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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11002

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 11002


Numéro 11002 du rôle Inscrit le 1er décembre 1998 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Madame X., …, et consorts contre des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés émis par le bureau d'imposition Grevenmacher en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11002 du rôle, déposée le 1er décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Rina BREINING

ER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Numéro 11002 du rôle Inscrit le 1er décembre 1998 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Madame X., …, et consorts contre des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés émis par le bureau d'imposition Grevenmacher en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11002 du rôle, déposée le 1er décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Rina BREININGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame X., demeurant à L-5401 …, 8, rue de Niederdonven, agissant ensemble avec ses enfants Y., agissant tous en leur qualité d’héritiers de Monsieur Y., ayant demeuré à, décédé le 7 octobre 1998 à Luxembourg, ainsi qu’au nom des époux Y. et Z., demeurant ensemble à L-5401 …, 4, rue Palmberg, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 1992, 1993 et 1994, concernant la maison viticole Y.-…, émis le 25 septembre 1997 par le bureau d'imposition Grevenmacher de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes ;

Vu le jugement du 3 mai 2000 ;

Vu le dossier fiscal versé en cause ;

Ouï Maître Lynn SPIELMANN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Au cours des années 1992 à 1994, les époux Armand Y. et Z., demeurant ensemble à L- ainsi que les époux Y. et X., ayant demeuré ensemble à L-, furent coexploitants de la maison viticole Y.-…, sise à …, , la moitié des parts de bénéfices revenant à chaque couple.

Suite au dépôt, « en automne de l’année 1996 », des déclarations pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 1992 à 1994 concernant la maison viticole Y.-…, le préposé du bureau d'imposition Grevenmacher informa les exploitants de la maison Y.-… suivant courrier du 29 octobre 1996, indiquant comme objet « vos déclarations pour l’établissement en commun des revenus (bénéfices viticoles) des années 1992, 1993 et 1994 – vérification fiscale conformément au paragraphe 162 al. 9 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 » qu’ « après vérification des prédites déclarations, je vous prie de tenir à notre disposition tous vos livres et pièces comptables des années 1992, 1993 et 1994. Vous serez informés de la date précise de notre première entrevue ». Ce même courrier comporta un tableau comparatif renseignant, d’une part, un prix de vente par litre de vin dégagé par le préposé pour les trois années d’impôt en cause à partir de la division de la recette ventilée pour chaque cépage par la variation du stock de ce cépage en cours d’année, tels que ces deux derniers éléments ont été fournis dans la déclaration d’impôt soumise au bureau d'imposition, et, d’autre part, la moyenne annuelle des récoltes par hectare de surface d’exploitation calculée par le préposé à partir des données inscrites dans les déclarations d’impôt relativement aux surfaces exploitées et le chiffre d’affaires total. Ce tableau est conçu comme suit :

« Données statistiques (vos déclarations) :

1992 1993 1994 Prix de vente / litre Elbling 78 80 75 Rivaner 80 84 79 Riesling 207 220 213 Pinot blanc 197 210 190 Auxerrois 164 170 165 Pinot gris 251 260 240 Traminer, divers 253 270 250 Chiffre d’affaires (f) 8.998.010 9.678.600 10.647.210 Surfaces exploitées (ha) 6,80 6,90 6,90 Récoltes/ha (litres) 13.235 10.413 7.463 Récoltes/ha (litres) Inst. 20.086 12.488 12.944 vini-viticole Frais 4.682.643 4.700.707 5.209.180 Prix de revient déclaré / 20 20 20 litre 2 Après avoir procédé à la vérification sur place ainsi annoncée, le dit préposé adressa aux exploitants de la maison Y.-… un nouveau courrier daté au 14 mars 1997, indiquant le même objet précité, les informant de ce qu’ « après vérification des – copies des factures « clients » (non numérotées, sans indication des cépages), - extraits bancaires remis au bureau d'imposition , je vous prie de nous remettre – tous les comptes bancaires (p.ex. CCPL 29354-60, Banque de Luxembourg BLUX 810/02/066533/00, ..), - un plan comptable et les comptes des années précitées ».

Les exploitants se conformèrent à cette injonction en envoyant le 27 mars 1997 au bureau d'imposition un plan comptable et les extraits de plusieurs comptes bancaires, ainsi qu’un courrier d’accompagnement comportant certaines précisions sur les documents ainsi fournis.

Le préposé sollicita, par missives du 23 avril 1997, respectivement des époux Léon Y.-

X., des époux Y.-Z., de Madame Patricia Y.-Z. et de la maison viticole Y.-… des informations justifiées concernant certains mouvements sur les comptes bancaires y indiqués - la demande adressée à la maison viticole réclamant encore des informations sur les comptes-courants des associés - sur des tableaux y annexés. Les renseignements requis furent renvoyés avec des pièces justificatives par les destinataires prévisés au bureau d'imposition à des dates non autrement précisées.

Par une itérative demande de renseignements du 28 juillet 1997, le préposé requit de la maison viticole Y.-… un « listing des mouvements (dates et montants des prél. et des mises (contre-parties)) » relatif aux prélèvements et apports privés en espèces, ainsi que des copies des comptes « Ventes ».

Par courrier du 4 août 1997, Madame Patricia Y.-Z. précisa pour le compte de la maison viticole Y.-… que « le montant des ventes déclarées dans les déclarations d’impôt citées ci-dessus a été déterminé sur la base des doubles des factures communiquées. Nous avons en effet eu une période transitoire entre les déclarations établies par mon beau-père (déclaration établie seule et imposition forfaitaire) et les déclarations établies actuellement avec l’aide d’une fiduciaire. Pendant cette période, nous avons passé en revue plusieurs méthodes de travail et changé plusieurs fois d’organisation du plan comptable ainsi que de programme informatique et d’ordinateur, afin de trouver la solution de travail la mieux adaptée et la plus cohérente avec notre comptable. Ce n’est que pour la déclaration de l’année 1996 que les listings pourront être établis de manière correcte et complète », tout en y joignant un calcul du bénéfice des exercices 1992 à 1994 comportant notamment les soldes des mouvements sur les comptes courants d’associés.

Le préposé informa la maison viticole Y.-… suivant courrier du 14 août 1997 qu’ « il résulte de la vérification de vos livres et pièces comptables que - les facturiers-clients sont incomplets, - un contrôle quantitatif (stocks, ventes, récoltes) sur la base des copies des factures-clients est impossible (non indication des cépages), - les factures clients ne sont pas numérotées, - les reventes de vins étrangers ne sont pas déclarées (Chardonnay, Brunelle, Peyréré, Bourgogne, Pontac, …) - les prix de vente unitaires (1/1) sont insuffisants (voir copies des factures utilisables), 3 - les ventes ont été évaluées (quantités et prix arrondis, écritures de fin d’années / comptes privés).

Faute de renseignements complets justifiés et suffisants, avant le 10 septembre 1997, les ventes seront évaluées comme suit :

Propre production : Prix unitaires 1992 Prix unitaires 1993 Prix unitaires 1994 cépages Elbling 80 80 80 Rivaner 85 85 85 Riesling 270 270 280 Pinot blanc 225 225 230 Auxerrois 225 225 230 Pinot gris 280 280 280 Traminer, Pinot noir 300 300 300 Vins revendus 300.000 300.000 300.000 Veuillez agréer…. ».

Les époux Armand et Patricia Y.-Z. prirent position, pour compte de la maison viticole Y.-…, à l’égard de cette information de la part du préposé par courrier du 18 août 1997 en faisant notamment valoir que la maison viticole ne revendait pas de vins étrangers, les paiements erronés sur ses comptes bancaires ayant en réalité été destinés à la société « Le Goût du Vin » à laquelle ils ont été continués. Ils soumirent encore que « la maison viticole appartenant encore à mon beau-père, « la passation des pouvoirs » s’est faite petit à petit et j’ai pris en main la comptabilité en essayant d’améliorer le système au fur et à mesure. En mars dernier vous vous êtes plaint du manque de cépages et de numéros sur les copies des factures. Dès lors nous avons commencé en 1997 à utiliser des copies factures avec indications de cépages, et nous allons instaurer en 1998 des factures numérotées. Pour l’année 1996 j’ai commencé à établir un livre de caisse. Vous comprenez que le problème ne s’étant pas présenté auparavant, nous n’avons jamais eu réellement connaissance de toutes les pièces à fournir et nous n’étions pas au courant de vos exigences et je suis dans l’impossibilité de changer les choses pour des années qui sont déjà écoulées. Avec la meilleure volonté qui soit, je ne peux donc pas vous fournir les renseignements que vous me demandez. Le délai étant imposé au 10 septembre, veuillez nous contacter dès votre retour.

Meilleures salutations .. ». Les époux Y.-Z. annexèrent à ce courrier des copies de leurs listes des prix officielles pour les années 1992 à 1994.

Le bureau d'imposition Grevenmacher émit le 25 septembre 1997 les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 1992 à 1994 du chef de la maison viticole Y.-…. Ces trois bulletins opérèrent des majorations des ventes de vins de 1.500.000 LUF pour l’année 1992, de 1.300.000 LUF pour l’année 1993 et de 2.250.000 LUF pour l’année 1994, qui furent justifiées par la considération que « votre réponse du 19 août 1997 à notre préavis du 14 août 1997 ne fournissant pas d’informations 4 suffisantes justifiant l’exactitude des ventes de vins de votre production, les ventes ont été évaluées, compte tenu de la quantité déclarée » sur base d’un calcul des recettes des ventes fondées sur les quantités de ventes déclarées et les prix unitaires annoncés dans le courrier du préposé du 14 août 1997. Ces mêmes bulletins imputèrent à Monsieur Léon Y. et à Monsieur Armand Y., pour les années d’imposition 1992 à 1994, respectivement 50% du bénéfice agricole ainsi fixé.

Des bulletins de l'impôt sur le revenu portant la même date du 25 septembre 1997 fixèrent à l’égard respectivement des époux Léon et Marguerite Y.-X. et des époux Armand et Patricia Y.-Z. les cotes de l'impôt sur le revenu pour les années 1992 à 1994 sur base notamment des parts des bénéfices agricoles majorés fixées pour ces années par les bulletins d’établissement prévisés.

Par courrier recommandé du 19 décembre 1997 à entête de la maison viticole Y.-…, les époux Armand et Patricia Y.-Z. réclamèrent à la fois contre les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 1992 à 1994 prévisés du 25 septembre 1997 et contre les bulletins de l'impôt sur le revenu pour les mêmes années portant la même date, tant ceux émis à leur encontre que ceux émis à l’encontre des époux Léon et Marguerite Y.-X.. Ils annexèrent à leur réclamation une estimation des quantités de vins cédées gratuitement ou à prix réduits, voire constituant des pertes techniques.

Suite à un courrier de la direction des Contributions du 11 mars 1998 attirant l’attention des signataires de la réclamation du 19 décembre 1997 sur le fait que les requêtes collectives tendant à introduire plusieurs instances à la fois sont interdites et les invitant à régulariser la procédure par la production d’actes distincts pour chaque recours, Monsieur Armand Y. envoya les requêtes ainsi réclamées en annexe à un courrier du 12 mars 1998.

Monsieur Y.-X. décéda le 7 octobre 1998 à Luxembourg et laissa, d’après un acte de notoriété dressé le 6 novembre 1998 par le bourgmestre de la commune de Wormeldange, comme héritiers légaux son épouse survivante, Madame Marguerite Y.-X., et ses enfants Y..

Les réclamations lui soumises étant restées sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, les époux Armand et Patricia Y.-Z. introduisirent un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre des bulletins d’établissement susvisés du 25 septembre par requête déposée le 1er décembre 1998 et enregistrée sous le numéro 11000 du rôle.

Suivant requête déposée à la même date et enregistrée sous le numéro 11001 du rôle, Madame Marguerite X., agissant ensemble avec ses enfants Y. Paul, Y. Henri, Y. Eliane, Y.

Armand, Y. Jean-Louis et Y. Martine, préqualifiés, agissant tous en leur qualité d’héritiers de Monsieur Léon Y.-X., introduisirent un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1992, 1993 et 1994 prévisés établis au nom de Monsieur et Madame Y.-X. Léon.

Par une troisième requête déposée pareillement en date du 1er décembre 1998 et enregistrée sous le numéro 11002 du rôle, Madame Marguerite X., agissant ensemble avec ses enfants Y., ainsi que les époux Armand Y. et Z. introduisirent un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 1992, 1993 et 1994 prévisés émis le 25 septembre 1997.

5 Par jugement du 3 mai 2000, le tribunal déclara les recours introduits sous les numéros 11000 et 11001 du rôle irrecevables et reçut en la forme le recours inscrit sous le numéro 11002 du rôle, sauf pour autant qu’il avait été introduit par Madame Patricia Y.-Z.. Quant au fond, le tribunal a retenu que l’évaluation du bénéfice de la maison viticole Y.-… est fondée sur la fixation, par le préposé, de prix de vente par litre plus élevés pour les différents cépages que ceux se dégageant de la division des recettes par cépage par la variation du stock correspondant en cours d’année, telles que ces données résultent des déclarations d’impôt soumises pour compte de la maison viticole, et a estimé ne pas être en mesure de vérifier en l’état actuel du dossier la justification du niveau des taxations opérées dans les bulletins d’établissement déférés, pour ordonner la réouverture des débats afin de permettre à la partie défenderesse de préciser plus particulièrement les facteurs internes ou extérieurs à la maison viticole Y.-… l’ayant amené à retenir les prix unitaires figurant dans le courrier précité du 14 août 1997.

Dans la mesure où l’examen de la légalité externe d’une décision doit précéder celui de sa légalité interne, il y a lieu de trancher en premier lieu le reproche des demandeurs relatif à la procédure suivie par le bureau d'imposition.

Les demandeurs reprochent au bureau d'imposition le non-respect des dispositions du paragraphe 205 (3) AO en faisant valoir plus particulièrement que le préposé aurait « passé au peigne fin » la comptabilité de la maison viticole Y.-… pour aboutir aux conclusions contenues dans son courrier précité du 14 août 1997 qui se seraient concrétisées par une évaluation arbitraire du prix unitaire des ventes réalisées fondée sur des affirmations partiellement fausses. Cette façon de procéder du préposé les aurait mis dans l’impossibilité de connaître les éléments de fait ayant conduit le préposé à cette évaluation, dans la mesure notamment où le dit courrier du 14 août 1997 aurait omis d’indiquer précisément les défauts reprochés à la comptabilité et leur influence sur le bénéfice déclaré. Ils estiment qu’il aurait incombé au préposé de communiquer, préalablement à l’émission des bulletins litigieux, les éléments de fait pertinents qui l’ont amené à évaluer le prix unitaire par cépage aux montants repris dans son courrier du 14 août 1997.

Le paragraphe 205 (3) AO dispose que: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le paragraphe 205 (3) AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 (1) AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

A cet effet le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées le cas échéant en vue d’établir les bases d’imposition.

6 Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition.

En l’espèce, il résulte de l’exposé des faits que le préposé a émis des doutes quant à la véracité des déclarations soumises au bureau d'imposition dès son courrier du 29 octobre 1996 et a sollicité des informations et justifications complémentaires par courriers précités des 14 mars 1997, 23 avril 1997 et 28 juillet 1997. Le courrier du préposé du 14 août 1997 s’analyse dès lors en un résumé des éléments dégagés par les mesures de vérification qui le conduisent à s’écarter des déclarations d’impôt en ce qui concerne le chiffre d’affaires réalisé par la vente de vins et en l’annonce d’une taxation d’office, tout en conférant aux demandeurs un dernier délai pour fournir des renseignements complémentaires afin de combler les lacunes mises en évidence. Cette façon de procéder du préposé est conforme aux exigences du paragraphe 205 (3) AO, les co-exploitants de la Maison viticole Y.-… ayant été mis au courant des éléments des bases d’imposition déclarées non repris par le bureau d'imposition et ayant disposé d’un délai raisonnable pour y prendre position.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen formulé par les demandeurs à l’encontre des bulletins déférés pour cause de violation du paragraphe 205 alinéa 3 AO n’est pas fondé.

Les demandeurs contestent en second lieu l’augmentation des ventes de l’ordre de 5 millions de francs sur les trois années d’impôt litigieuses en renvoyant d’abord au fait que les prix fixés par le préposé dépasseraient en partie les prix des listes officielles des ventes pour ces mêmes années et que ce dernier n’aurait pas tenu compte de la circonstance qu’une partie de la production n’aurait pas été vendue ou aurait été vendue à moindre prix. Concernant ce dernier volet, pour justifier la réalité des montants de ventes déclarés, les demandeurs se prévalent de dégustations aux foires et présentations publiques, de pertes techniques ainsi que de cadeaux et ventes à prix réduits aux clients et aux relations commerciales. Ils signalent que leurs déclarations pour les années antérieures établies selon les mêmes principes auraient été acceptées par le bureau d'imposition sans autres redressements. Ils relèvent encore une contradiction « incompréhensible » dans l’approche du préposé en ce que les prix par lui fixés ne s’écarteraient que marginalement des prix résultant de leurs déclarations pour les cépages Elbing et Rivaner, mais que la différence avoisine les 50 LUF pour certains cépages de qualité.

Il ressort des développements qui précèdent et des éléments du dossier soumis au tribunal, dont le rapport du contrôle sur place du 23 septembre 1997, que la maison viticole Y.-… ne disposait pas d’une comptabilité régulière pour les années en cause en ce que notamment le relevé des factures aux clients était incomplet et non numéroté, les mentions des factures étaient incomplètes et les stocks et les ventes étaient évalués approximativement.

En raison de ces défauts non autrement contestés, la comptabilité de la maison viticole Y.-… n’est pas conforme aux prescriptions du paragraphe 162 AO et ne peut partant pas bénéficier de la présomption de régularité instaurée par le paragraphe 208 (1) AO. Dans la mesure où les mesures d’investigation ultérieures du bureau d'imposition et les éléments complémentaires fournis par les co-exploitants de ladite maison viticole ont permis de 7 clarifier la séparation financière entre les comptes privés des co-exploitants et de la maison viticole, mais n’ont pas permis de combler les lacunes en relation avec le volume et les recettes des ventes de vins, les bases d’imposition n’ont pas pu être déterminées à suffisance de droit et de fait à partir des informations complémentaires fournies par les demandeurs et le bureau d'imposition a été mis dans l'impossibilité de constater ou de calculer avec précision le bénéfice imposable.

Le bureau d'imposition était dès lors en droit de recourir au principe de la taxation du bénéfice telle que prévue par le paragraphe 217 AO qui, en disposant que « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschliesslich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. (2) Zu schätzen ist insbesondere dann … wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind », consacre le principe de la taxation d'office par voie d'estimation du bénéfice d'après les éléments et circonstances d'exploitation dans l'hypothèse d'une irrégularité au niveau de la comptabilité non clarifiée à suffisance de droit et de fait.

Les critiques des demandeurs portent essentiellement sur le prix par litre fixé pour chaque cépage par le bureau d'imposition et le chiffre d’affaire obtenu par la multiplication de ce prix avec les quantités de vin vendu.

Il résulte néanmoins des éléments soumis au tribunal que les prix par litre retenus par le préposé dans son courrier du 14 août 1997 et retenus à la base des impositions critiquées correspondent, sous réserve de légères divergences, aux prix officiels de la Maison Y.-… pour les années en cause après un recalcul pour correspondre au prix par litre. Le reproche d’arbitraire face aux prix ainsi fixés est donc dénué de fondement.

Les demandeurs se prévalent encore de la circonstance qu’une partie de la production n’aurait pas été vendue ou aurait été vendue à moindre prix en raison de dégustations aux foires, de présentations publiques, de pertes techniques ainsi que de cadeaux et ventes à prix réduits aux clients et aux relations commerciales, et ils versent à l’appui de leur moyen un « tableau du vin non vendu, respectivement vendu à prix réduit » censé documenter les diminutions du chiffre d’affaires annuel dues à ce facteur.

La taxation consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n'est pas possible » (cf.

J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d'impôts directs, page 117 n° 190, in ETUDES FISCALES Nos 81 à 85, novembre 1989), de sorte qu’elle comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude.

En l’espèce, le résultat de la taxation est vraisemblable sur base du dossier et des renseignements fournis à l’instance. Les éléments complémentaires soumis au tribunal par les demandeurs constituent des évaluations sommaires dont la réalité n’est même pas corroborée par un quelconque indice tiré notamment de la comptabilité de la maison Y.-… et qui n’avaient pas été mis à la disposition du bureau d'imposition lors de la fixation de l’impôt. Le tribunal arrive dès lors à la conclusion que les éléments complémentaires produits en cours d’instance ne sont pas de nature à énerver autrement les bases d’imposition telles qu’évaluées à travers des bulletins d’impôt critiqués par le bureau d'imposition et ne sauraient partant justifier une réformation des impositions intervenues par le tribunal.

8 Il résulte des développements qui précèdent que le recours doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 3 mai 2000, déclare le recours introduit sous le numéro du rôle 11002 non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. Y., greffier en chef s. Y.

s. CAMPILL 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11002
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;11002 ?

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