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19/07/2000 | LUXEMBOURG | N°12050

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2000, 12050


Numéro 12050 du rôle Inscrit le 15 juin 2000 Audience publique du 19 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … LICINA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12050 du rôle, déposée le 15 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

LICINA, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une déci...

Numéro 12050 du rôle Inscrit le 15 juin 2000 Audience publique du 19 juillet 2000 Recours formé par Monsieur … LICINA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12050 du rôle, déposée le 15 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LICINA, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 2 mai 2000, notifiée le 23 mai 2000, déclarant sa demande d’octroi du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Camilla LADKA, en remplacement de Maître Marc THEISEN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juillet 2000.

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Le 18 juin 1998, Monsieur … LICINA, né le … à … (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le 22 juin 1998, Monsieur LICINA fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur LICINA fut entendu en date du 28 janvier 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 2 mai 2000, notifiée le 23 mai 2000, le ministre de la Justice a rejeté cette demande comme manifestement infondée au motif “ qu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ”, alors que tel serait notamment le cas “ lorsque le demandeur, ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, a présenté la demande en vue de prévenir une mesure d’éloignement imminente ”. A l’encontre de cette décision, Monsieur LICINA a fait introduire un recours contentieux tendant à son annulation par requête déposée en date du 15 juin 2000.

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge de l’annulation en matière de demandes d’asiles déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être originaire du Monténégro, et avoir quitté son pays depuis le 1er novembre 1996, en raison des débordements et actes raciaux surgissant dans cette région et ayant engendré dans son chef des craintes quant à son avenir et à sa survie en tant que membre de la minorité musulmane du Monténégro. Il signale en outre ne plus avoir d’attaches familiales dans son pays d’origine de manière à ne pas pouvoir y bénéficier, le cas échéant, d’une quelconque protection familiale, étant donné que sa seule famille, en l’occurrence ses deux frères … et … LICINA, vivraient actuellement et légalement au Grand-Duché de Luxembourg. Il fait encore valoir qu’en cas de retour, il se verrait poursuivi par les forces de l’ordre du seul fait qu’il n’aurait pas effectué son service militaire, pour soutenir que sa situation personnelle serait de nature à justifier une crainte dans son chef d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race et de sa religion musulmane et par conséquent de son appartenance à une minorité ethnique au sens de la Convention de Genève.

Le demandeur critique la décision déférée pour avoir retenu une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures en matière d’asile dans son chef en faisant valoir qu’il aurait été mal informé sur les procédures et aurait d’abord demandé une autorisation de séjour au Grand-

Duché de Luxembourg, suivant en cela les conseils de ses employeurs et amis. Il estime dès lors qu’il y aurait lieu d’annuler la décision déférée afin de permettre au ministre de statuer sur son cas en appréciant la crainte de persécution par lui invoquée.

Il relève en outre que la décision ministérielle n’est intervenue qu’en date du 2 mai 2000, soit près de deux années après l’introduction de sa demande, alors que selon l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée, la décision ministérielle en la matière devrait être prise au plus tard dans un délai de deux mois à partir de l’introduction de la demande.

2 Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur se trouve au Luxembourg depuis l’année 1996, mais n’a déposé sa demande d’asile qu’en date du 18 juin 1998. Il fait valoir que le demandeur resterait en défaut de rapporter la preuve de son ignorance alléguée des procédures d’asile et remarque que cette affirmation semblerait d’autant plus étonnante que bon nombre de ses compatriotes déposeraient une demande d’asile dès leur arrivée au Luxembourg. Il estime que ce serait par ailleurs à juste titre que le ministre aurait rejeté la demande d’asile comme étant manifestement infondée, étant donné que force serait de constater qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et que la crainte invoquée de persécution serait manifestement dénuée de fondement. Il relève en outre qu’en dates des 27 octobre et 3 décembre 1997, le demandeur aurait été invité à quitter le pays et que ce n’était qu’après ces invitations de quitter le territoire qu’il a déposé sa demande d’asile, de sorte que ce serait encore à juste titre que le ministre aurait estimé que la demande de Monsieur LICINA repose sur une fraude délibérée.

Concernant plus particulièrement le délai de deux mois prescrit par la loi pour prendre une décision en la matière, le représentant étatique fait valoir que le respect du délai en question ne serait pas prévu à peine de nullité et qu’en cas d’inobservation de ce délai, le demandeur d’asile ne subirait aucun préjudice, mais qu’au contraire, un délai plus long que celui prévu par la loi, permettrait une meilleure instruction de la demande d’asile qui garantirait ainsi une plus grande protection des droits de la défense.

A titre subsidiaire, il relève que le fait que le requérant n’aurait pas effectué son service militaire et risquerait le cas échéant des poursuites du chef d’insoumission ne constituerait pas, à lui seul, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ”.

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ”. Le même article précise dans son alinéa 2, e) que telle est notamment le cas lorsque le demandeur “ ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, a présenté la demande en vue de prévenir une mesure d’expulsion imminente ”.

En l’espèce, il est constant à travers les pièces versées au dossier que Monsieur LICINA fut invité en date du 21 décembre 1997 à quitter le pays après les fêtes de fin d’année au motif qu’il s’y trouvait en séjour illégal et que ce n’est qu’après avoir fait l’objet de cette invitation qu’il a déposé en date du 18 juin 1998 une demande en obtention du statut de réfugié politique.

S’il est certes constant que conformément aux dispositions de l’article 6 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité, la demande d’asile ne sera pas automatiquement rejetée si le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif aux procédures en matière d’asile lui reproché, il n’en demeure pas 3 moins qu’en l’espèce, l’ignorance alléguée par le demandeur concernant l’existence d’une procédure spécifique en matière d’asile n’emporte pas le conviction du tribunal, étant donné que le demandeur a largement eu l’occasion de combler cette ignorance durant son séjour prolongé au Luxembourg.

Il se dégage par ailleurs des déclarations supplémentaires du demandeur recueillies en date du 28 mars 2000 par un agent du ministère de la Justice, qu’interrogé sur les raisons de la tardiveté de la présentation de sa demande d’asile, il a répondu avoir posé cette demande seulement en 1998 parce qu’il n’a pas obtenu d’autorisation de séjour.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer la demande d’asile présentée par Monsieur LICINA comme manifestement infondée en retenant dans son chef un recours abusif aux procédures en matière d’asile, alors que tout en ayant eu largement au préalable l’occasion de présenter une demande d’asile, il ne l’a présentée que sur le tard en vue de prévenir une mesure d’expulsion imminente, en raison de l’irrégularité de son séjour au Luxembourg, hypothèse plus particulièrement envisagée à l’article 6 alinéa 2 sub e) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité.

Concernant le moyen ayant trait au délai de deux mois pour prendre une décision en matière de demandes d’asiles manifestement infondées, force est de constater que ce délai n’est pas prévu à peine de nullité et que par ailleurs aucun préjudice se dégageant de son inobservation n’a été établi, voire allégué en cause (cf. trib. adm. 10 octobre 1997, n° 10285, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, n° 20).

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juillet 2000 par:

Mme LENERT, premier juge Mme LAMESCH, juge M. SCHROEDER, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12050
Date de la décision : 19/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-19;12050 ?

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