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27/09/2000 | LUXEMBOURG | N°s11481,11482

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2000, s11481,11482


N°s 11481 et 11482 du rôle Inscrits le 19 août 1999 Audience publique du 27 septembre 2000

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Recours formés par Monsieur … DELLOYE contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 11481 du rôle, déposée en date du 19 août 1999 au greffe du tribunal administratif par X., société civile, établie et ayant son siège social à L-…, représen

tée par Monsieur … Y., directeur fiscal, au nom de Monsieur … DELLOYE, demeurant à GB-…, dirigée contre ...

N°s 11481 et 11482 du rôle Inscrits le 19 août 1999 Audience publique du 27 septembre 2000

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Recours formés par Monsieur … DELLOYE contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 11481 du rôle, déposée en date du 19 août 1999 au greffe du tribunal administratif par X., société civile, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par Monsieur … Y., directeur fiscal, au nom de Monsieur … DELLOYE, demeurant à GB-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 mai 1999, par laquelle l’imposition de Monsieur DELLOYE au titre de l’année 1995, telle qu’elle ressort d’un bulletin de l’impôt sur le revenu émis en date du 22 mai 1998, a été confirmée, refusant ainsi la déduction en tant que frais d’obtention des intérêts débiteurs déboursés par Monsieur DELLOYE en relation avec l’achat d’obligations ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2000 ;

II.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 11482 du rôle, déposée en date du 19 août 1999 au greffe du tribunal administratif par X., préqualifiée, représentée par Monsieur … Y., préqualifié, au nom de Monsieur … DELLOYE, préqualifié, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 mai 1999, par laquelle l’imposition de Monsieur DELLOYE au titre de l’année 1994, telle qu’elle ressort d’un bulletin de l’impôt sur le revenu émis en date du 22 mai 1998, a été confirmée, refusant ainsi la déduction en tant que frais d’obtention des intérêts débiteurs déboursés par Monsieur DELLOYE en relation avec l’achat d’obligations ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2000 par X., représentée par Monsieur … Y., au nom de Monsieur DELLOYE ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien des deux recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 11 mai 2000 dans les deux affaires en vue d’obtenir de la part des parties à l’instance une copie de la décision du ministre de la Justice, émise sur base de la loi du 28 juin 1984 portant organisation de la profession de réviseur d’entreprises, par laquelle X., société civile, a été agréée en tant que réviseur d’entreprises ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Marie KLEIN en ses plaidoiries.

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Par lettres séparées du 31 juillet 1998, la société civile X., sous la signature de Messieurs … et … Y., introduisit au nom de Monsieur … DELLOYE, demeurant à GB-…, des réclamations séparées à l’administration des Contributions directes, contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1994 et 1995, émis tous les deux en date du 22 mai 1998.

A la base de ces réclamations figurait un mandat , émis en date du 13 juillet 1998 à Londres accordé par Monsieur DELLOYE à Monsieur … Y. d’X. “ pour agir en son nom et pour son compte dans le cadre de l’introduction et du suivi d’un recours fiscal devant les autorités compétentes, contre l’imposition établie par l’administration fiscale pour les années 1994 et 1995, telle qu’elle résulte des bulletins d’imposition notifiés en date du 22 mai 1998 ”.

Par décisions séparées des 19 et 20 mai 1999, inscrites sous les numéros du rôle respectifs C9996 et C9997, le directeur de l’administration des Contributions directes rejeta les deux réclamations comme n’étant pas fondées.

A l’encontre de ces deux décisions directoriales, Monsieur … DELLOYE a fait introduire en date du 19 août 1999 deux recours contentieux séparés, portant les numéros du rôle 11481 et 11482, par l’intermédiaire d’X., société civile.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, il y a lieu de joindre les recours introduits sous les numéros 11481 et 11482 du rôle pour y statuer par un seul et même jugement.

Dans ses deux mémoires en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité des deux recours en ce que, comme les requêtes n’auraient pas été présentées par la société civile X. qui, de toute façon, ne serait qu’une “ abstraction inhabile à postuler ”, mais par Monsieur … Y., dûment mandaté à cet effet par Monsieur DELLOYE, et comme Monsieur Y. ne disposerait pas des qualifications professionnelles nécessaires, telles que prévues à l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, les requêtes 2 n’auraient pas été signées par une personne y autorisée, conformément aux dispositions légales applicables.

Dans son mémoire en réplique, déposé dans le cadre de l’affaire portant le numéro 11482 du rôle, Monsieur DELLOYE fait exposer, tel que cela résulte par ailleurs des autres pièces et éléments du dossier, que les deux recours ont été introduits par la société civile X., représentée par Monsieur Y., en sa qualité d’organe de ladite société. Il estime encore que la société civile X., en sa qualité de réviseur d’entreprises, bénéficiant d’un mandat spécial de sa part, aurait le pouvoir de le représenter devant le tribunal administratif, nonobstant le fait qu’elle constitue une personne morale, étant donné que la loi du 28 juin 1984 portant organisation de la profession de réviseur d’entreprises permettrait la reconnaissance de la qualification de réviseur d’entreprises non seulement aux personnes physiques mais également aux personnes morales. Il estime par ailleurs que Monsieur Y. aurait valablement pu représenter la société civile X. dans le cadre de la procédure contentieuse devant le tribunal administratif en sa qualité d’organe de représentation de ladite société civile, et plus particulièrement en sa qualité de directeur fiscal d’X..

Les recours étant dirigés contre deux décisions directoriales statuant sur deux réclamations introduites à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1994 et 1995, le tribunal est compétent, en vertu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale sur les impôts, appelée “ Abgabenordnung ”, désignée ci-après “ AO ”, et de l’article 8 (3) 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, pour statuer en tant que juge du fond.

Il échet d’analyser d’abord le moyen d’irrecevabilité invoqué par le délégué du gouvernement à l’encontre des deux requêtes introductives d’instance.

Comme il a été indiqué ci-avant, c’est à tort que le délégué estime que les recours n’ont pas été présentés par la société civile X. au nom de Monsieur DELLOYE, étant donné qu’il ressort non seulement des explications fournies à ce sujet par le demandeur dans son mémoire en réplique mais également des autres pièces et éléments du dossier, que les recours ont bien été introduits par la société civile X., représentée par son directeur fiscal, Monsieur Y..

Au cours des plaidoiries, le représentant étatique a encore estimé que de toute façon une personne morale ne serait pas habilitée à introduire, en tant que mandataire un recours contentieux devant le tribunal administratif.

Une personne morale peut par ailleurs être considérée comme une abstraction en ce sens qu’elle ne peut agir non pas personnellement, au sens strict du terme, mais uniquement par l’intermédiaire de ses organes investis du pouvoir de la représenter, et cette particularité au niveau de sa manière d’agir la distingue à cet égard d’une personne physique. Il reste cependant à examiner si cette particularité permet à elle seule de conclure dans le chef d'une personne morale revêtant par ailleurs la qualification spécifique de réviseur d'entreprises, à une incapacité de postuler avec impossibilité afférente de se voir conférer un mandat ad litem.

En l’espèce, il ressort du dossier versé au greffe du tribunal que la société civile X., établie et ayant son siège social à L-…, a été agréée en tant que réviseur d’entreprises par arrêté du ministre de la Justice du 9 août 1996 sur base de l’article 3 (2) de la loi du 28 juin 1984 portant organisation de la profession de réviseur d’entreprises. Il est encore constant à 3 travers les dispositions de l’article 2, paragraphe 1er de la loi précitée du 10 août 1991, tel que modifié par l’article 109 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, que le législateur a entre-

temps reconnu que les justiciables ont la faculté “ d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisés à exercer leur profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes ”.

Dans la mesure où cette faculté de se faire représenter par un réviseur d’entreprises, notamment devant le comité du contentieux du Conseil d’Etat, découla également déjà de la loi précitée du 10 août 1991, dans sa teneur initiale, il y a lieu de s’y référer plus particulièrement pour examiner la question de savoir si la notion retenue de “ réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession ” y consacrée s’entend comme visant le seul réviseur d’entreprises personne physique ou doit au contraire englober indistinctement les réviseurs d'entreprises, tant personnes physiques que personnes morales.

Force est de constater à cet égard que ni les travaux parlementaires relatifs à la loi précitée du 10 août 1991 (doc. parl. n° 3273) ni ceux relatifs à la loi précitée du 7 novembre 1996 (doc. parl. n° 3940) n’évoquent la nécessité de restreindre la possibilité d’agir en tant que mandataire ad litem aux seuls réviseurs d’entreprises personnes physiques. La profession de réviseur d’entreprises étant par ailleurs une profession réglementée, il y a dès lors lieu d’admettre que le législateur, en se référant aux réviseurs d’entreprises dûment autorisés à exercer leur profession, a nécessairement entendu se référer aux réviseurs d'entreprises au sens de l'article 1er de la loi précitée du 28 juin 1984.

Dans la mesure où la loi précitée du 28 juin 1984, loin de réserver la possibilité de revêtir la qualité de réviseur d’entreprises aux seules personnes physiques, l’envisage également et expressément dans le chef de personnes morales dans son article 3 (2), la notion de réviseur d’entreprises consacrée à l’article 2 de la loi précitée du 10 août 1991, en l’absence d’une quelconque autre précision tendant à réduire cette notion aux seuls réviseurs d’entreprises personnes physiques, doit dès lors s’entendre comme englobant également les personnes morales agréées en tant que réviseurs d’entreprises, sous peine de rajouter à la loi une restriction non prévue en tant que telle (trib. adm. 8 mai 2000, GTA s.à r.l., n° 11431 du rôle, non encore publié).

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le législateur luxembourgeois a prévu la possibilité pour un réviseur d’entreprises, personne morale, dûment autorisé à exercer sa profession, de représenter un justiciable devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes.

C’est partant à tort que le délégué du gouvernement entend voir déclarer le recours irrecevable dans la mesure où le mandataire de Monsieur DELLOYE constitue une personne morale ayant la qualification professionnelle de réviseur d’entreprises dûment agréée par le ministre de la Justice.

Il échet ensuite d’analyser si la requête introductive d’instance, introduite au nom et pour compte d’un contribuable par une personne morale ayant été agréée préalablement en tant que réviseur d’entreprises par le ministre de la Justice, peut être signée par un représentant de celle-ci, ne possédant ni la qualification professionnelle d’expert-comptable ni celle de réviseur d’entreprises et si cette personne morale peut se faire représenter, au cours des plaidoiries, par 4 l’un de ses organes ne disposant pas de l’une des deux qualifications professionnelles mentionnées ci-avant.

En l’espèce, il est constant en cause que Monsieur Y. ne dispose ni de la qualification professionnelle d’expert-comptable ni de celle de réviseur d’entreprises. Il est encore constant qu’il a signé les deux requêtes introductives d’instance sous examen et qu’il a représenté la société civile X. au cours des plaidoiries.

Lors de la rupture du délibéré ordonnée par le tribunal administratif, les parties ont été invitées à lui remettre une copie de l’agrément par lequel la société civile X. a été reconnue en tant que réviseur d’entreprises au sens de la loi précitée du 28 juin 1984.

Il ressort de l’agrément versé au greffe du tribunal qu’en date du 9 août 1996 le ministre de la Justice a autorisé la société civile X. à exercer la profession de réviseur d’entreprises. L’article 2 du même arrêté ministériel dispose que “ seuls le ou les administrateurs ou gérants qui sont des personnes physiques titulaires de l’agrément ministériel pour exercer au Luxembourg la profession de réviseur d’entreprises, sont autorisés à effectuer le contrôle légal des comptes et engager la société ”.

Dans la mesure où Monsieur Y. n’est ni administrateur ni gérant de la société civile X.

et qu’il ne dispose par ailleurs pas de la qualification de réviseur d’entreprises, il n’a pas pu engager la société civile X. ni à l’occasion de la signature des requêtes introductives d’instance sous examen ni la représenter au cours des plaidoiries devant le tribunal administratif.

Les requêtes introductives d’instance, dans la mesure où elles ne sont pas signées par un réviseur d’entreprises, agissant en sa qualité d’administrateur ou de gérant de la société civile X., qui en tant que telle, est agréée pour exercer la profession de réviseur d’entreprises, est à déclarer irrecevable.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours introduits sous les numéros 11481 et 11482 du rôle pour y statuer par un seul et même jugement ;

déclare les recours irrecevables ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge 5 et lu à l’audience publique du 27 septembre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s11481,11482
Date de la décision : 27/09/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-09-27;s11481.11482 ?

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