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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°10417

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 10417


Numéro 10417 du rôle Inscrit le 19 novembre 1997 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … CHARRON, …(F) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg IV en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10417, déposée le 19 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

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Numéro 10417 du rôle Inscrit le 19 novembre 1997 Audience publique du 26 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … CHARRON, …(F) contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg IV en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10417, déposée le 19 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CHARRON, demeurant à F-…, tendant à la réformation du bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1994 émis en date du 13 avril 1995 par le bureau d'imposition Luxembourg IV, et, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes résultant du silence gardé par ce dernier suite à sa réclamation du 12 mai 1995 ;

Vu le jugement interlocutoire du 21 décembre 1998 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé par le délégué du Gouvernement au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2000 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé le 29 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT pour compte de Monsieur CHARRON ;

Ouï Maître Jean STEFFEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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A partir du mois d’octobre 1993, Monsieur … CHARRON, ayant demeuré à l’époque à F-…, a été détaché par son employeur, la BANQUE X., auprès de l’établissement de crédit BANQUE Y. (Luxembourg) S.A., ci-après désigné « Y. ». Alors que sa famille est restée établie à Nice, Monsieur CHARRON fut logé par l’Y. dans un appartement sis à Luxembourg,…. Ce détachement a pris fin au mois d’août 1995, moment à partir duquel Monsieur CHARRON a été réintégré au sein de la division internationale parisienne de la BANQUE X..

Dans sa déclaration de l'impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 1994, Monsieur CHARRON a sollicité l’application de la classe d’impôt 2.2., prétendant ainsi à l’imposition collective avec son épouse et ses deux enfants à charge ayant continué à vivre au foyer familial à Nice.

Par bulletin de l'impôt sur le revenu du 13 avril 1995, le bureau d'imposition Luxembourg IV a refusé à Monsieur CHARRON l’application de la classe d’impôt 2.2. au motif que « la classe d’impôt 2.2. ne peut être accordée qu’aux contribuables résidents imposables collectivement en vertu de l’article 3 LIR », tout en lui accordant l’abattement pour charges extraordinaires du chef de ses enfants. Le bureau d'imposition a encore ramené le forfait kilométrique du maximum légal déclaré de … LUF à … LUF.

Monsieur CHARRON a fait introduire, par sa fiduciaire dûment mandatée à ces fins, une réclamation contre ce bulletin d’impôt par courrier du 12 mai 1995 à l’adresse du prédit bureau d'imposition.

A défaut de réaction de la part du directeur de l’administration des Contributions directes suite à cette réclamation, Monsieur CHARRON a fait introduire, par requête déposée le 19 novembre 1997, un recours en réformation contre le bulletin précité du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet résultant du silence du directeur.

Par jugement du 21 décembre 1998, le tribunal administratif a reçu le recours en réformation en la forme et a dit quant au fond que le domicile fiscal du demandeur au sens de l’article 2 § 4 de la convention conclue entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune en date du 1er avril 1958, se situe en France, et qu’au Luxembourg, Etat de source au sens de la même convention, le bureau d'imposition a correctement, au niveau de l’application de la convention et du droit interne luxembourgeois, qualifié le demandeur de contribuable résident.

Estimant qu’il constitue l’une des autorités étatiques chargées, conformément à l’article 5 du Traité de Rome, d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire, le tribunal a soulevé d’office la question de la conformité des règles conventionnelles et nationales appliquées dans ledit jugement à la situation du demandeur avec les exigences du droit communautaire. Il a renvoyé plus particulièrement à deux arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes ayant posé l’exigence qu’un Etat membre, dont un ressortissant communautaire n’est pas résident fiscal mais en tire l’essentiel de ses ressources imposables par une activité salariée y exercée, tienne compte de la situation personnelle et familiale de ce contribuable et lui accorde les avantages fiscaux afférents, dès lors qu’il ne perçoit pas de revenu significatif dans l’Etat de sa résidence qui n’est alors pas en mesure de lui octroyer ces mêmes avantages (CJCE 12 mai 1998, Gilly, n° C-336/96; CJCE 14 février 1995, Schumacker, n° C-279/93), et a estimé que, même si les deux arrêts précités sont relatifs à la situation d’un frontalier résidant dans un premier Etat membre et retirant des revenus d’un second Etat membre où il exerçait une activité salariée, et donc pas à la situation visée en l’espèce, la question du conditionnement de la compétence fiscale des Etats membres engendré par le droit communautaire, tel qu’opéré surtout par l’arrêt prévisé de la Cour de Justice des Communautés européennes, ci-après désignée par « la Cour », du 14 février 1995, 2 est néanmoins susceptible de se poser également par rapport à une situation telle celle du demandeur. Afin de permettre aux parties de prendre position à l’égard de la question ainsi soulevée et au demandeur d’établir clairement sa situation fiscale globale et celle de son ménage au vu de l’erreur dont semblait être affecté l’avis d’imposition français pour l’année d’imposition litigieuse versé en cause, le tribunal a prononcé la réouverture des débats.

L’appel introduit contre ce jugement par le délégué du Gouvernement en date du 1er février 1999 fut déclaré irrecevable par arrêt de la Cour administrative du 22 février 2000 (n° 11106C du rôle) au motif que le tribunal a certes tranché une partie du principal dans le dispositif du jugement attaqué du 21 décembre 1998, mais n’a ni ordonné une mesure d’instruction ni une mesure provisoire, de manière à ne pas rentrer dans l’une des catégories de jugements appelables au vœu de l’article 99.9 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif.

A travers son mémoire complémentaire, le demandeur se prévaut de l’arrêt Zurstrassen de la Cour du 16 mai 2000 (affaire C-87/99) qui serait fondé sur une situation de fait strictement parallèle à la sienne, à savoir celle d’un cadre de banque détaché au Luxembourg et y résidant tandis que sa famille est restée à l’étranger. Il expose que la Cour aurait mis en exergue dans l’arrêt prévisé le fait que le Luxembourg serait le seul Etat qui puisse prendre en considération la situation personnelle et familiale d’un tel contribuable qui y percevrait presque l’intégralité des revenus professionnels du ménage et aurait conclu qu’une législation refusant à un tel contribuable les avantages liés à l’imposition du ménage serait contraire à l’article 48 du Traité de Rome. Quant à sa situation fiscale en France, le demandeur relève que l’avis d’imposition initial ayant fixé une cote d’impôt de … FRF a fait l’objet d’un avis de dégrèvement de la part des autorités fiscales françaises à hauteur de … FRF suite à une erreur de computation de devises, de manière à ce que l’impôt à recouvrer en France sur les revenus mondiaux de son ménage s’élèverait à … FRF.

Le délégué du Gouvernement rétorque que l’imposition collective se réduirait à imposer au nom d’un contribuable, en plus de son propre revenu, celui de l’autre contribuable imposé collectivement avec lui, et vice versa, quitte à ce que l’effet du cumul soit limité par le tarif de la classe d’impôt 2 et à ce que chacun des redevables profite des paiements de l’autre.

Il précise que l’imposition collective des époux ne constituerait en principe pas un avantage, étant donné que chacun des co-obligés deviendrait redevable de l’impôt en raison de facultés contributives qui ne seraient pas les siennes, sauf pour le contribuable résident pour lequel elle n’entraînerait pas une augmentation sensible du revenu imposable. Il ajoute que l’imposition collective d’un résident du Luxembourg et d’un résident d’un autre Etat membre ne poserait pas seulement un problème de preuve, mais également un problème de fond en ce que d’abord il serait inconcevable de rendre un non-résident ne réalisant pas de revenus indigènes au Luxembourg personnellement redevable d’un impôt dû sur le revenu global d’un résident et que le demandeur ne serait pas en tant que résident dans une situation comparable à celle d’un non-résident qui aspirerait à être traité comme un résident, de sorte que son assimilation à un non-résident pour bénéficier de la jurisprudence communautaire aboutirait à une discrimination selon la nationalité entre deux catégories de contribuables résidents. Le représentant étatique soutient enfin qu’on ne pourrait reprocher au Grand-Duché que les époux non-résidents bénéficient de droits qui seraient refusés au demandeur en tant que résident, vu que le droit communautaire peut avoir cet effet et que le législateur luxembourgeois entendait éliminer toute entrave à la liberté de circulation des travailleurs.

L’imposition collective des non-résidents ne porterait par ailleurs que sur les revenus indigènes et serait facultative dans leur chef, de manière à ce qu’elle n’aurait ni le même but 3 ni le même régime que l’imposition collective des époux résidents et ne se prêterait dés lors pas à des raisonnements par analogie.

Par son arrêt Zurstrassen du 16 mai 2000, la Cour a retenu que « le bénéfice de l’imposition collective pour les couples mariés est subordonné à une condition de résidence des deux conjoints, à laquelle pourront satisfaire plus facilement les nationaux que les ressortissants d’autres Etats membres qui se sont installés au Grand-Duché pour y exercer une activité économique et dont les membres de la famille résident plus fréquemment hors du Luxembourg. Dès lors, la condition de la résidence des deux conjoints sur le territoire national n’est pas de nature à assurer l’égalité de traitement prescrite aux articles 48, paragraphe 2, du traité et 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 ». Elle a par ailleurs ajouté que « 21. certes, en matière d’impôts directs, ainsi que la Cour l’a déjà jugé et comme l’a rappelé le gouvernement espagnol, la situation des résidents et celle des non-résidents dans un Etat ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un Etat par un non-résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier le plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle », admettant ainsi qu’une inégalité de traitement entre résidents et non-résidents est admissible dans la mesure où le centre des intérêts personnels et patrimoniaux du contribuable résident se situe dans le pays et celui du contribuable non résident à l’étranger.

La Cour a d’un autre côté insisté sur le fait que dans l’espèce lui soumise, la personne visée était « contribuable résident dans l’Etat sur le territoire duquel il perçoit la quasi-

totalité de ses revenus professionnels », de manière à avoir le centre de ses intérêts patrimoniaux dans son Etat de résidence, tandis que le centre de ses intérêts personnels se situait dans un autre Etat membre où résidait le reste de sa famille. En présence d’une telle situation, la Cour a considéré que « dans ces conditions, la décisions des autorités fiscales luxembourgeoises de considérer M. Zurstrassen comme contribuable célibataire sans charges de famille, bien qu’il soit marié et qu’il ait des enfants, au motif que son épouse, qui n’a pas de revenus propres, a conservé sa résidence dans un autre Etat membre ne saurait être justifiée au regard des considérations rappelées au point 21 de l’arrêt. En effet, le Grand-

Duché de Luxembourg est le seul Etat qui puisse prendre en considération la situation personnelle et familiale de M. Zurstrassen puisque ce dernier non seulement réside dans cet Etat, mais, de surcroît, y perçoit presque l’intégralité des revenus professionnels du ménage ».

La Cour a dès lors dit pour droit que « l’article 48, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE) et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à l’application d’une réglementation nationale qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés ni de fait ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre ».

En l’espèce, il ressort du dossier soumis au tribunal, et plus particulièrement du bulletin d’impôt déféré du 13 avril 1995 ainsi que de l’avis d’imposition définitif émis par l’administration fiscale française le 9 février 1996, que le ménage globalement considéré du 4 demandeur a réalisé durant l’année 1994 au Luxembourg exclusivement des revenus provenant de l’occupation salariée du demandeur à hauteur de … LUF et en France des revenus d’une occupation salariée, de capitaux mobiliers et des revenus fonciers représentant un revenu imposable total de … FRF. Il s’ensuit que le ménage du demandeur a réalisé la partie prédominante de ses revenus au Luxembourg, les revenus de source française représentant une part minime du revenu global du ménage. Tout comme la personne en cause dans l’affaire ayant donné lieu l’arrêt de la Cour du 16 mai 2000, le demandeur est un cadre de banque détaché par son employeur au Luxembourg pour une mission d’une certaine durée et qui est considéré comme résident fiscal au sens de la loi luxembourgeoise alors même que sa famille a continué à résider à l’étranger. Au vu du parallélisme des situations de fait ainsi dégagé, le demandeur est en droit d’invoquer à son bénéfice la conclusion dégagée par ledit arrêt pour soutenir que l’imposition effectuée à son égard, en le rangeant dans la classe d’impôt 1 sans tenir compte de son épouse et de ses enfants à charge, n’est pas conforme au droit communautaire.

L’arrêt précité du 16 mai 2000 pose l’exigence essentielle de la prise en compte par les autorités fiscales luxembourgeoises de la situation personnelle du demandeur, à savoir la charge de sa famille composée de son épouse et de deux enfants à charge, étant donné que l’obligation d’assurer la satisfaction des besoins de plusieurs personnes au lieu d’une seule avec un même revenu réduit d’autant sa capacité contributive. A cet égard, force est de constater qu’en droit luxembourgeois de l'impôt sur le revenu, l’aménagement de la charge d’impôt selon la situation familiale et la réduction de la capacité contributive en résultant est opéré essentiellement au moyen de l’application d’une certaine classe d’impôt et d’une modération d’impôt pour enfant à charge prévue par les articles 122 et 123 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », l’imposition collective étant destinée au fond à déterminer l’impôt en considération de l’ensemble des revenus du ménage et, dans la cadre de la procédure d’imposition, à fixer à l’encontre des contribuables concernés une cote d’impôt commune dont ils sont redevables solidaires. C’est encore à juste titre que le délégué du Gouvernement fait valoir que l’imposition collective ne se conçoit qu’à l’égard d’un couple dont les deux membres soit résident dans le pays, soit réalisent des revenus de source luxembourgeoise, de manière à les soumettre tous les deux à une obligation fiscale personnelle dans le pays.

Il s’ensuit qu’une imposition collective du demandeur avec son épouse et ses enfants résidant en France et ne réalisant aucun revenu de source luxembourgeoise ne saurait être admise en l’espèce, mais que le demandeur tire du droit communautaire le droit de se voir imposer d’après le tarif de la classe d’impôt 2 et se voir appliquer la modération d’impôt pour enfants en considération de son ménage composé de son épouse ne réalisant pas de revenus professionnels propres et de ses deux enfants à charge, résidant tous en France, l’impossibilité de l’imposer collectivement avec son épouse, telle que cette exigence est prescrite en principe par l’article 119 (3) a) LIR ne pouvant faire obstacle à l’application de la classe d’impôt 2 au regard des exigences ci-avant dégagées du droit communautaire.

Le bulletin d’impôt critiqué du 13 avril 1995 encourt partant la réformation en ce sens que le demandeur est en droit de se voir imposer d’après le tarif de la classe d’impôt 2 et de se voir appliquer la modération d’impôt pour enfants.

Le demandeur, s’appuyant sur la fixation de son domicile fiscal au sens de la convention à Nice, estime en second lieu que le bureau d'imposition aurait dû lui accorder le montant maximum de 117.000 LUF du chef de la déduction forfaitaire pour frais de déplacement entre son domicile et son lieu de travail, prévue par l’article 105bis LIR.

5 L’article 105bis (1) LIR dispose que: « les frais de déplacement du contribuable entre son domicile et le lieu de son travail sont déductibles comme frais d’obtention à concurrence d’une déduction forfaitaire établie d’après les dispositions ci-après ». Conformément à l’alinéa (2) du même article, « la déduction forfaitaire est déterminée sans considération du moyen de locomotion choisi par le contribuable et est fonction de l’éloignement entre le chef-

lieu de la commune sur le territoire de laquelle le contribuable a son domicile et celui du lieu de son travail. Lorsque le contribuable dispose de plusieurs domiciles, celui où il réside de façon habituelle et prépondérante entre en ligne de compte ».

Il résulte des éléments du dossier que le demandeur a résidé au cours de l’année d’imposition en cause principalement dans le pays et a effectué ses déplacements vers son lieu de travail essentiellement à partir de sa résidence luxembourgeoise, ces éléments ayant été retenus entre autres pour localiser son séjour habituel au sens de la loi luxembourgeoise au Grand-Duché. Etant donné que la finalité de l’article 105bis LIR vise à tenir compte des distances effectivement couvertes par le contribuable pour rejoindre son travail et à prendre en compte de manière forfaitaire les frais afférents, il y a lieu d’admettre que la résidence du demandeur à Luxembourg, …, constitue sa résidence habituelle et prépondérante au sens l’article 105bis (2) LIR, de sorte que son moyen tendant à se voir reconnaître un forfait kilométrique de … LUF doit être rejeté.

Le demandeur sollicite encore le remboursement de l'impôt sur le revenu acquitté en trop suite au bulletin d’impôt critiqué du 13 avril 1995 et l’allocation d’intérêts légaux, en vertu du droit commun des restitutions, sur les sommes à rembourser. Il précise avoir été dans l’ignorance excusable de la faculté de solliciter un sursis de paiement, ce droit n’étant matérialisé par aucune mention figurant sur le bulletin d’impôt ou le décompte subséquent.

La perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean OLINGER, Le droit fiscal, Etudes Fiscales nos 93-95, p. 63). Un bulletin de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où il comporte les seules détermination du revenu imposable et fixation de la cote d’impôt sur le revenu y relative, ne porte que sur les deux premières phases. Les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt ou son droit de se voir restituer un impôt déjà payé relèvent par contre de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de la réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 LIR et du paragraphe 151 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, dite « Abgabenordnung », en abrégé « AO », un droit au remboursement du trop payé d’impôt sur le revenu. Dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, elle doit, conformément au paragraphe 150 (2) AO, matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement de l’impôt et soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

Une décision du bureau d’imposition prise sur base du paragraphe 251 AO concernant l’effet suspensif à conférer à une réclamation est étrangère à la restitution d’impôts payés, même si elle a pareillement trait à la phase de recouvrement, et constitue par essence une décision autonome.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’un bulletin de l’impôt sur le revenu se confinant à déterminer le revenu imposable au Luxembourg dans le chef du demandeur au titre de l’année 1994 et à fixer une cote d’impôt sur le revenu afférente dont il est redevable, mais ne 6 comportant aucun élément décisionnel quant à une restitution d’impôt. En l’absence d’une décision de l’administration, préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt sur le revenu au bénéfice du demandeur et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait connaître à ce stade de la demande en question laquelle doit dès lors être déclarée irrecevable.

La demande en octroi d’une indemnité de procédure pour « couvrir le montant de ces intérêts » doit encore être rejetée, la considération ainsi avancée n’étant pas de nature à fonder dans le chef du demandeur à ce stade une iniquité au sens de la loi.

Etant donné que l’Etat a succombé quant au moyen principal du demandeur et que le demandeur a succombé dans son moyen relatif au forfait kilométrique, il y lieu d’imposer les frais à concurrence de deux tiers à l’Etat et d’un tiers au demandeur.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 21 décembre 1998, déclare la demande en remboursement du trop-perçu d’impôt avec intérêts légaux irrecevable, dit le recours partiellement fondé, partant, par réformation du bulletin d’impôt critiqué du 13 avril 1995, dit que le demandeur est en droit de se voir imposer d’après le tarif de la classe d’impôt 2 et de se voir appliquer la modération d’impôt pour enfants, dit le recours non fondé pour le surplus, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, rejette la demande en octroi d’une indemnité de procédure, fait masse des frais et les impose à concurrence de deux tiers à l’Etat et à concurrence d’un tiers au demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, 7 en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10417
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;10417 ?

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