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19/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11439

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2000, 11439


N° 11439 du rôle Inscrit le 4 août 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formé par la société à responsabilité limitée RESTALIA s. à r.l.

contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11439 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par

Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la...

N° 11439 du rôle Inscrit le 4 août 1999 Audience publique du 19 juillet 2000

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Recours formé par la société à responsabilité limitée RESTALIA s. à r.l.

contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11439 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 1999 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée RESTALIA s. à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal relatifs à l’année 1985, émis le 13 août 1992 par le bureau d’imposition Sociétés IV de l’administration des Contributions directes, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes à l’égard de la réclamation introduite à l’encontre des bulletins prévisés en date du 16 novembre 1992 ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2000 par Maître Roland ASSA pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Yves HUBERTY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2000 ;

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Le 13 août 1992, le bureau d’imposition Sociétés IV de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de la société à responsabilité limitée RESTALIA s. à r.l., établie à L-…, ci-après appelée “ la société RESTALIA ”, un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et un bulletin de l’impôt commercial communal relatifs à l’année 1985.

A l’encontre de ces bulletins, la société RESTALIA introduisit, par lettre datant du 16 novembre 1992, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé “ le directeur ”, en contestant “ le bien-fondé de la réintégration dans le résultat imposable de l’année, de l’amortissement de la créance irrécouvrable détenue envers la société “ … ”, société à responsabilité limitée au montant de ….- LUF, ainsi que l’assimilation de cette opération à une distribution cachée de bénéfice. ” La société réclamante releva en outre que les bulletins en question “ ont été émis sans que la prescription impérative du paragraphe 205, alinéa 3 AO ait été observée ”.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de cette réclamation, la société RESTALIA a introduit le 4 août 1999 un recours tendant à la réformation des deux bulletins précités de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée “ Abgabenordung ”, ci-après désignée par “ AO ”, et des articles 8 (3) alinéas 1er et 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il a compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre les bulletins déférés de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal de l’année 1985, étant entendu que le recours dirigé contre le bulletin de l’impôt commercial communal doit s’entendre comme étant dirigé contre le bulletin de la base d’assiette dudit impôt, ceci eu égard à la nature des critiques élevées à travers la requête introductive d’instance.

Le recours ayant été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi et non autrement contesté sous ce rapport, il est recevable.

A l’appui de son recours la société demanderesse expose d’abord que pendant l’exercice fiscal 1985 les quatre sociétés suivantes, à savoir les sociétés à responsabilité limitée …, auraient formé un groupe de sociétés exploitant entre autres des restaurants-

pizzerias sous l’enseigne “ X. ” et ce notamment à Luxembourg-Ville, Echternach, Diekirch et Remich, tout en signalant que les associés des quatre sociétés en question étaient quasiment toujours les mêmes. Elle relève encore qu’il n’y a pas eu de participations croisées entre les quatre sociétés et que pendant l’année 1985, sans préjudice quant à la date exacte, les sociétés … ont accordé des remises de dettes au profit de la société … de l’ordre respectivement de …, …, - et …,- LUF, en précisant que le mobile de ces remises de dettes aurait été purement commercial, dans la mesure où les difficultés financières graves mettant en jeu la survie économique de la société … auraient risqué de causer une perte d’image pour l’enseigne X. se traduisant nécessairement par une baisse de la clientèle et donc du chiffre d’affaires des autres établissements exploités sous cette enseigne par les différentes sociétés du groupe.

2 La demanderesse estime dès lors qu’en accordant plus particulièrement une remise de dettes de l’ordre de ….- LUF à la société …, elle aurait contribué de façon substantielle à la survie économique des autres sociétés du groupe, garantissant ainsi l’emploi du personnel y occupé et les droits des différents créanciers.

La société RESTALIA ayant dans cet ordre d’idées invoqué la remise de dette en question à titre de perte exceptionnelle dans le cadre de sa déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 1985, elle estime que ce serait à tort que le bureau d’imposition a réintégré le montant en question dans le résultat imposable sous la qualification de distribution cachée de bénéfices.

La partie demanderesse reproche encore au bureau d’imposition d’avoir manqué aux obligations découlant du paragraphe 205 alinéa 3 AO, au motif qu’il aurait omis de l’informer préalablement à l’établissement des bulletins litigieux au sujet de la remise de dette litigieuse.

Le délégué du Gouvernement relève qu’aux termes mêmes de la requête introductive du recours, la société … connaissait en 1985 des difficultés financières graves, de sorte que dans ces conditions la remise de dette litigieuse s’expliquerait par le fait que l’une et l’autre société avaient comme associé majoritaire Monsieur … et appartenaient donc à un même groupe pratiquant, selon les termes de la réclamation, une politique d’entraide. Il estime qu’il serait dans ces conditions insatisfaisant d’exiger pour la validité de la procédure d’imposition que le contribuable soit entendu sur une qualification par laquelle il aurait essayé de forcer la main à l’autorité publique en déclarant comme créance irrécouvrable ce qui était une mesure de renflouement en faveur d’une autre société appartenant à son associé majoritaire.

Les questions de procédure étant à analyser avant les questions ayant trait au fond, le tribunal est amené à examiner d’abord le moyen invoqué par les demandeurs quant à une prétendue violation du paragraphe 205, alinéa 3 AO.

Le paragraphe 205, alinéa 3 AO dispose que : “ Wenn von der Steurerklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ”.

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une “ wesentliche Abweichung ” en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (“ Anspruch auf Gehör ”), tel qu’il résulte du paragraphe 204, alinéa 1er AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

3 A cet effet le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées en vue d’établir les bases d’imposition.

Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette “ wesentliche Abweichung ” en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition.

En l’espèce, la situation de fait à la base de l’imposition litigieuse, à savoir la remise de dette accordée par la société RESTALIA à la société … de l’ordre de ….-

Luf, fut acceptée dans toute sa teneur par le bureau d’imposition, de sorte que celui-ci ne saurait être considéré comme s’étant écarté substantiellement des éléments lui soumis à travers la déclaration d’impôt du contribuable.

En effet, la divergence mise en avant par la société RESTALIA, tant à travers sa réclamation qu’à travers le recours contentieux sous analyse, ne provient d’aucun ajout quelconque d’éléments ou de données par rapport à ceux produits par le contribuable à travers sa déclaration d’impôt et s’analyse en substance purement en une question d’application de la loi qui relève de la compétence du bureau d’imposition, seul appelé à apprécier à ce stade de la procédure d’imposition, si les conditions légales d’application de l’article 164 (3) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé “ LIR ”, sont réunies.

Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen des demandeurs tendant à l’annulation des bulletins déférés pour cause de violation du paragraphe 205 alinéa 3 AO n’est pas fondé.

Il se dégage du bulletin déféré de l’impôt sur le revenu des collectivités que le bureau d’imposition a rajouté au bénéfice commercial de la société RESTALIA le montant de ….- Luf en tant que “ distributions cachées de bénéfice ” au motif suivant :

“ non prise en considération par le bureau d’imposition Sociétés IV de la renonciation à la créance envers la société à responsabilité limitée … qui a été traitée comme apport occulte de M. …en société ”.

La partie demanderesse, qui entendait amortir cette somme en tant que créance irrécouvrable, critique cette manière de procéder du bureau en faisant valoir que les conditions d’application de l’article 164 (3) L.I.R. pour retenir la qualification de distribution cachée de bénéfice ne seraient pas réunies en l’espèce, étant donné que l’opération de la remise de dette n’aurait conféré aucun avantage aux associés et que par ailleurs elle aurait eu un objectif commercial dans le chef de la société RESTALIA, dans la mesure où elle aurait été destinée à sauver la société … qui était à l’époque au bord de la faillite et que cette faillite aurait mis en jeu la survie économique des autres sociétés du groupe et plus particulièrement celle de la société RESTALIA.

4 L’article 164 L.I.R. dispose dans son alinéa 3 que “ les distributions cachées de bénéfice sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distributions cachées de bénéfice notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité. ” Cette disposition est l’application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s’interpréter en fonction de cette finalité (cf. C.E. 13 janvier 1987, n° 6690 du rôle, Overseas Development Bank).

D’une façon générale, il y a distribution cachée lorsque des revenus passent du patrimoine social au patrimoine individuel de l’actionnaire et que l’enrichissement de l’actionnaire trouve sa cause dans le contrat de société.

Il est constant que le remboursement est un élément essentiel du prêt et que la renonciation au remboursement à travers la remise de dette litigieuse a en principe engendré un appauvrissement de la société RESTALIA au bénéfice direct de la société …, qui a vu son actif net s’accroître par cette opération.

Dans la mesure où Monsieur …, qui détient, suivant les informations fournies en cause, 375 parts sur un total de 500 dans la société …, est l’associé majoritaire de cette dernière, il a été appelé à bénéficier, certes indirectement, mais nécessairement, à travers sa participation dans la société …, de l’enrichissement par elle réalisé à travers la remise de dette litigieuse.

Il se dégage des considérations qui précèdent que Monsieur …, en tant qu’associé majoritaire de la société RESTALIA avec une participation de 425 parts sur 500, a reçu indirectement un avantage de la société RESTALIA dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité.

Aucune contrepartie de la part de la société … à la remise de dette litigieuse n’ayant en effet été prévue, l’avantage commercial escompté du côté de la société RESTALIA, par ailleurs patent également dans le chef de Monsieur …, ne saurait en tout état de cause valoir à l’opération litigieuse le caractère d’un échange équilibré et effectué dans l’intérêt de la société RESTALIA, face à la prépondérance de l’intérêt dégagé dans le chef de l’un de ses associés, en l’occurrence Monsieur ….

A défaut d’éléments pertinents établis permettant de mettre en cause la qualification de distribution cachée de bénéfice telle que prévue par l’article 164 LIR, c’est partant à bon droit et pour de justes motifs que le bureau d’imposition a retenu cette qualification dans le chef de la remise de dette litigieuse et a refusé de prendre en considération l’amortissement afférent en tant que créance irrécouvrable.

Le recours laisse par conséquent d’être fondé.

Au regard de l’issue du litige, il n’y a pas lieu d’accorder une indemnité de procédure à la partie demanderesse.

5 Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juillet 2000 par M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11439
Date de la décision : 19/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-07-19;11439 ?

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