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25/09/2000 | LUXEMBOURG | N°11835

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2000, 11835


N° 11835 du rôle Inscrit le 15 février 2000 Audience publique du 25 septembre 2000

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Recours formé par Madame … LENZKE, épouse …, … contre une décision de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’accès à la fonction publique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11835 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2000 p

ar Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

N° 11835 du rôle Inscrit le 15 février 2000 Audience publique du 25 septembre 2000

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Recours formé par Madame … LENZKE, épouse …, … contre une décision de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’accès à la fonction publique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11835 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2000 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LENZKE, épouse …, employée de l’Etat, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative datée du 1er octobre 1999 portant rejet de sa demande en nomination de fonctionnaire de l’Etat avec effet rétroactif à la date du 15 septembre 1984, jour de sa première prestation pour compte de l’Etat, sinon de celle de l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 1999 concernant l’accès des ressortissants communautaires à la fonction publique luxembourgeoise, sinon à la date de sa demande du 12 août 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 mai 2000 par Maître Albert RODESCH, pour compte de Madame … LENZKE ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Albert RODESCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2000.

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Considérant que Madame … LENZKE, épouse …, née le … à… , a effectué avec succès ses études primaires, secondaires et universitaires à Cologne où elle a décroché son premier examen d’Etat (“ Erste Philologische Staatsprüfung für das Lehramt am Gymnasium ”) en 1980 ;

Qu’après avoir effectué avec succès son stage pédagogique et avoir réussi son examen de fin de stage (“ Zweite Staatsprüfung für das Lehramt am Gymnasium ”) elle a enseigné comme “ Assessorin des Lehramts ” du 21 février 1984 au 19 juin 1984 auprès du “ Marie-

Curie-Gymnasium ” à Neuss en Allemagne;

Qu’ayant contracté mariage avec un ressortissant luxembourgeois, elle s’est installée avec lui en septembre 1984 à … où elle a revêtu depuis la rentrée scolaire 1984 une tâche de chargée de cours auprès du Lycée Technique d’… ;

Que par courrier du 14 juillet 1999, le directeur de l’administration du personnel d’Etat a informé Madame … LENZKE que pareillement à tous les employés ressortissants communautaires non luxembourgeois au service de l’Etat à ce moment, elle s’était vu reconnaître par décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 8 juin 1999 la qualité d’employée de l’Etat avec effet à partir du 1er juillet 1999, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 1999 concernant l’accès de ressortissants communautaires à la fonction publique luxembourgeoise ;

Que par courrier de son mandataire daté du 12 août 1999, Madame LENZKE, par référence aux dispositions du Traité de Rome et des directives qui s’en sont suivies, a réclamé l’application dans son chef du statut de fonctionnaire de l’Etat, principalement avec effet rétroactif à la date de ses premières prestations pour compte de l’Etat luxembourgeois à la rentrée scolaire 1984/1985, sinon subsidiairement à la date de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 17 mai 1999, sinon encore plus subsidiairement à la date de sa demande du 12 août 1999 ;

Que par décision portant la date estampillée du 1er octobre 1999, la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, sous la signature de Monsieur Joseph SCHAACK, secrétaire d’Etat, a pris position comme suit :

“ Maître, Me référant à votre courrier du 12 août 1999, j’ai l’honneur de vous faire tenir ci-

joint ma prise de position relative à la situation de carrière de Madame … …- LENZKE, chargée de cours de nationalité allemande, employée actuellement au Lycée technique d’….

Il est vrai que par décision de Monsieur le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 8 juin 1999 le statut d’employé de l’Etat a été conféré à tous les employés ressortissants d’un Etat membre de la communauté qui se trouvaient au service de l’Etat à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 1999 concernant l’accès des ressortissants de la communauté à la fonction publique luxembourgeoise.

Cette décision était tant basée sur la jurisprudence du Comité du Contentieux que sur un avis du Conseil d’Etat rendu à propos de la loi budgétaire de l’année 1997 dans lequel la Haute Corporation critiquait comme contraire à l’article 48 du traité CE relatif à la libre circulation des travailleurs une disposition par laquelle le Gouvernement entendait opérer une distinction entre les employés privés au service de l’Etat et les employés engagés sous le 2 statut de l’employé de l’Etat proprement dit. Il n’en demeure pas moins, et la décision ministérielle en question le confirme, que l’accès au fonctionnariat est subordonné pour les employés concernés aux mêmes conditions que celles qui sont exigées pour les autres candidats-fonctionnaires.

Il en résulte dans le cas précis de Madame …-LENZKE, que celle-ci doit satisfaire aux conditions d’homologation de son diplôme, d’examen-concours, de stage pédagogique et de langues prévues pour les professeurs de l’enseignement postprimaire entre autres par la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, la loi modifiée du 10 juin 1980 portant planification des besoins en personnel enseignant de l’enseignement postprimaire et la loi du 21 mai 1999 concernant la fonction de candidat dans les carrières enseignantes de l’enseignement ainsi que par le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire.

Etant donné qu’il ressort de son dossier que la requérante ne remplit pas ces conditions pour le moment, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à sa demande. Je tiens cependant à préciser que Madame …-LENZKE peut toujours, en vue d’une candidature éventuelle, s’adresser au Ministère de l’Education Nationale, de la Formation Professionnelle et des Sports afin de se voir fixée sur les conditions exactes requises pour l’admission au stage pédagogique de l’enseignement postprimaire. Il est cependant entendu que l’admission à ce stage et son accomplissement ne peuvent avoir qu’un effet pour l’avenir.

Je vous informe que votre mandante dispose d’un recours contre ma décision à intervenir qui est à exercer par ministère d’un avocat inscrit à la liste I du tableau des avocats dans un délai de trois mois devant le Tribunal administratif.

Je vous prie d’agréer, … ” ;

Considérant que c’est contre cette décision ministérielle que Madame … LENZKE a fait déposer en date du 15 février 2000 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Considérant qu’aucune disposition légale, ni plus particulièrement l’article 4 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désigné ci-après par le “ statut général ”, invoqué plus particulièrement par la partie demanderesse dans son mémoire en réplique, ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière de revendication du statut de fonctionnaire de l’Etat, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que l’Etat conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en annulation pour raison de tardiveté ;

Considérant que dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse indique avoir reçu la décision critiquée “ à une date indéterminée endéans le délai de trois mois pour exercer le présent recours ” ;

3 Considérant que l’Etat ne trouve guère convaincante cette affirmation et en demande le rejet, alors que selon lui il ne serait pas concevable d’admettre que la poste mette plus de six semaines pour acheminer une simple lettre à l’intérieur du Grand-Duché ;

Qu’à titre subsidiaire, dans la mesure où la décision critiquée a été envoyée au mandataire de la demanderesse, le délégué du Gouvernement demande formellement la production par ce dernier d’un extrait du registre de son étude relatif au courrier entré et sorti relatant la date d’entrée de la lettre querellée à l’étude en question ;

Considérant que tout en affirmant ne pas disposer de relevé d’entrée des courriers, le mandataire de la demanderesse estime que la charge de la preuve de la notification de la décision en question incombe à l’administration ;

Considérant que la décision critiquée porte la date du 1er octobre 1999 suivant estampille apposée ;

Considérant qu’en règle générale aucune disposition légale ne prévoit un mode de notification déterminé concernant les décisions administratives individuelles ;

Que dès lors l’administration n’est pas tenue de notifier ses décisions soit par ministère d’huissier ou par agent assermenté, ni par pli recommandé avec ou sans avis de réception ;

Considérant que toutefois la charge de la preuve de la notification, tout comme celle de la date de la réception de la décision en question par le destinataire incombe à l’administration dont elle émane ;

Considérant que la notification par simple lettre missive ne permet pas à l’administration de se ménager une preuve quelconque de l’envoi et de la réception de la décision par le destinataire (cf. C.E. 6 juillet 1988, Steffes, n° 8017 du rôle, trib. adm. 10 mai 1999, Neves-Vezo, n° 10990 du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Procédure contentieuse, n° 50, p.

280) ;

Que plus particulièrement la date estampillée sur une simple lettre missive n’établit pas quelle a été la date de sa mise à la poste, et par conséquent celle de sa réception par le destinataire, de sorte qu’aucune discussion ne saurait par ailleurs être admise concernant le caractère expéditif du service postal en la matière ;

Considérant que dans la mesure où l’administration n’a en l’espèce établi ni la date de notification, ni celle de la réception de la décision critiquée par sa destinataire, le moyen de tardiveté soulevé par l’Etat est à écarter ;

Considérant que le recours ayant par ailleurs été formé suivant les dispositions de la loi, il est recevable ;

Considérant qu’au fond la demanderesse invoque l’application des principes dégagés par le droit communautaire en ce qui concerne la libre circulation des personnes et notamment le principe de reconnaissance mutuelle des diplômes suivant lesquels la ministre aurait dû tenir compte des compétences, connaissances, qualifications et expériences acquises par la demanderesse dans un autre Etat membre pour faire une juste appréciation de sa situation et 4 retenir que l’intéressée suffisait aux deux conditions de concours et de durée de stage remplies en Allemagne ;

Que dans la mesure où à travers la reconnaissance de la qualité d’employée de l’Etat, la connaissance des trois langues officielles avait été admise dans son chef, ces conditions ne sauraient plus être exigées pour l’accès à la fonction publique ;

Que dès lors cet accès aurait dû lui être accordé ;

Considérant que le délégué du Gouvernement fait valoir dans son mémoire en réponse que l’attribution de la qualité d’employé de l’Etat à Madame LENZKE, avec tous les employés ressortissants communautaires au service de l’Etat à la date de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 17 mai 1999 ne signifiait cependant pas qu’un accès automatique au fonctionnariat était ainsi ouvert aux employés de l’Etat en question, lesquels resteraient soumis aux mêmes conditions que celles qui sont exigées pour tous les autres candidats fonctionnaires, fussent-ils employés de l’Etat ou non ;

Que plus précisément Madame LENZKE devrait satisfaire aux conditions d’homologation de son diplôme, d’examen-concours, de stage pédagogique et de langues prévues pour les professions de l’enseignement postprimaire notamment par la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, la loi modifiée du 10 juin 1980 portant planification des besoins en personnel enseignant de l’enseignement postprimaire et la loi du 21 mai 1999 concernant la fonction de candidat dans les carrières enseignantes de l’enseignement ainsi que par le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 concernant la formation théorique et pratique, ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire ;

Que dans la mesure où la demanderesse ne remplissait pas ces conditions au moment où elle était amenée à statuer, la ministre n’aurait pas pu réserver une suite favorable à sa demande ;

Qu’en toute occurrence la demanderesse ne satisferait pas non plus aux conditions de langues prévues par l’article 2, paragraphe 1er, point f) du statut général ;

Qu’il resterait toujours loisible à Madame LENZKE de s’adresser aux instances compétentes en vue de son admission au stage pédagogique, par observation des conditions d’accès y afférentes, pareille admission ne pouvant avoir qu’un effet ex nunc ;

Considérant que dans son mémoire en réplique Madame LENZKE affirme encore satisfaire à toutes les conditions requises pour obtenir le statut de fonctionnaire de l’Etat ;

Qu’en premier lieu elle insiste être détentrice des diplômes requis obtenus en Allemagne, abstraction faite de toute question d’homologation ;

Qu’en date du 13 septembre 2000 elle fait déposer au greffe une copie de l’arrêté du 1er septembre 2000 pris par la ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche suivant lequel son “ Zeugnis über die zweite Staatsprüfung für das Lehramt am Gymnasium (Erdkunde und Mathematik) ” lui décerné en date du 18 janvier 1984 est homologué pour le Grand-Duché de Luxembourg ;

5 Qu’en second lieu elle répète avoir suivi sa formation, obtenu l’examen-concours et effectué son stage pédagogique en Allemagne, de sorte que par application du principe communautaire de reconnaissance mutuelle elle remplirait les conditions afférentes pour le Grand-Duché de Luxembourg sous peine d’être soumise à des discriminations prohibées suivant l’article 6 du Traité CE, devenu l’article 12 ;

Qu’elle réaffirme que la condition de la connaissance des trois langues officielles lui serait inopposable du fait de la position prise par l’administration lors de l’attribution de la qualité d’employée de l’Etat ;

Qu’en ordre subsidiaire pour le cas où l’attribution du statut de fonctionnaire de l’Etat ne devrait pas lui être accordée de plano, la partie demanderesse propose une question préjudicielle à poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes libellée comme suit :

“ Le refus par un Etat membre d’accorder le statut de fonctionnaire de l’Etat à un ressortissant communautaire au motif qu’il ne satisfait pas aux conditions requises, sans prendre en compte les compétences, connaissances, qualifications et expériences acquises par le ressortissant dans un autre Etat membre de la Communauté Européenne est-il de nature à constituer une discrimination en raison de la nationalité prohibée par le Traité instituant la Communauté Européenne ? ” ;

Considérant qu’il est constant que Madame … LENZKE a assumé une tâche de chargée de cours à partir du 15 septembre 1984 et qu’avec effet au 1er juillet 1999 elle s’est vu attribuer la qualité d’employée de l’Etat ;

Considérant que ni à travers sa demande versée au dossier du 12 août 1999, ni par la suite, elle n’a demandé une prise d’effet différente de la qualité d’employée de l’Etat dans son chef ;

Considérant que ladite demande à la base de la décision actuellement critiquée tend uniquement à lui voir accorder l’accès au statut de fonctionnaire de l’Etat principalement avec effet rétroactif à la date de sa première prestation pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sinon subsidiairement avec effet à la date d’entrée en vigueur de la loi visée du 17 mai 1999, sinon encore à celle de sa prédite demande du 12 août 1999 ;

Considérant que répondant aux dispositions de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, la qualité d’employée de l’Etat acquise par Madame LENZKE s’analyse en un statut propre, s’inspirant à la fois du régime légal des employés privés et de celui des fonctionnaires de l’Etat, en ce sens que l’engagement est régi par contrat entre l’Etat et les intéressés, mais que ces derniers bénéficient sous des conditions nettement déterminées de certains attributs réservés aux fonctionnaires de l’Etat (trib. adm. 23 décembre 1997, Maillet-Heisbourg, n° 9938 du rôle, confirmé par Cour adm. 14 juillet 1998, n° 10528C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Fonction publique, n° 120, p. 163 et autres décisions y citées) ;

Considérant que même si d’une manière limitée l’employé de l’Etat bénéficie de certains attributs du fonctionnaire de l’Etat, il n’en reste pas moins qu’une différence fondamentale subsiste entre la qualité d’employé de l’Etat et le statut de fonctionnaire de 6 l’Etat, de sorte que l’admission à la dite qualité ne saurait automatiquement ouvrir l’accès au statut du fonctionnaire de l’Etat ;

Considérant que cette conclusion s’impose d’autant plus pour les fonctionnaires de l’Etat dont l’admission suit un examen-concours comportant des postes contingentés, tels les professeurs de l’enseignement postprimaire pour lesquels un nombre limité de postes est légalement prévu par année suivant la matière enseignée ;

Considérant qu’en raison de la différence fondamentale entre la qualité d’employé de l’Etat et le statut de fonctionnaire de l’Etat, la position prise par l’administration concernant l’admission à la qualité d’employé de l’Etat ne saurait encore préjudicier quant aux conditions fixées par la loi au regard de l’admission au statut de fonctionnaire de l’Etat concernant notamment la connaissance adéquate de trois langues administratives telles que définies par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, telle qu’exigée entre autres par l’article 2.1 f) du statut général ;

Que plus particulièrement le tribunal n’est saisi ni de la régularité, ni de l’opportunité de la décision prise par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 8 juin 1999 dans le chef de Madame LENZKE concernant son accession à la qualité d’employée de l’Etat notamment en ce qui concerne la connaissance adéquate des trois langues administratives du pays et au-delà de la prise d’effet dans le temps de ladite qualité ;

Considérant que la condition inscrite à l’article 2.1.f) dudit statut général suivant laquelle le candidat à l’accès à la fonction publique doit “ avoir fait preuve, avant l’admission au stage, d’une connaissance adéquate des trois langues administratives telles que définies par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues ” constitue un préalable indispensable conditionnant par ailleurs le contenu du stage, notamment en matière d’enseignement ;

Que cette condition s’applique indistinctement à tous les candidats à l’accès à la fonction publique, fussent-ils nationaux ou communautaires non nationaux ;

Considérant que suivant les données fournies au dossier, pour le moins la demanderesse n’a point établi suffire aux exigences légales de connaissance adéquate des trois langues administratives en question, au moment où la ministre a statué, de sorte qu’elle n’a pas fait preuve qu’elle remplissait les exigences y posées entraînant que l’une des conditions indispensables à l’accès à la fonction publique laissaient en toute occurrence d’être remplies ;

Considérant que dans un ordre subsidiaire d’idées pour le cas où un accès de plano à la fonction publique luxembourgeoise n’était pas accordé eu égard à ses qualifications et expériences acquises en Allemagne, Madame LENZKE a proposé la question préjudicielle ci-

avant relatée à poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes sur le caractère éventuellement discriminatoire des conditions posées à l’accès à la fonction publique dans son chef en tant que ressortissante communautaire non nationale ayant fait sa scolarité et acquis ses premières expériences professionnelles dans un autre Etat membre de l’Union Européenne ;

Considérant que dans son arrêt du 2 juillet 1996 (Commission c/ Grand-Duché de Luxembourg) la Cour de Justice des Communautés Européennes a retenu entre autres sous son point 35 que “ .. si la sauvegarde de l’identité nationale des Etats membres constitue un but légitime respecté par l’ordre juridique communautaire (ainsi que le reconnaît d’ailleurs 7 l’article F, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne), l’intérêt invoqué par le Grand-

Duché peut toutefois, même dans des secteurs particulièrement sensibles comme l’enseignement, être utilement préservé par d’autres moyens que l’exclusion, à titre général, des ressortissants des autres Etats membres. A cet égard, il convient de relever, ainsi que le souligne M. l’avocat général aux points 132 à 141 de ses conclusions, que les ressortissants des autres Etats membres doivent, tout comme les ressortissants nationaux, remplir toutes les conditions exigées pour le recrutement, notamment celles tenant à la formation, à l’expérience et aux connaissances linguistiques ” ;

Considérant que dans la mesure où la condition posée par l’article 2.1. f) du statut général prérelaté vise à la fois les trois langues administratives du Grand-Duché de Luxembourg et celles pratiquées en ordre principal dans le cadre de l’enseignement tant primaire que postprimaire luxembourgeois, la condition ainsi posée par ledit article relevant d’un intérêt légitime respecté par l’ordre juridique communautaire et reconnu comme tel par la Cour de Justice des Communautés Européennes, tout en correspondant aux réalités intrinséques du pays légalement ancrées, ne contrevient dès lors point aux dispositions de l’article 48 du traité CE, devenu l’article 39, consacrant la libre circulation des travailleurs communautaires, comme par ailleurs l’accès à la fonction publique est rendu possible à la demanderesse conformément audit traité ainsi qu’à la jurisprudence communautaire ensemble les dispositions de législation nationale résultant notamment de la loi précitée du 17 mai 1999, sous les conditions y énoncées, s’agissant notamment du secteur de l’enseignement ;

Considérant qu’étant dès lors constant que Madame LENZKE bénéficie de la possibilité d’accès à la fonction publique luxembourgeoise sous le respect des conditions plus particulièrement posées par le droit pertinent applicable, dont celle des connaissances linguistiques y légalement incluses, par ailleurs identique pour tous les candidats à la fonction publique, nationaux ou communautaires non nationaux, aucune discrimination en raison de sa nationalité, prohibée par le traité CE, n’a pu être dégagée des éléments du dossier tels que soumis au tribunal, entraînant qu’il n’y a pas lieu à poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle suggérée par le partie demanderesse ;

Considérant qu’étant donné qu’à la date où la décision critiquée a été prise, Madame LENZKE n’a pas de façon préalable, avant l’admission à tout stage, justifié suffire d’une connaissance adéquate des trois langues administratives telle qu’exigée par l’article 2.1 f) du statut général, la décision de refus d’accès à la fonction publique est justifiée en toute occurrence par ce seul motif ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé, sans qu’il ne faille analyser plus loin les autres arguments proposés par Madame LENZKE ;

Considérant que la demanderesse a encore requis l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 50.000.- francs ;

Considérant qu’eu égard à l’issue du recours, cette demande est à abjuger ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

8 se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 septembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11835
Date de la décision : 25/09/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-09-25;11835 ?

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