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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11442

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11442


N° 11442 du rôle Inscrit le 4 août 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par les époux … STILETTO, restaurateur, et …, employée privée, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11442 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STILETTO, restaurateur, et d...

N° 11442 du rôle Inscrit le 4 août 1999 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par les époux … STILETTO, restaurateur, et …, employée privée, … contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11442 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … STILETTO, restaurateur, et de son épouse Madame …, employée privée, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 1985 émis à leur encontre en date du 20 août 1992 par le bureau d’imposition Luxembourg 9 de l’administration des Contributions directes, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions à l’égard de leur réclamation introduite à l’encontre du bulletin prévisé en date du 16 novembre 1992 ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2000 par Maître Roland ASSA pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Yves HUBERTY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2000 ;

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Le 20 août 1992, le bureau d’imposition Luxembourg 9 de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre des époux … STILETTO, restaurateur, et …, employée privée, demeurant ensemble à L-…, un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques relatif à l’année 1985.

A l’encontre de ce bulletin, les époux STILETTO introduisirent, par lettre datant du 16 novembre 1992, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé “ le directeur ”, en contestant “ le bien-fondé des redressements opérés dans la catégorie des revenus “ revenus nets de capitaux mobiliers ”, qui se présentent de la manière suivante :

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L’ajout en tant que distribution cachée de bénéfice des remises de dettes en faveur de la société à responsabilité limitée société de …, accordés par les sociétés … -

L’imposition de la distribution de bénéfice de la part de la s. à r.l. …: … Quote-part de revenu exonéré: … -

L’imposition de la distribution de bénéfice de la part de la s. à r.l. …: …

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--------------- ” Les réclamants relevèrent en outre que le bulletin en question a été émis “ sans que la prescription impérative du paragraphe 205, alinéa 3 AO ait été observée ”.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de cette réclamation, les époux STILETTO-…, ont introduit le 4 août 1999 un recours tendant à la réformation du bulletin précité.

Sur ordonnance de la première chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, comprenant sous son numéro courant 194 l’affaire sous analyse, le mandataire des demandeurs, dans le délai imparti d’un mois à partir de sa notification, a déclaré maintenir l’affaire en question au rôle, sans se manifester autrement par la suite y relativement.

Il s’ensuit qu’après l’expiration du délai en question d’un mois à partir de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, les nouvelles règles de procédure issues de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives sont devenues applicables en l’espèce pour l’instruction plus en avant de l’affaire (trib. adm. 13 décembre 1999, Rausch, n° 10980 du rôle et 16 février 2000, Schritz, n° 11507 du rôle, non encore publiés).

Le législateur ayant prévu les délais émargés par la loi du 21 juin 1999 sous peine de forclusion, ses dispositions sont à considérer comme étant d’ordre public en tant que touchant à l’organisation juridictionnelle au vœu même du législateur.

2 Le délégué du Gouvernement n’ayant pas autrement pris position au sujet de la question des délais évoquée par la partie demanderesse, force est dès lors au tribunal d’écarter le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, déposé le 11 février 2000, soit plus de trois mois après l’expiration du délai d’un mois à partir de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, comme ayant été fourni tardivement au regard de l’article 5 (5) de ladite loi.

Dans la mesure où le mémoire en réplique ne constitue, aux termes du même article 5 (5) qu’une réponse au mémoire en réponse, la même conclusion s’impose en ce qui concerne le mémoire en réplique déposé par les parties demanderesses le 28 février 2000, ceci même abstraction faite de ce que la requête en prorogation du délai légal pour déposer un mémoire en réplique présentée par le mandataire des demandeurs fut rejetée par ordonnance du 7 mars 2000.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée “ Abgabenordung ”, ci-après désignée par “ AO ”, et des articles 8 (3) alinéas 1er et 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il a compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin déféré de l’impôt sur le revenu de l’année 1985.

Il se dégage des pièces versées au dossier que la réclamation du 16 novembre 1992 fut introduite par les époux … et … STILETTO-…, les deux époux étant mentionnés en tant qu’auteurs dudit courrier à la fois à la première page et en bas de page en tant que signataires. S’il est certes vrai qu’un seul des époux mentionnés comme signataires a effectivement apposé sa signature sur ledit courrier, il n’en demeure pas moins que l’existence d’un mandat tacite dans le chef du signataire en question est établie à suffisance à travers les informations fournies en cours de procédure contentieuse, les deux époux, y valablement représentés, ayant en effet fait exposer avoir introduit une réclamation dès le 16 novembre 1992 à l’encontre du bulletin litigieux du 20 août 1992.

Le recours ayant été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours les demandeurs exposent d’abord que pendant l’exercice fiscal 1985 les quatre sociétés suivantes, à savoir les sociétés à responsabilité limitée …, auraient formé un groupe de sociétés exploitant entre autres des restaurants-

pizzeria sous l’enseigne “ … ” et ce notamment à Luxembourg-Ville, Echternach, Diekirch et Remich, tout en signalant que les associés des quatre sociétés en question étaient quasiment toujours les mêmes. Ils relèvent encore qu’il n’y a pas eu de participations croisées entre les quatre sociétés et que pendant l’année 1985, sans préjudice quant à la date exacte, les sociétés … ont accordé des remises de dettes au profit de la société S.R.I. de l’ordre respectivement de …,- …,- et …, - LUF, en précisant que le mobile de ces remises de dettes aurait été purement commercial, dans la mesure où les difficultés financières graves mettant en jeu la survie économique de la société … auraient risqué de causer une perte d’image pour l’enseigne … se traduisant nécessairement par une baisse de la clientèle et donc du chiffre d’affaires des autres 3 établissements exploités sous cette enseigne par les différentes sociétés du groupe. Les demandeurs estiment dès lors que les différentes remises de dettes accordées à la société S.R.I. auraient contribué de façon substantielle à la survie économique des autres sociétés du groupe, garantissant ainsi l’emploi du personnel y occupé et les droits des différents créanciers.

Ils exposent en outre avoir touché pendant l’exercice fiscal 1985 un dividende brut de …- francs de la part de la société … Les parties demanderesses reprochent en premier lieu au bureau d’imposition d’avoir manqué aux obligations découlant du paragraphe 205 alinéa 3 AO, au motif qu’il aurait omis de les informer préalablement à l’établissement du bulletin litigieux au sujet de l’intégration dans le résultat imposable des remises de dettes portant sur le montant de …- Luf non mentionné dans leur déclaration d’impôt relative à l’année 1985, ainsi que sur l’imposition des dividendes par eux touchés de la part de la société … s. à r.l..

Les questions de procédure étant à analyser avant les questions ayant trait au fond, le tribunal est amené à examiner d’abord le moyen invoqué par les demandeurs quant à une prétendue violation du paragraphe 205, alinéa 3 AO.

Le paragraphe 205, alinéa 3 AO dispose que : “ Wenn von der Steurerklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ”.

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une “ wesentliche Abweichung ” en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (“ Anspruch auf Gehör ”), tel qu’il résulte du paragraphe 204, alinéa 1er AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

A cet effet le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées en vue d’établir les bases d’imposition.

Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette “ wesentliche Abweichung ” en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt 4 ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition.

En l’espèce, il est constant que le bureau d’imposition a puisé ses informations sur l’avantage indirect que les demandeurs auraient eu, à ses yeux, en tant qu’associés d’une ou de plusieurs sociétés de capitaux, non pas parmi les éléments et informations fournis à travers la déclaration d’impôt des demandeurs, mais à partir d’informations recueillies dans le cadre de sa propre instruction du dossier relatives à des remises de dettes accordées par ailleurs par des sociétés dont les demandeurs sont associés majoritaires.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le bureau d’imposition, conformément aux dispositions du paragraphe 205 alinéa 3 AO, aurait dû entendre les demandeurs avant de leur imputer, au-delà des recettes par eux déclarées, un avantage indirect qu’ils sont considérés, d’après le résultat de l’instruction, avoir eu en tant qu’associés d’une société de capitaux.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la circonstance que les demandeurs avaient par ailleurs conscience ou non de ce que les remises de dettes en question étaient susceptibles de leur valoir un avantage indirect imposables, la “ Abweichung ” envisagée par le paragraphe 205, alinéa 3 AO s’entendant explicitement par rapport à la déclaration d’impôt à la base de l’imposition précisément concernée et non par rapport aux éléments que le contribuable, sans les avoir expressément déclarés, serait néanmoins censé connaître.

La procédure d’imposition ayant conduit au bulletin litigieux se trouvant ainsi viciée à sa base par le non respect des dispositions du paragraphe 205 alinéa 3 AO, il y a lieu d’annuler dans le cadre du recours en réformation, le bulletin d’imposition déféré du 20 août 1992.

Les conditions d’octroi d’une indemnité de procédure n’étant pas remplies en l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande afférente formulée par les demandeurs.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit justifié;

partant annule le bulletin d’imposition déféré ;

renvoie l’affaire devant le directeur aux fins de transmission au bureau d’imposition compétent ;

condamne l’Etat aux frais.

5 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11442
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11442 ?

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