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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11765

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11765


N° 11765 du rôle Inscrit le 6 janvier 2000 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Monsieur … GOORTS, … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2000 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GOORTS, demeurant à L-…

, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du minis...

N° 11765 du rôle Inscrit le 6 janvier 2000 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Monsieur … GOORTS, … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2000 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GOORTS, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 7 octobre 1999, refusant de considérer le titre de « Gegradueerde in Bedrijfsmanagement » obtenu par Monsieur GOORTS le 30 juin 1995 par le « Provinciaal Hoger Handelsinstituut - Hasselt », comme étant un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, et refusant l’inscription de ce titre au registre des titres d’enseignement supérieur;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean-Paul MEYERS, en remplacement de Maître Patrick KINSCH, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 30 juin 1995, le « Provinciaal Hoger Handelsinstituut » établi à Hasselt (Belgique) décerna à Monsieur … GOORTS, né le …, de nationalité belge, demeurant actuellement à L-

…, un diplôme sanctionnant le « Economisch Hoger Onderwijs van het korte type met volledig leerplan, afdeling Bedrijfsmanagement optie Boekhouden-Fiscaliteit », c’est-à-dire des études économiques supérieures de plein exercice et de type court, section gestion d’entreprises, option comptabilité-fiscalité, lui conférant le titre de « Gegradueerde in Bedrijfsmanagement », c’est-à-dire, suivant une traduction du diplôme de Monsieur GOORTS produite en cause, de « licencié » en gestion d’entreprises.

Le 6 septembre 1999, Monsieur GOORTS introduisit une demande d’inscription de son titre au registre des diplômes.

Par décision du 7 octobre 1999, le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après dénommé le « ministre », refusa de faire droit à ladite demande.

La décision ministérielle est motivée comme suit: « (…) la Commission des Titres a avisé votre dossier lors de sa réunion du 21 septembre 1999.

La Commission constate que le diplôme conféré sanctionne une formation d’enseignement supérieur non universitaire d’une durée de trois années et que le titre conféré ne peut être considéré comme un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. Je me rallie à cet avis.

En conséquence, votre titre de ‘Gegradueerde in Bedrijfsmanagement’ ne sera pas inscrit au registre des titres d’enseignement supérieur. (…) ».

Par requête déposée le 6 janvier 2000, Monsieur GOORTS a introduit un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision ministérielle précitée du 7 octobre 1999.

Le demandeur expose qu’il a suivi avec succès des études économiques supérieures de gestion d’entreprises, option comptabilité-fiscalité auprès de l’Institut Régional Supérieur de Commerce établi à Hasselt (Belgique), que son diplôme lui a été décerné par le « Service de l’éducation du Ministère pour la communauté flamande du Royaume de Belgique », que la formation post-secondaire qu’il a suivie auprès du prédit institut se serait étendue sur trois années, qu’elle aurait été organisée « en accord avec la loi du 7 juillet 1979 sur la structure générale des études supérieures et l’arrêté du Gouvernement flamand du 29 avril 1992 déterminant le règlement général de l’enseignement des études supérieures de type court avec plan d’études complet » et que ledit enseignement constituerait un enseignement de type court, « dont les programmes et les matières enseignées, qui sont rigoureusement surveillés par les autorités de contrôle, témoignent d’une volonté de maintenir un degré d’enseignement très élevé et de former des licenciés en gestion d’entreprises de haut niveau ».

Le demandeur soutient que la loi précitée du 17 juin 1963 viserait tout « grade d’enseignement supérieur », sans poser aucune exigence, ni quant à la durée minimale de la formation sanctionnée par la délivrance de ce grade, ni quant au type, universitaire ou non universitaire, de cet enseignement, de sorte que le ministre compétent ne pourrait légalement refuser l’inscription de son diplôme au motif qu’il ne conférerait pas un titre pouvant être considéré comme un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi de 1963.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours.

Il remarque en premier lieu qu’on ne saurait traduire le terme néerlandais de « Gegradueerde » par celui de « licencié », mais, étant donné que « le cycle d’études dont question constitue en accord avec la loi belge du 7 juillet 1970 sur la structure générale des études supérieures un cycle d’études d’une durée de trois ans, supérieure non universitaire, de type court » et étant donné que le titre de licencié (licence belge) serait délivré au terme 2 d’un cycle d’études universitaires d’une durée de quatre ans, de type long, la traduction française serait « gradué ».

Le représentant étatique expose ensuite que, sur avis unanime défavorable de la commission des titres de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le ministre a refusé l’inscription du diplôme du demandeur au motif que la Belgique aurait légalement défini le diplôme de gradué comme « un diplôme sanctionnant un enseignement supérieur (non universitaire) de type court », que « conformément à la loi belge du 7 juillet 1970 ce cycle d’études n’est pas considéré comme titre universitaire » et que l’économie de la loi précitée du 17 juin 1963 serait de ne protéger que les grades universitaires.

Concernant plus particulièrement la susdite loi du 17 juin 1963, le délégué soutient que lors de son élaboration, le terme enseignement supérieur aurait été synonyme d’enseignement universitaire « étant donné qu’un enseignement supérieur non universitaire n’existait pratiquement pas à l’époque ».

Le délégué ajoute encore que la reconnaissance académique d’un diplôme ne saurait conférer au demandeur dans l’Etat d’accueil plus de droits que ne découlent de la détention du diplôme dans l’Etat d’origine.

Lors de l’audience fixée pour les plaidoiries, le litismandataire du demandeur a déclaré à la barre que le délégué du gouvernement aurait à juste titre relevé une erreur commise dans la traduction - versée en cause - du diplôme de son mandant et que, plus particulièrement la traduction française du terme néerlandais de « Gegradueerde » ne serait pas « licencié », mais « gradué ». - Il a encore estimé que néanmoins, cette précision devrait rester sans incidence pratique dans la présente affaire, étant donné que la pratique administrative serait telle que l’inscription du titre serait uniquement faite dans la langue dans laquelle le diplôme aurait été libellé.

Comme l’article 4 de la loi précitée du 17 juin 1963 prévoit un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle susvisée du 7 octobre 1999.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable sous ce rapport.

Aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 17 juin 1963 « à l’exception des personnes qui n’ont au Grand-Duché ni domicile ni résidence fixe, nul ne peut porter publiquement le titre d’un grade d’enseignement supérieur a) s’il n’en a obtenu le diplôme conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré;

b) si son diplôme, suivi du nom de l'école ou de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation entière du titre conféré n’ont pas été inscrits au registre des diplômes déposé au ministère de l’éducation nationale.

Sont notamment considérés comme titres d’un grade d’enseignement supérieur au sens de la présente loi les titres de docteur, licencié, ingénieur, architecte ».

3 Aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi précitée de 1963 « l’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter se feront à la demande des intéressés, par décision du ministre de l’éducation nationale prise sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur ».

Concernant l’autorité compétente pour décider sur les demandes d’inscription des diplômes étrangers et la détermination des titres exacts et complets, il convient de relever que, par l’effet de l’arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des ministères, la compétence afférente a été attribuée au ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Il convient en premier lieu de relever que l’objet de la loi de 1963 est de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres d’enseignement supérieur, c’est-à-dire de réglementer le port des titres des grades d’enseignement supérieur national ou étranger et que la réglementation de la reconnaissance des titres académiques ne vise pas la question de la protection de l’exercice des professions.

En outre, contrairement à une demande en homologation d’un diplôme étranger, qui, conformément aux dispositions légales afférentes, appelle l’autorité compétente à entreprendre un examen au fond des études accomplies, une demande d’inscription au registre des diplômes n’implique aucune appréciation par le ministre compétent des études accomplies par le demandeur.

En effet, en prévoyant que le titre d’un grade d’enseignement supérieur doit être obtenu « conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré » pour qu’il puisse être inscrit au registre des diplômes, la loi de 1963 n’appelle le ministre compétent à examiner ni la qualité de l’enseignement sanctionné par un diplôme, ni sa durée, mais qu’il est uniquement appelé à constater si le diplôme, dont l’inscription au registre est demandée, représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré (CE 11 mars 1992, Rezette, n° 8635 du rôle).

En d’autres termes, le pouvoir du ministre n’est pas discrétionnaire, mais sa décision doit être guidée par des critères objectifs lui permettant de juger si le document à lui soumis remplit les conditions requises pour être inscrit au registre des diplômes. De tels critères doivent faire abstraction d’une quelconque appréciation de la valeur des études supérieures, de leur durée, et de toute comparaison avec d’autres études supérieures sanctionnées par un diplôme. Seul compte le niveau des études et la qualité du document qui les sanctionne (CE 20 février 1990, Ventzke, n° 8251 du rôle).

Concernant la notion d’«enseignement supérieur », il est vrai qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne définit ce qu’il faut entendre par un enseignement de type supérieur.

Il est cependant encore vrai que la notion employée par le législateur de 1963 est une notion générique n’excluant pas l’enseignement supérieur de type non universitaire.

Dès lors, en l’absence de l’une quelconque disposition de la loi de 1963 par laquelle le législateur a précisé vouloir protéger uniquement les titres des grades d’enseignement supérieur de type universitaire et exclure ceux de type non universitaire, il convient d’appliquer 4 la disposition légale dans toute son étendue et de retenir que la protection des titres et l’inscription des diplômes instituée par la loi de 1963 vise tous les grades de l’enseignement supérieur, tant universitaire que non universitaire.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation fondée sur ce qu’à l’époque de l’élaboration du texte de loi de 1963, l’enseignement supérieur non universitaire n’aurait pratiquement pas existé et que le terme d’enseignement supérieur aurait été synonyme d’enseignement universitaire. En effet, étant donné que, lors de l’élaboration de ladite loi, les deux types d’enseignement supérieur existaient, si le législateur avait voulu restreindre la notion d’enseignement supérieur employée il aurait pris le soin de le préciser en termes exprès.

- La loi ayant disposé sans restrictions, le juge ne saurait en réduire la substance en introduisant des exigences qui ne s’y trouvent pas.

Par conséquent, étant donné qu’il n’est pas contesté par la partie défenderesse que le diplôme de Monsieur GOORTS lui a été légalement décerné par une autorité compétente en Belgique, mais qu’il ressort des pièces versées en cause que Monsieur GOORTS a accompli un cycle d’études supérieures de trois ans auprès du « Provinciaal Hoger Handelsinstituut » établi à Hasselt (Belgique) et que, le 30 juin 1995, le « Provinciaal Hoger Handelsinstituut », a décerné à Monsieur GOORTS un diplôme sanctionnant le « Economisch Hoger Onderwijs van het korte type met volledig leerplan, afdeling Bedrijfsmanagement optie Boekhouden-

Fiscaliteit », c’est-à-dire un diplôme de gradué de l’enseignement supérieur économique de plein exercice et de type court, section gestion d’entreprises, option comptabilité-fiscalité, lui conférant le titre de « Gegradueerde in Bedrijfsmanagement », il suit de ce qui précède que, par réformation de la décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche susvisée du 7 octobre 1999, le diplôme délivré à Monsieur GOORTS, suivi du nom de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation dans son intégralité du titre conféré est à inscrire au registre des diplômes.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche susvisée du 7 octobre 1999;

au fond le déclare également justifié;

partant, par réformation de la décision susvisée du 7 octobre 1999, dit que le diplôme délivré à Monsieur GOORTS, suivi du nom de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation dans son intégralité du titre conféré, est à inscrire au registre conservé au ministère de l’Education nationale;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

5 M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 juillet 2000, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11765
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11765 ?

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