La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2000 | LUXEMBOURG | N°11569

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 septembre 2000, 11569


N° 11569 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 20 septembre 2000

==============================

Recours formé par Monsieur … THOMINE DESMAZURES et son épouse, Madame … contre des décisions de la commune de … en matière d’inscription au registre de la population

-----------------------------------------------------------------------------------

-

Vu la requête inscrite sous le numéro 11569 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 1999 par Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … THOMINE DESMAZURES, employé privé, ...

N° 11569 du rôle Inscrit le 6 octobre 1999 Audience publique du 20 septembre 2000

==============================

Recours formé par Monsieur … THOMINE DESMAZURES et son épouse, Madame … contre des décisions de la commune de … en matière d’inscription au registre de la population

-----------------------------------------------------------------------------------

-

Vu la requête inscrite sous le numéro 11569 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 1999 par Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … THOMINE DESMAZURES, employé privé, et de son épouse, Madame …, sans état particulier, déclarant demeurer ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation, d’une part, d’une “ décision non datée du conseil communal et du collège échevinal de la commune de … ”, et, d’autre part, d’une décision du bourgmestre de la commune de … du 8 mars 1999, ayant toutes les deux refusé d’inscrire au registre de la population de la commune de … les nouveaux propriétaires d’une maison d’habitation sise à … et leur ayant appartenu ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 7 octobre 1999, portant signification de ce recours à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2000 par Maître Claude SCHMARTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 4 janvier 2000, portant signification de ce mémoire en réponse aux époux THOMINE DESMAZURES-… ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2000 par Maître Patrick GOERGEN au nom des époux THOMINE DESMAZURES-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 3 février 2000 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2000 par Maître Claude SCHMARTZ pour compte de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, préqualifié, du 23 février 2000 portant signification de ce mémoire en duplique aux époux THOMINE DESMAZURES-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée du bourgmestre de la commune de … du 8 mars 1999 ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Patrick GOERGEN et Claude SCHMARTZ en leurs plaidoiries respectives.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Monsieur … THOMINE DESMAZURES, employé privé, et son épouse, Madame …, sans état particulier, déclarant demeurer ensemble à L-…, sont propriétaires d’une maison d’habitation sise à …, commune de …, sur un terrain inscrit au cadastre de l’ancienne commune de …, section C de …, au lieu-dit “… ”, sous le numéro …, érigée en vertu d’un permis de construire délivré par le bourgmestre de la commune de … en date du 30 janvier 1974 au propriétaire antérieur de ladite construction, qu’ils déclarent habiter depuis 1986. Ledit permis de construire fut délivré à la suite d’une autorisation émise en date du 19 décembre 1973 par le secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur.

Suivant compromis de vente du 10 août 1997, la prédite maison d’habitation a été vendue à Monsieur … ainsi qu’à son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-….

Dans sa lettre adressée en date du 12 août 1997 au bourgmestre de la commune de …, Monsieur THOMINE DESMAZURES s’étonna de ce que les acquéreurs de sa maison d’habitation précitée aient été informés par l’administration communale de … “ que le conseil communal aurait pris la décision il y a deux ans de ne plus accorder la possibilité de s’établir au titre de résidence principale dans [sa] maison ” sans qu’il en aurait été informé au préalable. Dans cette lettre, il rappelle avoir habité ladite maison depuis 1986 ensemble avec sa famille en insistant sur le fait que cette maison ne pourrait être comparée à des “ cabanes en bois ” ou des “ caravanes ”, alors qu’il s’agirait d’une maison “ construite en dur de manière traditionnelle ” disposant d’un “ salon/salle à manger de 42m2, 4 chambres à coucher, 2 salles de bains avec WC, grande cuisine, etc… ”. Il informa encore le bourgmestre de ce que, au vu de cette situation, les acheteurs considéraient le compromis signé comme n'étant plus valable et il le pria de revoir cette décision au sein du collège échevinal.

Le courrier précité fut rappelé, en l’absence de réponse de la part du bourgmestre, par lettre du 4 octobre 1997 dans laquelle Monsieur THOMINE DESMAZURES sollicita la délivrance d’une copie de la délibération du conseil 2 communal, telle qu’approuvée par le ministre de l’Intérieur, qui aurait été prise deux ans auparavant et sur laquelle l’administration communale se serait basée afin de refuser aux acquéreurs de sa maison l’inscription au registre de la population de la commune.

Par courrier du 8 mars 1999 adressé au mandataire de Monsieur et Madame …, le bourgmestre de la commune de … informa ceux-ci que “ l’autorisation du 30.01.1974 avait été délivrée pour la construction d’un chalet c.à.d. une maison de weekend et non d’une maison d’habitation, étant donné que les lieux-dits “ … ” et “ … ” sont dépourvus de toute infrastructure communale en ce qui concerne canalisation, approvisionnement en eau et électricité, voirie, etc.

Au fil des années, les chalets furent vendus l’un après l’autre et quelques uns des nouveaux propriétaires manifestèrent le désir d’y établir leur résidence.

Etant donné que les lieux-dits “ … ” et “ … ” sont situés à plusieurs kilomètres des localités luxembourgeoises de …et de …, en dehors du périmètre d’agglomération de la commune de …, c’est-à-dire en pleine zone verte, le Collège échevinal de la commune de … a jugé nécessaire de décider à un moment donné de ne plus tolérer que des ménages y établissent leur résidence habituelle, ceci en se référant à la loi du 11.08.1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ”.

Il ressort d’un extrait du registre aux délibérations du conseil communal de … que lors de sa séance du 4 juin 1999 ledit conseil communal a décidé à l’unanimité des voix “ de se prononcer contre l’inscription, à des fins d’habitation, de personnes et de ménages sur les terrains situés aux lieux-dits “ … ”, “ … ”, “ … ” et “ … ”, sur le territoire de la commune de …, section PC de … ”, tout en priant “ le ministre de l’Intérieur de bien vouloir donner son avis en la matière et de conseiller le conseil communal en ce qui concerne l’élaboration d’un règlement communal ad hoc ”, après avoir constaté que “ la construction de plusieurs chalets de vacances avait été autorisée à l’époque sans que toutefois ceux-ci soient pourvus de l’infrastructure “ la plus élémentaire indispensable pour l’habitation humaine ”, en ce qu’il n’y existerait “ ni conduite d’eau ni réseau de canalisation ni réseau routier convenable en ces lieux qui sont situés trop près de la Sûre et dans une pente inclinée directement vers la Sûre ” et que “ certains chalets sont munis d’un système d’approvisionnement en eau potable discutable dans la plus haute mesure du point de vue de l’hygiène ”, en concluant que “ les lieux en question ne se prêtent en aucun cas à permettre une habitation humaine durable ”.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 octobre 1999, Monsieur … THOMINE DESMAZURES et son épouse, Madame … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une “ décision non datée du conseil communal et du collège échevinal de la communal de … ” et de la décision précitée du bourgmestre de la commune de … du 8 mars 1999.

Sur question du tribunal lors des plaidoiries quant à l’incidence de l’article 5 , paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure 3 devant les juridictions administratives par rapport à un éventuel dépôt tardif des mémoires en réplique et en duplique, le mandataire de l’administration communale de … a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de soulever la tardiveté du mémoire en réplique et le mandataire des demandeurs estimait que ledit mémoire en réplique ne devrait pas être écarté des débats alors qu’il aurait été signifié dans les délais tels que prévus par la disposition légale précitée.

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que “ (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ”.

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 paragraphe (7) ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Par ailleurs, au vœu de l’article 5 précité, la fourniture du mémoire en réplique dans le délai d’un mois de la communication du mémoire en réponse inclut -

implicitement, mais nécessairement - l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie voire aux parties défenderesses dans ledit délai d’un mois (trib. adm. 26 juillet 2000, n° 11577 du rôle, PUTZEYS, non encore publié).

En l’espèce, le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2000 et signifié aux demandeurs en date du 4 janvier 2000. Etant donné que ce n’est pas le dépôt du mémoire au greffe qui fait courir les délais d’instruction, mais sa communication, les demandeurs avaient partant la possibilité de fournir une réplique jusqu’au 4 février 2000 au plus tard. Il s’ensuit que le mémoire en réplique des demandeurs, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2000, a été déposé en dehors du délai légal d’un mois. Ce mémoire en réplique devra partant être écarté des débats de même que le mémoire en duplique subséquent, nonobstant le fait que le mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de … le 3 février 2000, à savoir dans le délai d’un mois à partir du dépôt du mémoire en réponse, cette signification faite dans le délai légal n’étant pas de nature à énerver le raisonnement qui précède, alors que non seulement la signification mais également le dépôt des mémoires doivent être effectués dans les délais légaux tels que prévus par l’article 5 précité. Il est encore indifférent de savoir dans ce contexte que la partie défenderesse n’entendait pas soulever le moyen de la tardiveté du mémoire en réplique, alors que ce moyen a utilement pu être soulevé 4 d’office par le tribunal, étant donné qu’il a trait à la bonne administration de la justice et à une évacuation prompte des affaires introduites devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne tout d’abord le recours en réformation, introduit en ordre principal, il échet de constater que le tribunal est incompétent pour en connaître dans la mesure où il n’existe aucune disposition légale prévoyant un recours de pleine juridiction en matière d’inscription au registre de la population. Seul un recours en annulation a partant pu être formé.

En ce qui concerne le recours en annulation formé à titre subsidiaire par les demandeurs, l’administration communale de … conclut à la nullité de la requête introductive d’instance dans la mesure où celle-ci ne contiendrait pas l’adresse exacte du domicile des demandeurs.

L’article 1er, deuxième alinéa de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose que :

“ la requête, qui porte date, contient :

-

les noms, prénoms et domicile du requérant, (…) ”.

L’omission de l’indication de l’identité exacte de la partie requérante dans la requête introductive d’instance n’entraîne la nullité de la requête que si cette omission est de nature à violer les droits de la défense (cf. trib. adm. 5 mars 1997, n° 9196 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, IV. Requête introductive d’instance, n° 62, p. 282 et autres références y citées). L’indication du domicile de la partie requérante de même que l’indication de ses noms et prénoms a pour but de permettre l’identification exacte de celle-ci.

En l’espèce, les demandeurs soutiennent que l’adresse indiquée par eux dans la requête introductive d’instance serait celle de leur résidence principale qu’ils occuperaient depuis l’année 1986, et qui n’aurait jamais été contestée dans le passé par les autorités communales. Ils admettent toutefois, tel que cela ressort des plaidoiries, “ résider ” actuellement en Suisse, tout en gardant leur domicile à …, à l’adresse préindiquée.

La partie défenderesse soutient au contraire que les demandeurs n’habiteraient plus à l’adresse indiquée et qu’ils auraient pris domicile aux Channel Islands, sans toutefois être en mesure de fournir une adresse exacte de ce domicile qu’ils occuperaient actuellement. A l’appui de ses dires, l’administration communale verse un document intitulé “ changement de domicile ” émis en date du 25 septembre 1998 par le bourgmestre de la commune de … dont il ressort qu’en date du jour d’émission dudit document, le bourgmestre a procédé à une radiation d’office des demandeurs du registre de la population de la commune de … en indiquant qu’il résulterait d’un rapport de la brigade de gendarmerie de … du 18 septembre 1998, que les demandeurs auraient quitté la commune de … pour Londres, ensemble avec leur enfant mineur.

En présence de ces informations contradictoires, qui ne sont étayées qu’en partie par les parties à l’instance, le tribunal n’est pas en mesure de déterminer avec toute la précision requise l’adresse exacte du domicile des demandeurs. Il est toutefois 5 constant en cause qu’au moment de l’introduction de la requête introductive d’instance, les demandeurs étaient propriétaires de la maison dans laquelle ils déclarent avoir leur domicile, ceci résultant par ailleurs d’un jugement rendu par la huitième chambre du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière civile, daté du 10 novembre 1999, ayant déclaré nuls les actes qualifiés de compromis de vente du 10 août 1997 et portant sur l’immeuble précité.

Il résulte encore des pièces et éléments du dossier et notamment du mémoire en réponse déposé par l’administration communale de … que celle-ci ne s’est à aucun moment méprise sur l’identité exacte des demandeurs, étant donné qu’elle a conclu en connaissance de cause quant au fond de l’affaire, de sorte qu’une éventuelle indication erronée du domicile exact des demandeurs n’a entraîné aucune violation de ses droits de la défense. Partant, le moyen afférent est à rejeter.

L’administration communale de … conclut encore à la nullité du recours en estimant qu’il aurait incombé aux demandeurs d’agir par voie de recours séparé contre les différents actes attaqués par eux.

S’il est vrai que tout recours doit en principe être introduit par une requête séparée, le demandeur est cependant autorisé à déférer différentes demandes dans une même requête, lorsque les demandes présentent entre elles un lien de connexité suffisamment étroit et qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les juger par une seule et même décision du tribunal (trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, IV. Requête introductive d’instance, n° 58, p.281).

En l’espèce, le recours introduit par les demandeurs tend à l’annulation de différentes décisions qui auraient été prises par différents organes de la commune de … et qui auraient toutes eu pour objet une interdiction d’inscription au registre de la population de ladite commune. Nonobstant le fait que cette requête contient différentes demandes tendant à l’annulation de plusieurs décisions, ces demandes présentent entre elles un lien de connexité étroit et c’est partant à bon droit que les demandeurs ont pu les inclure dans une même requête introductive d’instance. Le moyen afférent est partant à rejeter.

L’administration communale de … conteste encore l’intérêt et la qualité à agir des demandeurs en soutenant qu’il ne serait pas établi qu’ils aient vendu la maison d’habitation faisant l’objet du présent litige, en estimant que même au cas où un tel acte de vente aurait été passé entre eux et les époux …, seuls ces derniers auraient éventuellement intérêt à agir contre les prétendues décisions en matière de refus d’inscription au registre de la population. Dans ce cas, le recours devrait être déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir dans le chef des demandeurs.

Toute partie intéressée peut attaquer une décision administrative devant le juge administratif. Cette qualité n’appartient pas seulement aux destinataires directs de l’acte, mais encore à toutes les personnes dont les droits et mêmes les simples intérêts peuvent être affectés par les effets de cet acte (trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10190 et 10352 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 1, p.

270 et autres références y citées). Ainsi, un recours contentieux est ouvert à toute 6 personne qui peut être affectée indirectement par une décision administrative adressée à une autre personne, dès lors que cette décision est susceptible de lui causer préjudice. A ce titre, il est nécessaire que le demandeur puisse se prévaloir d’une lésion à caractère individualisé et retirer de l’annulation une satisfaction certaine et personnelle. L’intérêt à agir implique un lien personnel avec l’acte et une lésion individuelle par le fait de l’acte (trib. adm. 16 juillet 1997, n° 9626 du rôle, Pas. adm.

1/2000 V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 19, p. 274 et autre référence y citée).

En l’espèce, il ressort des pièces et éléments du dossier que par actes des 10 août 1997, les demandeurs avaient conclu un compromis de vente avec Monsieur et Madame … portant sur la maison d’habitation précitée sise à …, …. Il ressort encore du jugement précité de la huitième chambre du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 10 novembre 1999 qu’à la suite d’une dénonciation par les acquéreurs de la convention précitée du 10 août 1997, les demandeurs ont assigné ceux-ci devant ledit tribunal d’arrondissement en vue de faire procéder soit à l’exécution de la convention précitée soit au paiement d’une indemnité équivalente à 10% du prix de vente tel que convenu entre parties et que le tribunal a déclaré nuls les actes litigieux précités du 10 août 1997 “ pour erreur sur la substance de la chose vendue ”, dans la mesure où les acquéreurs potentiels n’avaient pas eu connaissance, au moment de la signature desdits actes, qu’ils n’étaient pas autorisés à résider de manière permanente dans l’immeuble litigieux.

Ainsi, le fait par l’administration communale de … de ne pas permettre l’inscription de Monsieur et Madame … au registre de la population affecte directement la situation des demandeurs dans la mesure où le compromis de vente conclu entre ceux-ci et Monsieur et Madame … a été annulé par le tribunal d’arrondissement dans son jugement précité pour vice du consentement des acquéreurs, ce qui a eu pour conséquence que les demandeurs ont été déboutés de leur assignation civile introduite contre Monsieur et Madame …. Cette lésion des intérêts des demandeurs a un caractère individualisé et ils peuvent retirer de l’annulation des actes attaqués une satisfaction certaine et personnelle. Il s’ensuit qu’ils ont un intérêt à attaquer les actes cités dans leur requête introductive d’instance et ils ont de ce fait également qualité pour agir en l’espèce. Les moyens afférents, tirés d’un défaut d’intérêt à agir et d’un défaut de qualité à agir, sont partant à écarter.

L’administration communale de … conclut encore à l’irrecevabilité du recours, tiré de la tardiveté de son dépôt, dans la mesure où il est dirigé contre une prétendue décision “ non datée du conseil communal et du collège échevinal de la commune de … ”, en soutenant que la lettre précitée du 12 août 1997 adressée par Monsieur THOMINE DESMAZURES au bourgmestre de la commune de … serait à qualifier de recours gracieux dirigé contre la prétendue décision précitée et que, comme aucune décision ne serait intervenue dans le délai de trois mois à partir de l’introduction du recours gracieux, le délai du recours contentieux aurait commencé à courir à partir de l’expiration du troisième mois suivant l’introduction du recours gracieux. Comme toutefois aucun recours contentieux n’a été introduit par les demandeurs dans le délai contentieux, le recours serait à déclarer irrecevable pour avoir été introduit plus de trois mois à partir de l’expiration du troisième mois à compter de l’introduction du recours gracieux.

7 Ce moyen de la partie défenderesse soulève nécessairement la question de savoir s’il existe une décision qualifiée par les demandeurs de “ décision non datée du conseil communal et du collège échevinal de la commune de … ”, contre laquelle est dirigé le recours sous analyse, étant donné que la lettre du 12 août 1997, par laquelle Monsieur THOMINE DESMAZURES demanda au bourgmestre de la commune de … “ de bien vouloir revoir cette décision au sein de votre collège échevinal ”, étant entendu qu’il vise par cette référence une décision qui aurait été prise par le conseil communal deux ans auparavant par laquelle celui-ci aurait décidé de ne plus accorder la possibilité de s’établir à titre de résidence principale dans la maison litigieuse, ne saurait être qualifiée de recours gracieux qu’à partir du moment où elle est dirigée contre une décision administrative individuelle préalablement prise par une autorité administrative. Or, aucune des parties au litige n’a su établir, à suffisance de droit, l’existence et le contenu d’une telle décision, orale ou écrite.

Il s’ensuit que c’est non seulement à tort que la partie défenderesse soulève le moyen de tardiveté du recours dans la mesure où il est dirigé contre cette prétendue décision, mais le recours doit encore être déclaré irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre une décision dont l’existence n’a pas pu être établie.

La partie défenderesse conclut encore à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre la lettre précitée du 8 mars 1999 adressée au mandataire de Monsieur et Madame … en soutenant que cette lettre aurait un caractère purement informatif.

L’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision (trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas adm. 1/2000, V° Actes administratifs, I. Décisions susceptibles d’un recours, n° 5, p. 16 et autres références y citées).

Il échet de constater, à la lecture de la lettre précitée du 8 mars 1999 que, d’une part, en annexe à ladite lettre, le bourgmestre de la commune de … fit parvenir au mandataire de Monsieur et Madame … une copie de l’autorisation de construire délivrée au premier propriétaire de la maison d’habitation appartenant actuellement aux demandeurs, en spécifiant dans le courrier en question que cette autorisation concernait “ une maison de weekend et non pas une maison d’habitation ” et, d’autre part, cette lettre porta à l’attention dudit mandataire le fait qu’à la suite de l’intention exprimée par plusieurs propriétaires des chalets se trouvant aux lieux-dits “ … ” et “ … ” d’y établir leur résidence principale le “ collège échevinal de la commune de … a jugé nécessaire de décider à un moment donné de ne plus tolérer que des ménages y établissent leur résidence habituelle, ceci en se référant à la loi du 11.08.1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ”.

8 Il résulte du contenu de la lettre précitée du 8 mars 1999 que celle-ci n’a aucun caractère décisoire, étant donné qu’elle n’est pas susceptible de produire par elle-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de Monsieur et Madame …. En effet, la seule décision qui est susceptible d’affecter la situation personnelle et patrimoniale non seulement de Monsieur et Madame … mais également des demandeurs est la prétendue décision qui aurait été prise par le collège échevinal de la commune de … à laquelle il est fait référence dans le courrier précité, contre laquelle le recours sous analyse a également été dirigé mais dont l’existence n’a pas pu être établie par les parties à l’instance. C’est en effet cette dernière décision qui, pour le cas où elle existe, est de nature à faire grief non seulement à Monsieur et Madame … mais également aux demandeurs, alors que la lettre précitée du 8 mars 1999 n’est pas, en elle-même, de nature à faire grief.

En l’espèce, la lettre précitée du 8 mars 1999, contre laquelle le recours en annulation est également dirigé, est à qualifier de lettre d’information et partant le recours, dans la mesure où il est dirigé contre ledit acte, est à déclarer irrecevable, étant donné qu’il n’est pas à qualifier de décision susceptible d’un recours contentieux.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure basée sur l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

écarte des débats les mémoires en réplique et en duplique respectifs ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 20 septembre 2000 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11569
Date de la décision : 20/09/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-09-20;11569 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award