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19/07/2000 | LUXEMBOURG | N°s11407,11540

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2000, s11407,11540


N°s 11407 et 11540 du rôle Inscrits les 27 juillet et 16 septembre 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formés par Monsieur … SCHMITZ et son épouse, Madame … contre des décisions du ministre du Travail et de l’Emploi et du ministre de l’Environnement en présence de Monsieur X.

en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11407 du rôle et dé

posée en date du 27 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE, avocat à la Cou...

N°s 11407 et 11540 du rôle Inscrits les 27 juillet et 16 septembre 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formés par Monsieur … SCHMITZ et son épouse, Madame … contre des décisions du ministre du Travail et de l’Emploi et du ministre de l’Environnement en présence de Monsieur X.

en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11407 du rôle et déposée en date du 27 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHMITZ, retraité, et de son épouse, Madame …, sans état particulier, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 mars 1999, par laquelle Monsieur X., cultivateur, demeurant à L-…, a été autorisé à exploiter une étable à 84 bêtes sur ses fonds sis à … et portant les numéros cadastraux …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 3 août 1999, par lequel cette requête a été signifiée à Monsieur X., préqualifié ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 1999 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 décembre 1999 par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur X., préqualifié ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 14 décembre 1999, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à Monsieur … SCHMITZ ainsi qu’à son épouse, Madame … ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 23 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE au nom des demandeurs préqualifiés ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 20 décembre 1999 par lequel ce mémoire en réplique a été notifié au mandataire de Monsieur X. ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 17 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Guillaume RAUCHS au nom de Monsieur X. ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 17 janvier 2000 par lequel ce mémoire en duplique a été notifié au mandataire des demandeurs ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11540 du rôle et déposée en date du 16 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE, préqualifié, au nom de Monsieur … SCHMITZ et de son épouse, Madame …, préqualifiés, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 8 juin 1999 autorisant Monsieur X., préqualifié, à exploiter l’étable de 84 bêtes, précitée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, préqualifiée, du 17 septembre 1999, par lequel cette requête a été signifiée à Monsieur X. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 5 novembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE au nom des demandeurs préqualifiés ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 14 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Guillaume RAUCHS, préqualifié, au nom de Monsieur X. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, préqualifié, du 14 décembre 1999, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à Monsieur … SCHMITZ ainsi qu’à son épouse, Madame … ;

Vu le deuxième mémoire en réplique déposé le 23 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE au nom des demandeurs ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 20 décembre 1999 par lequel ce mémoire en réplique a été notifié au mandataire de Monsieur X. ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 17 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Guillaume RAUCHS, au nom de Monsieur X. ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 17 janvier 2000 par lequel ce mémoire en duplique a été notifié au mandataire des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Georges MARGUE et Guillaume RAUCHS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives ;

2 Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal administratif a procédé le 17 mars 2000.

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En date du 10 mars 1999, Monsieur X., cultivateur, demeurant à L-…, sollicita l’autorisation de construire une étable (Tiefstreustall) pouvant comprendre 84 bêtes sur son terrain situé à … et inscrit sous les numéros cadastraux … Par décision du 26 mars 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi autorisa Monsieur X. à exploiter l’étable telle que décrite dans la demande précitée du 10 mars 1999.

Par décision du 8 juin 1999, le ministre de l’Environnement, après avoir constaté que Monsieur X. était d’ores et déjà autorisé à continuer l’exploitation, sur différentes parcelles situées à …, de trois étables de respectivement 70, 50 et 120 animaux, l’autorisa à exploiter l’étable de 84 animaux ayant fait l’objet de la demande précitée du 10 mars 1999. Ladite autorisation fut délivrée sous le numéro de nomenclature 178 et sous la classe 3, tels que fixés par le règlement grand-ducal modifié du 18 mai 1990 déterminant la liste et le classement des établissements dangereux, insalubres ou incommodes.

Par un avis affiché par l’administration communale de … le 6 juillet 1999, il a été “ porté à la connaissance du public, que par décision ministérielle du 26.03.1999, le sieur X., a été autorisé à exploiter une étable (84 bêtes) sur ses fonds sis à … avec les Nos. cad. … ”.

Par un deuxième avis du 9 septembre 1999, l’administration communale de … a informé le public que par l’arrêté précité du ministre de l’Environnement du 8 juin 1999, Monsieur X. a été autorisé à exploiter l’étable précitée de 84 bêtes.

Par requête inscrite sous le numéro 11407 du rôle et déposée le 27 juillet 1999, Monsieur … SCHMITZ et Madame … ont introduit un recours en réformation contre la décision précitée du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 mars 1999.

Par une requête séparée, inscrite sous le numéro 11540 du rôle et déposée au greffe du tribunal le 16 septembre 1999, Monsieur … SCHMITZ et Madame … ont introduit un recours en réformation contre la décision précitée du ministre de l’Environnement du 8 juin 1999.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, il y a lieu de joindre les deux affaires inscrites sous les numéros du rôle respectifs 11407 et 11540, pour y statuer par un seul et même jugement.

Sur question du tribunal posée aux mandataires des parties au cours des plaidoiries quant à l’incidence de l’article 7 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives sur le deuxième mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs dans le cadre de l’instance portant le numéro du rôle 11540, le mandataire de ceux-ci a estimé que le dépôt de ce deuxième mémoire en réplique était nécessaire en 3 vue d’assurer les droits de la défense de ses mandants, nécessitant une prise de position par rapport au mémoire en réponse déposé antérieurement par le mandataire de Monsieur X., et à une époque où les demandeurs avaient déjà déposé un premier mémoire en réplique.

En vertu de l’article 7, alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, applicable à l’instance introduite par la requête précitée du 16 septembre 1999, celle-ci ayant été déposée au greffe du tribunal le 1er jour de l’entrée en vigueur de la loi précitée, “ il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive ”.

S’il est vrai qu’au cours de cette deuxième instance, introduite sous le numéro 11540 du rôle, le mandataire des demandeurs avait déposé son mémoire en réplique avant que le mandataire de Monsieur X. n’eût déposé son mémoire en réponse et que partant les demandeurs n’avaient plus été en mesure, en vertu de l’article 7, alinéa 1er, précité, de prendre position par rapport aux moyens et arguments développés dans le mémoire en réponse de Monsieur X., il n’en reste pas moins que les demandeurs auraient dû attendre soit que Monsieur X. dépose un mémoire en réponse dans le délai de trois mois tel que fixé par l'article 5, paragraphe (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 soit l’expiration de ce délai de trois mois afin de déposer alors, dans le délai d’un mois tel que fixé par le paragraphe (5) de l’article 5 précité, leur mémoire en réplique. Le fait d’avoir déposé un premier mémoire en réplique, prématurément, avant le mémoire en réponse de la partie tierce intéressée ne saurait à lui seul autoriser les demandeurs à déposer un deuxième mémoire en réplique, en violation de l’article 7, alinéa 1er de la loi de 1999 précitée. En l’absence par ailleurs d’une autorisation accordée par le tribunal en vue du dépôt d’un tel deuxième mémoire, il y a lieu de l’écarter des débats. Le même sort devra être réservé au mémoire en duplique déposé à la suite du mémoire en réplique précité.

QUANT A LA COMPETENCE ET A LA RECEVABILITE Conformément à l’article 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif n’est compétent pour connaître comme juge du fond que des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent connaissance.

La loi modifiée du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, applicable au présent litige, prévoyant en son article 13 un recours en réformation contre les décisions portant autorisation pour les établissements de la classe 3, le tribunal est compétent pour connaître des deux recours en réformation introduits par les demandeurs contre les décisions entreprises.

Les deux recours en réformation, introduits par ailleurs suivant les formes et délai prévus par la loi, non autrement contestés sous ce rapport, sont recevables.

QUANT AU FOND Bien que les demandeurs formulent les mêmes reproches, globalement considérés, à l’encontre des deux autorisations respectives du ministre du Travail et de l’Emploi et du ministre de l’Environnement, il échet d’analyser ces reproches séparément pour chacune 4 des autorisations, alors que les compétences des deux ministres en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes sont différentes.

Quant à la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 mars 1999 Les demandeurs critiquent tout d’abord le fait que la demande en autorisation de Monsieur X. tendant à l’exploitation d’une étable à 84 bêtes sur ses fonds sis à …, portant les numéros cadastraux …, n’a pas fait l’objet d’une enquête préliminaire qui leur aurait permis de faire connaître leurs observations avant l’octroi de l’autorisation.

Il échet tout d’abord de relever que les parties au litige n’ont pas contesté le classement de l’étable en question sous la position 178 et dans la classe 3, telles que figurant à l’annexe du règlement grand-ducal précité du 18 mai 1990.

C’est partant à bon droit que le délégué du gouvernement estime qu’une enquête de commodo et incommodo n’était pas requise, étant donné qu’en vertu de l’article 3, alinéa 3 de la loi précitée du 9 mai 1990, il n’y a pas lieu de recourir, en ce qui concerne les établissements de la classe 3, à la procédure de commodo et incommodo telle que prévue aux articles 7 et 8 de la même loi. Ce moyen est partant à écarter.

En vertu de l’article 9, alinéa 6 de la loi précitée du 9 mai 1990, le ministre du Travail et de l’Emploi devra veiller au respect de la sécurité et de l’hygiène sur le lieu de travail, de la salubrité, de l’ergonomie et, d’une façon générale, des autres intérêts tels que visés par l’article 1er de la même loi. En vertu de cette dernière disposition, ledit ministre ne doit autoriser un établissement qu’à partir du moment où celui-ci ne présente pas “ des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement ”, étant entendu que seul le ministre de l’Environnement devra veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à l’environnement humain et naturel.

Il échet tout d’abord de relever que les demandeurs n’invoquent aucun moyen ou argument relatifs à la sécurité et à l’hygiène sur le lieu du travail, à la salubrité ou à l’ergonomie. Les seules considérations soulevées par les demandeurs, ayant trait à l’exploitation de l’étable précitée de 84 bêtes, telle qu’autorisée, pourraient avoir trait à la commodité de l’établissement en question par rapport au voisinage et plus particulièrement à leur maison d’habitation située à proximité de l’étable à exploiter.

Toutefois, les critiques formulées par les demandeurs dans le cadre de prétendues atteintes à leur commodité, en tant que voisins de l’étable en question, ont trait, d’une part, aux prétendues mauvaises odeurs et, d’autre part, aux bruits susceptibles d’être émis par l’exploitation de cette étable. Comme ces considérations ne sont pas de la compétence du ministre ayant dans ses attributions le travail et comme aucun autre reproche ne rentrant plus particulièrement dans lesdites compétences n’a été formulé à l’encontre de l’autorisation précitée du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 mars 1999, le recours en réformation, dans la mesure où il est dirigé contre ladite décision, est à déclarer non fondé.

Quant à la décision du ministre de l’Environnement du 8 juin 1999 5 En vertu de l’article 9, alinéa 5 de la loi précitée du 9 mai 1990, il appartient au ministre de l’Environnement de veiller à “ la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, [de lutter] contre le bruit et [de veiller à ] l’élimination des déchets ”, le tout dans le cadre de sa compétence générale, telle que déterminée par l’article 1er de la prédite loi, fixant une compétence générale en vue de la préservation de l’environnement humain et naturel.

Les demandeurs estiment que l’exploitation de l’étable autorisée par le ministre de l’Environnement par sa décision du 8 juin 1999 est de nature à leur causer des inconvénients graves, incompatibles avec une habitation paisible dans leur maison, dans la mesure où l’étable en question, située à l’ouest de leur maison d’habitation, partant du côté des vents dominants, sur laquelle ils ont une vue non seulement à partir de la fenêtre de leur cuisine, leur servant également de salle de séjour, mais également de leur terrasse, située au sud-ouest de leur maison, est susceptible d’être à l’origine d’odeurs et de bruits leur causant des inconvénients disproportionnés, d’autant plus que l’étable en question est ouverte sur tout le côté sud, sur une longueur de 45,60 mètres.

Dans ce contexte, ils font encore valoir que Monsieur X. serait déjà exploitant de trois étables situées dans un rayon de 500 mètres autour de leur habitation et que ces étables abriteraient respectivement 70, 50 et 120 bêtes, tel que cela ressortirait d’une déclaration effectuée par Monsieur X. en date du 21 décembre 1990 en application des mesures transitoires fixées par l’article 28 de la loi précitée du 9 mai 1990. Parmi ces trois étables figurerait une étable installée sur la parcelle cadastrale 484/1793, pouvant abriter 120 bêtes et se trouvant à l’arrière de leur maison d’habitation, du côté ouest, à laquelle la nouvelle étable telle qu’autorisée par la décision déférée du 8 juin 1999 sera adossée.

L’étable existant d’ores et déjà serait une étable fermée, accessible par une large porte donnant du côté de leur maison. Ils soutiennent qu’en cas d’ouverture de cette porte, il se dégagerait de cette étable des mauvaises odeurs “ très sensibles ” qui les incommoderaient, auxquelles viendraient s’ajouter les mauvaises odeurs de l’étable, telle qu’autorisée par la décision précitée du ministre de l’Environnement.

Le délégué du gouvernement note dans son mémoire en réponse que la distance entre l’étable, telle qu’autorisée par la décision déférée du 8 juin 1999 et la maison d’habitation des demandeurs serait supérieure à 25 mètres. Il estime que cette distance serait suffisante pour prévenir d’éventuelles incommodités anormales pour la population avoisinante, pouvant notamment être causées par des gênes olfactives. Il cite dans ce contexte le règlement grand-ducal du 26 juillet 1999 fixant les prescriptions générales pour les établissements classés, qui est actuellement en vigueur pour les étables de 20 à 200 bêtes, ne s’appliquant toutefois pas au présent litige, qui reste soumis aux anciennes prescriptions telles que fixées par la loi précitée du 9 mai 1990 ainsi que par ses règlements d’application, qui prévoit que ces étables doivent être distantes d’au moins 10 mètres des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public et de 5 mètres du terrain voisin.

Il soutient encore que le ministre de l’Environnement aurait posé les conditions d’exploitation appropriées afin d’éviter des émissions de bruit anormales en décidant que “ les émissions sonores doivent respecter les niveaux fixés dans l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 13 février 1979 concernant le niveau de bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers ”.

6 Le représentant étatique se réfère encore au point III sub 4 de l’autorisation déférée, qui contiendrait des prescriptions très précises concernant le système d’aération permettant ainsi d’éviter des odeurs gênantes.

Monsieur X. fait tout d’abord valoir, quant aux faits, que la nouvelle étable, telle qu’autorisée, ne serait pas destinée à augmenter le nombre d’animaux tenus dans les différentes étables de son exploitation, étant donné que la nouvelle construction devrait permettre de vider l’étable existante, exploitée sur la parcelle cadastrale 69/778, abritant actuellement 70 animaux et de réduire d’environ la moitié l’effectif des bêtes tenues dans l’étable exploitée sur la parcelle cadastrale 31/1791, abritant actuellement 50 animaux. A part le fait que le nombre total de 240 bêtes actuellement tenues dans les trois étables existantes ne serait pas dépassé par l’exploitation de la nouvelle étable, l’installation de celle-ci aurait pour conséquence que l’étable abritant actuellement 70 animaux, qui seraient transférés vers la nouvelle étable, et se trouvant le plus près de la maison des demandeurs, ne serait plus exploitée à l’avenir. Il soutient encore que les animaux à abriter dans la nouvelle étable n’y séjourneraient que pendant une période très restreinte de l’année, à savoir entre les mois de novembre et de mars de l’année suivante et il estime partant que si par impossible il devait y avoir une création d’odeurs émanant de cette nouvelle étable, celles-ci ne pourraient être envisagées que tout au plus pendant les périodes chaudes de l’année, période pendant laquelle les animaux ne séjourneraient pas dans cette étable. Partant, une émanation de mauvaises odeurs devrait être exclue.

Le mandataire de Monsieur X. expose encore que … serait à considérer comme une petite localité rurale, comprenant plusieurs exploitations agricoles, dont notamment celle de son mandant. Il soutient que la nouvelle étable s’intégrerait parfaitement dans un tel village rural, d’autant plus que la maison d’habitation des demandeurs serait d’ores et déjà entourée par des exploitations agricoles, par des bergeries, écuries, étables, porcheries, poulaillers et autres.

En ce qui concerne la prétendue émission d’odeurs à partir de l’étable installée d’ores et déjà sur la parcelle portant le numéro cadastral 484/1793, en cas d’ouverture de la porte de ladite étable, Monsieur X. fait formellement contester ce fait et il estime que par ailleurs les demandeurs resteraient en défaut d’établir que la prétendue présence de mauvaises odeurs proviendrait de l’étable existante précitée et non pas d’une ou de plusieurs autres exploitations agricoles situées au cœur de l’agglomération de …. Il expose encore que de toute façon il serait “ absolument normal pour un tel village, comme d’ailleurs pour toutes les régions rurales, qu’à certaines périodes très limitées de l’année apparaissent des odeurs ayant trait d’une part à l’agriculture et d’autre part aux exploitations agricoles en général et le cas échéant à l’élevage de bêtes en particulier ”.

D’ailleurs, “ les habitants de ces petits villages ruraux [en seraient] parfaitement conscients et [habiteraient] ces régions en connaissance de cause de ce fait ”.

Il conteste encore que l’exploitation de la nouvelle étable puisse être à l’origine d’odeurs susceptibles de gêner les demandeurs, étant donné que cette étable serait située à l’ouest de la maison des demandeurs et qu’à part une “ petite ” fenêtre de cuisine existant sur la façade ouest de ladite maison, celle-ci ne contiendrait aucune autre fenêtre sur ladite façade.

7 D’une manière générale, il conteste que cette étable puisse être à l’origine d’inconvénients d’ordre acoustique ou de prétendues mauvaises odeurs, étant donné qu’il s’agirait non pas de l’exploitation d’une porcherie, mais de l’exploitation d’une étable destinée exclusivement à abriter des boeufs. En outre, cette étable moderne, projetée conformément aux obligations légales en vigueur en la matière, serait équipée d’un système d’aération et de circulation permanente d’air vers le haut, de sorte que l’ouverture d’un côté de l’étable ne pourrait avoir une influence sur la propagation d’éventuelles odeurs.

Le tribunal étant appelé à statuer sur le fond, examinera, dans le cadre des dispositions applicables en la matière, la question de savoir si l’autorisation du ministre de l’Environnement du 8 juin 1999 est notamment de nature à garantir la protection de l’air, à assurer une lutte efficace contre le bruit et, d’une manière générale, à garantir que les inconvénients normaux de voisinage ne soient pas dépassés.

A cet égard, il s’agit de vérifier si les conditions fixées dans l’autorisation entreprise, en rapport avec les niveaux sonores, la pollution de l’air et les mauvaises odeurs, concilient les intérêts opposés en cause en prévoyant des conditions empêchant dans une mesure raisonnable les inconvénients qui se dégagent de l’existence et de l’exploitation de la nouvelle étable, telle que projetée.

En vue d’apprécier la valeur des arguments produits, il y a lieu de prendre en considération, d’un côté, que l’étable projetée est érigée dans un village à caractère essentiellement agricole, et, d’un autre côté, que la maison des demandeurs est située à plus de 25 mètres de l’emplacement de l’étable en question. Il est encore incontestable que les demandeurs, qui sont d’ailleurs originaires de la localité de …, n’ont pas pu, lors de la construction de leur maison d’habitation en plein centre de …, ignorer que les inconvénients pouvant provenir des exploitations agricoles situées à …, avec lesquels ils doivent s’accommoder, peuvent être plus sensibles que, par exemple, dans un milieu purement résidentiel.

Conformément à l’article 9 de la loi précitée du 9 mai 1990 “ l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’environnement déterminera les conditions d’exploitation visant la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et l’élimination des déchets ”.

Concernant les nuisances acoustiques, il y a lieu de constater que la décision du ministre de l’Environnement entreprise a notamment fixé dans le cadre des conditions d’exploitation relatives à la lutte contre le bruit l’exigence que “ les émissions sonores doivent respecter les niveaux fixés dans l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 13 février 1979 concernant le niveau de bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers ” et celle que “ la gestion de l’étable est à réaliser de sorte à éviter autant que possible l’incommodation des voisins par le bruit des machines ou des animaux, ces derniers devant être alimentés à volonté ou à des heures régulières.

L’équipement utilisé doit être choisi et exploité de la sorte que les conditions relatives à la lutte contre le bruit soient respectés ”.

En l’absence d’un quelconque élément soumis au tribunal par les demandeurs, d’une part, quant aux sources possibles d’émissions acoustiques provenant de l’étable 8 projetée et, d’autre part, quant aux niveaux et aux types de bruits susceptibles de les incommoder, le tribunal arrive à la conclusion que les exigences ci-avant posées par l’autorisation entreprise, relativement à la lutte contre le bruit, s’avèrent assez contraignantes pour garantir la lutte contre le bruit ainsi que la protection de l’environnement humain.

Quant aux risques de pollution de l’air et de mauvaises odeurs, le tribunal doit tenir compte, dans le cadre de son analyse, non seulement des odeurs nuisibles susceptibles de porter atteinte au cadre de vie des personnes habitant dans l’entourage de l’établissement, émanant de celui-ci, mais également des mauvaises odeurs provenant d’ores et déjà d’autres établissements installés à proximité immédiate de l’étable projetée, auxquelles viennent s’ajouter les éventuelles odeurs nuisibles de la nouvelle étable.

En ce qui concerne les éventuelles mauvaises odeurs existantes d’ores et déjà sur le site sur lequel est projetée la nouvelle étable, telle qu’autorisée par la décision entreprise, le tribunal a pu constater, lors de sa visite des lieux, que l’étable installée sur la parcelle cadastrale portant le numéro 484/1793 et pouvant abriter jusqu’à 120 animaux, le long de laquelle est projetée la nouvelle étable telle qu’autorisée, et située également à une distance supérieure à 25 mètres de la propriété des demandeurs, n’est pas à l’origine de mauvaises odeurs susceptibles d’incommoder ceux-ci, même au cas où la porte donnant sur le côté de la maison des demandeurs est ouverte. Il s’ensuit que, de ce point de vue, d’éventuelles mauvaises odeurs susceptibles d’être émises par la nouvelle étable ne viennent pas s’ajouter à des mauvaises odeurs émanant d’ores et déjà de l’étable voisine, construite en 1990. Par ailleurs, les demandeurs n’ont pas fait état d’autres gênes olfactives préexistantes à l’exploitation de l’étable litigieuse.

En ce qui concerne les risques de pollution de l’air et les mauvaises odeurs susceptibles d’être causés par la nouvelle étable, il échet de constater que la décision du ministre de l’Environnement entreprise a fixé les conditions d’exploitation suivantes en vue de protéger l’air et d’assurer la commodité du public et du voisinage sous ce rapport :

“ III) 4) L’étable sera munie d’un système d’aération évacuant l’air vicié si possible verticalement par des cheminées ou autres orifices placés dans la toiture. Les ventilateurs éventuels débitant horizontalement ne pourront être installés à moins de 20 m des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public.

D’une façon générale, l’évacuation des émissions de gaz et de poussières doit se faire de la sorte à ne pas incommoder les voisins ni constituer un risque pour leur santé ”.

“ 5) Les fourrages et autres produits utilisés pour l’alimentation des bêtes ne doivent pas dégager d’odeurs pouvant incommoder sérieusement le voisinage ”.

“ 7) Le stockage de fumier est interdit à moins de 20 m des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public et de 5 m du terrain voisin sauf accord entre les parties concernées (…) ”.

9 “ IV) 1) Le fumier ne doit pas être stocké à l’extérieur de l’étable, mais il sera transporté directement sur les champs et composté ou épandu sur les terres agricoles en ne dépassant pas la dose de fumure normale.

2) Les terres servant à l’entreposage ou au compostage de fumier, doivent être situées :

(…) - à une distance supérieure à 20 mètres des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public ”.

Le tribunal constate que la décision du ministre de l’Environnement contient des exigences générales ainsi qu’un ensemble de conditions spéciales suffisamment contraignantes, comprenant des prescriptions détaillées destinées à éviter des pollutions de l’air, dont l’ensemble garantit aux demandeurs leur commodité en tant que voisins de ladite étable.

Il résulte de ce qui précède que les moyens en rapport avec la fixation des conditions relatives aux niveaux sonores et celles tendant à éviter la pollution de l’air et les mauvaises odeurs ne sont pas fondés.

Il convient encore de relever que l’article 12 de la loi précitée du 9 mai 1990, qui dispose que “ l’autorité qui a délivré l’autorisation peut s’assurer en tout temps de l’accomplissement des conditions d’exploitation qu’elle a imposées. L’autorisation d’exploitation peut être retirée par décision motivée de l’autorité qui l’a délivrée, si l’exploitant n’observe pas ces conditions ou s’il refuse de se soumettre aux obligations nouvelles que l’autorité compétente peut lui imposer ” et, dans ce contexte, que l’autorisation ministérielle entreprise du 8 juin 1999 prévoit expressément parmi les modalités d’application que le ministre de l’Environnement peut imposer ultérieurement des conditions et restrictions supplémentaires si cela devait s’avérer nécessaire (v. décision du ministre de l’Environnement, article 1er, II) Modalités d’application, 2)).

Les conclusions auxquelles a abouti le tribunal ci-avant ne sauraient être énervées par les arguments développés par les demandeurs ayant trait, d’une part, à l’emplacement de l’étable, et, d’autre part, à des considérations relevant de la compatibilité de l’étable avec la zone de son emplacement projeté, telle que fixée par le plan d’aménagement général de la commune de … Les demandeurs estiment en effet, d’une part, que Monsieur X. aurait la possibilité d’implanter l’étable telle qu’autorisée par les décisions déférées des 26 mars et 8 juin 1999 sur une autre parcelle lui appartenant, située en zone agricole, à une distance plus grande de leur maison, afin de leur éviter les inconvénients provenant de l’exploitation de l’étable en question. Ils font valoir, d’autre part, que la construction de l’étable nouvellement autorisée serait projetée dans une zone d’habitat à caractère rural, telle que celle-ci serait définie par les articles 4 à 6 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de …, en violation notamment de l’article 6 a) de ce règlement, dans la mesure où cette exploitation agricole ne serait pas compatible avec les habitations privées. Ils soutiennent dans ce contexte que dans les secteurs d’habitat à caractère rural, ce serait l’habitation qui aurait “ la primeur ”, par opposition à la zone agricole, telle que définie à l’article 13 du plan d’aménagement général de la commune de …, qui serait elle réservée à 10 la construction des bâtiments nécessaires aux exploitations agricoles. Ils font encore valoir qu’au-delà de ces considérations, la construction projetée ne respecterait pas les prescriptions dimensionnelles édictées par l’article 12 de la partie écrite du plan d’aménagement général précité.

Il échet tout d’abord de relever que les deux autorisations ministérielles déférées sont conditionnées par les exigences de la loi relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, précitée, de sorte qu’il faut et qu’il suffit que les critères y fixés soient remplis pour justifier la délivrance des autorisations en question, lesquels ne préjudicient pas du sort et de l’exigence d’autres autorisations requises en vertu d’autres législations (cf. C. E. 10 juillet 1996, CLASSEN, n° 9581 du rôle et trib. adm. 20 mars 2000, n°s 11515 et 11516 du rôle, non encore publié).

Il échet encore de relever plus particulièrement que les décisions déférées ne sont pas conditionnées par l’exigence portée par l’article 11 alinéa second de la loi précitée du 9 mai 1990 suivant laquelle une autorisation en vertu de cette dernière loi ne peut être délivrée que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins, en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou par un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. En effet, pareille condition n’est posée par l’article 11 alinéa second en question que dans le cas où l’établissement est projeté dans des immeubles déjà existants et dont la construction était dûment autorisée, pareille hypothèse ne se trouvant pas être vérifiée en l’espèce.

Il découle de l’ensemble des éléments qui précèdent que la localisation dans une zone d’habitat à caractère rural de la parcelle devant accueillir l’étable telle qu’autorisée par les décisions ministérielles déférées, constituât-elle un motif de refus valable d’une autorisation de construire au regard de la réglementation communale d’urbanisme applicable, n’est pas pour autant de nature à fonder une décision négative sur base de la loi précitée du 9 mai 1990.

De même les conditions d’aménagement des agglomérations et notamment de celle de … tirées des lois précitées des 12 juin 1937, 20 mars 1974 et 11 août 1982, ainsi que d’autres dispositions légales et réglementaires en vigueur en matière d’urbanisme ne sont à leur tour pas de nature à générer des motifs de refus valables à la base des autorisations requises par la législation concernant les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, à moins d’être reprises par cette dernière, hypothèse encore non vérifiée en l’espèce d’après les éléments de fait fournis à la base du dossier. C’est partant à tort que les demandeurs reprochent aux ministres concernés de ne pas avoir pris en considération l’implantation de l’étable projetée dans une certaine zone telle que définie par le plan d’aménagement général de la commune de … en vue de refuser la demande leur soumise.

C’est encore à tort que les demandeurs reprochent aux prédits ministres de ne pas avoir exigé l’implantation de l’étable en-dehors du périmètre d’agglomération de la localité de …, en zone agricole, alors que, comme il a pu être constaté ci-avant, l’implantation de l’étable sur les propriétés cadastrales numéros … à … pouvait parfaitement être autorisée conformément à la législation applicable en la matière et partant les ministres en question 11 ne pouvaient arbitrairement exiger le déplacement de cette étable à un endroit autre que celui prévu par Monsieur X..

Sur base de l’ensemble de ces considérations et eu égard aux moyens et arguments développés par les demandeurs, le tribunal arrive à la conclusion que les conditions auxquelles lesdits ministres ont subordonné leurs autorisations d’exploitation respectives, tout en réservant l’avenir, sont suffisantes pour garantir les demandeurs contre les atteintes intolérables à la sécurité, la salubrité, la commodité, la pollution de l’air, ainsi que contre les émissions acoustiques. Les deux recours en réformation sont partant à rejeter comme n’étant pas fondés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours introduits sous les numéros du rôle respectifs 11407 et 11540 ;

écarte des débats le deuxième mémoire en réplique ainsi que le mémoire en duplique, tels que déposés dans l’affaire portant le numéro du rôle 11540 ;

reçoit les recours en réformation en la forme ;

au fond les déclare non justifiés et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 19 juillet 2000, par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s11407,11540
Date de la décision : 19/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-19;s11407.11540 ?

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