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26/07/2000 | LUXEMBOURG | N°10018

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2000, 10018


N° 10018 du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, Luxembourg contre une délibération du conseil communal de Luxembourg, ainsi qu’une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10018C du rôle et déposée au greffe de la Cour admini

strative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’...

N° 10018 du rôle Inscrit le 26 mai 1997 Audience publique du 26 juillet 2000

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Recours formé par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, Luxembourg contre une délibération du conseil communal de Luxembourg, ainsi qu’une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10018C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, établie et ayant son siège social à Luxembourg, Parc de la Ville, tendant à l’annulation, sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 portant approbation du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg et rejetant la réclamation par elle introduite en date du 21 septembre 1993, ainsi que de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 dans la mesure où elle a porté adoption définitive de la partie graphique du plan général d’aménagement de la Ville concernant plus particulièrement sa propriété sise à Luxembourg-Limpertsberg, issue d’un legs Tony Neuman et rejeté son objection présentée le 29 novembre 1991 concernant le plan d’aménagement provisoirement adopté le 4 novembre 1991 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 23 mai 1997 portant signification de ce recours à la commune de Luxembourg ;

Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives opérant la transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure, du recours inscrit sous le numéro 10018C du rôle y inscrit dorénavant sous le numéro 10018 du rôle ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 précitée, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 1999 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 13 décembre 1999 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Marc ELVINGER ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2000 par Maître Marc ELVINGER, au nom de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 9 février 2000 portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Jean MEDERNACH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 mars 2000 par Maître Jean MEDERNACH, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 9 mars 2000 portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Marc ELVINGER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER et Jean MEDERNACH, de même que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 avril 2000 ;

Vu l’avis de fixation de calendrier pour le dépôt des mémoires complémentaires du 6 avril 2000 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2000 par Maître Marc ELVINGER au nom de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 2 juin 2000 portant notification de ce mémoire complémentaire à Maître Jean MEDERNACH ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2000 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 13 juin 2000 portant notification de ce mémoire complémentaire à Maître Marc ELVINGER ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2000 ;

Ouï Maîtres Marc ELVINGER et Gilles DAUPHIN, ainsi que Madame la déléguée du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juillet 2000.

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Considérant que la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, association reconnue d’utilité publique et régie par la loi modifiée du 16 août 1923 lui ayant entre autres conféré la personnalité civile, ainsi que par ses statuts approuvés par arrêté ministériel du 20 août 1923, tels que modifiés par la suite, établie et ayant son siège social à Luxembourg, Parc de la Ville, est propriétaire de différents immeubles sis à Luxembourg-Limpertsberg lui échus suivant legs stipulé par testament olographe du 15 août 1978 de feu Monsieur Tony Neuman, président honoraire du conseil d’administration de la société anonyme ARBED, décédé à Saint-Jean Cap-Ferrat le 29 janvier 1979, désignés comme suit :

“ Un parc d’agrément sis à Luxembourg-Limpertsberg et figurant au cadastre de l’ancienne commune de Rollingergrund, section unique, sous les numéros, respectivement parties des numéros suivants :

a) le numéro 668/2923, terrain labour, d’une contenance cadastrale de 1ha 20a 01ca et le numéro 668/2966, terrain labour, d’une contenance cadastrale de 1ha 79a 54ca, b) le numéro 670/2389, maison place d’une contenance de 27a 80ca, ainsi que partie du numéro 669/2388, jardin, telle que cette partie est plus amplement désignée sur un plan de situation, dressé par Monsieur Jean Van den Bulcke, ingénieur-chef de division du service des biens communaux le 7 décembre 1979 comme lot 5, avec une contenance de 5a 87ca, c) le restant du numéro 669/2388 prémentionné, d’une surface cadastrale de 75a 43ca, ainsi que le lot 6, jardin, partie du numéro 672/2776, d’une contenance d’environ 9a 30ca et encore le lot 4, jardin, chaufferie, partie du numéro 673/2256, d’une contenance de 1a 91 ca tels que ces restants et lots figurent au plan de situation déjà mentionné sub b) ” Que la partie de la propriété lui léguée mentionnée sub b) – maison, place et jardin d’une contenance totale de 33 ares 67 centiares, situés au 179, avenue de la Faïencerie -, se trouve grevée d’un usufruit viager en faveur de Monsieur Reginald Neuman, notaire à Luxembourg, en vertu du prédit testament ;

Que suivant bail emphytéotique du 14 décembre 1979, prévu en tant que charge du legs prédit, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a donné en location à l’administration communale de la Ville de Luxembourg les immeubles lui légués par Monsieur Tony Neuman prédésigné, concernant leur objet et durée, précisés à son article 5 intitulé “ entrée en jouissance et durée ” libellé comme suit :

“ a) le présent bail est conclu pour une durée de quatre-vingt dix ans (90) à partir de la signature du présent bail. L’entrée en jouissance du preneur est fixée, en ce qui concerne les terrains prédésignés sub a) et c) à la date d’approbation des présentes par les autorités supérieures respectives, celle des terrains prédésignés sub b) à partir du décès de l’usufruitier Monsieur Reginald Neuman préqualifié.

3 b) Il est expressément convenu qu’après le décès de l’usufruitier, la jouissance du preneur, en ce qui concerne les terrains prédésignés sub b), ne s’entendra que sur le jardin faisant partie de ces terrains, la maison et le garage avec leurs annexes étant réservés au bailleur en pleine propriété pour sa propre utilisation future, ensemble avec le libre accès avec des voitures privées et utilitaires de ses services et celles des visiteurs ” ;

Que ledit bail emphytéotique contient en outre un article 7 intitulé “ interdiction de construire ” portant qu’“ aucune construction peut être érigée, ni aucune route ou rue ouverte à la circulation publique pour véhicules automobiles ne peut être tracée sur les immeubles donnés en location sous peine de résolution des présentes, droit que le bailleur se réserve expressément et que Monsieur le Conservateur des Hypothèques est prié de mentionner dans son inscription d’office et sous peine d’une amende conventionnelle de 2 mio. au nombre indice 100, en garantie de laquelle le preneur accorde au bailleur qui l’accepte une hypothèque spéciale sur les immeubles loués.

Néanmoins une tolérance est accordée pour la construction d’un éventuel local pour toilettes publiques.

Le bailleur se réserve le droit, en ce qui concerne les terrains sub b), après le décès de l’usufruitier, de transformer la maison et les annexes et de les reconstruire entièrement sans qu’il n’en résulte toutefois d’augmentation des volumes (existants, afin d’y installer ses services ) lz supérieure à vingt pour cent ni une augmentation substantielle des emprises au sol, afin d’y installer des services ”;

Que dans la mesure où suivant le nouveau plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg tel que provisoirement adopté par délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 4 novembre 1991, les parties de terrain prédésignées sub a) et c) ont été classées en zone verte, alors que sous l’ancienne réglementation elles se trouvaient être incluses dans une zone “ Parc ” non constructible, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise n’a pas présenté d’objections à l’encontre de ce nouveau classement qui, d’après elle, correspond pleinement à la volonté du testataire Tony Neuman ;

Que la portion de terrain désignée sub b), désignée ci-après par “ immeuble litigieux ”, était classée sous l’ancien plan d’aménagement de la Ville en secteur d’habitation de faible densité défini comme suit par son article 2.51 :

“Les secteurs d’habitation de faible densité comprennent les parties du territoire de la ville réservées en principe aux maisons à caractère unifamilial avec jardin, isolées, jumelées ou groupées en bande de cinq unités au plus.

Les maisons peuvent être aménagées de telle manière qu’elles comportent deux logements séparés. Un groupe isolé de maisons peut être desservi par une ou plusieurs entrées et cages d’escaliers communes.

Dans ces secteurs sont également admissibles des édifices et aménagements servant aux besoins propres de ces secteurs ainsi que des immeubles servant à l’exploitation d’hôtels, à l’exercice de professions libérales, ou, en partie, à l’installation de bureaux, à condition que les activités correspondant à la destination de ces immeubles ne gênent pas l’habitat.

4 En cas de nouvelle construction ou de reconstruction d’un immeuble, les surfaces affectées à l’habitat doivent être maintenues.

Ces surfaces peuvent cependant être créées dans un ou plusieurs autres immeubles du secteur d’habitation de faible densité du même quartier, sous condition que les opérations se fassent de façon concomitante ” ;

Que suivant la délibération précitée du 4 novembre 1991, le nouveau plan général d’aménagement provisoirement adopté, désigné ci-après par “ PGA ”, a classé l’immeuble litigieux grevé de l’usufruit en faveur de Monsieur Reginald Neuman, en zone d’habitation H2 ;

Que c’est contre cette classification que la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a présenté en date du 29 novembre 1991 une objection adressée au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg sur base des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, en prenant appui plus particulièrement sur l’article 7 prérelaté du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 concernant les possibilités de transformation et de reconstruction y prévues après le décès dudit usufruitier pour demander que la propriété en question soit classée comme “ terrain réservé à destination particulière ” tel que défini à l’article F.1.f PGA ;

Que lors de son audition par le collège des bourgmestre et échevins en date du 22 septembre 1992, dans le cadre de l’aplanissement des difficultés prévu par l’article 9 alinéa 3 in fine de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a sollicité soit un reclassement du terrain concerné en zone d’habitation H3 à l’instar des propriété contiguës, soit un reclassement en terrain réservé à destination particulière ;

Qu’à la suite de cette audition, la bourgmestre a énoncé que le collège échevinal entendait proposer au conseil communal de maintenir le classement proposé qui respectait les dispositions du testament et du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 en précisant que la Ville, nonobstant le classement effectué honorera toujours ses obligations juridiques ;

Que par courrier du 9 septembre 1993, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a été informée par la bourgmestre de la Ville de Luxembourg que par délibération du 12 juillet 1993 le conseil communal avait statué sur sa réclamation en la rejetant pour des motifs de respect des dispositions du testament Tony Neuman et de la convention existante entre la Ville et la Croix Rouge, la partie graphique du projet ayant été approuvée définitivement, incluant le classement de la parcelle litigieuse comprenant la maison sise 179, avenue de la Faïencerie à Luxembourg-Limpertsberg en zone d’habitation H2 ;

Que par courrier du 21 septembre 1993, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise s’est adressée au ministre de l’Intérieur pour solliciter le reclassement du terrain litigieux en zone à destination particulière, telle que définie par l’article F.1.f) PGA, sinon et en ordre subsidiaire en zone d’habitation H3 ;

Que dans sa séance publique du 30 mai 1994, le conseil communal de la Ville de Luxembourg a émis un avis défavorable relativement à la prédite réclamation au motif que le 5 classement en zone d’habitation H2 permettait le respect des stipulations énoncées par la convention passée entre la Ville et la Croix Rouge ;

Que lors de sa séance du 4 novembre 1994, la commission d’aménagement auprès du ministre de l’Intérieur prévue par l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, a avisé favorablement la réclamation introduite par la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise auprès du Gouvernement en retenant que :

“ La commission estime que la réclamation est fondée alors qu’un classement en zone “ Terrains réservés – destination particulière ” des fonds concernés est justifié afin que les droits acquis définis dans la convention conclue entre l’administration communale et la Croix Rouge soient garantis étant entendu que les dispositions contenues dans le testament invoqué dans la réclamation et concernant d’éventuelles modifications à apporter aux constructions existant sur les fonds de la réclamante.

La commission propose donc à Monsieur le Ministre de faire droit à cette réclamation et de reclasser les fonds appartenant à la Croix Rouge en zone “ Terrains réservés – destination particulière ” ;

Que par courrier du 24 février 1997 du ministre de l’Intérieur, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise s’est vue notifier la décision dudit ministre datant du 6 février 1997 portant approbation en son article 1er de la délibération précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 ayant adopté définitivement la partie graphique du plan général d’aménagement de la Ville, tout en déclarant recevable en la forme mais quant au fond non motivée à suffisance de droit notamment la réclamation de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise ;

Que ladite décision ministérielle comporte en sa page 7/17 l’énonciation suivant laquelle “ la réclamation émanant de la Croix Rouge Luxembourgeoise portant sur des fonds attenant à la rue de la Faïencerie, ne comporte aucun argument d’ordre urbanistique d’intérêt général pouvant justifier un reclassement en zone réservée à destination particulière ou en zone d’habitation H3, de sorte que cette réclamation est à rejeter ” ;

Considérant que par recours déposé au greffe de la Cour administrative en date du 26 mai 1997, la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a sollicité l’annulation sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif de la décision ministérielle du 6 février 1997 en ce qu’elle a approuvé la délibération du conseil communal prévisée du 12 juillet 1993 portant adoption définitive de la partie graphique du PGA et rejeté sa réclamation y relative du 21 septembre 1993, de même que de ladite délibération du 12 juillet 1993 en ce qu’elle a classé le terrain litigieux en zone d’habitation H2 et rejeté son objection du 29 novembre 1991 portée à l’encontre de la décision d’adoption provisoire dudit PGA ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le recours sous analyse introduit sous le numéro 10018C du rôle devant la Cour administrative et y non encore entièrement instruit à la date d’entrée en vigueur de ladite loi, le 16 septembre 1999, a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10018 du rôle ;

6 Quant à l’admissibilité des mémoires déposés Considérant que la partie demanderesse se rapporte à prudence de justice quant à l’admissibilité du mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement en date du 4 février 2000 au regard des dispositions de l’article 70 alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999 ;

Que dans la mesure où le délai de trois mois pour fournir un mémoire en réponse devrait être calculé à partir de la signification de l’ordonnance du 27 septembre 1999 prévu audit article 70 alinéa 3, compte tenu du délai d’un mois y émargé, soit dès le 29 septembre 1999, le délai utile pour répondre aurait expiré le 29 janvier 2000 ;

Que dans ses explications orales à l’audience, le délégué du Gouvernement a soutenu qu’étant donné que le choix de la partie demanderesse de maintenir son recours au rôle ne lui avait été communiqué qu’à travers le jugement du tribunal du 15 novembre 1999, son délai pour fournir un mémoire en réponse n’aurait pu commencer au plus tôt au jour de la signification de ce jugement, soit le lendemain de son prononcé pour expirer au plus tôt le 16 février 2000, de sorte à rendre son mémoire en réponse admissible ;

Considérant que suivant l’article 70 de la loi du 21 juin 1999 précitée, pour les affaires dans lesquelles seule la requête introductive avait été communiquée à la date de son entrée en vigueur, le 16 septembre 1999, dont celle sous revue, le tribunal a été amené à rendre une ordonnance le 27 septembre 1999, notifiée le lendemain, enjoignant à la partie demanderesse de déclarer au greffe, dans un délai d’un mois, à peine de forclusion, si elle entendait poursuivre le recours, demande à laquelle la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise a fait répondre par l’affirmative ;

Que suivant les dispositions de l’article 70 alinéa 3 en question, la présente affaire est à instruire conformément aux dispositions de la nouvelle loi de procédure, avec effet à partir de l’écoulement du délai d’un mois précité, réalisé le 28 octobre 1999 (cf. trib. adm. 13 décembre 1999, Rausch, n° 10980 du rôle ; trib. adm. Schritz, 16 février 2000, n° 11507 du rôle, non encore publiés) ;

Considérant que si le jugement du tribunal du 15 novembre 1999 a été rendu dans un but de synthèse et de transparence, il n’en reste pas moins que pareil jugement n’est prévu par aucune disposition légale ;

Considérant que les délais de procédure fixés en matière de contentieux administratif découlant de la loi du 21 juin 1999 même, leur point de départ ne saurait être rendu dépendant d’un jugement non prévu par ladite loi, quel qu’ait pu être le mérite de l’information véhiculée par ledit jugement pour les parties défenderesses aux litiges par lui visés ;

Considérant que dans la mesure où le législateur a prévu les délais émargés par la loi du 21 juin 1999 précitée en son article 5 sous peine de forclusion, les dispositions sont à considérer comme étant d’ordre public, en tant que touchant à l’organisation juridictionnelle au vœu même du législateur, de sorte que force est au tribunal d’écarter le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement comme ayant été fourni tardivement au regard des dispositions combinées des articles 5 et 70 de ladite loi, le délai utile pour fournir un mémoire en réponse 7 ayant expiré trois mois après le 28 octobre 1999, soit le 28 janvier 2000 (cf. trib. adm. 9 février 2000, Clees, n° 11418 du rôle et trib. adm. 16 février 2000, Schritz, précité, non encore publiés) ;

Considérant que le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement écarté n’affecte pas le sort des mémoires en réplique et en duplique fournis à sa suite, étant donné que la Ville de Luxembourg a fait déposer dans les délais un mémoire en réponse, le représentant étatique n’ayant pas par ailleurs fourni de mémoire en duplique ;

Considérant qu’étant donnée la question de compétence soulevée d’office par le tribunal à partir des conclusions orales du mandataire de la Ville de Luxembourg à l’audience du 5 avril 2000, l’application combinée des principes d’égalité des armes et des droits de la défense telle que se dégageant notamment de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme fait en sorte que toutes les parties, y compris l’Etat, ont eu la possibilité de formuler un mémoire complémentaire ;

Que l’Etat ayant également déposé pareil mémoire complémentaire, le tribunal est amené à statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;

Quant à la compétence Considérant que lors des plaidoiries à l’audience publique du 5 avril 2000, le mandataire de la Ville de Luxembourg a conclu à l’irrecevabilité du recours pour absence d’intérêt direct et actuel dans le chef de la demanderesse, dans la mesure où les actes d’adoption et d’approbation d’un plan d’aménagement général déférés ne créeraient pas de façon immédiate et directe de droits, ni de devoirs subjectifs dans le chef des administrés, ni n’affecteraient de manière certaine et actuelle leurs intérêts privés ;

Que ces intérêts ne seraient affectés que par la décision ultérieure à caractère individuel, prise sur base de l’acte réglementaire, que constitue l’octroi ou le refus du permis de construire ;

Que dès lors ces actes d’adoption et d’approbation d’un PAG ne seraient pas attaquables devant les juridictions administratives en tant qu’actes administratifs à caractère réglementaire qui affectent directement les intérêts privés, sans qu’il soit nécessaire de prendre les actes administratifs individuels ;

Considérant que sur demande du mandataire de la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise, un calendrier a été fixé, devant permettre à chacune des parties de déposer un mémoire complémentaire dans les délais y indiqués aux fins de prendre position par rapport à la question de l’effet direct des décisions attaquées, question s’analysant en un problème de compétence du tribunal, d’ordre public, à soulever partant d’office (cf. trib. adm. 19 juin 2000, n° 10009 du rôle, Barthelemy, non encore publié) ;

Considérant que le mandataire de la demanderesse d’estimer que tout acte réglementaire doit être déclaré susceptible d’un recours direct sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée, sans préjudice à l’exigence de l’intérêt à agir tel qu’il est requis par le paragraphe second dudit article et sans qu’il n’y ait lieu de distinguer suivant que l’acte 8 comporte un effet direct sur la situation de l’administré concerné, demandeur au recours sous analyse ;

Qu’en visant tous les actes administratifs à caractère réglementaire, l’article 7 en question serait parfaitement clair et ne nécessiterait aucune interprétation suivant notamment l’intention du législateur ;

Que si la demanderesse admet que l’introduction d’un recours direct à l’encontre des actes administratifs à caractère réglementaire s’explique originairement par le souci de remédier à une lacune du contentieux administratif luxembourgeois, consistant dans l’absence de toute possibilité de recours contre certains actes administratifs qui, tout en étant insusceptibles d’un recours direct ne donnaient pas prise à l’exception d’illégalité parce qu’ils produisaient des effets directement à l’égard des particuliers, sans devoir, à cette fin, faire l’objet d’un acte administratif particulier d’application, il n’en resterait pas moins que l’effet de la réforme ne saurait être limité à ce seul type d’actes ;

Qu’il ne conviendrait pas de suivre les différents avis du Conseil d’Etat, par ailleurs évolutifs, émis par rapport au projet de loi ayant abouti à la loi prédite du 7 novembre 1996, étant donné que la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés aurait, dans son avis du 5 juillet 1996, opiné que s’il était vrai que le recours direct a été introduit eu égard à l’existence d’actes réglementaires directement applicables, il serait également recevable à l’égard des autres, pourvu qu’il soit exercé dans le délai de forclusion ;

Que ce serait cette dernière opinion qui devrait l’emporter sur les intentions exprimées par le Conseil d’Etat ;

Qu’enfin l’exception d’incompétence tirée de l’absence d’effet direct d’un acte administratif sur la situation des administrés viderait pratiquement de toute portée l’article 7 (2) délimitant l’intérêt à agir en la matière et aurait pour conséquence d’alourdir considérablement, sinon d’anéantir l’entrée au prétoire des associations ;

Que le mandataire de la Ville a réitéré en substance à travers son mémoire complémentaire son argumentation orale ci-avant relatée ;

Que dans son mémoire complémentaire le délégué du Gouvernement retient que si dans une première lecture l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 paraîtrait être clair, tel ne serait pas le cas, pareille analyse étant par ailleurs confirmée par l’examen des travaux préparatoires concernant le genèse du texte en question ;

Qu’il souligne que le but de la loi en question était celui d’ouvrir un recours à l’administré contre les actes à portée réglementaire, à condition que ceux-ci causent un grief individualisé en ce que l’autorité administrative émet en tant que puissance publique des actes dans un domaine où la loi l’habilite à fixer d’autorité des situations juridiques par la voie d’actes administratifs à caractère réglementaire qui affectent directement les intérêts privés, sans qu’il soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels ;

Que cette position exprimée par le Conseil d’Etat aurait été confirmée par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés ;

9 Que le délégué du Gouvernement de conclure que l’adoption et la modification d’un plan d’aménagement communal ne rentreraient pas dans cette catégorie d’actes réglementaires étant donné qu’une décision administrative individuelle devrait être prise ultérieurement, de sorte que le tribunal serait incompétent pour connaître du recours ;

Considérant que l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée dispose que “ le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ” ;

Considérant qu’il est constant que la notion d’acte administratif à caractère réglementaire n’a jusque lors pas existé en droit luxembourgeois, ni n’existe telle quelle par ailleurs en droit belge auquel la réforme des juridictions administratives opérée par la loi du 7 novembre 1996 s’est rapportée directement concernant le recours nouvellement introduit par ledit article 7 ;

Considérant qu’en l’absence de définition acquise de la notion d’acte administratif à caractère réglementaire et au vu des nécessités d’interprétation relatives à cette notion notamment à travers les recours y relatifs soumis aux juridictions de l’ordre administratif, il importe de délimiter la notion d’acte administratif à caractère réglementaire conditionnant la compétence du tribunal administratif en la matière, telle que consacrée par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant qu’il se dégage à partir de la genèse du texte que le souci premier du législateur luxembourgeois a été de rendre conformes les dispositions nationales en la matière avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 29 août 1953, et plus particulièrement avec ses articles 6 et 13 ayant trait au droit respectivement à un procès équitable et à un recours effectif ;

Considérant qu’il résulte du processus d’élaboration de la loi du 7 novembre 1996 et des documents parlementaires y afférents que concernant ledit article 7, le législateur a finalement adopté les propositions et avis soumis successivement par le Conseil d’Etat, tels que s’agençant en leur dernière mouture ;

Qu’il importe dans ce contexte de souligner qu’au sujet d’un recours originairement défini comme étant ouvert contre les “ normes réglementaires ”, le Conseil d’Etat a fait remarquer dans son avis complémentaire du 9 mai 1996 qu’il semblait “ toutefois important de cerner les contours des actes visés en l’espèce ”, étant donné qu’“ on ne saurait admettre des recours contre toutes les décisions qui sont arrêtées sous la forme d’une norme réglementaire ”, tout comme “ la disposition visée ne saurait s’appliquer indistinctement à toutes les matières ” ;

Que par voie de conséquence le Conseil d’Etat “ pour mieux cerner l’hypothèse envisagée ” a proposé “ de remplacer la notion de norme réglementaire par celle plus précise d’acte administratif à caractère réglementaire ” (doc. parl. 3940A1, Avis du Conseil d’Etat, p.

8) ;

10 Considérant qu’en suivant la définition proposée par le Conseil d’Etat dans son avis complémentaire du 14 juin 1996 (doc. parl. 3940A4, Examen des amendements, p. 3), reprise par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés dans son rapport du 5 juillet 1996 (doc. parl. 3940A7, p. 23) et entérinée par le législateur à travers le vote de la loi sur base dudit rapport, l’acte administratif à caractère réglementaire est défini en droit luxembourgeois comme étant un acte que l’autorité administrative émet en tant que puissance publique dans un domaine où la loi l’habilite à fixer d’autorité des situations juridiques par la voie d’actes administratifs à caractère général qui affectent directement des intérêts privés, sans qu’il soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels (Cour adm. 23 juillet 1997, Linster, n° 10128C du rôle ; trib. adm. 31 janvier 2000, Fortes, n° 11432 du rôle ; trib. adm. 16 février 2000, Fédération agricole, n° 11491 du rôle ; trib. adm. 19 juin 2000, Barthelemy, précité) ;

Considérant qu’il ne résulte cependant d’aucun document préparatoire à la loi du 7 novembre 1996 que le législateur ait eu l’intention d’ouvrir le recours par lui institué suivant l’article 7 de façon abstraite sans que l’acte en question ne touche immédiatement la situation juridique des justiciables, le contraire s’en dégageant, étant précisé que dans l’hypothèse du recours direct des associations d’importance nationale il doit être suffi à la condition spécifique afférente visée au paragraphe (2) alinéa 3 in fine dudit article 7 ;

Considérant que si dans le contexte particulier du droit d’agir des groupements en matière de recours en annulation des actes administratifs à caractère réglementaire, la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés, dans son rapport prévisé du 5 juillet 1996 (doc. parl. 3940A7, p. 26) a pu énoncer qu’“ il est vrai que le recours direct a été introduit eu égard à l’existence d’actes réglementaires directement applicables. Mais il sera recevable également à l ‘égard des autres, pourvu qu’il soit exercé dans le délai de forclusion ”, il n’en reste pas moins que dans la phrase suivante la même commission prend soin de préciser que “ par ailleurs, la commission donne à considérer que le droit d’agir de l’association n’a été introduit que dans le cadre des recours contre les actes réglementaires, recours entièrement nouveau et agencé de façon restrictive ”, de sorte que ce dernier passage de l’avis de ladite commission ne permet pas de conclure à l’intention du législateur d’instaurer un régime généralisé de recours direct contre les normes réglementaires, eu égard à la position générale et circonstanciée de ladite commission exprimée par rapport au projet du futur article 7 (1) à la page 23 de son avis précité ;

Considérant que le critère de distinction regroupant les actes administratifs à caractère réglementaire est donc à rechercher au-delà de leur nature réglementaire - ces actes formant un sous-ensemble des normes réglementaires – et s’opère à la fois par rapport à la nature administrative de l’acte déféré et par rapport à l’existence d’un effet direct susceptible d’affecter les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution, abstraction faite à ce stade de la question de l’intérêt à agir spécifique de la personne qui agit devant le tribunal, lequel ne s’apprécie qu’au niveau de la recevabilité du recours par elle introduit ;

Considérant que positivement la compétence du tribunal est vérifiée si l’acte administratif à caractère réglementaire en question a un effet direct sur les intérêts privés, ne fût-ce que d’une personne, dont il affecte immédiatement la situation, sans nécessiter pour autant la prise d’un acte individuel d’exécution ;

11 Que même si cette personne n’est pas demanderesse dans l’instance portée devant le tribunal et dirigée contre ledit acte sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, le tribunal est appelé dans cette hypothèse à se déclarer compétent pour connaître du recours, mais devrait le déclarer irrecevable pour défaut d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain, dans le chef de la personne demanderesse ;

Considérant que négativement l’absence d’effet direct de l’acte en question – personne n’est immédiatement affectée dans sa situation – implique non seulement l’absence d’intérêt à agir de toute partie demanderesse sur base dudit article 7, mais également, à un stade préalable, l’incompétence du tribunal pour connaître du recours introduit ;

Considérant qu’il est patent que l’hypothèse des décisions d’adoption et d’approbation des plans d’aménagement communaux, généraux ou particuliers, a constitué l’un des moteurs de la réforme, compte tenu des enseignements tirés par le législateur de la jurisprudence du comité du contentieux du Conseil d’Etat en la matière;

Qu’en règle générale tant les décisions communales d’adoption du PGA que les décisions d’approbation des ministres de l’Intérieur et de l’Environnement s’analysent en des actes administratifs non individuels de l’administration affectant directement les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes, sans qu’il soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels d’exécution, en ce que les décisions en question posent des règles générales et permanentes relativement à l’aménagement du territoire communal et affectent ainsi directement la situation juridique des propriétaires et autres détenteurs de droits réels relativement aux terrains et constructions par elles visés ;

Que tel est plus particulièrement le cas des décisions communales et ministérielle déférées concernant les parties demanderesses ;

Considérant que si suivant la réglementation applicable une autorisation de construire, décision administrative individuelle, est indispensable en vue de permettre l’érection légale des constructions projetées par les propriétaires ou autres détenteurs de droits réels sur les terrains concernés, il n’en reste pas moins que les droits de ces derniers se trouvent affectés directement dès avant la prise de pareille décision individuelle à travers notamment les classements opérés par les décisions communales d’adoption du PGA, ensemble les décisions d’approbation des ministres de l’Intérieur et de l’Environnement y relatives ;

Considérant que par voie de conséquence le moyen d’incompétence soulevé est à écarter ;

Quant à la recevabilité Considérant que le mandataire de la Ville soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours, en ce que la décision d’approbation ministérielle s’analysant en un acte de tutelle administrative, rétroagirait quant à ses effets à la date de la décision communale approuvée étant entendu que cette dernière, intervenue le 12 juillet 1993, serait antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 précitée, laquelle a pour la première fois à travers son article 7, prévu la possibilité d’un recours direct dirigé contre des actes administratifs à caractère réglementaire ;

12 Que l’existence d’une voie de recours n’étant pas une règle de forme, mais une règle de fond, la décision communale prise échapperait à la compétence du tribunal telle qu’actuellement prévue, pour être intervenue le 1er janvier 1997, la décision ministérielle y échappant de même dans la mesure où ses effets rétroagiraient à la date où a été prise la décision communale, qui serait dès lors à considérer comme étant sortie avant l’entrée en vigueur de l’article 7 en question ;

Considérant que la demanderesse estime que même en admettant que les décisions déférées prises dans le cadre de l’adoption et de l’approbation d’un plan d’aménagement général communal rentrent dans la catégorie des actes administratifs à caractère réglementaire et que la décision ministérielle d’approbation soit analysée comme simple acte de tutelle administrative rétroagissant à la date de la décision approuvée, en ce sens que, une fois valablement approuvée cette décision est censée avoir été valable dès son origine, l’existence d’une voie de recours ne s’analysant pas en règle de forme mais en règle de fond, il n’en résulterait pas pour autant que le recours sous analyse serait irrecevable ;

Que la thèse défendue par la Ville serait affectée d’un illogisme tout à fait remarquable consistant à poser comme pétition de principe que, par l’effet de l’approbation de tutelle, la décision du conseil communal serait censée être valable dès son origine, alors qu’en réalité elle ne le devient, fût-ce rétroactivement, que par l’effet d’une décision légalement intervenue du ministre de l’Intérieur, étant constant qu’il serait précisément demandé à la juridiction administrative de vérifier la légalité de la décision ministérielle en question ;

Que l’effet rétroactif de l’approbation de tutelle serait donc conditionné par la légalité de la décision ministérielle d’approbation ;

Que même si la décision du ministre de l’Intérieur rétroagissait au jour de la décision qu’elle vient approuver, en ce sens que par l’effet de cette décision d’approbation la décision approuvée est censée être valable dès l’origine, il n’en resterait pas moins que la décision d’approbation elle-même n’interviendrait pas à la date à laquelle elle rétroagit quant à ses effets, mais à la date à laquelle elle est effectivement prise, à savoir en l’occurrence le 6 février 1997, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996 ;

Que dès lors une erreur de raisonnement serait à souligner en ce sens qu’on ne saurait valablement conclure de l’effet rétroactif de la décision ministérielle d’approbation au fait que cette décision serait à traiter comme si elle avait été prise à sa date d’effet ;

Que cette erreur de raisonnement serait d’autant plus patente que suivant la même démarche il serait communément retenu qu’à défaut de grief réalisé avant l’approbation d’un acte soumis à tutelle, le délai du recours contentieux contre l’acte soumis à tutelle ne saurait commencer à courir avant le jour de la décision d’approbation de l’autorité de tutelle ;

Que par voie de conséquence le recours en tant qu’il est dirigé contre la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, serait en tout état de cause recevable ;

Que la Ville de dupliquer que les approbations données par l’autorité de tutelle ont le caractère de condition suspensive posée à l’exécution des décisions prises par l’autorité décentralisée en ce que l’approbation valide rétroactivement la décision soumise à tutelle ;

13 Qu’il s’agirait là d’une application aux actes unilatéraux de l’administration du principe général du droit formulé à l’article 1179 du code civil, suivant lequel la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté ;

Que par voie de conséquence l’approbation de tutelle serait réputée avoir été en vigueur dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 précitée, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable ;

Considérant que d’après l’article 107 (1) de la Constitution, les communes forment des collectivités autonomes ;

Considérant que d’après l’article 107 (6) de la Constitution, “ la loi règle la surveillance de la gestion communale, elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation et la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs ” ;

Considérant que l’autonomie communale constitue la règle, la tutelle étant l’exception (cf. Buttgenbach, Manuel de droit administratif, édition 1959, n° 147, p. 142) ;

Considérant qu’en règle générale il est communément admis que les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée est censée être valable dès son origine ;

Considérant qu’il est encore constant que l’existence d’une voie de recours est régie par la loi sous l’empire de laquelle la décision attaquée a été rendue ;

Considérant qu’il est de même admis que nonobstant le caractère rétroactif des effets de l’acte de tutelle, le délai d’introduction du recours contentieux ne commencera cependant à courir qu’à partir du jour de l’acte d’approbation en cas de recours d’un administré pour excès de pouvoir, l’acte initial soumis à l’approbation tutélaire ne faisant pas grief à l’administré tant que l’approbation n’est pas intervenue (Cour adm. 7 avril 1998, Schmit-Fischbach, n° 10562C du rôle, Pas. 01/2000, V° Tutelle administrative, n° 18, p. 343 et autres décisions y citées) ;

Considérant que le recours en annulation instauré à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée à l’encontre des actes administratifs à caractère réglementaire a été qualifié d’original, tout en étant inspiré des législation et pratique belges (François Biltgen et Luc Frieden – La grande réforme du contentieux administratif et fiscal, - in Articles et conférences, Banque Internationale à Luxembourg, 2/1997, p. 40) ;

Considérant que classiquement le texte légal de base belge en la matière a été l’article 9 de la loi du 23 décembre 1946 portant création d’un Conseil d’Etat prévoyant que “ la section d’administration statue par voie d’arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives ou contre les décisions contentieuses administratives ”, ayant donné lieu en Belgique devant ladite section du Conseil d’Etat au contentieux succinctement désigné par “ recours pour excès de pouvoir ”, étant entendu que la doctrine belge considère en général, à l’instar de son 14 homologue français, que l’excès de pouvoir englobe l’ensemble des illégalités objectives de l’acte administratif, bien que la loi ne consacre pas expressément cette désignation (Auby et Fromont, Les recours contre les actes administratifs dans les pays de la communauté économique européenne, p. 156) ;

Considérant que l’illégalité invoquée des décisions communale et ministérielle déférées pour irrégularité de procédure, défaut de motivation et violation de la loi ainsi que pour cause de méconnaissance des obligations contractées par l’autorité publique rentrent dans les cas d’ouverture prévus par l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 correspondant globalement à ceux prévus par l’article 9 de la loi belge du 23 décembre 1946 prérelatée et compris suivant la terminologie belge sous le vocable du recours pour excès de pouvoir ;

Considérant qu’il s’ensuit que faute de grief aucun délai de recours n’a commencé à courir contre la décision d’adoption définitive du PAG de la Ville de Luxembourg, partie graphique du 12 juillet 1993 déférée, soumise à l’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur ;

Que partant le recours est recevable ratione temporis pour avoir été introduit dans le délai de trois mois suivant la communication faite à la demanderesse de la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur y relative, étant entendu que le jour du dépôt du recours, 26 mai 1997 était un lundi, dernier jour utile d’introduction du recours face à la communication faite de la décision ministérielle également déférée à la demanderesse par courrier du 24 février 1997 ;

Considérant que le recours est encore recevable ratione temporis en tant que dirigé contre la décision d’approbation ministérielle elle-même, compte tenu de sa date de communication précitée du 24 février 1997 à la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise ;

Considérant que la même conclusion s’impose dans la mesure où l’effet rétroactif classiquement attaché à la décision d’approbation tutélaire n’a pas une portée absolue en tant que résultant d’une fiction juridique classiquement attachée aux effets d’une condition suspensive affectant l’acte de l’entité soumise à tutelle, tant que l’approbation tutélaire n’est point intervenue ;

Considérant que par principe les effets d’une fiction juridique sont à limiter au strict minimum légalement requis comme ne correspondant pas par essence au flux réel des choses ;

Considérant que plus particulièrement suivant la doctrine belge ayant inspiré, d’après sa genèse, l’analyse de la tutelle administrative en droit luxembourgeois, il est admis que plus précisément le mécanisme de l’effet rétroactif de la réalisation d’une condition suspensive est analysé de façon restrictive (cf. de Page – Traité élémentaire de droit civil belge, tome premier, éd. 1933, n°s 165 à 168) ;

Que dès lors l’effet rétroactif attaché à la réalisation de la condition suspensive à travers l’approbation ministérielle intervenue sur base des pouvoirs tutélaires de l’autorité approuvante ne saurait affecter le fait constant que la décision d’approbation est intervenue à une date précise, dont la cristallisation et l’existence ne sauraient être autrement mises en cause par une fiction juridique entraînant que la loi en vigueur au jour de la prise de la décision en question 15 détermine, en tant que loi du fond, l’existence des voies de recours ouvertes contre elle et, à travers les considérations précitées, contre la décision approuvée ;

Que pareille analyse a pour effet corollaire d’éviter que l’acte à approuver et l’acte d’approbation répondent à des régimes juridiques différents concernant les voies de recours ouvertes à leur encontre, de nature à mener le cas échéant à des situations de contradictions juridiques, par définition non souhaitables ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est recevable ratione temporis à l’encontre des décisions communale et ministérielle déférées ;

Considérant que la Ville se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne pour le surplus l’introduction du recours dans les délai et formes prévus par la loi ;

Considérant que d’après l’article 7 (2) de la loi du 7 novembre 1996, le recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain ;

Considérant qu’il résulte de l’article 7 du bail emphytéotique précité du 14 décembre 1979 conclu entre la Ville de Luxembourg et la société de la Croix Rouge Luxembourgeoise qu’au stade actuel et tant que l’immeuble litigieux est grevé de l’usufruit préqualifié, il est soumis à une interdiction de construire de principe, seule une tolérance étant accordée pour la construction d’un éventuel local pour toilettes publiques ;

Que d’après le même article 7, alinéa 3, le bailleur s’est réservé le droit, devenant effectif après le décès de l’usufruitier, de transformer la maison et ses annexes, sinon de les reconstruire dans les limites fixées au dit article ;

Considérant qu’eu égard au caractère viager de l’usufruit en question, ainsi que de la qualité de nue propriétaire de la demanderesse, son intérêt à agir suffit aux exigences d’actualité au jour de l’introduction du recours, compte tenu des griefs par elle invoqués face au droit qu’elle s’est réservé à travers l’article 7 alinéa 3 prérelaté du bail emphytéotique du 14 décembre 1979 en sa qualité de légataire des biens en question ;

Considérant que le recours est dès lors recevable pour avoir été pour le surplus introduit suivant les formes prévues par la loi ;

Quant au fond Considérant qu’au fond la partie demanderesse invoque l’annulation des actes administratifs attaqués pour cause d’irrégularité de la procédure par violation des principes généraux énoncés par l’article 1er alinéa second de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, pour défaut, sinon insuffisance de motivation, pour violation du principe d’égalité, ainsi que pour violation du principe de proportionnalité, de même que pour raison de méconnaissance des obligations contractées par l’autorité publique ;

Considérant qu’en vue de pouvoir statuer utilement au fond, le tribunal doit pouvoir disposer de données de fait constantes, dûment documentées ;

16 Considérant que plus particulièrement au regard de l’argument tiré de la violation du principe d’égalité, les conclusions successives des parties ont évolué en fait sur la question de savoir dans quelle zone étaient classés les immeubles voisins de celui litigieux adjacents à l’avenue de la Faïencerie, dont plus particulièrement le point de savoir s’il en restait qui étaient classés en zone d’habitation H2 ou, si tous, sauf celui litigieux, se retrouvaient en principe en zone d’habitation H3 ;

Considérant que dans le même contexte, la question d’un changement de classement de certains immeubles adjacents à l’avenue de la Faïencerie depuis la zone d’habitation H2 à la zone d’habitation H3 présente un intérêt certain ;

Considérant qu’il se dégage plus particulièrement et de façon énonciative de la décision ministérielle déférée prise en un autre passage inséré à la page 11/17 “ qu’il résulte des informations fournies par les autorités communales que le classement en zone H3 de la propriété appartenant aux consorts Danielle et Reginald NEUMAN, sise aux abords de la rue de la Faïencerie est justifié en vue de redresser une erreur matérielle s’étant glissée dans la partie graphique du projet d’aménagement général, tel qu’il a été adopté provisoirement, respectivement à titre définitif par le conseil communal, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à cette réclamation ”, de sorte qu’en son article second la décision ministérielle a arrêté que la réclamation présentée par les consorts Danielle et Reginald NEUMAN dirigée contre la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 portant adoption définitive de la partie graphique du PGA était fondée concernant un terrain sis à Luxembourg, aux abords de la rue de la Faïencerie, constitué par parties des parcelles cadastrales n°s 673/3833, 673/3854, 673/3855, 673/3856 et 673/3857, le terrain en question étant classé en zone d’habitation H3 ;

Considérant qu’avant tout autre progrès en cause, il convient de procéder à une réouverture des débats en vue de permettre aux parties défenderesses de verser utilement dans les meilleurs délais et en tout cas avant le 1er septembre 2000 un exemplaire de la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg, telle qu’adoptée définitivement, respectivement approuvée à travers les décisions déférées, ensemble un agrandissement circonstancié concernant les abords de l’avenue de la Faïencerie avec précision du classement des immeubles y adjacents, le tribunal ne disposant pas de ladite partie graphique du PGA telle que découlant des décisions déférées sur le mérite desquelles il est appelé à statuer ;

Que toutes les parties sont admises à fournir leurs explications complémentaires par écrit y afférentes dans un mémoire à déposer au plus tard le 1er octobre 2000, tous droits au fond étant réservés ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

écarte le mémoire du délégué du Gouvernement déposé le 4 février 2000 ;

se déclare compétent pour connaître du recours ;

le déclare recevable ;

17 avant tout autre progrès en cause, au fond, ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de verser un exemplaire de la partie graphique du PGA de la Ville de Luxembourg telle qu’adoptée et approuvée à travers les décisions déférées, ensemble un agrandissement circonstancié des abords de l’avenue de la Faïencerie avec fourniture des précisions nécessaires concernant le classement notamment en zones d’habitation H2 ou H3 des terrains situés le long de cette voie publique ;

autorise les parties à fournir leurs conclusions afférentes éventuelles à travers un mémoire complémentaire à déposer au greffe du tribunal administratif avant le 1er octobre 2000 sous peine de forclusion ;

fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du lundi 9 octobre 2000 ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juillet 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10018
Date de la décision : 26/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-26;10018 ?

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