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27/09/2000 | LUXEMBOURG | N°11532

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2000, 11532


N°11532 du rôle Inscrit le 9 septembre 1999 Audience publique du 27 septembre 2000

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Recours formé par Monsieur … COSIJNS contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 septembre 1999 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

eur … COSIJNS, employé de banque, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’an...

N°11532 du rôle Inscrit le 9 septembre 1999 Audience publique du 27 septembre 2000

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Recours formé par Monsieur … COSIJNS contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 septembre 1999 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … COSIJNS, employé de banque, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 4 août 1999, lui refusant l’autorisation d’installer une ligne électrique à basse tension sur un fond inscrit au cadastre de la commune de …, section D de …, pour raccorder le « chalet » du demandeur au réseau électrique ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2000;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2000 par Maître Henri FRANK, au nom de Monsieur COSIJNS;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mars 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Henri FRANK et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … COSIJNS, employé de banque, demeurant à L-…, est propriétaire, depuis août 1998, d’un labour de 3,60 ares comprenant un « chalet », inscrit au cadastre de la commune de …, section C de…, sous le numéro 605/2645, au lieu-dit «…», situé en zone verte.

Par lettre du 13 janvier 1999, la société anonyme CEGEDEL S.A., établie et ayant son siège social à L-1445 Strassen, 2, rue Thomas Edison, informa Monsieur COSIJNS, suite à une demande formulée par celui-ci, que son « chalet » sis au lieu-dit « …» pourrait être raccordé par un câble basse tension souterrain au réseau électrique existant. Il y fut encore précisé que l’offre de CEGEDEL S.A., en vue de la réalisation de ces travaux, serait subordonnée à l’accord du ministre de l’Environnement.

Suite à la demande de Monsieur COSIJNS du 31 mars 1999 aux fins de voir autoriser l’installation de la prédite ligne électrique, le ministre de l’Environnement, par décision du 4 août 1999, refusa de faire droit à cette demande aux motifs que « bien que le raccordement souterrain ne comporterait pas de nuisances pour l’environnement naturel, il y a lieu de considérer que la pose d’une ligne électrique n’est pas une fin en soi, mais qu’elle constitue nécessairement un accessoire par rapport à l’objet à alimenter en énergie. En ce qui concerne l’objet, il s’agit en l’occurrence d’un chalet sis en zone verte, au sens de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Or, dans l’esprit de cette même loi, il n’y a pas lieu de favoriser l’habitation en dehors des zones spécialement désignées à cet effet sur des plans d’aménagement communaux, en dotant les constructions du type chalet ou autres d’un standard de confort dont la finalité escomptée est contraire à la loi ».

Par requête déposée le 9 septembre 1999, Monsieur COSIJNS a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 4 août 1999.

Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner le moyen de « forclusion » du mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 2 mars 2000, soulevé par le délégué du gouvernement dans une lettre du 15 mars 2000.

Dans ce contexte, le délégué du gouvernement fait valoir que, comme le délai pour l’introduction d’un mémoire en réplique est d’un mois et comme le mémoire en réponse du gouvernement a été déposé le 18 janvier 2000, la réplique du demandeur déposée le 2 mars 2000, serait à écarter des débats.

Le mandataire du demandeur n’a pas pris position quant à ce moyen.

S’il est vrai qu’en l’espèce le recours a été introduit avant l’entrée en vigueur, le 16 septembre 1999, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, cette loi est néanmoins applicable aux actes de procédure introduits après l’écoulement d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999. Cette loi s’applique partant non seulement au mémoire en réponse déposé par la partie défenderesse, mais également à tous les actes d’instruction subséquents, dont le mémoire en réplique en cause.

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

2 (6) Les délais prévus aux paragraphes (1) et (5) sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal administratif conformément à l’article 5, paragraphe (7) ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question du dépôt des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Dans la mesure où, d’une part, le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal en date du 18 janvier 2000 et que ce dépôt a été porté à la connaissance du demandeur par la voie du greffe en date du 19 janvier 2000, le dépôt et la communication du mémoire en réplique du demandeur auraient dû intervenir pour le 19 février 2000 au plus tard. Or, il convient de constater que le dépôt du mémoire en réplique n’est intervenu qu’en date du 2 mars 2000, donc en dehors du prédit délai. Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats. Le même sort est à réserver au mémoire en duplique subséquent, déposé par le délégué du gouvernement en date du 15 mars 2000.

Conformément à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

L’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles prévoyant un recours en réformation contre toutes les décisions prises par le ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, actuellement le ministre de l’Environnement, en vertu de la loi en question, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Il suit de ce qui précède que la demande en annulation de la décision critiquée, introduite en ordre subsidiaire, est d’ores et déjà à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision de refus se référerait « globalement » à la loi précitée du 11 août 1982, sans préciser sur quelles dispositions de la prédite loi le refus serait fondé, de sorte que la décision querellée devrait être réformée sinon annulée pour manquer de « fondement légal ».

Il estime encore que même si le ministre de l’Environnement ne devait pas favoriser l’habitation en dehors des zones spécialement désignées à cet effet par les plans d’aménagement des communes, néanmoins, en l’espèce, il s’agirait d’une habitation qui aurait déjà existé avant l’entrée en vigueur de la loi précitée de 11 août 1982 et qu’elle aurait bénéficié d’une autorisation qui aurait été accordée sur le fondement de l’ancienne législation applicable, de sorte qu’elle aurait une existence légale.

Il relève finalement que le ministre de l’Environnement a précisé dans la décision critiquée que le raccordement souterrain ne comporterait pas de nuisance pour l’environnement naturel, de sorte que la décision « manque purement et simplement de fondement légal et de justification concrète ».

Concernant le reproche d’une motivation incomplète de la décision ministérielle critiquée, le délégué du gouvernement fait valoir que le défaut d’indication de la base légale n’encourait pas la sanction de l’annulation, étant donné que la motivation pourrait être complétée en cours d’instance et que le demandeur aurait par ailleurs valablement pu rattacher la décision à la législation applicable au cas d’espèce. Il précise à ce titre que la décision ministérielle serait fondée sur l’article 3 de la loi précitée du 11 août 1982.

Il relève ensuite que le ministre de l’Environnement aurait été saisi d’une demande de raccordement à l’électricité d’un mobilhome situé actuellement en zone verte. Il estime que ce mobilhome n’est destiné ni à l’habitation ni à un séjour prolongé, mais que l’installation de l’électricité, à savoir d’un standard de confort, favoriserait l’habitation et le séjour prolongé de personnes « avec tous les risques et dangers pour l’environnement que cela comporte ». Il en conclut que la décision querellée serait intervenue pour de justes motifs et dans le seul souci de préserver l’environnement.

Concernant la motivation insuffisante sinon le défaut de motivation de la décision du 4 août 1999, il y a lieu de retenir que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes dispose que:

« toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle: … – refuse de faire droit à la demande de l’intéressé, … ».

Le demandeur reproche plus particulièrement à la décision incriminée de ne pas indiquer la disposition précise du texte légal invoqué à l’appui du refus.

Le défaut d’indiquer dans la décision litigieuse la disposition précise du texte légal qui constitue son fondement n’encourt pas de sanction, dès lors que les raisons fournies sont suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration.

En l’espèce, le ministre s’est référé au texte de loi applicable en la matière et les faits décrits dans la décision critiquée sont présentés d’une manière suffisamment précise de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre quant à la disposition légale exacte sur laquelle elle est fondée. Le délégué du gouvernement a par ailleurs utilement complété les motifs lors du dépôt de son mémoire en réponse, de sorte que ce moyen est à rejeter.

Il est constant en cause que le « chalet » du demandeur, situé sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de …, section C de …, sous le numéro 605/2645, au lieu-dit « …», est actuellement situé en zone verte. Il ressort d’une autorisation délivrée en date du 11 janvier 1982 par le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et des Eaux et Forêts, ministre compétent à l’époque en la matière, que le « chalet » actuellement en cause a fait l’objet d’une autorisation en vertu de l’article 1er – 4., alinéa 4 de la loi du 27 juillet 1978 concernant la protection de l’environnement naturel et comprenant la loi du 29 juillet 1965 concernant la conservation de la nature et des ressources naturelles, telle qu’elle a été modifiée par la loi du 27 juillet 1978. Cet article réglementait le stationnement des roulottes, caravanes et mobilhomes. Il y a lieu de relever dans ce contexte que la prédite autorisation du 11 janvier 1982 retenait qu’il s’agissait « de maintenir en place votre mobilhome à …, sur un fonds sis au lieu-dit « … ».

Par lettre du 31 mars 1999, le demandeur sollicita de la part du ministre de l’Environnement l’autorisation exigée par la loi précitée du 11 août 1982 en vue de la pose d’un câble souterrain permettant de raccorder son « chalet » au réseau électrique de la société CEGEDEL S.A.. Partant, le tribunal administratif est exclusivement saisi d’un litige portant sur l’installation d’une ligne électrique, qui a été refusée par la décision ministérielle déférée au tribunal.

Au voeu de l’article 3 de la loi précitée du 11 août 1982, les conduites d’énergie à installer en zone verte sont soumises à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts ainsi que du ministre ayant dans ses attributions l’administration de l’Environnement. Comme à l’heure actuelle le ministre de l’Environnement a dans ses attributions les deux administrations en question, il est dès lors compétent en la matière en vue de la délivrance de l’autorisation légalement requise.

Dans le cadre des compétences qui sont ainsi dévolues au ministre de l’Environnement, celui-ci devra tenir compte des objectifs tels que fixés par la loi précitée du 11 août 1982.

Conformément à l’article 1er de cette loi, il devra avoir pour objectif « la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, la protection de la flore et de la faune et de leurs biotopes, le maintien et l’amélioration des équilibres biologiques, la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations et l’amélioration des structures de l’environnement naturel ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 36 de la même loi « les autorisations requises .. sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s’ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général, ou lorsqu’ils sont contraires à l’objectif général de la présente loi tel qu’il est défini à l’article 1er ».

En l’espèce, ni le ministre de l’Environnement, ni le délégué du gouvernement n’indiquent en quoi la pose d’une conduite souterraine servant à l’installation d’une ligne électrique afin de raccorder le « chalet » du demandeur au réseau électrique exploité par la société CEGEDEL S.A. contreviendrait aux articles 1er et 36 précités. Au contraire, il ressort de la décision ministérielle de refus que « le raccordement souterrain ne comporterait pas de nuisances pour l’environnement naturel ».

La pose d’une ligne électrique ne pouvant jamais être une fin en soi, en ce qu’elle constitue nécessairement un accessoire par rapport à l’objet à alimenter en énergie, il y a encore lieu de prendre en considération l’existence légale de cet objet dans la mesure et dans la limite de la compétence d’attribution du ministre de l’Environnement.

En l’espèce, comme il a été retenu ci-avant, le ministre de l’époque avait accordé l’autorisation de maintenir en place un mobilhome. La loi précitée du 27 juillet 1978 a défini les roulottes, caravanes et mobilhomes comme « véhicule ou partie de véhicule … », de sorte qu’un mobilhome ne peut être considéré comme constituant une structure fixe, rattachée au sol comme cela est le cas pour un chalet. Force est dès lors de constater qu’aucune autorisation pour alimenter un chalet en électricité ne saurait être accordée en l’espèce, alors qu’un tel chalet n’a jamais fait l’objet d’une autorisation de construire. On ne saurait par ailleurs permettre la pose d’une ligne électrique pour raccorder un mobilhome au réseau électrique, étant donné qu’un tel mobilhome doit par essence rester une structure mobile, susceptible d’être déplacée à tout moment. Dans cette optique et dans la mesure où une ligne électrique ne constitue nécessairement qu’un accessoire par rapport à l’objet à alimenter en énergie, il est inconcevable d’accorder une telle autorisation à un objet qui, par définition, n’est pas fixe.

Il s’ensuit que le refus ministériel est légalement justifié sur base des articles 3 et 36 de la loi précitée du 11 août 1982 et le recours est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, écarte des débats les mémoires en réplique et en duplique, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le dit non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 septembre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11532
Date de la décision : 27/09/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-09-27;11532 ?

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