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19/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11746

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2000, 11746


Numéro 11746 du rôle Inscrit le 27 décembre 1999 Audience publique du 19 juillet 2000 Recours formé par Madame … FEIS-BESCH, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11746 du rôle, déposée le 27 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Madame … FEIS-BESCH, demeurant à L-…, tendant à la réformation des bulletins de l'impôt

sur le revenu pour les années 1994 et 1995 émis le 29 octobre 1998 par le bureau d'impos...

Numéro 11746 du rôle Inscrit le 27 décembre 1999 Audience publique du 19 juillet 2000 Recours formé par Madame … FEIS-BESCH, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11746 du rôle, déposée le 27 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Madame … FEIS-BESCH, demeurant à L-…, tendant à la réformation des bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1994 et 1995 émis le 29 octobre 1998 par le bureau d'imposition Luxembourg 3;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Madame … FEIS-BESCH en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

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Dans le cadre de sa déclaration de l'impôt sur le revenu commune avec son époux, Monsieur … FEIS-BESCH, pour l’année 1994, Madame … FEIS-BESCH, consultante, demeurant à L-…, fit valoir au titre de ses revenus provenant d’une occupation salariée du chef de son activité de consultante auprès de la société à responsabilité limitée X.

DEVELOPPEMENT ET PERFORMANCE, ci-après désignée par « la société X. », des frais d’obtention à hauteur de … LUF constitués par des droits de participation à plusieurs séminaires organisés par l’institut C.F.I.P. à Bruxelles et des frais de déplacement, ainsi qu’un abonnement afférents.

A travers la déclaration commune pour l’année 1995, Madame FEIS-BESCH entendit déduire dans le même cadre de son activité de consultante auprès de la société X. des frais d’obtention à hauteur de … LUF constitués par des droits de participation à plusieurs séminaires organisées par l’institut C.F.I.P. à Bruxelles et des frais de déplacement afférents.

Suivant courrier du 14 septembre 1998, le bureau d'imposition Luxembourg 3 avisa les époux FEIS-BESCH de son intention de s’écarter des deux déclarations d’impôt lui soumises sur le point que « pour les années d’imposition 1994 et 1995, les frais d’obtention en rapport avec le revenu d’une occupation salariée de Madame ne sont pas pris en compte, vu que l’intérêt professionnel n’est pas détectable. Vos frais sont donc pris en compte comme dépenses privées conformément à l’article 12 LIR », tout en les invitant à présenter leurs observations afférentes éventuelles pour le 29 septembre 1998 au plus tard.

Madame FEIS-BESCH prit position par courrier du 13 octobre 1998 dans lequel elle relata l’historique et l’activité de la société X. et explicita ses propres fonctions au sein de cette société pour justifier leur lien avec les formations par elle suivies.

Par bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1994 et 1995 émis le 29 octobre 1998 à l’encontre des époux FEIS-BESCH Daniel, le bureau d'imposition Luxembourg 3 refusa la déduction des frais prévisés aux motifs respectivement que « les frais déclarés comme frais d’obtention sont considérés comme frais de formation professionnelle (Ausbildungskosten) et non comme frais de perfectionnement professionnel (Fortbildungskosten) ; ces frais ne sont donc pas déductibles comme f.o. (art. 12 LIR) » et que « vos frais déclarés comme frais d’obtention sont considérés comme frais de formation professionnelle non déductibles ».

Sa réclamation dirigée contre ces bulletins d’impôt étant restée sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, Madame FEIS-BESCH a saisi le tribunal administratif d’un recours par requête déposée le 27 décembre 1999.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l'impôt sur le revenu, dès lors que la réclamation afférente du contribuable n’a pas fait l’objet d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes. La demanderesse, qui n’est pas un professionnel de la postulation, étant censé avoir formé le recours prévu par la loi à défaut d’avoir elle-même autrement spécifié sa nature, le recours introduit s’analyse en un recours en réformation du bulletin déféré.

Le délégué du Gouvernement conteste l’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse en soutenant que les bulletins seraient certes adressés aux époux FEIS-BESCH, mais n’auraient été notifiés qu’en un exemplaire unique avec mention du seul numéro fiscal de l’époux de la demanderesse, alors que l’épouse constituerait, à l’instar du mari, un contribuable qui devrait également recevoir notification d’un exemplaire du bulletin d’impôt indépendamment de la question si elle est imposée ensemble avec son époux ou non. A défaut d’une notification conforme aux exigences du paragraphe 91 AO, le représentant étatique conclut que les bulletins d’impôt ne seraient pas opposables à la demanderesse, laquelle ne serait partant pas affectée dans ses droits par leur effet.

Le cercle de personnes admises à exercer une voie de recours contre un bulletin de l'impôt sur le revenu est circonscrit en l’espèce par les paragraphes 238 et 232 AO.

2 Dans la mesure où conformément au paragraphe 238 AO qui dispose que « befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist », le destinataire d’un bulletin effectivement émis a qualité pour introduire un recours à son encontre, il s’ensuit en l’espèce que la demanderesse est à considérer comme destinataire des bulletins déférés du 29 octobre 1998 la soumettant à l’imposition collective avec son mari du chef de ses revenus indigènes.

L’intérêt à agir est conditionné par les dispositions du paragraphe 232 AO au prescrit duquel « einen Steuerbescheid kann der Steuerpflichtige nur deshalb anfechten, weil er sich durch die Höhe der festgesetzten Steuer oder dadurch beschwert fühlt, dass die Steuerpflicht bejaht worden ist ». La demanderesse peut affirmer en l’espèce qu’elle se sent lésée, nonobstant l’existence alléguée d’une irrégularité au niveau de la notification, par deux décisions d’imposition lui parvenues de la part du bureau d'imposition compétent sous forme des bulletin déférés du 29 octobre 1998 et fixant à son encontre pour les années d’imposition 1994 et 1995 une cote d’impôt dont elle est redevable solidaire ensemble avec son mari. Une irrégularité, voire un défaut de notification valable d’un bulletin d’impôt, outre l’incidence éventuelle sur la recevabilité ratione temporis d’un recours dirigé à son encontre, reste en effet sans incidence sur la question de l’intérêt à agir en la matière du destinataire du bulletin, cet intérêt étant conditionné par les dispositions du paragraphe 232 AO et le contribuable étant admis comme se sentant lésé (« sich beschwert fühlt ») par l’imposition nonobstant l’existence d’une irrégularité au niveau de la notification.

Il s’ensuit que la demanderesse répond à l’ensemble des exigences légales pour pouvoir entamer contre le prédit bulletin d’impôt les voies de recours lui ouvertes par la loi et doit être admise à soumettre au tribunal administratif ses moyens tendant à contester le principe de sa soumission à l'impôt sur le revenu ou la cote de cet impôt fixée à son égard.

Conformément à l’organisation juridictionnelle luxembourgeoise, le tribunal administratif est en effet compétent pour connaître des questions relatives au principe d’imposition et à la cote d’impôt, mais n’est pas le juge des contestations relatives au recouvrement de l’impôt sur le revenu, de sorte qu’il n’est en principe pas appelé à se prononcer sur le caractère valable ou non de la notification à la base de la mise à exécution d’un bulletin d’imposition, sous peine d’empiéter sur une compétence du juge judiciaire et d’être à l’origine, le cas échéant, de décisions juridictionnelles contradictoires.

D’un autre côté, le juge judiciaire n’est pas compétent pour toiser les questions relatives au principe d'imposition et à la cote d'impôt, de sorte que le refus du juge administratif de connaître de celles-ci au motif d’une notification non conforme à la loi, un bulletin d’imposition ayant été émis, risquerait de priver, le cas échéant, le contribuable d’un recours effectif contre une décision d’imposition lui faisant grief par ailleurs au sens du paragraphe 232 AO.

Il s’ensuit que le recours est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi et notamment après l’expiration du délai de six mois prévu par l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose avoir entamé sa carrière professionnelle en 1980 auprès d’une banque de la place en tant qu’employée affectée à une agence. Aspirant à modifier l’orientation de sa carrière professionnelle, elle aurait entamé des études dans le domaine des sciences sociales et de la formation des adultes qui lui auraient permis une mutation au service de la formation interne de cette banque et elle aurait obtenu en 3 1990 une promotion au poste de chef de service du département ressources humaines, formation et développement après une nouvelle formation en matière de ressources humaines.

La demanderesse fait valoir que ce seraient les connaissances et l’expérience professionnelle ainsi acquises qui lui auraient fourni la base nécessaire et suffisante pour exercer à partir de février 1994 l’activité de consultante et ce durant une première phase essentiellement dans le cadre de la société X. dont elle était l’un des fondateurs. Alors que ladite société aurait confiné à l’époque son activité au conseil et à la formation au sein des entreprises, la demanderesse déclare que l’activité de consultant serait plus large et qu’elle aurait dès le début entendu étendre son activité progressivement à l’entraînement et à la formation privés. Elle signale que, suite à une restructuration des activités pour tenir compte de la diversité des publics-cibles, la société X. aurait pris en 1996 la dénomination de X.

DEVELOPPEMENT et ciblerait dorénavant la formation et le développement des adultes dans le domaine économique et surtout financier, tandis que la société X. PERFORMANCE s.à r.l., nouvellement fondée en 1996, serait orientée vers la clientèle des communes, des délégations, des syndicats et des chômeurs.

La demanderesse insiste pour dire que tant dans le domaine d’activité de la société X.

que dans celui de son activité personnelle, une mise à niveau continue des connaissances afin d’être au courant des nouvelles tendances et des derniers acquis scientifiques serait absolument requise, étant donné qu’il s’agirait d’activités en relation avec la psychologie et la formation de personnes. Elle affirme que les dépenses de formation litigieuses s’inséreraient dans ce cadre et devraient dès lors être qualifiées de frais d’obtention déductibles.

Le délégué du Gouvernement de répondre que les principes juridiques seraient clairs et qu’il appartiendrait au tribunal d’apprécier les faits de l’espèce.

Aux termes de l’article 12 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu (LIR), « sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées:

1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité;

(…) ».

L’article 105 LIR dispose que « sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes » et le point 4 dudit article précise que « les frais d’obtention sont déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent ».

Les frais de formation professionnelle (« Ausbildungskosten ») englobent toutes les dépenses faites en vue d’acquérir les connaissances requises pour l’exercice futur d’une profession ou le changement de profession et rentrent dans le cadre des dépenses mixtes au sens de l’article 12. 1 LIR et ne sont dès lors pas déductibles.

Ils se distinguent des frais de perfectionnement professionnel (« Fortbildungskosten ») qui comprennent les dépenses faites par le contribuable pour actualiser ses connaissances professionnelles, mieux répondre aux exigences de sa profession par une qualification 4 améliorée ou faciliter son avancement dans sa profession, sans que les modifications dans sa situation professionnelle qui s’ensuivent n’impliquent un changement fondamental concernant la profession exercée. Au vu du lien causal direct entre les frais ainsi engagés et l’activité du contribuable, les frais de perfectionnement professionnel rentrent dans le champ des frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR.

Cette notion de perfectionnement professionnel ne doit pas être interprétée avec une rigueur excessive, les efforts des salariés en vue de l’amélioration de leurs connaissances et performances professionnelles correspondant à l’intérêt bien compris de l’économie nationale et partant de la société en général (trib. adm. 1er décembre 1999, Picard, n° 11298 du rôle, Pas.adm. 1/2000, v° Impôts, n° 61).

En l’espèce, il résulte des pièces et renseignements soumis au tribunal par les parties que la demanderesse exerçait au sein de la banque où elle était employée des fonctions liées à la gestion des ressources humaines et de la formation continue interne à cette entreprise. Dans la mesure où l’objet de la société X. était la formation et le développement personnel des adultes et qu’elle offrait des formations tant techniques que de développement des compétences relationnelles, personnelles et méthodiques, il y a lieu d’admettre que le départ de la demanderesse de la banque et l’exercice de son activité de consultante au sein de la société X. n’ont pas impliqué dans son chef un changement fondamental de la profession, mais seulement une modification des modalités de son exercice, de sorte que les frais de formation litigieux ne sont pas à considérer comme frais de formation en relation avec l’acquisition des connaissances requises pour l’exercice d’une activité nouvelle.

Il ressort encore des éléments du dossier que l’extension de son activité initialement axée au sein de la société X. sur la formation au sein des entreprises vers l’encadrement et le développement personnel d’intéressés pris individuellement ne peut être considérée en l’espèce comme changement fondamental de profession, mais est à analyser comme prolongement de l’activité dans un but de diversification de la clientèle-cible.

Les formations en cause ayant trait à la connaissance de la psychologie humaine au sens le plus large, elles sont susceptibles de bénéficier à la demanderesse à la fois dans le cadre de l’extension de son activité professionnelle et pour ses missions au sein de la société X., de manière à ce qu’elles doivent être considérées comme trouvant leur cause dans sa profession, en l’absence d’un quelconque indice d’un lien avec la vie privée de la demanderesse. De même, l’abonnement à une publication de l’institut C.F.I.P. doit être qualifié de dépense professionnelle.

Quant aux frais de déplacement liés au suivi des formations en cause dispensées à Bruxelles, la demanderesse a indiqué dans ses déclarations d’impôt avoir effectué dix voyages en train au cours de l’année 1994 et onze déplacements en voiture privée durant l’année 1995.

En l’absence de contestation des montants afférents et au vu de leur caractère non manifestement disproportionné, il y a lieu d’en admettre le principe et le quantum.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours est fondé et que les bulletins d’impôt déférés encourent la réformation en ce sens que les frais de participation à plusieurs séminaires organisées par l’institut C.F.I.P. à Bruxelles et les frais de déplacement ainsi qu’un abonnement afférents, constituent à concurrence de … LUF pour l’année 1994 et de … LUF au titre de l’année 1995 des frais d’obtention déductibles dans le cadre des revenus d’une occupation salariée exercée par la demanderesse.

5 PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation recevable, le dit également fondé, partant, par réformation des bulletins d’impôt déférés, dit que les frais de participation à plusieurs séminaires organisées par l’institut C.F.I.P. à Bruxelles et les frais de déplacement ainsi qu’un abonnement afférents, constituent à concurrence de … LUF pour l’année 1994 et de … LUF au titre de l’année 1995 des frais d’obtention déductibles dans le cadre des revenus d’une occupation salariée exercée par la demanderesse, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 19 juillet 2000 par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11746
Date de la décision : 19/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-19;11746 ?

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