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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11445

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11445


N° 11445 du rôle Inscrits le 4 août 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par les époux … STILETTO, restaurateur, et …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11445 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STILETTO, restaurateur, et de son épouse Mad...

N° 11445 du rôle Inscrits le 4 août 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par les époux … STILETTO, restaurateur, et …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11445 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STILETTO, restaurateur, et de son épouse Madame …, …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 1990 émis à leur encontre en date du 11 mai 1995 par le bureau d’imposition Luxembourg 9 de l’administration des Contributions directes, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions à l’égard de leur réclamation introduite à l’encontre du bulletins prévisé en date du 13 juin 1995 ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2000 par Maître Roland ASSA pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Yves HUBERTY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2000 ;

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Le 11 mai 1995, le bureau d’imposition Luxembourg 9 de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre des époux … STILETTO, restaurateur, et …, …, demeurant ensemble à L-…, un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques relatif à l’année 1990.

La demande des époux STILETTO-… tendant à se voir communiquer “ les éléments détaillés, calculs, justificatifs, etc. (§ AO 205 (3), § AO 211 (4) concernant les ajouts opérés sur (leur) revenu imposable de l’année concernée ” étant restée sans suite, ils introduisirent, par lettre datant du 13 juin 1995, complétée quant à ses motifs par courrier du 9 août 1995, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé “ le directeur ”, en contestant “ les redressements opérés en ce qui concerne la détermination des dividendes exonérés, respectivement imposables, ainsi que la non-application des taux de l’article 131 LIR à l’endroit des revenus extraordinaires, au sens des articles 101, (1), (2) et 131 (2) 2.

LIR ”.

Les réclamants relevèrent en outre que les bulletins en question ont été émis “ sans que la prescription impérative du paragraphe 205, alinéa 3 AO ait été observée ”.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de cette réclamation, les époux STILETTO-…, ont introduit le 4 août 1999 un recours tendant à la réformation du bulletin précité relatif à l’année 1990.

Sur ordonnance de la première chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, comprenant sous son numéro courant 197 l’affaire sous analyse, le mandataire des demandeurs, dans le délai imparti d’un mois à partir de sa notification, a déclaré maintenir l’affaire en question au rôle, sans se manifester autrement par la suite y relativement.

Il s’ensuit qu’après l’expiration du délai en question d’un mois à partir de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, les nouvelles règles de procédure issues de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives sont devenues applicables en l’espèce pour l’instruction plus en avant de l’affaire (trib. adm. 13 décembre 1999, Rausch, n° 10980 du rôle et 16 février 2000, Schritz, n° 11507 du rôle, non encore publiés).

Le législateur ayant prévu les délais émargés par la loi du 21 juin 1999 sous peine de forclusion, ses dispositions sont à considérer comme étant d’ordre public en tant que touchant à l’organisation juridictionnelle au vœu même du législateur.

Le délégué du Gouvernement n’ayant pas autrement pris position au sujet de la question des délais évoquée par la partie demanderesse, force est au tribunal d’écarter le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, déposé le 15 février 2000, soit plus de trois mois après l’expiration du délai d’un mois à partir de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, comme ayant été fourni tardivement au regard de l’article 5 (5) de ladite loi.

Dans la mesure où le mémoire en réplique ne constitue, aux termes du même article 5 (5) qu’une réponse au mémoire en réponse, la même conclusion s’impose en ce qui concerne le mémoire en réplique déposé par les parties demanderesses le 22 mars 2000, ceci même abstraction faite de ce que la requête en prorogation du délai légal pour déposer un mémoire en réplique présentée par le mandataire des demandeurs fut rejetée 2 par ordonnance du 7 mars 2000.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée “ Abgabenordung ”, ci-après désignée par “ AO ”, et des articles 8 (3) alinéas 1er et 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il a compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin déféré de l’impôt sur le revenu de l’année 1990.

Il se dégage des pièces versées au dossier que la réclamation du 13 juin 1995 fut introduite par les époux … et … STILETTO-…, les deux époux étant mentionnés en tant qu’auteurs dudit courrier à la fois à la première page et en bas de page en tant que signataires. S’il est certes vrai qu’un seul des époux mentionnés comme signataires a effectivement apposé sa signature sur ledit courrier, il n’en demeure pas moins que l’existence d’un mandat tacite dans le chef du signataire en question est établie à suffisance à travers les informations fournies en cours de procédure contentieuse, les deux époux, y valablement représentés, ayant en effet fait valablement exposer avoir introduit une réclamation dès le 13 juin 1995 à l’encontre du bulletin litigieux du 11 mai 1995.

Le recours ayant été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Les demandeurs exposent que pendant l’exercice fiscal 1990 ils ont recueilli des parts de bénéfice de la part des deux sociétés suivantes, dans lesquelles ils détiennent la quasi-totalité des parts sociales: - 1. la société à responsabilité limitée STILETTO & CIE, en liquidation suivant acte notarié … en date du 22 janvier 1988, ayant distribué un montant brut de …- francs, de sorte qu’avec les retenues fiscales à la source s’élevant à …- francs, ils ont touché un montant net de …- francs, et, - 2. la société à responsabilité limitée …, ayant distribué un montant brut de …- francs, de sorte qu’avec les retenues fiscales à la source de …- francs, ils ont touché un montant net …- francs.

Les questions de procédure étant à analyser avant les questions ayant trait au fond, le tribunal est amené à examiner d’abord le moyen invoqué par les demandeurs quant à une prétendue violation du paragraphe 205, alinéa 3 AO.

A l’appui de leur recours, les parties demanderesses reprochent à cet égard au bureau d’imposition d’avoir omis de les informer préalablement à l’établissement du bulletin litigieux au sujet de l’imposition des montants par eux touchés de la part des sociétés à responsabilité limitée STILETTO & Cie et ….

Le paragraphe 205, alinéa 3 AO dispose que : “ Wenn von der Steurerklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ”.

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication 3 des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une “ wesentliche Abweichung ” en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (“ Anspruch auf Gehör ”), tel qu’il résulte du paragraphe 204, alinéa 1er AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

A cet effet le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées en vue d’établir les bases d’imposition.

Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette “ wesentliche Abweichung ” en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition.

Concernant le montant brut de …- francs distribué par la société … aux demandeurs, ceux-ci font valoir à l’appui de leur recours que sur base de la pratique administrative courante afférente, les quotes-parts des parts de bénéfice respectivement exonérés et imposables auraient dû être déterminées comme suit : “ En date du 19 avril 1988, le capital social de la s. à r.l. … a été augmenté de … à …francs.

Les dividendes exonérés se chiffrent à … francs.

Les dividendes imposables se chiffrent à … francs”.

Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement du bulletin d’impôt litigieux que le bureau d’imposition a procédé à l’imposition du dividende en question dans la mesure préconisée par les époux STILETTO à travers leur déclaration d’impôt, de sorte que l’imposition ne diffère pas la déclaration à cet égard, cette constatation se trouvant par ailleurs corroborée à travers les annotations afférentes figurant au dossier fiscal versé en cause.

Il s’ensuit que le moyen des demandeurs est non fondé à cet égard.

Concernant plus particulièrement les critiques des demandeurs relativement au montant par eux perçu de la société STILETTO, force est de constater que la situation de fait à la base de l’imposition litigieuse, à savoir la distribution d’un montant brut par la société STILETTO à ses associés s’élevant pour l’exercice fiscal 1990 à … francs, fut acceptée dans toute sa teneur par le bureau d’imposition, de sorte que celui-ci ne saurait 4 être considéré comme s’étant écarté substantiellement des éléments lui soumis à travers la déclaration d’impôt du contribuable.

En effet, la divergence mise en avant par les demandeurs, tant à la base de leur réclamation qu’à travers leur recours contentieux sous analyse, ne provient d’aucun ajout quelconque d’éléments ou de données par rapport à ceux produits par le contribuable à travers sa déclaration d’impôt et s’analyse en substance purement en une question d’application de la loi qui relève de la compétence du bureau d’imposition, seul appelé à apprécier à ce stade de la procédure d’imposition, si les conditions légales pour une exemption d’impôt selon l’article 4 de la loi modifiée du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises et la création d’emplois au moyen de la promotion de l’épargne mobilière, communément appelée “ loi Rau ”, étaient remplies.

Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen des demandeurs tendant à l’annulation du bulletin déféré pour cause de violation du paragraphe 205 alinéa 3 AO n’est pas fondé.

Quant au fond, les demandeurs demandent le bénéfice de l’exemption des montants distribués par les sociétés … et STILETTO sur base de la pratique administrative courante afférente, conformément à laquelle ils estiment que les quote-

parts des parts de bénéfice exonérées devraient se chiffrer respectivement à … et … francs. Ils signalent à cet égard que le capital social de la société … a été augmenté en date du 19 avril 1988 de … à … francs, tandis que celui de la société STILETTO l’a été en date du 13 septembre 1985 de … à …- francs. Concernant plus particulièrement la société STILETTO, ils estiment par ailleurs que la quote-part des parts de bénéfice imposables, évaluée à …- francs, devrait bénéficier de l’application du taux de l’article 131 LIR, étant donné que ce montant constituerait un dividende de liquidation au sens des articles 101 (1) et (2), ainsi que 132 (2) LIR.

Dans la mesure où l’imposition précisément critiquée du montant distribué par la société … est conforme tant à la déclaration d’impôt des demandeurs qu’à leur prétentions afférentes énoncées à l’appui du recours contentieux sous examen, le recours est à considérer comme étant ab initio sans objet à cet égard.

Concernant le dividende distribué par la société STILETTO, il se dégage des pièces versées au dossier que le bureau d’imposition, par référence à une information lui communiquée par le bureau d’imposition sociétés IV datant du 10 août 1992, a retenu comme quote-part exonérée du montant touché par les demandeurs, un import de 85.540.- francs et que pour le surplus le montant en question fut imposé au taux normal applicable aux revenus de capitaux mobiliers.

Dans la mesure où il se dégage tant de la déclaration à la base de l’imposition litigieuse que des informations fournies en cause par les demandeurs que la société STILETTO est en liquidation suivant acte notarié … datant du 22 janvier 1988, il y a lieu de relever que si les montants touchés par les demandeurs au titre de l’année 1990 étaient intégralement constitutifs d’un dividende de liquidation, ils ne sauraient à leur base être traités fiscalement en tant que revenus de capitaux mobiliers, l’article 97 LIR disposant dans son alinéa 3 sub d) que “ ne constituent pas de revenus de capitaux mobiliers (…) les sommes allouées à l’occasion du partage, visé à l’article 1er, de l’actif 5 net investi ”. Etant donné que l’article 101 LIR prévoit un certain nombre de cas de figure représentatifs d’un “ partage ” dont notamment celui de la “ dissolution ” de la société, la lecture combinée des articles 97 et 101 LIR permet d’aboutir à la conclusion que les dividendes de liquidation d’une société à responsabilité limitée ne constituent point un revenu de capitaux mobiliers, mais sont à ranger plus particulièrement dans la catégorie des revenus divers.

Le tribunal n’ayant pas été mis en mesure, à partir des éléments et informations fournis en cause, de dégager utilement si le montant litigieux de … francs distribué par la société STILETTO, en liquidation, au titre de l’année 1990, provient intégralement comme produit de la liquidation de cette dernière, il y a lieu de prononcer la réouverture des débats afin de permettre aux parties de fournir les éléments d’information afférents pour qualifier ce montant, ainsi que d’y prendre position, le cas échéant, par un mémoire complémentaire.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable en la forme ;

avant tout autre progrès en cause, tous moyens des parties étant réservés, prononce la réouverture des débats afin de permettre aux parties de fournir les renseignements et éléments nécessaires pour qualifier le montant litigieux distribué par la société STILETTO, ainsi que d’y prendre position, le cas échéant, par un mémoire complémentaire à déposer avant le 1er octobre 2000;

refixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 4 octobre 2000 ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11445
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11445 ?

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