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02/10/2000 | LUXEMBOURG | N°12161

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2000, 12161


N° 12161 du rôle Inscrit le 27 juillet 2000 Audience publique du 2 octobre 2000

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Requête formée par Monsieur … ADROVIC en matière de relevé de forclusion

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12161 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2000 par Maître René WEBER, avocat à la Cour, assisté de Maître Gerd BROCKHOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADR

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N° 12161 du rôle Inscrit le 27 juillet 2000 Audience publique du 2 octobre 2000

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Requête formée par Monsieur … ADROVIC en matière de relevé de forclusion

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12161 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2000 par Maître René WEBER, avocat à la Cour, assisté de Maître Gerd BROCKHOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, de nationalité yougoslave, originaire du Monténégro, demeurant actuellement à L-…, tendant au relevé de la forclusion résultant de l’expiration du délai imparti pour agir en justice à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice du 12 mai 2000, notifiée en date du 30 mai 2000, par laquelle il a été décidé que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique est refusée comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2000 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif en date du 25 août 2000 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Gerd BROCKHOFF ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 12 mai 2000, notifiée le 30 mai 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur … ADROVIC, de nationalité yougoslave, originaire du Monténégro, demeurant actuellement à L-…, de ce que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. La décision en question contient une indication exacte des voies de recours, en précisant notamment qu’un recours contentieux peut être dirigé contre la décision en question dans le délai d’un mois à partir de sa notification.

Il est constant en cause, pour ressortir notamment des pièces et éléments du dossier, qu’en date du 21 juin 2000, Monsieur ADROVIC introduisit, par lettre recommandée adressée au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch, une demande en vue de se faire désigner un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire en vue de l’introduction d’un recours contentieux contre la décision précitée du ministre de la Justice du 12 mai 2000.

Il ressort par ailleurs d’un transmis du bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch, daté au 29 juin 2000, remis à l’entreprise des Postes et Télécommunications le lendemain, que ladite demande d’assistance judiciaire formulée par Monsieur ADROVIC fut transmise au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg “ pour accord ou refus ”.

Ladite demande fut réceptionnée par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg en date du 3 juillet 2000, tel que cela ressort d’un tampon apposé sur le prédit transmis.

Par lettre du 20 juillet 2000, le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg informa Monsieur ADROVIC de ce qui suit : “ Vous avez adressé votre demande d’assistance judiciaire à Monsieur le bâtonnier de Diekirch - au lieu de celui de Luxembourg - qui ne m’a transmis le document en question que le 3 juillet 2000, soit après l’expiration des délais pour présenter votre recours.

Pour présenter une demande en relevé de forclusion je vous prie de vous adresser à : Maître Gerd BROCKHOFF (…) ”.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2000, Monsieur ADROVIC sollicite le relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai de recours contentieux ayant couru contre la décision du ministre de la Justice du 12 mai 2000, dans la mesure où celle-ci a déclaré sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme étant manifestement infondée.

Le demandeur explique à l’appui de sa requête que la date du dépôt de sa demande en vue de se faire désigner un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire “ était nécessairement antérieure au 29 juin donc dans les délais ”, dans la mesure où, tel que cela ressortirait des pièces du dossier, le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch a transmis ladite demande au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg, accompagnée d’une lettre datée au 29 juin 2000, telle que remise à l’entreprise des Postes et Télécommunications en date du 30 juin de la même année. Il estime partant se trouver dans l’une des hypothèses telles que visées par la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, dans la mesure où, sans qu’il y ait eu faute de sa part, il se serait trouvé dans l’impossibilité d’agir en justice, et qu’il devrait partant être relevé de cette déchéance.

Le délégué du gouvernement rappelle tout d’abord que le délai contentieux en vue d’agir en justice contre la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 aurait expiré en date du 30 juin 2000, à la suite de la notification de la décision en question en date du 30 mai 2000. Partant, du fait de l’expiration du délai contentieux en question, sans que le demandeur n’ait formé un recours devant les juridictions administratives, il serait actuellement forclos à agir contre la décision ministérielle en question.

2 Il estime encore que le demandeur ne devrait pas être relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai imparti pour agir en justice, au motif qu’il ne remplirait pas les deux conditions prévues par l’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 pour être relevé de la forclusion. Ainsi, en premier lieu, le demandeur n’aurait pas rapporté la preuve de l’absence de faute de sa part. Dans ce contexte, le représentant étatique fait valoir que le demandeur aurait disposé de suffisamment de temps pour solliciter l’assistance d’un avocat et que ce ne serait que sa propre négligence qui aurait eu pour conséquence que le recours contentieux n’a pas pu être déposé dans le délai légal. Par ailleurs, il fait valoir, en deuxième lieu, que dans la mesure où la décision ministérielle précitée a été notifiée au demandeur en mains propres en date du 30 mai 2000, ce dernier ne saurait affirmer qu’il n’aurait pas eu connaissance de l’acte. Il soutient partant que le demandeur n’aurait pas été dans l’impossibilité d’agir, étant donné qu’il ne ressortirait pas du dossier qu’un des deux bâtonniers des barreaux respectifs de Diekirch ou de Luxembourg aurait commis une faute quelconque empêchant le demandeur d’agir dans le délai légal.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait exposer qu’il aurait adressé sa demande en vue de se faire désigner un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire en date du 21 juin 2000 au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch, soit neuf jours avant l’écoulement du délai de recours légal. Il estime qu’abstraction faite de ce qu’il aurait été “ mal renseigné ”, en adressant sa demande au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch au lieu de celui de l’Ordre des avocats à Luxembourg, le destinataire de sa demande aurait disposé de suffisamment de temps en vue de la transmission de sa demande au bâtonnier territorialement compétent. Il soutient partant avoir accompli toutes les diligences nécessaires pour que son recours contentieux soit introduit dans le délai légal.

Le tribunal est d’abord amené à examiner si, au moment de l’introduction de la requête du 27 juillet 2000, le délai d’agir au sujet duquel le demandeur entend obtenir le relevé de déchéance, avait expiré.

Il ressort de la requête introductive d’instance que le demandeur entend être relevé de la forclusion dans la mesure où il estime que le délai dans lequel il a pu introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 par laquelle le ministre de la Justice a refusé de faire droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, a expiré.

Il est constant en cause que la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 a été notifiée en mains propres du demandeur en date du 30 mai 2000. Ladite décision ministérielle contient par ailleurs une information complète quant aux voies de recours.

En vertu de l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996, le recours dirigé contre une décision ministérielle par laquelle une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la même loi, doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification.

En l’espèce, le délai d’un mois a expiré en date du 30 juin 2000 à la suite de la notification de la décision en question en date du 30 mai 2000 entre les mains du demandeur. Comme le demandeur n’a pas introduit son recours contentieux dans le délai 3 précité, en vue d’attaquer la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000, il a été forclos à introduire un recours contentieux contre la décision précitée lors du dépôt de la requête sous analyse en date du 27 juillet 2000.

Au vœu de l’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 “ si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ”.

En l’espèce, il est constant que le demandeur a eu une connaissance personnelle de la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 par la notification de celle-ci en date du 30 mai 2000. Toutefois, au-delà de la preuve de la connaissance de l’acte par le demandeur en date du 30 mai 2000, il y a encore lieu d’examiner si le demandeur s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir, sans qu’il y ait eu faute de sa part.

Un plaideur qui fait personnellement toutes les diligences nécessaires lui incombant en vue d’introduire un recours contentieux dans le délai légal mais qui, en raison de circonstances qui ne lui sont pas imputables, a été mis dans l’impossibilité d’agir, est à relever de la déchéance encourue par l’expiration dudit délai (cf. Cour d’appel (civil) 20 décembre 1991, Pas. 28.250).

Il est établi en l’espèce, tel que cela ressort des pièces et éléments du dossier déposé au greffe du tribunal administratif, qu’en date du 21 juin 2000 Monsieur ADROVIC a envoyé, par lettre recommandée, une demande adressée au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch, en vue de se faire désigner un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire afin d’introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000. Il s’est donc adressé dans le délai contentieux, courant du 30 mai au 30 juin 2000, audit bâtonnier, partant à un organe qu’il a pu estimer compétent en vue de se faire désigner un avocat à commettre d’office. Par ailleurs, et indépendamment de la volonté du demandeur, ledit bâtonnier n’a pas donné au dossier ainsi déposé les suites que le demandeur pouvait légitimement escompter, en ne transmettant pas dans les meilleurs délais ladite demande au bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg, après avoir estimé que ce dernier serait territorialement compétent pour traiter ladite demande. La faute commise par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch ne saurait être imputable au demandeur et un reproche ne saurait lui être fait sous ce rapport.

Il échet encore de rechercher si la carence du bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch a mis le demandeur dans l’impossibilité d’agir.

En l’espèce, le demandeur avait fait personnellement toutes les diligences nécessaires qui lui incombaient afin de faire introduire dans le délai imparti un recours contentieux contre la décision ministérielle précitée du 12 mai 2000 lui notifiée, mais en raison d’un retard de transmission occasionné par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Diekirch, qui ne lui est pas imputable, il a été mis dans l’impossibilité d’agir.

Dans ce contexte, il ne saurait être reproché au demandeur de ne pas avoir contacté personnellement un avocat du barreau en vue de la défense de ses intérêts, étant 4 donné qu’il a légitimement pu admettre que sa demande en vue de la désignation d’office d’un avocat serait traitée avec les diligences nécessaires en vue de l’introduction dans le délai légal d’un recours contentieux contre la décision qui lui fait grief.

Il convient dès lors de relever le demandeur de la déchéance encourue.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit la requête en relevé de forclusion en la forme ;

au fond la déclare justifiée et partant autorise Monsieur … ADROVIC à introduire un recours contentieux contre la décision ministérielle du 12 mai 2000 par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée ;

dit que le délai fixé en vue de l’introduction du recours contentieux précité coura du jour du prononcé du présent jugement ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 2 octobre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12161
Date de la décision : 02/10/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-10-02;12161 ?

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