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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11744

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11744


N° 11744 du rôle Inscrit le 24 décembre 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Monsieur … MATHIEU, B-… contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de travail intérimaire

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Vu la requête déposée le 24 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MATHIEU, employé, demeurant à B-…, tendant à l’annulation d’une décis

ion du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1999, lui refusant l’autorisation d’exercer l’act...

N° 11744 du rôle Inscrit le 24 décembre 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par Monsieur … MATHIEU, B-… contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de travail intérimaire

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Vu la requête déposée le 24 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MATHIEU, employé, demeurant à B-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1999, lui refusant l’autorisation d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail intérimaire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé par le demandeur le 11 avril 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean MINDEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 juillet 1999, Monsieur … MATHIEU, employé, demeurant à B-…, introduisit une demande en vue d’obtenir l’autorisation d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail intérimaire au Luxembourg.

Par courrier daté du 15 octobre 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa de délivrer l’autorisation en question à Monsieur MATHIEU, au motif que « la condition de stage de 3 ans au moins dans une fonction dirigeante d’une entreprise de travail intérimaire opérant ou ayant opéré sous le couvert d’une autorisation en due forme de l’autorité compétente n’est pas remplie dans votre cas ».

Suite à un recours gracieux du 22 novembre 1999, le ministre confirma le 15 décembre 1999 sa décision antérieure.

Par requête déposée le 24 décembre 1999, Monsieur MATHIEU a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle du 15 octobre 1999 pour violation de la loi, sinon pour détournement de pouvoir.

1 Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai de la loi.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en matière d’autorisation d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail intérimaire, de sorte que c’est à bon droit que seul un recours en annulation a été exercé contre la décision litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il remplirait toutes les conditions prévues par le règlement grand-ducal du 14 décembre 1994 portant application des dispositions de l’article 2 de la loi du 19 mai 1994 portant réglementation du travail intérimaire et du prêt temporaire de main-d’œuvre. Il précise plus particulièrement qu’il remplirait toutes les conditions ayant trait à sa qualification professionnelle, seul motif de refus retenu dans la décision ministérielle précitée. A ce titre, il verse différents certificats émanant de son employeur, qui documenteraient qu’il a effectué un stage de 3 ans en occupant une fonction dirigeante dans la société à responsabilité limitée X. SERVICES SARL, établie et ayant son siège social à L-…, étant précisé que cette société est active dans le secteur du travail temporaire.

Le délégué du gouvernement rétorque qu’une autorisation en vue d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail intérimaire ne pourrait être délivrée par le ministre du Travail et de l’Emploi que si les conditions de l’article 2 de la loi précitée du 19 mai 1994 étaient remplies.

L’article 2 de la prédite loi prévoirait que les autorisations ne peuvent être délivrées que si la ou les personnes assumant la gestion de l’entreprise de travail intérimaire présentent les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelle. Les conditions en seraient déterminées par le règlement grand-ducal précité du 19 mai 1994, notamment en son article 3 paragraphe 2.

Le représentant étatique concède que « Monsieur MATHIEU remplissait toutes les conditions requises par la législation sur le travail intérimaire, sauf celle prévue par l’article 3, paragraphe (2), point 3 du règlement grand-ducal du 14 décembre 1994 portant application des dispositions de l’article 2 de la loi du 19 mai 1994 portant réglementation du travail intérimaire et du prêt temporaire de main-d’œuvre qui requiert donc comme une des conditions de la qualification professionnelle un stage de trois ans dans une fonction dirigeante d’une entreprise de travail intérimaire ». Il fait valoir qu’en l’absence d’une définition légale voire réglementaire de la notion de « fonction dirigeante », il appartiendrait au ministre du Travail et de l’Emploi de juger, au cas par cas, si cette condition est remplie et, au vu des responsabilités particulières qu’un futur dirigeant d’une société de travail intérimaire devrait assumer, cette appréciation se ferait de manière stricte, en n’acceptant « comme exerçant une fonction dirigeante que les directeurs d’une société respectivement les responsables d’agence ». Or, le certificat établi en date du 2 juillet 1999 par la société X.

SERVICES SARL, employeur de Monsieur MATHIEU, et qui a été présenté à l’appui de la demande d’autorisation, aurait retenu la qualification de « responsable commercial ». Le délégué du gouvernement relève encore que ce ne serait que par la suite que Monsieur MATHIEU aurait complété son dossier par un certificat établi le 14 septembre 1999 « le promouvant apparemment au rang de directeur commercial et administratif ». Il expose encore qu’en date du 23 septembre 1999, un agent du service du ministère du Travail et de 2 l’Emploi aurait expliqué oralement à Monsieur Mathieu que la notion de « fonction dirigeante » se limiterait « par définition aux personnes qui dirigent effectivement la société ».

A la suite de cet entretien, Monsieur MATHIEU aurait fait parvenir le 24 septembre 1999 au ministre du Travail et de l’Emploi une lettre, signée par le directeur général de X. SERVICES SARL, précisant qu’il exerce la fonction de « chef d’agence ».

Le délégué du gouvernement conclut de cet exposé des faits « que Monsieur MATHIEU ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour engager la société ni sur le plan juridique ni sur le plan financier ». Il estime dès lors que le ministre du Travail et de l’Emploi a, à bon droit, pu juger « qu’en dépit des diverses promotions dont Monsieur MATHIEU a apparemment bénéficié au cours des derniers mois, il fait en réalité partie de la catégorie des employés en charge de la gestion journalière de la société », de sorte que Monsieur MATHIEU ne remplirait pas la condition d’un stage de trois ans dans une fonction dirigeante.

A titre subsidiaire, il fait valoir que même si le rôle et les responsabilités de Monsieur MATHIEU au sein de la société X. SERVICES SARL auraient évolué depuis l’introduction de la demande, la condition relative à une durée de stage de 3 ans ne serait pas remplie.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur MATHIEU conteste l’analyse faite par le délégué du gouvernement en ce qui concerne ses fonctions ainsi que l’évolution de celles-ci au sein de la société X. SERVICES SARL. Il souligne qu’il importe pour répondre au souci du législateur « que par son activité de direction, le postulant a acquis les connaissances professionnelles requises pour diriger une entreprise de travail intérimaire ».

Aux termes de l’article 2 de la loi précitée du 19 mai 1994, « (1) nul ne peut exercer l’activité d’entrepreneur de travail intérimaire sans autorisation du ministre du travail, qui statue sur avis de l’administration de l’emploi et de l’inspection du travail et des mines » et « (2) la ou les personnes assumant la gestion de l’entreprise de travail intérimaire doivent présenter les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelle. Les conditions en seront déterminées par règlement grand-ducal ».

Le règlement grand-ducal précité du 14 décembre 1994 détermine les conditions ayant trait à l’honorabilité et à la qualification professionnelle des personnes assumant la gestion d’une l’entreprise de travail intérimaire.

En l’espèce, il résulte du dossier administratif à la disposition du tribunal et le délégué du gouvernement a expressément reconnu dans son mémoire en réponse que le demandeur remplit toutes les conditions prévues par ledit règlement à l’exception de celle prévue à l’article 3 (3) ayant trait à l’exécution d’un stage de 3 ans au moins, dans une fonction dirigeante, dans une entreprise de travail intérimaire. C’est par ailleurs ce motif unique qui est à la base de la décision de refus du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1999.

Il convient dès lors d’analyser en premier lieu si Monsieur MATHIEU occupait une fonction de dirigeant au sein d’une entreprise de travail intérimaire et, le cas échéant, si la condition de durée de 3 ans était remplie au moment de la prise de décision par le ministre du Travail et de l’Emploi.

Il y a lieu de rappeler que l’article 3. (2) du règlement grand-ducal précité dispose que « la qualification professionnelle résulte (…) 3. d’un stage de trois ans au moins, dans une 3 fonction dirigeante, dans une entreprise de travail intérimaire opérant ou ayant opéré sous le couvert d’une autorisation en due forme de l’autorité compétente ».

A ce titre, il ressort du contrat de travail conclu en date du 8 juillet 1996, que Monsieur MATHIEU a été engagé par la société X. SERVICES SARL en tant que « directeur adjoint – responsable commercial » et que la date de commencement du travail a été fixée au 1er septembre 1996. Le salaire brut initial était fixé à … francs, complété par … chèques-repas à …- francs par mois. Une voiture de service a été mise à sa disposition, qu’il est autorisé à utiliser pour ses besoins personnels.

Il ressort par ailleurs d’un certificat du 14 septembre 1999, établi par Monsieur …, directeur général de la société X. SERVICES SARL, que Monsieur MATHIEU occupe le poste de directeur commercial et administratif et qu’il exerce les fonctions de gérant de l’agence sise à Luxembourg. Monsieur … précise que lui-même et Monsieur MATHIEU sont responsables du bon fonctionnement journalier de la société X. SERVICES SARL qui emploie environ 250 personnes. Le certificat énonce par la suite les tâches exercées par Monsieur MATHIEU au sein de cette entreprise, tâches qui consistent notamment à recruter du personnel interne et intérimaire, à faire des travaux de comptabilité, le contrôle des extraits bancaires, le paiement des fournisseurs, les contacts avec la sécurité sociale, l’administration de l’enregistrement, l’administration des contributions, les syndicats, les avocats, les contacts avec la clientèle, la prospection, le suivi et la fidélisation de la clientèle, le calcul des prix de facturation, la surveillance du paiement des salaires des intérimaires, la publicité.

Il se dégage donc des pièces produites par Monsieur MATHIEU à l’appui de sa demande d’autorisation ainsi qu’à l’appui de son recours contentieux qu’il exerce une fonction qui s’analyse en une fonction dirigeante. Exiger par ailleurs, comme le soutient le délégué du gouvernement, que le demandeur devrait encore assumer en fait et en droit la responsabilité des activités exercées par l’entreprise reviendrait à exiger qu’il soit le dirigeant effectif, c’est-à-

dire le chef d’entreprise ou le gérant de la société, dans laquelle il est supposé effectuer un stage.

Ainsi, le tribunal retient que Monsieur MATHIEU a exercé une fonction dirigeante, à savoir celle de directeur adjoint – responsable commercial auprès de X. SERVICES SAR. Il est encore établi qu’il exerce cette fonction depuis le 6 septembre 1996, date de prise d’effet de son contrat de travail auprès de la société X. SERVICES SARL, et qu’au moment de la prise de décision par le ministre, à savoir le 15 octobre 1999, la condition tenant à une durée de stage de 3 ans au moins, était également remplie.

Au regard de l’ensemble des faits ci-avant relatés, relativement à la fonction exercée par Monsieur MATHIEU au sein de la société X. SERVICES SARL, la décision ministérielle incriminée ne se justifie pas, étant donné que le ministre ajoute une condition, à savoir celle que le stagiaire devrait exercer en fait et en droit les responsabilités d’un dirigeant d’entreprise, qui n’est prévu ni par la loi ni par le règlement grand-ducal, de sorte que le ministre en concluant que Monsieur MATHIEU ne remplirait pas la condition de stage tenant à l’exercice d’une fonction dirigeante dans une entreprise de travail intérimaire, a transgressé les limites de son pouvoir d’appréciation. La décision déférée du 15 octobre 1999 n’est dès lors pas légalement justifiée et encourt partant l’annulation.

4 Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que le premier certificat présenté par le demandeur, à savoir celui du 2 juillet 1999 retenait la qualification de responsable commercial dans le chef de Monsieur MATHIEU, ce qui figurait par ailleurs également sur son contrat de travail, étant donné que le qualificatif du poste occupé par le stagiaire est irrelevant, mais qu’il importe de vérifier si le demandeur avait effectivement eu une activité de direction ou s’il n’était que simple exécutant dans une entreprise. En l’espèce, des précisions quant aux tâches exercées par le demandeur ont utilement été apportées au cours de l’instruction de la décision ministérielle, de sorte que le ministre avait connaissance au moment de sa prise de décision, de la fonction effectivement occupée par le demandeur au sein de la société X.

SERVICES SARL. Par ailleurs, le ministre n’a pas apporté des éléments qui contredisent les affirmations du demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare justifié et partant annule la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1999;

renvoie le dossier pour prosécution de cause au ministre du Travail et de l’Emploi ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 juillet 2000 par le vice-président, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11744
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11744 ?

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