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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°12122

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 12122


Numéro 12122 du rôle Inscrit le 13 juillet 2000 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … SULJAJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12122 du rôle et déposée le 13 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis HENGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur … SULJAJ, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellem...

Numéro 12122 du rôle Inscrit le 13 juillet 2000 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … SULJAJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12122 du rôle et déposée le 13 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis HENGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SULJAJ, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 10 avril 2000, notifiée le 20 juin 2000, déclarant sa demande d’octroi du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Stéphane MAAS, en remplacement de Maître Mathis HENGEL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 16 juin 1998, Monsieur … SULJAJ, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le 21 septembre 1999, Monsieur SULJAJ fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur SULJAJ fut entendu en date du 8 décembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 10 avril 2000, notifiée le 20 juin 2000, le ministre de la Justice rejeta cette demande comme étant manifestement infondée au motif qu’il n’allègue “ aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève ”. A l’encontre de cette décision, Monsieur SULJAJ a fait introduire un recours contentieux tendant à son annulation par requête déposée en date du 13 juillet 2000.

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, pour statuer en tant que juge de l’annulation en matière de demandes d’asiles déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le ministre n’aurait pas apprécié la gravité des faits par lui invoqués à leur juste valeur et il estime que les éléments retenus à la base de la décision déférée ne seraient pas de nature à la motiver valablement. Il expose plus particulièrement avoir été frappé par des paramilitaires serbes pendant les années 1993 à 1994, de sorte que suite au développement de la situation dans son pays d’origine, il risquerait, en cas de retour, d’être immédiatement enrôlé dans l’armée UCK où il risquerait de se voir exposer aux pires brimades et agressions de la part de ses supérieurs et des autres soldats qui le considéreraient comme un traître parce qu’il a quitté son pays. Le demandeur signale par ailleurs s’être intégré au Luxembourg et y avoir suivi des cours de langue luxembourgeois et ainsi que d’avoir travaillé dans un restaurant en qualité de buffetier, ceci pour ne pas être à charge de la communauté luxembourgeoise. Il expose encore ne plus disposer de logement dans son pays d’origine, étant donné que sa maison familiale aurait été entièrement détruite et que sa famille aurait été accueillie par son oncle qui hébergerait actuellement dix personnes dans un appartement ne comportant que deux pièces. Dans la mesure où il essayerait de fuir des persécutions par les soldats serbes auxquelles il serait exposé dans son pays d’origine et chercherait à échapper à la situation politique instable dans la République Fédérale de Yougoslavie, le demandeur estime invoquer des craintes justifiées du fait de ses opinions politiques, ceci d’autant plus qu’il serait évident qu’en tout état de cause un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait lui être garanti en cas de poursuite par les autorités serbes à son retour au pays.

Le délégué du Gouvernement rétorque que dans le rapport d’audition du 8 décembre 1999, le demandeur, loin d’invoquer une persécution au sens de la Convention de Genève, aurait clairement affirmé demander l’asile politique pour des raisons “ économiques et sentimentales et pour pouvoir payer ses dettes ”. Concernant la crainte invoquée de se voir enrôler dans l’armée UCK, le représentant étatique relève que celle-ci aurait été dissoute il y a quelques mois et que par conséquent cet argument serait dépourvu de toute pertinence. Il signale en outre que les autorités serbes ont quitté le Kosovo et qu’une force armée 2 internationale y est installée à l’heure actuelle, de sorte que le demandeur ne saurait pas non plus craindre une persécution de la part desdites autorités. A titre subsidiaire, il relève que le demandeur, ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, n’aurait présenté celle-ci qu’en vue de prévenir une mesure d’expulsion imminente, de sorte que la décision déférée serait encore justifiée sur base de l’article 6, 2, e) du règlement grand-

ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ”.

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ”.

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou que la crainte invoquée ne soit pas manifestement dénuée de fondement, eu égard aux pièces et renseignements fournis.

Le tribunal doit partant examiner, sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou la crainte invoquée de manifestement dénuée de fondement.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Kosovo.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte-rendu figurant au dossier, le demandeur a affirmé rester au Luxembourg “ pour des raisons économiques et sentimentales et pour pouvoir payer (ses) dettes ”, ainsi que d’avoir quitté le Kosovo le 28 septembre 1996 parce qu’il ne voulait pas aller faire son service militaire tout en déclarant que son soumission est motivé par le fait qu’il “ ne voulait pas aller à la guerre en Bosnie ”. Interrogé sur la possibilité de sanctions dans son chef en cas de retour, il a répondu par la négative concernant plus particulièrement les raisons l’ayant poussé à demander l’asile politique en 1998 seulement, soit deux années après son arrivée au pays, le demandeur a indiqué vouloir “ rester au Luxembourg pour pouvoir travailler et pour rester avec (sa) copine ”, en précisant qu’il lui faudrait de l’argent pour pouvoir payer son loyer et pour pouvoir vivre, de même qu’il a précisé, relativement à sa peur en cas de retour, qu’il “ ne sait pas où aller ” et éprouve de la peur “ de cette situation économique ”.

3 S’il est certes vrai que le demandeur a également affirmé avoir été frappé par des paramilitaires serbes dans son école en 1993-1994, force est de constater que cet événement, par ailleurs éloigné considérablement dans le temps par rapport à la date de la présentation de la demande d’asile, reste à l’état de pure allégation et sans relation dûment établie avec un des motifs de persécution visés par la Convention de Genève.

Il se dégage de l’ensemble des éléments soumis au tribunal, tels qu’il résultent de l’audition du demandeur, ainsi que de la procédure contentieuse que le demandeur reste en défaut d’invoquer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

La demande d’asile ne reposant dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande sous analyse comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par:

M. CAMPILL, premier juge Mme LENERT, premier juge M. SCHROEDER, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 12122
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;12122 ?

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