumise au contrôle du juge administratif. Ce dernier, même statuant comme juge de la légalité, est appelé à examiner l’exactitude matérielle des faits et leur adéquation au droit, ce qui comporte, entre autres, l’examen de l’existence d’une non-conformité d’une offre aux exigences du cahier des charges et le contrôle de l’appréciation du degré de gravité de l’irrégularité.

En l’espèce, le tribunal dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour statuer, de sorte qu’il y a lieu d’écarter la demande tendant à voir instituer une mission d’expertise ou à ordonner une « démonstration technique ».

5 Force est de constater que le commettant, suivant en cela la conclusion de l’expert commis pour contrôler la conformité des offres, reproche à tort au demandeur d’avoir manqué de préciser dans son offre le type de vitrage offert, étant donné que la rubrique litigieuse relative au vitrage type B, c’est-à-dire la rubrique qui aurait été mal complétée par Monsieur MIESZALA, précisait dans le texte préimprimé du bordereau qu’il devait s’agir d’un « vitrage isolant double dont les vitres sont en verre feuilleté transparent », de sorte qu’il n’y avait donc nul besoin que l’offrant répète de façon redondante pareille donnée.

En outre, le demandeur a indiqué toutes les informations exigées relativement à la marque, au type et à la provenance de son produit. Dans ce contexte, l’argumentation développée sur base du constat que les performances techniques inscrites sous la rubrique vitrage type B seraient identiques à celles indiquées par le demandeur dans la rubrique vitrage type A - ce qui serait techniquement impossible - et la conclusion que le vitrage type B serait donc non conforme, n’est pas concluante, étant donné qu’abstraction faite de ce qu’il n’est pas exposé pourquoi il faudrait en déduire qu’il y a erreur ou non-conformité au niveau du vitrage type B et non pas au niveau du vitrage type A, il convient de relever qu’il n’est pas exposé ni, a fortiori, établi pourquoi les performances du vitrage type B offert par le demandeur seraient fausses et surtout que la conclusion de l’expert, à la base de la décision du collège échevinal, a été tirée sans que Monsieur MIESZALA ait été invité à produire un échantillon et sans qu’il n’ait été entendu en ses explications - pareilles précautions répondant pourtant à une règle élémentaire de bonne administration -.

Enfin, s’il est vrai que le demandeur n’a pas précisé la composition de son verre feuilleté transparent, c’est-à-dire qu’il n’a pas précisé le nombre de glaces « float » et le nombre de films PVB le composant, pareille précision n’a pas été exigée formellement et il aurait été chose facile de solliciter une précision afférente avant d’écarter l’offre et d’adjuger le marché au deuxième mieux disant, dont le prix de la fourniture est de 5% supérieur à celui du demandeur.

Sur base des considérations qui précèdent, le tribunal vient à la conclusion que le pouvoir adjudicateur a agi avec légèreté.

Il s’ensuit que l’offre du demandeur a été écartée pour un motif inexact et que la décision afférente doit être annulée, le même sort frappant nécessairement la décision d’adjudication.

Nonobstant le fait que la société anonyme X. S.A., quoique valablement citée par exploit de l’huissier de justice Michelle THILL en date du 13 décembre 1999, n’a pas déposé de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, écarte le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2000 au nom du demandeur et décide qu’il n’entrera pas en taxe, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, 6 reçoit le recours en annulation en la forme, écarte la demande tendant à voir instituer une mission d’expertise ou à ordonner une « démonstration technique », le déclare également fondé, partant annule la décision du collège échevinal de la commune de … du 10 septembre 1999, ainsi que les décisions confirmatives des 27 septembre et 15 octobre 1999 prises par ledit collège échevinal, condamne l’administration communale de … aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 4 octobre 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11714
Date de la décision : 04/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-04;11714 ?

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