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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11949

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11949


N° 11949 du rôle Inscrit le 21 avril 2000 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Mademoiselle … ADJARPASIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11949 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2000 par Maître François BROUXEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle … ADJARPASIC, née le … à …(Monténégro), de nati...

N° 11949 du rôle Inscrit le 21 avril 2000 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Mademoiselle … ADJARPASIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11949 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2000 par Maître François BROUXEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle … ADJARPASIC, née le … à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er février 2000 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2000 par Maître François BROUXEL au nom de Mademoiselle … ADJARPASIC ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Geneviève FOLZER, en remplacement de Maître François BROUXEL, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Mademoiselle … ADJARPASIC, née le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, déposa en date du 24 juin 1998 une demande en obtention du statut de réfugié politique. Cette demande s’étant soldée par une décision de refus du ministre de la Justice datant du 26 avril 1999, elle se vit adresser une invitation à quitter le territoire datée du 26 novembre 1999, lui notifiée le 25 décembre 1999.

Mademoiselle ADJARPASIC s’adressa ensuite au ministre de la Justice par courrier de son mandataire datant du 25 janvier 2000 pour solliciter une autorisation de séjour au Grand-

Duché de Luxembourg. Le ministre refusa de faire droit à cette demande par décision datant du 1er février 2000.

Par requête déposée en date du 21 avril 2000, Mademoiselle ADJARPASIC a fait introduire un recours tenant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle précitée du 1er février 2000.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose séjourner depuis deux années au Grand-Duché de Luxembourg et d’y être hébergée par sa sœur et son beau-frère qui y vivent en situation régulière depuis plus de cinq années, ainsi que de s’être intégrée au Luxembourg et y prendre des cours de langues à l’Institut Caritas. Elle critique la décision déférée pour être dépourvue de base légale, ainsi que de motivation valable en faisant valoir que le ministre ne ferait pas référence aux conditions légales d’octroi d’une autorisation de séjour et ne tiendrait pas compte des éléments nouveaux intervenus depuis l’ordre de quitter le territoire lui adressé en date du 26 novembre 1999. Elle relève encore plus particulièrement que les membres de sa famille, en l’occurrence sa sœur, qui est également sa tutrice, et son beau-frère, auraient des moyens suffisants pour subvenir à ses besoins, tout en soutenant par ailleurs que la preuve de moyens suffisants pour subvenir à ses besoins ne serait pas exigée dans le chef des mineurs sollicitant une autorisation de séjour. Elle expose en outre qu’en date du 20 décembre 1999, le juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles a désigné sa sœur Sabine ADJARPASIC comme sa tutrice et qu’une éventuelle décision de quitter le territoire à son encontre serait contraire à l’autorité de chose jugée dont serait revêtue l’ordonnance en question. Elle s’empare encore des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que la décision déférée violerait son droit au respect de sa vie familiale et au regroupement familial, dans la mesure où cette décision tendrait à la séparer de sa sœur et de son beau-frère, avec lesquels elle estime constituer une unité familiale.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la décision déférée serait en tout état de cause justifiée par l’absence de moyens personnels suffisants tels que prévus à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et que, contrairement aux affirmations de la demanderesse, cette existence ne serait pas limitée aux seules personnes majeures. Concernant plus particulièrement l’ordonnance invoquée du juge des tutelles, le représentant étatique soutient que la tutelle serait forcement limitée à la durée du séjour de la demanderesse au Luxembourg et ne saurait obliger le ministre à régulariser la situation d’un demandeur d’asile débouté. Il estime que la tutelle ne vaudrait en effet que pour autant que la demanderesse se trouve physiquement sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, et cesserait tous ses effets dès qu’elle aura été rapatriée dans son pays d’origine, où l’autorité parentale serait de nouveau dévolue à ses parents, ces derniers habitant toujours au Monténégro. Quant au moyen basé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, il estime que celui-ci ne conférerait pas aux membres de la famille d’un étranger le droit d’être accueillis dans n’importe quel pays, ni à un étranger le droit de ne pas être expulsé d’un pays où résident les membres de sa famille. Il fait valoir en outre qu’en l’espèce, une vie familiale au sens dudit article ne ressortirait pas du dossier et se trouverait même contredite, étant donné que les parents de la demanderesse, auprès desquels elle vivait jusqu’en été 1998, vivent toujours au Monténégro. Dans la mesure où la demanderesse resterait par ailleurs en défaut de démontrer son impossibilité de mener une vie familiale au Monténégro, ce moyen serait encore à écarter comme n’étant pas fondé.

2 Encore que la demanderesse entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm.1/2000, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en annulation, introduit en ordre principal, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué.

Dans le cadre du recours en annulation, le juge administratif est appelé à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse, de sorte que le délégué du Gouvernement a valablement pu compléter les motifs de la décision déférée pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 1/200, V° Procédure administrative contentieuse, III. Motivation, n° 28 et autres références y citées).

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dans sa teneur modifiée lui conférée par la loi du 18 août 1995, dispose que “ l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ”.

Il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que la demanderesse ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où la décision critiquée a été prise.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 prévoit en effet clairement, parmi d’autres conditions à remplir par les ressortissants étrangers désirant obtenir une autorisation de séjour, la condition de disposer de moyens personnels suffisants et ne comporte aucune exemption de cette condition en faveur des étrangers mineurs.

L’aide financière apportée par la sœur et le beau-frère de la demanderesse, par ailleurs non documentée à travers une prise en charge versée au dossier, n’étant par ailleurs en tout état de cause pas à considérer comme constituant des moyens personnels (cf. trib. adm. 9 juillet 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, II. Autorisations de séjour, n° 89), la décision déférée est en principe justifiée par rapport aux exigences inscrites audit article 2.

Concernant le droit au regroupement familial invoqué par la demanderesse à l’appui de son recours, il convient d’analyser si le ministre, en refusant à la demanderesse l’autorisation de séjour, a commis une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

3 “ 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d’autrui ”.

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme, ont accepté de limiter l’exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

L’article 8, en tant que tel, ne confère cependant pas aux membres de la famille d’un étranger le droit d’être accueilli dans n’importe quel pays, ni à un étranger le droit de ne pas être expulsé d’un pays où résident les membres de sa famille. Par ailleurs, dans le contexte du regroupement familial, la vie familiale doit avoir existé avant l’immigration, l’article 8 garantissant l’exercice du droit au respect d’une vie familiale existante, mais ne comportant pas le droit de choisir l’implantation géographique de cette vie familiale, de sorte qu’on ne saurait obliger un Etat à laisser accéder un étranger sur son territoire pour y créer des liens familiaux nouveaux (cf. trib. adm. 25 novembre 1998, n° 10670 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, n° 72 et autres références y citées).

En l’espèce, il est constant que la demanderesse menait une vie familiale effective auprès de ses parents dans son pays d’origine jusqu’en 1998 et que ces derniers continuent d’y résider. Dans la mesure où elle reste en défaut d’établir, voire d’alléguer une impossibilité quelconque de continuer cette vie familiale dans son pays d’origine, il y a lieu de retenir que le noyau familial de la demanderesse se situe toujours dans son pays d’origine, de sorte que les liens existants par ailleurs entre la demanderesse et sa sœur au Grand-Duché de Luxembourg ne sont pas à considérer comme déterminants pour qualifier une vie familiale effective au sens de la Convention.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen de la demanderesse basé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas fondé.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la circonstance qu’une tutelle a été ouverte dans le chef de la demanderesse par ordonnance du juge des tutelle près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 20 décembre 1999, celle-ci tendant essentiellement à des fins de représentation de la mineure et se trouvant justifiée par la considération en fait que Mademoiselle ADJARPASIC demeure au Luxembourg, en dehors du foyer de ses administrateurs légaux que sont ses parents légitimes … et … ADJARPASIC-…, sans pour autant conférer un quelconque droit de séjour à l’intéressée.

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre de la Justice a refusé l’autorisation de séjour sollicitée. Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, 4 le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11949
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11949 ?

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